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22/11/2018 | FRANCE | N°18-14642

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 novembre 2018, 18-14642


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 3211-11, L. 3211-12-1, L. 3216-1 et R. 3211-12 du code de la santé publique ;

Attendu que, dans le cas où il est saisi, sur le fondement du deuxième de ces textes, pour statuer sur la réadmission en hospitalisation complète d'un patient intervenue en application du premier, le juge peut contrôler la régularité des décisions ayant maintenu le programme de soins qui a été transformé en hospitalisation, à la condition

que cette régularité soit contestée devant lui, même pour la première fois en cau...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 3211-11, L. 3211-12-1, L. 3216-1 et R. 3211-12 du code de la santé publique ;

Attendu que, dans le cas où il est saisi, sur le fondement du deuxième de ces textes, pour statuer sur la réadmission en hospitalisation complète d'un patient intervenue en application du premier, le juge peut contrôler la régularité des décisions ayant maintenu le programme de soins qui a été transformé en hospitalisation, à la condition que cette régularité soit contestée devant lui, même pour la première fois en cause d'appel ; qu'à l'occasion de ce contrôle, il appartient au juge de solliciter la communication des certificats relatifs au programme de soins, s'ils sont critiqués, dès lors qu'ils ne sont pas au nombre des pièces au vu desquelles la mesure d'hospitalisation complète a été décidée, dont le dernier texte prévoit la communication systématique au juge ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que Mme Y... a présenté des troubles psychiatriques qui ont motivé des soins sans consentement, tantôt sous le régime d'une hospitalisation complète, tantôt en soins ambulatoires, sous la forme d'un programme de soins ; que, le 6 janvier 2018, alors qu'un programme de soins était en cours depuis le 15 mai 2017, en application d'une décision du directeur d'établissement, celui-ci a pris une décision de réadmission en hospitalisation complète, puis a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure ; qu'en cause d'appel, Mme Y... a contesté la régularité du programme de soins, en invoquant l'absence des certificats médicaux mensuels ;

Attendu que, pour maintenir la mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, l'ordonnance retient que la patiente a évoqué à plusieurs reprises le programme de soins préalable à la réadmission, qu'elle respectait, de sorte qu'aucune atteinte aux droits n'était caractérisée ;

Qu'en statuant ainsi, sans solliciter la communication des certificats médicaux obligatoires établis mensuellement en application de l'article L. 3212-7 du code de la santé publique, ni rechercher si, dans le cas où le programme de soins aurait été maintenu en l'absence de certificats mensuels, une telle irrégularité portait atteinte aux droits de la patiente, le premier président a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire, dont l'application est suggérée par le mémoire ampliatif ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 2 février 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance confirmative attaquée d'AVOIR prononcé le maintien en hospitalisation complète sans consentement de Mme Y... ;

AUX MOTIFS QUE sur l'absence des certificats médicaux relatifs au programme de soins en cours : les certificats médicaux figurant dans la procédure soumise à la Cour font expressément référence à une mesure de contrainte depuis le 4 février 2017 en SPPI et à l'admission de D... Y... pour rupture de programme de soins, qui constitue donc le support de la mesure actuelle ; à l'audience, D... Y... a évoqué à plusieurs reprises le programme de soins en cours, insistant sur le fait qu'elle le respectait à la lettre, qu'elle répondait à toutes les convocations et qu'elle avait même sollicité les infirmiers afin qu'ils se rendent à son domicile au début du mois de janvier 2018, compte tenu de la persistance des conflits avec son voisinage ; dès lors, aucune atteinte aux droits n'étant caractérisée ; Sur le fond ; [...] ; en l'espèce, il résulte des différents certificats médicaux, et notamment de l'avis médical du 11 janvier 2018, que D... Y... faisait l'objet d'une mesure de contrainte depuis le 4 février 2017 en SPPI et bénéficiait d'un programme de soins lorsqu'elle a été à nouveau hospitalisée le 6 janvier 2018, pour agitation psychomotrice et hétéro-agressivité, dans un contexte de conflit avec le voisinage ; à son arrivée, elle contestait les raisons de son hospitalisation, déclarant que c'était elle qui était la victime de ses voisines qui l'avaient rouée de coups et refusait tout traitement neuroleptique au prétexte d'une pathologie cardiaque ; elle se montrait également agressive verbalement à l'égard du personnel soignant, avec une certaine propension à la violence physique ; les troubles mentaux et le contexte d'hétéro-agressivité et de délire paranoïde justifiaient la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte ; il résulte du dernier certificat de situation en date du 31 janvier 2018 que depuis quelques jours, le délire de persécution et l'agressivité verbale se sont amendés, D... Y... acceptant à nouveau son traitement, sans en contester l'efficacité ou encore l'incompatibilité avec ses troubles cardiaques ; l'accélération du cours de la pensée et la volubilité étant persistantes, le Docteur A... envisage à brève échéance un retour en programme de soins, dès que les troubles thymiques seront moins aigus ; l'audition de ce jour n'a pas permis de faire une évaluation différente de la situation ; au regard de l'ensemble de ces éléments, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte apparaît prématurée compte tenu des événements récents s'inscrivant dans une suite d'antécédents de même nature, et alors qu'un retour en programme de soins à brève échéance est envisagé par le psychiatre ;

ALORS, D'UNE PART, QU' il relève de l'office du juge de vérifier la régularité formelle du programme de soins en cours, dont le directeur de l'établissement hospitalier demande la modification sous forme d'hospitalisation complète ; qu'en l'espèce, Mme Y... faisait valoir que ne figurait à son dossier aucun certificat médical, à l'exception de celui relatif à la mise en place originelle du programme de soins datant de mai 2017 et de ceux datant du 6 au 11 janvier 2018, postérieurs à son arrestation policière et à son hospitalisation forcée, ainsi que cela figure sur la requête de l'établissement hospitalier ; qu'en s'abstenant, ainsi qu'il y était pourtant invité, de vérifier la présence au dossier de l'ensemble des certificats médicaux obligatoires devant être établis mensuellement en application de l'article L. 3212-7 du code de la santé publique au motif totalement inopérant que la patiente connaissait l'existence du programme de soins et affirmait s'être rendue à toutes les convocations qu'elle avait reçues, le premier président de la cour d'appel a méconnu son office en violation dudit article L. 3212-7 ensemble l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'aucune mesure de contrainte à l'égard d'une personne soumise à un programme de soins ambulatoires ne peut être exercée sans que la prise en charge ait été préalablement transformée en hospitalisation contrainte à temps complet, sur le fondement de l'avis du psychiatre traitant ; qu'il relève de l'office du juge de vérifier la régularité formelle du programme de soins en cours, dont le directeur de l'établissement hospitalier demande la modification sous forme d'hospitalisation complète ; qu'en l'espèce, Mme Y... faisait valoir que ne figurait à son dossier aucun certificat médical, à l'exception de celui relatif à la mise en place originelle du programme de soins datant de mai 2017 et de ceux datant du 6 au 11 janvier 2018, postérieurs à son arrestation policière et à son hospitalisation forcée ; qu'en s'abstenant, de vérifier la présence au dossier du certificat médical d'un psychiatre de ville recommandant l'hospitalisation complète, antérieur à celle-ci, le premier président de la cour d'appel a méconnu son office en violation des articles L. 3211-2-1 et L. 3211-12-1 du code de la santé publique ;

ALORS, ENFIN, QU'il appartient au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en l'espèce, le premier président a énoncé d'un côté que l'hôpital invoquait une rupture du programme de soins de la part de la patiente et d'un autre côté que cette dernière contestait ce fait ; qu'en s'abstenant totalement de statuer sur le fait de savoir si le programme de soins avait été rompu par la patiente, ainsi que le soutenait le directeur de l'hôpital à l'appui de la mesure d'hospitalisation complète ou s'il n'avait pas été rompu comme le faisait valoir Mme Y..., au besoins en ordonnant toute mesure d'instruction qu'il jugeait nécessaire, le premier président de la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 12 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-14642
Date de la décision : 22/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies et les dépendances - Lutte contre les maladies mentales - Modalités de soins psychiatriques - Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques - Procédure - Décision de maintien du programme de soins - Certificats médicaux mensuels obligatoires - Défaut - Effets - Détermination

Il incombe au juge de rechercher si, dans le cas où le programme de soins aurait été maintenu en l'absence de certificats mensuels obligatoires, une telle irrégularité portait atteinte aux droits du patient


Références :

Sur le numéro 1 : articles L. 3211-11, L. 3211-12-1, L. 3216-1 et R. 3211-12 du code de la santé publique

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 nov. 2018, pourvoi n°18-14642, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:18.14642
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