La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/11/2018 | FRANCE | N°18-82042

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 novembre 2018, 18-82042


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. I... X...,

contre l'arrêt n° 100/18 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 6 mars 2018, qui, dans l'information suivie, notamment, contre lui des chefs de complicité d'escroquerie en bande organisée et recel en bande organisée, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction maintenant la saisie pénale d'un compte bancaire ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 octobre 2018 où étaient

présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale :...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. I... X...,

contre l'arrêt n° 100/18 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 6 mars 2018, qui, dans l'information suivie, notamment, contre lui des chefs de complicité d'escroquerie en bande organisée et recel en bande organisée, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction maintenant la saisie pénale d'un compte bancaire ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 octobre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Y..., conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, M. Laurent, conseiller référendaire ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle OHL et VEXLIARD, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général Z... ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle du 16 juillet 2018 ordonnant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier protocole additionnel à ladite Convention, 2 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 131-21 du code pénal, préliminaire, 706-141, 706-148, 706-154, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a ordonné le maintien de la saisie pénale des sommes figurant au crédit des comptes bancaires n° [...] ouverts par M. X... dans les livres de la Société marseillaise de crédit (SMC), pour un montant total de 6 906,48 euros ;

"aux motifs qu'il résulte de l'enquête et de l'information présomption des faits suivants : le 6 février 2017, un camion était volé à Marseille ; que son propriétaire l'avait équipé antérieurement d'un dispositif de géolocalisation, ce qui menait les enquêteurs jusqu'à un terrain appartenant à M. Michel A... où ils découvraient trois personnes : M. A..., qui s'affairait sur ledit camion ; M. Stéphane B... qui se trouvait sur le terrain ; un individu occupé à monter de fausses plaques sur le véhicule qui parvenait à prendre la fuite à la vue des enquêteurs ; qu'étaient découverts de multiples véhicules volés, des pièces de véhicules volés et un ordinateur portable pouvant servir au démarrage ou au « réencodage » des véhicules ; que M. A... reconnaissait s'adonner à l'activité de recel de vol il était mis en examen des chefs de recel de vol en bande organisée (D252) ; que M. A... dénonçait M. B... comme étant coauteur des infractions commises ; qu'il précisait notamment que ce dernier avait conduit le camion volé ; que néanmoins, M. B... contestait les infractions reprochées ; que ses explications étaient floues ; qu'il déclarait s'être trouvé là pour aider M. A... à couper du bois ; qu'il disait ne connaître que le prénom de la personne ayant pris la fuite et affirmait ignorer l'existence d'activités illicites sur le terrain (D264) ; qu'il était également mis en examen ; que les investigations réalisées sur commission rogatoire démontraient l'existence d'un large trafic fonctionnant sur le modèle suivant : des personnes déclaraient faussement le vol de leur véhicule, elles entreposaient le véhicule dans une casse, le véhicule était ensuite démonté par les agents des casses, les pièces étant finalement emportées par une équipe d'individus polonais pour être vendues en Pologne ; que le magistrat instructeur était saisi supplétivement de ces faits par réquisitoires des 28 septembre et 4 octobre 2017 ; que les surveillances des enquêteurs permettaient l'identification d'un entrepôt à Marseille dont l'exploitation était assurée par M. X... ; que les Polonais qui récupéraient les pièces automobiles volées à l'aide d'un véhicule "Mercedes" s'arrêtaient fréquemment dans cet entrepôt où des livraisons étaient opérées ; que M. X... était interpellé le 3 octobre 2017 ; qu'il était trouvé porteur d'une somme de 1 040 euros et qu'un fusil de chasse était saisi à son domicile ; que le 5 octobre 2017, M. X... était mis en examen des chefs de complicité d'escroqueries commises en bande organisée et de recel de véhicules et pièces automobiles en bande organisée (D 3735 etamp; s.) ; qu'il reconnaissait avoir convoyé des voitures pour le compte des polonais de Marseille à Miramas depuis le début de l'année 2017 évaluant leur nombre à six ou sept ; que les véhicules provenaient d'un réseau organisé établi selon lui [...] ; que les investigations amenaient également, le 3 octobre 2017, à l'interpellation des "Polonais" MM. J... C...,K... D... et L... E... ; que le même jour étaient interpellés MM. F... G..., H... M..., N..., qui, à l'issue de leur garde à vue étaient mis en examen ; que par réquisitoire supplétif du 16 janvier 2018, le magistrat était saisi de faits d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes ou délits ; que le 31 janvier 2018, le magistrat instructeur a notifié à M. X... sa mise en examen supplétive pour ces faits ; qu'il a reconnu avoir remis des véhicules aux "Polonais" sachant qu'ils provenaient de "coups d'assurance" ; qu'il a précisé que son activité principale avec eux concernait des catalyseurs ;

"et aux motifs que par mémoire régulièrement enregistré au greffe de la chambre de l'instruction, le conseil de M. X... sollicite l'infirmation de la décision et demande à la cour de dire juger que la saisie pénale ne peut intervenir au visa des articles 131-21 alinéa 6, la peine de confiscation sur l'ensemble du patrimoine n'étant pas encourue ; que l'article 313-7 du code pénal n'envisage la confiscation que pour la chose qui a servi à commettre l'infraction ou qui en est le produit ; or il n'est nullement avéré que les sommes figurant au crédit des comptes soient le produit des infractions ; qu'il ajoute que la saisie porte une atteinte disproportionnée aux droits de M. X... dès lors que les saisies effectuées ont porté sur l'intégralité de ses comptes bancaires et de ses sociétés ; qu'il conteste le montant évalué du préjudice résultant des infractions estimant le calcul fantaisiste, et fait observer qu'en tout état de cause la responsabilité ne peut en incomber intégralement à M. X... ; que le ministère public requiert la confirmation de la décision déférée ; que par ordonnance du 11 octobre 2017, rendue au visa des articles 706-41 à 706-147, 706-153, 706-154 du code de procédure pénale, sur réquisitions du ministère public, le magistrat instructeur a maintenu la saisie du solde (6 852, 79 euros, 16,36 euros, 6,67euros et 30,66 euros) des comptes ouverts à la Société marseillaise de crédit, comptes dont M. X... est titulaire ; que cette ordonnance a été notifiée au procureur de la République, au titulaire de ces comptes, à l'établissement bancaire dans lequel ce compte est ouvert, à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoir saisis et confisqués (AGRASC) ainsi qu'au conseil de M. X... ; que le magistrat instructeur a motivé la saisie, en considérant que le mis en examen encourait la confiscation de tout ou partie de son patrimoine au visa de l'article 131-21 alinéa 6 code pénal ; qu'à l'issue de l'interrogatoire de première comparution du 5 octobre 2017, M. X... a été mis en examen pour des faits de complicité d'escroqueries réalisées en bande organisée et des faits de recel en bande organisée de véhicules et pièces automobiles provenant d'un crime ou un délit, en l'espèce de vol en bande organisée ; qu'ainsi, au jour de l'ordonnance critiquée, le 11 octobre 2017, M. X... n'était pas mis en examen du chef d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes, de sorte que la confiscation de l'intégralité du patrimoine évoquée par le magistrat instructeur dans sa décision n'était pas encourue ; que si effectivement l'on peut regretter que le magistrat instructeur ait fait application des dispositions de l'article 131-21 alinéa 6 relatif à la confiscation de tout ou partie des biens du mis en examen dite "générale", alors que seuls les alinéas 2, 3 et 5 étaient effectivement applicables, l'ordonnance est cependant régulière, dès lors que l'avis du ministère public avait été requis et que la procédure a été respectée, l'ordonnance de maintien de la saisie pénale ayant été prise dans le délai de 10 jours prévu au premier alinéa de l'article 706-154 du code de procédure pénale et régulièrement notifiée ; que le magistrat instructeur a expressément visé dans son ordonnance, outre l'article 131-21 du code pénal, les articles 706-141 à 706-147, 706-153 et 706-154 du code de procédure pénale ; que l'ordonnance déférée est anéantie par l'appel et la cour n'étant pas tenue par les motifs y figurant, peut substituer les siens propres ; qu'il s'ensuit que la cour saisie de l'entier litige relatif à cette saisie doit apprécier si ces dispositions sont ou non applicables ; que l'article 706-141 du code de procédure pénale autorise le recours à une mesure de saisie spéciale "aux fins de garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation selon les conditions définies à l'article 131-21 du code pénal" et les articles 706-148, 706-150, 706-153 et 706-154 du code précité habilitent le magistrat instructeur à y procéder en cas d'ouverture d'information ; qu'il s'ensuit qu'une saisie pénale spéciale ne peut être prononcée que si elle est nécessaire pour garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation susceptible d'être prononcée selon les conditions définies par l'article 131-21 du code pénal ; que contrairement à ce qui est soutenu, il n'est pas exclu en l'état des investigations et en l'absence de tout justificatif que les sommes saisies puissent être le produit direct ou indirect des infractions reprochées, de sorte que la confiscation est encourue ; que d'autre part, M. X... encourt en tout état de cause une peine d'au moins cinq ans d'emprisonnement, de sorte que la confiscation prévue par l'alinéa 5 de l'article 131-21 pourrait également être prononcée en cas de condamnation ; que dans l'attente, la mesure de saisie apparaît donc nécessaire pour prévenir l'éventuelle dissipation de la somme concernée, et garantir la confiscation encourue ; que les dispositions de l'article 131-21 alinéa 9 du code pénal peuvent donc recevoir application ; qu'enfin, aux termes de l'article préliminaire III du code de procédure pénale, « les mesures de contraintes (...) doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure [et] proportionnées à la gravité de l'infraction (...) » ; que s'il est exact que la saisie en valeur implique que le montant de la saisie n'excède pas celui du produit des infractions, et que dès lors que les victimes d'escroquerie n'ont pas encore été, à ce stade de la procédure clairement identifiées, le calcul opéré par les enquêteurs est une simple hypothèse, de sorte qu'on ne peut effectivement en l'état imputer à M. X... un préjudice de plusieurs millions d'euros, il y a lieu d'observer que M. X... a reconnu avoir participé aux faits d'escroqueries à hauteur de six ou sept véhicules et avoir convoyé plusieurs véhicules pour le compte des "Polonais", véhicules qui se sont avérées volés ; qu'eu égard au montant de la somme saisie sur le contrat d'assurance vie et aux sommes saisies par ailleurs sur les comptes personnels de M. X..., seules saisies qui ont été confirmées par arrêts séparés de ce jour, la saisie n'apparaît pas disproportionnée au regard de l'importance du préjudice tant des sociétés d'assurance que des victimes des faits sur lequel porte l'instruction, et de la nature des faits dont M. X... est susceptible de devoir répondre, la circonstance de bande organisée ayant été retenue ; que la décision doit être confirmée ;

"alors qu'il appartient à la chambre de l'instruction, saisie d'un appel contre une ordonnance du juge de l'instruction ayant ordonné le maintien d'une saisie provisoire sur le fondement des articles 706-148 et 706-154 du code de procédure pénale, et afin d'assurer le respect du droit de propriété garanti tant par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme que par l'article 2 de la déclaration des droits de 1789, de contrôler si la saisie autorisée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété de l'intéressé ; qu'en se bornant à affirmer que les saisies opérées sur le contrat d'assurance-vie et les comptes personnels de M. X... n'apparaissaient pas disproportionnées au regard du produit des infractions, sans préciser le montant du produit des infractions poursuivies et sans, dès lors, mettre la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, la chambre de l'instruction n'a pas satisfait aux exigences des textes précités" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 131-21 du code pénal et 706-141-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'article 706-141-1 du code de procédure pénale que le montant d'une saisie pénale en valeur ne doit pas excéder la valeur du bien susceptible de confiscation ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le 11 octobre 2017, le juge d'instruction a ordonné, en application du sixième alinéa de l'article 131-21 du code pénal, pour un montant total de 6 906,48 euros, le maintien de la saisie du solde figurant à l'actif de quatre comptes bancaires dont est titulaire M. X..., mis en examen à cette époque des chefs de complicité d'escroquerie en bande organisée et recel en bande organisée ; que le demandeur a interjeté appel de cette décision ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise après avoir requalifié la saisie de patrimoine ordonnée par le juge d'instruction en saisie en valeur fondée sur l'article 131-21, alinéa 9 du même code, l'arrêt énonce, notamment, que s'il est exact que la saisie en valeur implique que le montant de la saisie n'excède pas celui du produit des infractions, et que, dès lors que les victimes d'escroquerie n'ont pas encore été, à ce stade de la procédure clairement identifiées, le calcul opéré par les enquêteurs est une simple hypothèse, on ne peut en l'état imputer à M. X... un préjudice de plusieurs millions d'euros, il y a lieu d'observer que celui-ci a reconnu avoir participé aux faits d'escroqueries concernant six ou sept véhicules et avoir convoyé plusieurs autres véhicules qui se sont avérés volés ; que les juges ajoutent que, eu égard, au montant des sommes saisies sur les comptes personnels de l'intéressé et sur les contrats d'assurance vie, la saisie n'apparaît pas disproportionnée au regard de l'importance du préjudice tant des sociétés d'assurance que des victimes des faits, et de la nature des faits dont il est susceptible de devoir répondre, la circonstance de bande organisée ayant été retenue ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans s'assurer que le montant des sommes saisies n'excédait pas la valeur du produit des infractions de complicité d'escroquerie en bande organisée et de recel en bande organisée pour lesquelles M. X... a été mis en examen et sans mettre la Cour de cassation en mesure de s'en assurer, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 6 mars 2018, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d' Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un novembre deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-82042
Date de la décision : 21/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-En-Provence, 06 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 nov. 2018, pourvoi n°18-82042


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Ohl et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:18.82042
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award