LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 décembre 2017), qu'aux termes d'un acte sous seing privé du 22 juillet 2010, M. et Mme X... (les emprunteurs) ont souscrit solidairement auprès de la société Crédit lyonnais (la banque) un prêt à la consommation ; que, des échéances étant demeurées impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme et a assigné les emprunteurs en paiement du solde restant dû ; que ceux-ci ont opposé la nullité du prêt sur le fondement de l'article 414-1 du code civil, pour altération des facultés mentales de M. X... au moment de l'acte ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en annulation de l'engagement de l'épouse envers la banque et de la condamner au paiement du solde du prêt, alors, selon le moyen, que l'annulation d'un prêt contracté par deux époux pour cause d'insanité d'esprit d'un des époux, frappe l'acte de prêt en son entier et s'étend à l'engagement des deux époux ; qu'en décidant, au contraire, que l'insanité d'esprit de M. X... ne rendait nul le prêt du 22 juillet 2010 qu'à son égard, l'engagement de Mme X... restant valable, la cour d'appel a violé l'article 414-1 du code civil ;
Mais attendu que si le codébiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer toutes les exceptions qui résultent de la nature de l'obligation, et toutes celles qui lui sont personnelles, ainsi que celles qui sont communes à tous les codébiteurs, il ne peut se prévaloir des exceptions qui sont purement personnelles à quelques-uns des autres codébiteurs ; que l'exception de nullité pour insanité d'esprit de l'auteur d'un acte étant une exception purement personnelle au débiteur qu'elle est destinée à protéger, la cour d'appel a exactement décidé qu'elle ne pouvait être opposée par Mme X... dont l'obligation restait valable ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen :
Attendu que les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que le banquier doit vérifier la réalité des ressources et des charges déclarées par l'emprunteur en cas d'anomalie apparente, afin de mettre en garde ce dernier, le cas échéant, sur le risque d'endettement né de l'octroi du prêt ; que pour débouter M. et Mme X... de leur demande indemnitaire, l'arrêt attaqué a retenu qu'au regard de leurs revenus et charges mentionnés dans l'offre de prêt il n'existait pas de risque d'endettement appelant une mise en garde de la part de la société Crédit lyonnais ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que l'offre de prêt indiquait que Mme X... ne supportait pas la moindre charge pour des revenus annuels de 20 930 euros mais que pour des revenus annuels comparables, soit 22 410 euros, son époux payait des charges annuelles de 6 700 euros, ce dont il résultait qu'il y avait une anomalie apparente et que la banque aurait dû vérifier la réalité de la situation des emprunteurs, la cour d'appel a violé l'ancien article 1147, devenu 1231-1 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que les emprunteurs avaient mentionné sur l'offre de prêt leurs ressources et charges, l'arrêt retient qu'au regard de ces éléments, ceux-ci disposaient de capacités financières leur permettant de faire face à la charge de remboursement du prêt litigieux et qu'il n'existait aucun risque d'endettement né de l'octroi du crédit, de sorte que la banque n'était pas tenue à un devoir de mise en garde ; que, par ces constatations et appréciations souveraines dont il résultait qu'en l'absence d'anomalie apparente, la banque n'était pas tenue de vérifier l'exactitude des éléments déclarés par les emprunteurs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Crédit lyonnais la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande de monsieur et madame X... tendant à l'annulation de l'engagement de madame X... envers la société Crédit lyonnais au titre du prêt du 22 juillet 2010, et a confirmé la condamnation de madame X... à payer à la société Crédit lyonnais 640,31 € par mois du 5 janvier 2013 au 5 novembre 2017 au titre de ce prêt ;
AUX MOTIFS QUE « sur la nullité du contrat du contrat de prêt, les époux X..., appelants, soutiennent que le contrat de prêt est nul en application de l'ancien article 489 du code civil, dans la mesure où M. E... X... s'est engagé alors qu'il était atteint d'une maladie engendrant un processus dégénératif cérébral, diagnostiquée en 2003; Qu'ils font valoir qu'en 2010, date de souscription du contrat de prêt litigieux, M. E... X... n'était pas capable de discernement et, par conséquent, de s'engager en toute connaissance de cause ; Qu'ils ajoutent que cette nullité étant une nullité absolue, elle atteint le contrat dans toutes ses composantes, y compris la stipulation d'intérêts, et à l'égard de tous les contractant, y compris à l'égard de Mme Y... Z... épouse X... ; Qu'aux termes de ses dernières conclusions, le Crédit Lyonnais ne répond pas à cette argumentation ; Que l'article 414-1 du code civil dispose que pour faire un acte valable il faut être sain d'esprit ; que c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte; Qu'en l'espèce, les époux X... produisent aux débats : - la copie d'un certificat médical rédigé, d'une écriture peu lisible, par le docteur C... le 8 octobre 2003, duquel il résulte que M. E... X... présente des signes de sénilité avancée et que son taux d'inaptitude est de 100 %, - la copie d'un rapport d'expertise du 27 juin 2017 duquel il résulte que depuis 2001 M. E... X... a présenté des troubles de la mémoire et de l'attention qui ont conduit à un arrêt de travail, que l'évolution a démontré que ces troubles étaient dus à une dégénérescence organique cérébrale d'évolution progressive et inéluctable sans épisode de rémission ; que la dégradation de l'état de santé de M. E... X... a été continuelle depuis septembre 2001 ; - la copie d'un rapport d'expertise médicale en date du 23 juin 2003, aux termes duquel le Docteur D... indique que le processus dégénératif organique est responsable d'une démence ; Que ces éléments suffisent à établir qu'en 2010 M. E... X... souffrait de troubles mentaux qui ne lui permettaient pas de comprendre la portée de son engagement ; Qu'en application du texte précité, il convient de constater la nullité de son engagement dans le cadre du contrat de prêt litigieux et de débouter le Crédit Agricole de ses demandes formées à l'encontre de M. E... X... ; Qu'en revanche cette nullité est sans incidence sur le consentement donné par Mme Y... Z... épouse X... lors de la conclusion du contrat de prêt; que Mme Y... Z... épouse X..., qui s'est engagée aux côtés de son mari qu'elle savait malade, comme cela résulte des pièces médicales communiquées, a eu pleinement conscience, non seulement de la portée de son propre engagement mais aussi du fait que le consentement de son époux, en qualité de co-emprunteur solidaire, pouvait être remis en cause ; Qu'il convient de rejeter la demande en nullité formée par Mme Y... Z... épouse X... relativement à son propre engagement » ;
ALORS QUE l'annulation d'un prêt contracté par deux époux pour cause d'insanité d'esprit d'un des époux, frappe l'acte de prêt en son entier et s'étend à l'engagement des deux époux ; qu'en décidant, au contraire, que l'insanité d'esprit de monsieur X... ne rendait nul le prêt du 22 juillet 2010 qu'à son égard, l'engagement de madame X... restant valable, la cour d'appel a violé l'article 414-1 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de monsieur et madame X... contre la société Crédit lyonnais ;
AUX MOTIFS QUE « sur la responsabilité de la banque, les époux sollicitent une somme de 25 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait du manquement, par la banque, à son devoir de conseil et de mise en garde ; Qu'ils reprochent plus précisément au Crédit lyonnais de ne pas s'être renseigné sur leurs capacités financières ni sur l'état mental des souscripteurs ; Que le Crédit [lyonnais] répond qu'il a respecté ses obligations, précisant que les renseignements financiers fournis par les époux X... permettaient de constater que le prêt litigieux, souscrit pour financer l'achat d'un véhicule, était adapté à leurs capacités de remboursement ; Que s'agissant du devoir de conseil, compte tenu du principe de non immixtion, ce devoir n'existe que si l'établissement de crédit a joué un rôle actif dans l'opération de crédit ; Qu'en l'espèce il n'est nullement démontré, ni même allégué, que le Crédit Lyonnais soit à l'origine du projet d'achat d'un véhicule à crédit ; Que s'agissant de l'obligation de mise en garde, l'établissement bancaire qui consent un crédit à un emprunteur non averti est tenu de respecter cette obligation s'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt, et ce, au regard des capacités financière de l'emprunteur ; Qu'en l'espèce, il résulte de l'acte de prêt sous seing privé, que les époux X... ont mentionné sur l'offre de prêt leurs ressources et charges ; qu'ils ont indiqué que : - M. E... X... percevait des revenus à hauteur de 22 410 euros par an et supportait des charges à hauteur de 6 700 euros par an, - que Mme Y... Z... épouse X... percevait 20 930 euros par an et ne supportait aucune charge ; Qu'au regard de ces éléments il convient de constater que les époux X... disposaient de capacités financières leur permettant de faire face à la charge de remboursement née du prêt litigieux, à savoir 640,31 euros par mois ; Qu'il n'existait aucun risque d'endettement né de l'octroi du crédit, de sorte que le Crédit Lyonnais n'était tenu à aucun devoir de mise en garde à l'égard des appelants ; Qu'aucune responsabilité de ne peut être recherchée de ce chef à l'encontre de la banque ; Que par ailleurs, aucun des éléments d'information fournis à la banque ne pouvait permettre à cette dernière d'avoir un doute quant aux facultés mentales des emprunteurs ; Que les époux X... seront déboutés de leur demande indemnitaire » ;
ALORS QUE le banquier doit vérifier la réalité des ressources et des charges déclarées par l'emprunteur en cas d'anomalie apparente, afin de mettre en garde ce dernier, le cas échéant, sur le risque d'endettement né de l'octroi du prêt ; que pour débouter monsieur et madame X... de leur demande indemnitaire, l'arrêt attaqué a retenu qu'au regard de leurs revenus et charges mentionnés dans l'offre de prêt il n'existait pas de risque d'endettement appelant une mise en garde de la part de la société Crédit lyonnais ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que l'offre de prêt indiquait que madame X... ne supportait pas la moindre charge pour des revenus annuels de 20 930 € mais que pour des revenus annuels comparables, soit 22410 €, son époux payait des charges annuelles de 6 700 €, ce dont il résultait qu'il y avait une anomalie apparente et que la banque aurait dû vérifier la réalité de la situation des emprunteurs, la cour d'appel a violé l'ancien article 1147, devenu 1231-1 du code civil.