LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Mark X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de ROUEN, en date du 6 septembre 2017, qui , dans la procédure suivie contre lui du chef de non respect des obligations d'enregistrement et de communication des données requises dans le cadre du système de déclaration par voie électronique et de pêche prohibée de produits de la pêche maritime, a déclaré sans objet son recours contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention confirmative de saisie d'un navire et de mainlevée avec cautionnement ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10 octobre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de M. le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON ET MÉGRET, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Z... ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2, 16 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 943-1, L. 943-4 et L. 943-6-1 du code rural et de la pêche maritime, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit l'appel sans objet ;
"aux motifs que le 24 août 2017, les agents des affaires maritimes du Havre procédaient au contrôle du navire de pêche Golden Fleec (sic.) et relevaient à l'encontre de son patron, M. X..., également son armateur les infractions de non-respect des obligations d'enregistrement et de communication des données requises dans le cadre du système de déclaration par voie électronique, et pêche de produits de la pêche maritime et de l'aquaculture marine de taille, calibre ou poids prohibé ; que le bateau était saisi par procès verbal du 25 août 2017 et, par l'ordonnance du 29 août 2017 notifiée en langue anglaise le jour même, frappée d'appel, le juge des libertés et de la détention du Havre a pris sur le fondement de l'article L. 943-4 du code rural et de la pêche maritime une ordonnance confirmant la saisie du navire et en ordonnant la mainlevée et la libre circulation du navire sous condition du versement d'un cautionnement de 10 000 euros ; que M. X... a été convoqué à comparaître à l'audience du tribunal correctionnel le 8 mars 2018 ; que le 1er septembre 2017, M. X..., par la société Falfish Limited, a versé en exécution de la décision la somme de 10 000 euros entre les mains du régisseur d'avances et de recettes ; que le même jour, par son avocat, il a interjeté appel de la décision ; qu'en application des dispositions de l'article L. 943-6-1 du même code, l'appel contre la décision du juge des libertés et de la détention prise sur le fondement de son article L. 943-4 n'est pas suspensif ; qu'ayant réglé le montant du cautionnement, M. X... a libéré son bateau et repris ses activités ; qu'à l'appui de son appel, il fait développer par son avocat à l'audience le mémoire recevable qu'il a adressé à la chambre de l'instruction aux énonciations duquel il est renvoyé pour exposé et par lequel il demande l'annulation de l'ordonnance pour irrégularités, à défaut son infirmation et la diminution du cautionnement ; que le ministère public, développant ses réquisitions à l'audience demande à la chambre de déclarer l'appel recevable en la forme mais sans objet ; qu'en versant la caution décidée par le juge des libertés et de la détention et récupérant en conséquence son bateau, M. X... a acquiescé à l'ordonnance, dont il a permis l'exécution complète et est irrecevable à la critiquer par la voie de l'appel qui n'a plus d'objet ; que le fait que l'exécution ait présenté pour lui un intérêt économique important lui permettant de profiter immédiatement du bateau ne l'a pas privé de l'usage effectif de son droit au recours, protégé par l'article L. 943-6-1 du code rural et de la pêche maritime qui prévoit un très bref délai de cinq jours à la chambre de l'instruction pour statuer sur l'appel interjeté contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ;
"1°) alors qu'en matière pénale, l'exécution d'une décision, pendant le délai d'exercice d'un recours non suspensif d'exécution, n'emporte pas acquiescement ; qu'en retenant, pour dire sans objet l'appel formé le 1er septembre 2017 contre l'ordonnance du 29 août 2017 par laquelle le juge des libertés et de la détention avait confirmé la saisie de son navire de pêche et ordonné la mainlevée de la saisie sous condition du versement de la somme de 10 000 euros avant l'audience de jugement, qu'« en versant la caution [...] et en récupérant son bateau, M. X... a[vait] acquiescé à l'ordonnance », quand l'exécution partielle de l'ordonnance pendant le délai d'appel, lequel n'est pas suspensif, ne le privait pas du droit de contester devant la juridiction du second degré, pour la première fois de manière contradictoire, la régularité de la saisie et le montant du cautionnement contre le versement duquel la mainlevée en avait été ordonnée, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
"2°) alors qu'en toute hypothèse, l'acquiescement à un jugement doit être certain et non équivoque et résulter d'actes incompatibles avec la volonté d'interjeter appel ; qu'en se bornant à énoncer, pour dire l'appel sans objet, qu'« en versant la caution décidée par le juge des libertés et de la détention et récupérant en conséquence son bateau, M. X... a[vait] acquiescé à l'ordonnance », sans caractériser son intention non équivoque de renoncer à l'exercice d'une voie de recours qui lui était encore ouverte, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
"3°) alors que les ordonnances du juge des libertés et de la détention prises sur le fondement de l'article L. 943-4 du code rural et de la pêche maritime sont susceptibles d'appel en toutes leurs dispositions ; qu'en retenant que l'appel était « sans objet », quand M. X... demandait, à titre principal, l'annulation du procès-verbal de saisie et la restitution de la totalité du cautionnement, et quand les dispositions de l'ordonnance attaquée ayant déclaré régulière en la forme la saisie du navire de pêche et confirmé cette saisie continuaient à développer leurs effets en ce qu'elles privaient M. X... de la jouissance des fonds qu'il avait dû consigner auprès du régisseur d'avances et de recettes du tribunal pour en obtenir la mainlevée, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
"4°) alors qu'en toute hypothèse, les ordonnances du juge des libertés et de la détention prises sur le fondement de l'article L. 943-4 du code rural et de la pêche maritime sont susceptibles d'appel en toutes leurs dispositions et y compris en ce qu'elles ont fixé le montant du cautionnement au versement duquel est subordonné la mainlevée de la saisie ; qu'en retenant que l'appel était « sans objet », quand M. X... demandait, à titre subsidiaire, que le montant du cautionnement soit ramené à la somme de 5 000 euros garantissant pour moitiés sa représentation à tous les actes de la procédure et le paiement des amendes, et quand la disposition de l'ordonnance attaquée ayant fixé le montant du cautionnement à la somme de 10 000 euros continuait à développer ses effets en ce qu'elle privait M. X... de la jouissance des fonds consignés auprès du régisseur d'avances et de recettes du tribunal, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
"5°) alors que le droit au procès équitable implique qu'il ne soit pas porté d'atteinte substantielle au droit d'accès au juge ; qu'en retenant, pour refuser d'examiner la régularité de la saisie du navire que le juge des libertés et de la détention avait confirmée et, subsidiairement, de porter une nouvelle appréciation sur le montant du cautionnement au versement duquel la mainlevée de la saisie avait été subordonnée, que M. X..., en s'acquittant du versement de la somme de 10 000 euros, pendant le délai de l'appel ouvert contre l'ordonnance, en « a[vait] permis l'exécution complète et [était] irrecevable à la critiquer par la voie de l'appel qui n'a[vait] plus d'objet » et qu'il n'« a[vait] pas [été] privé de l'usage effectif de son droit au recours », au motif inopérant que « l'article L. 943-6-1 du code rural et de la pêche maritime [...] prévoit un très bref délai de cinq jours à la chambre de l'instruction pour statuer sur l'appel », cependant que l'ordonnance entreprise avait été rendue sans que M. X... ait été appelé à la procédure, que l'appel n'est pas suspensif et que la mainlevée de la saisie du navire de pêche, subordonnée au versement des fonds, était indispensable à l'exercice de son activité professionnelle, la chambre de l'instruction a porté atteinte à la substance même du droit d'accès au juge et violé les textes susvisés ;"
Vu l'article 943-6-1 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 6§3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, les ordonnances du juge des libertés et de la détention statuant sur la saisie d'un navire, prises sur le fondement de l'article L 943-4 du code sus-visé, peuvent être déférées à la chambre de l'instruction par déclaration au greffe du tribunal dans les cinq jours qui suivent leur notification, par la personne mise en cause, et, s'ils sont connus, par le propriétaire et le tiers ayant des droits sur le navire, qui peuvent adresser toutes observations écrites ou être entendues par la chambre de l'instruction ;
Attendu que l'acquiescement à une décision, en matière pénale, doit être certain et non équivoque, que l'exécution des dispositions d'un décision exécutoire par provision n'emporte pas, à elle seule, acquiescement et renonciation à l'exercice d'un recours ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, qu'à la suite d'un contrôle opéré le 24 août 2017 par les affaires maritimes, du navire Golden Fleece II appartenant à M. X..., révélant la capture sous taille de coquilles Saint-Jacques, la saisie et l'immobilisation du navire a été prononcée, que par ordonnance du 29 août 2017, le juge des libertés et de la détention a confirmé la saisie et ordonné sa mainlevée contre versement préalable par M. X... d'un cautionnement de 10 000 euros, que le 1er septembre 2017, M. X... a interjeté appel ;
Attendu que, pour déclarer le recours de M. X... irrecevable, la chambre de l'instruction retient qu'en versant la caution décidée par le juge des libertés et de la détention et en récupérant son bateau, M. X... a acquiescé à l'ordonnance, dont il a permis l'exécution complète et qu'il est irrecevable à la critiquer par la voie de l'appel qui n'a plus d'objet ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les principes ci-dessus rappelés et les textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen, en date du 6 septembre 2017, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un novembre deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.