LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 mars 2017), que le 10 février 2009, la société IGF industrie (la société IGF) a été mise en redressement judiciaire, M. Y... étant désigné administrateur et la société BTSG, en la personne de M. F..., mandataire judiciaire ; que pendant la période d'observation, la société IGF, assistée de M. Y..., ès qualités, a obtenu de la société BRED banque populaire (la société BRED) un concours sous la forme d'une autorisation de découvert de 3 millions d'euros afin de financer l'exploitation pendant cette période ; que le 25 septembre 2009, la société IGF a consenti, en garantie du remboursement de ce concours, un gage sur stocks de produits finis présents ou futurs d'un montant de 6 millions d'euros ; que la société BRED a conclu, le même jour, en présence de la société IGF et de M. Y..., ès qualités, une convention de contrôle du gage sur stocks avec la société Eurogage, qui était chargée de contrôler la valeur des biens gagés et d'alerter la société BRED si elle devait atteindre le seuil d'alerte fixé par les parties à 6 millions d'euros ; que le 27 novembre 2009, la société BRED a renouvelé le concours en le limitant à la somme de 2 500 000 euros ; qu'un plan de redressement de la société IGF d'une durée de dix ans a été arrêté par le tribunal, le 15 décembre 2009, la société Z... A... Y..., en la personne de M. Y..., étant maintenue en qualité d'administrateur pendant six mois et désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan, et la société BTSG, en la personne de M. F..., étant maintenue mandataire judiciaire jusqu'à la fin de la procédure de vérification des créances et le compte rendu de fin de mission ; que le plan de redressement a été résolu par un jugement du 5 mai 2010 qui a ouvert la liquidation judiciaire de la société IGF en autorisant une poursuite d'activité jusqu'au 15 juin 2010, et a mis fin à la mission du commissaire à l'exécution du plan, la société Z... A... Y..., en la personne de M. Y..., étant maintenue en ses fonctions d'administrateur jusqu'à l'issue de la poursuite de l'activité, et la société BTSG, en la personne de M. F..., étant nommée liquidateur ; que la société BRED a déclaré une créance privilégiée de 1 878 804,46 euros auprès du liquidateur correspondant au solde débiteur du compte bancaire de la société IGF et aux frais de contrôle de la société Eurogage, dont le caractère privilégié a été contesté ; que le 7 juillet 2010, un plan de cession a été homologué au profit de la société Titagahr pour un prix de 1 920 000 euros dont 500 000 euros au titre des stocks ; qu'un inventaire du stock a été réalisé par la société Eurogage en octobre 2010 qui a révélé que les usines étaient vides et les stocks inexistants ; que la société BRED, estimant que M. Y... et M. F... avaient commis des fautes dans l'exercice de leurs missions les a assignés en responsabilité personnelle ainsi que la société Z... A... Y... et la société BTSG ;
Attendu que la société BRED fait grief à l'arrêt de dire irrecevable son action alors, selon le moyen :
1°/ que présente un caractère personnel et distinct de celui éprouvé par l'ensemble des créanciers, le préjudice qui n'est pas directement lié à l'ouverture de la procédure collective et qui ne résulte pas de la défaillance du débiteur ; que le créancier, dont le gage sur stocks a été constitué postérieurement à l'ouverture de la procédure pour garantir son concours apporté à la poursuite de l'activité du débiteur subit, du fait de la disparition du stock, un préjudice distinct de celui de la masse des créanciers, peu important la circonstance inopérante qu'il ne soit pas le seul créancier gagiste ; qu'en considérant néanmoins que la disparition du stock préjudicie à l'ensemble des créanciers, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble les articles L. 622-4 et L. 621-39 du code de commerce ;
2°/ qu'en énonçant que la « sûreté dont elle [la banque] bénéficiait n'ayant pas été méconnue », sans s'en expliquer autrement, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation, privant sa décision de tout motif en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la société BRED demandait la réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de percevoir le montant de sa créance et que le plan de cession de la société IGF prévoyait un prix de cession de 500 000 euros au titre des stocks, et fixait à 250 000 euros la quote-part du prix de cession affectée aux stocks gagés à partager entre les deux gagistes, la société Bred et l'Urssaf, l'arrêt retient que la société BRED n'est pas fondée à soutenir subir un préjudice personnel distinct du préjudice collectif des créanciers, la sûreté dont elle bénéficiait n'ayant pas été méconnue et la société BRED n'étant pas le seul créancier à bénéficier du gage, la disparition du stock préjudiciant, en outre, à l'ensemble des créanciers et à leur intérêt collectif, et en déduit exactement que l'action du créancier est irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société BRED banque populaire aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Y..., M. F..., la société BTSG 2 et à la société AJ associés la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société BRED banque populaire.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit irrecevable l'action de la Bred à l'encontre de M. Y..., de la SELARL Z... A... Y... B... C... d'une part et de M. F... et de la SCP BTSG 2 nouvelle dénomination de la SCP BTSG de l'autre ;
AUX MOTIFS QUE : « l'article L. 622-20 du code de commerce dispose que le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers ;
que le créancier peut exercer une action en responsabilité s'il établit un préjudice personnel distinct des autres créanciers et indépendant d'un préjudice inhérent à la procédure collective ;
considérant qu'en l'espèce, 10 février 2009, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société IGF avec une période d'observation de quatre mois, Me Y... étant désigné administrateur judiciaire avec une mission d'assistance et la société BTSG en la personne de Me F..., désignée mandataire judiciaire ;
Considérant que par jugement du 5 mai 2010, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société IGF industrie, après résolution du plan de continuation de ladite société, et désigné la société BTSG en la personne de Me F... en qualité de liquidateur ;
Considérant que par jugement du 7 juillet 2010, le tribunal a arrêté le plan de cession de la société IGF industrie, a fixé à la somme de 1 920 000 euros le montant du prix de cession dont 350 000 euros pour les éléments incorporels, 1070000 euros pour les éléments corporels et 500 000 euros pour les stocks ;
que conformément à l'article L. 642 12 du code de commerce, il a fixé à 250 000 euros la quote part du prix de cession affectée aux stocks gagés à partager entre les deux « gageurs » ;
qu'il est constant que les deux « gageurs » désignés sont d'une part la BRED et de l'autre l'URSSAF ;
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Considérant qu'il résulte de ces éléments que la société BRED est malvenue à soutenir, à 1'appui de la recevabilité de son action, subir un préjudice personnel distinct du préjudice collectif des créanciers, d'une part la sûreté dont elle bénéficiait n'ayant pas été méconnue et d'autre part n'étant pas le seul créancier à bénéficier d'un gage ; qu'en outre la disparition du stock préjudicie à l'ensemble des créanciers et nécessairement à leur intérêt collectif ;
Qu'elle n'établit donc pas l'existence d'un préjudice personnel distinct du non règlement de sa créance, concluant elle-même que son préjudice résulte de l'impossibilité aujourd'hui et dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire de la société IGF à se voir rembourser le montant de sa créance ;
Considérant que la décision déférée sera infirmée et l'action de la société BRED déclarée irrecevable, lui appartenant le cas échéant de faire désigner un mandataire ad hoc qui agira dans l'intérêt collectif des créanciers » ;
ALORS 1/ QUE : présente un caractère personnel et distinct de celui éprouvé par l'ensemble des créanciers, le préjudice qui n'est pas directement lié à l'ouverture de la procédure collective et qui ne résulte pas de la défaillance du débiteur ; que le créancier, dont le gage sur stocks a été constitué postérieurement à l'ouverture de la procédure pour garantir son concours apporté à la poursuite de l'activité du débiteur subit, du fait de la disparition du stock, un préjudice distinct de celui de la masse des créanciers, peu important la circonstance inopérante qu'il ne soit pas le seul créancier gagiste ; qu'en considérant néanmoins que la disparition du stock préjudicie à l'ensemble des créanciers, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble les articles L. 622-4 et L. 621-39 du code de commerce ;
ALORS 2/ QU'en énonçant que la « sûreté dont elle [la banque] bénéficiait n'ayant pas été méconnue », sans s'en expliquer autrement, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation, privant sa décision de tout motif en violation de l'article 455 du code de procédure civile.