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21/11/2018 | FRANCE | N°17-17198

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 novembre 2018, 17-17198


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 février 2017), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 15 janvier 2014, pourvois n° 12-24.966, 12-24.860) que M. X... a été engagé par la Banque Indosuez, aux droits de laquelle se trouve la société Crédit agricole-Corporate Investment Bank (CA-CIB), en qualité d'employé de banque, le 28 septembre 1976 ; que, estimant avoir été victime d'une discrimination syndicale, M. X... a, le 6 février 2006, saisi la juridiction prud'homale de div

erses demandes ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de limiter à une ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 février 2017), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 15 janvier 2014, pourvois n° 12-24.966, 12-24.860) que M. X... a été engagé par la Banque Indosuez, aux droits de laquelle se trouve la société Crédit agricole-Corporate Investment Bank (CA-CIB), en qualité d'employé de banque, le 28 septembre 1976 ; que, estimant avoir été victime d'une discrimination syndicale, M. X... a, le 6 février 2006, saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme les dommages-intérêts alloués pour perte de chance d'avoir pu obtenir une promotion, de dire qu'étaient sans objet les demandes du Crédit agricole tendant à le débouter de sa demande de repositionnement au niveau J, 9e échelon et de le débouter de sa demande de repositionnement et de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des pertes de salaire, de l'intéressement et des droits à la retraite en raison de la discrimination syndicale dont il est l'objet, alors, selon le moyen :

1°/ que dans le dispositif de ses conclusions d'appel, visées par l'arrêt attaqué, M. X... a sollicité, sous astreinte, son repositionnement au niveau J, 9e décile à compter du jour du prononcé du jugement ainsi que des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et du préjudice résultant des pertes de salaire, de l'intéressement et des droits à la retraite en raison de la discrimination syndicale encore existante à ce jour ; qu'en mentionnant au visa des « dernières écritures et observations orales à la barre en date du 5 janvier 2017 » que M. X... demandait à la cour de condamner la société Crédit agricole Corporate Investment Bank au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts sans mentionner la demande de repositionnement hiérarchique formée par M. X..., la cour d'appel a dénaturé par omission les conclusions d'appel de M. X... en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

2°/ que dans ses conclusions d'appel, visées par l'arrêt attaqué, M. X... a sollicité, sous astreinte, son repositionnement au niveau J, 9e décile à compter du jour du prononcé du jugement ; qu'en affirmant que M. X..., dans le dernier état de ses demandes, ne formait aucune demande quant à son repositionnement à un niveau différent de celui qui lui a été reconnu par son employeur, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que le salarié aurait oralement renoncé à cette demande, a dénaturé les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu et que les dispositions des articles L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail ne font pas obstacle à ce que le juge ordonne le reclassement d'un salarié victime d'une discrimination prohibée ; qu'en déboutant M. X... de sa demande de repositionnement après avoir pourtant constaté que M. X... aurait pu bénéficier d'un déroulement de carrière plus favorable s'il n'avait pas fait l'objet d'une discrimination syndicale et que plusieurs salariés embauchés en même temps que lui à des emplois comparables au sien avaient accédé à un statut cadre dès 2007, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

4°/ que la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ; que le préjudice de carrière résultant d'une discrimination syndicale constitue un préjudice certain, matérialisé par une perte de salaire, irréductible à une seule perte de chance ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de la cour d'appel que M. X... aurait pu bénéficier d'un salaire plus élevé s'il n'avait pas été victime d'une discrimination syndicale et que plusieurs salariés embauchés en même temps que lui à des emplois comparables au sien avaient accédé dès 2007 soit au niveau G de sa catégorie de technicien, soit au statut cadre, avec, dans les deux hypothèses, une rémunération moyenne supérieure à celle perçue par l'intéressé ; qu'en limitant l'indemnisation du préjudice à une simple perte de chance d'avoir pu obtenir une promotion tandis qu'il s'évinçait de ses constatations que la discrimination constatée affectait nécessairement l'évolution de carrière de M. X... et par là son coefficient de rémunération, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

5°/ que la réparation d'une perte de chance ne peut être forfaitaire mais doit être mesurée à la chance perdue ; qu'en fixant à la somme forfaitaire de 70 000 euros la réparation due à M. X... au titre de sa perte de chance d'avoir pu obtenir une promotion, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

Mais attendu, d'abord, que M. X... ne rapporte pas la preuve qu'il ait soutenu oralement devant les juges du fond la demande de repositionnement au niveau J, 9e décile dont il fait état ; qu'il résulte, au contraire, des énonciations de l'arrêt, qui vise les dernières écritures et observations orales à la barre, en date du 5 janvier 2017, que, dans le dernier état de ses demandes, celui-ci, sans s'en tenir à ces écritures, n'a formé aucune demande tendant à l'obtention de sommes de nature salariale et à son repositionnement à un niveau différent de celui qui lui a été reconnu par son employeur ; qu'ainsi, s'agissant d'une procédure orale, la cour d'appel qui, dans le dernier état des prétentions des parties, n'était pas saisie de la demande de repositionnement, n'a ni dénaturé lesdites écritures ni méconnu les termes du litige ;

Attendu, ensuite, que, après avoir constaté la perte de chance du salarié d'avoir pu obtenir soit une promotion plus rapide au niveau G de sa catégorie de technicien soit la promotion au statut revendiqué de cadre, la cour d'appel a, sans procéder à une évaluation forfaitaire, souverainement évalué l'étendue du préjudice de carrière subi ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... et l'union locale CGT Chatou aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X... et l'union locale CGT Chatou

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR limité à la somme de 70 000 € les dommages et intérêts alloués à M. X... pour perte de chance d'avoir pu obtenir une promotion, D'AVOIR dit qu'étaient sans objet les demandes de la SA CA-CIB tendant à voir débouter M. Z... X... de sa demande de repositionnement au niveau J, 9ème échelon et D'AVOIR débouté M. X... de sa demande de repositionnement et de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des pertes de salaire, de l'intéressement et des droits à la retraite en raison de la discrimination syndicale encore existante à ce jour ;

AUX MOTIFS QUE Monsieur Z... X... sollicite la condamnation de l'employeur au paiement de dommages et intérêts, en réparation de la discrimination syndicale dont l'existence est acquise, l'arrêt rendu le 28 juin 2012 par la cour d'appel de Versailles étant définitif sur ce point ; qu'il produit à l'appui de son argumentation, notamment ses bulletins de paye depuis 1997, ses feuilles d'évaluation, d'appréciation et d'orientation, des courriers de l'inspection du travail, un rapport sur l'égalité hommes femmes de 2013, qui fait notamment apparaître que le niveau des techniciens varie de B à G et celui des cadres de H à K, un tableau, élaboré par l'employeur en 2007, relatif aux employés engagés entre le 1er janvier 1976 et le 31 décembre 1980 ; que la SA Crédit agricole-corporate and investment bank ne conteste pas l'absence d'entretiens annuels réguliers entre 1997 et 2007 qui auraient pu permettre à Monsieur Z... X... d'obtenir des promotions professionnelles ; qu'il résulte dudit tableau de 2007, que Monsieur Z... X... , engagé le 1er octobre 1976, a perçu un premier salaire annuel de 5.860,37 euros et un salaire annuel en 2007 de 27.744 euros, que les autres employés, qui ont été engagés à la même époque que Monsieur Z... X... entre le 1er janvier 1976 et le 31 décembre 1980 et dont le premier salaire annuel variait entre 4.860 euros et 6.860 euros, ont perçu, en 2007, un salaire annuel - allant de 22.760 euros à 36.863 pour ceux qui n'ont pas accédé au statut de cadre, treize d'entre eux ayant accédé à cette date au niveau G - allant de 29.390 euros à 65.447 euros pour ceux devenus cadres, dont 54.928 euros pour Monsieur Raymond Y... avec lequel Monsieur Z... X... se compare, soit en moyenne 40.700 euros ; qu'il résulte des bulletins de paye produits que le passage, le 1er juillet 2014, du niveau F au niveau G s'est traduit par une augmentation du salaire brut de 2.345,35 euros à 2.445,35 euros, soit pour une rémunération annuelle comprenant le versement de 13 mois de salaire une augmentation annuelle de 1.300 euros ; que si la seule comparaison avec Monsieur Raymond Y..., à propos duquel les pièces produites révèlent une carrière exceptionnelle, n'est pas pertinente, les données chiffrées ci-dessus, qui émanent de l'employeur, démontrent par contre que Monsieur Z... X... aurait pu bénéficier d'un déroulement de carrière plus favorable et d'un salaire plus élevé s'il n'avait pas fait l'objet d'une discrimination syndicale ; qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice de Monsieur Z... X... s'analyse comme la perte de chance d'avoir pu obtenir, soit une promotion plus rapide au niveau G de sa catégorie de technicien, niveau dont il n'a bénéficié qu'en juillet 2014, alors que les éléments comparatifs précités font apparaître que 13 salariés appartenant à cette catégorie et se trouvant dans une situation similaire à la sienne en bénéficiaient déjà en 2007, soit la promotion au statut revendiqué de cadre, alors que d'autres salariés placés dans une situation comparable à la sienne en début de carrière ont pu accéder à ce statut dès 2007; qu'il importe peu, dès lors, que Monsieur Z... X... ne démontre pas l'existence d'un « dommage certain », contrairement à ce que soutient la SA CREDIT AGRICOLE-CORPORATE AND INVESTMENT BANK ; qu'il convient d'allouer à Monsieur Z... X... , à titre de dommages et intérêts en réparation de sa perte de chance d'avoir pu obtenir une promotion, la somme de 70.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt et capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil ; que, compte tenu de la persistance des actes de discrimination syndicale pendant plus d'une dizaine d'années, il y a également lieu d'allouer à Monsieur Z... X... la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt et capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil ;

1°ALORS QUE dans le dispositif de ses conclusions d'appel, visées par l'arrêt attaqué (p.2), M. X... a sollicité, sous astreinte, son repositionnement au niveau J, 9ème décile à compter du jour du prononcé du jugement ainsi que des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et du préjudice résultant des pertes de salaire, de l'intéressement et des droits à la retraite en raison de la discrimination syndicale encore existante à ce jour ; qu'en mentionnant au visa des « dernières écritures et observations orales à la barre en date du 5 janvier 2017 » que M. X... demandait à la cour de condamner la SA Crédit-agricole corporate investment bank au paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts sans mentionner la demande de repositionnement hiérarchique formée par M. X..., la cour d'appel a dénaturé par omission les conclusions d'appel de M. X... en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

2°ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, visées par l'arrêt attaqué, M. X... a sollicité, sous astreinte, son repositionnement au niveau J, 9ème décile à compter du jour du prononcé du jugement ; qu'en affirmant que M. X..., dans le dernier état de ses demandes, ne formait aucune demande quant à son repositionnement à un niveau différent de celui qui lui a été reconnu par son employeur, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que le salarié aurait oralement renoncé à cette demande, a dénaturé les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°ALORS QUE la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu et que les dispositions des articles L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail ne font pas obstacle à ce que le juge ordonne le reclassement d'un salarié victime d'une discrimination prohibée ; qu'en déboutant M. X... de sa demande de repositionnement après avoir pourtant constaté que M. X... aurait pu bénéficier d'un déroulement de carrière plus favorable s'il n'avait pas fait l'objet d'une discrimination syndicale et que plusieurs salariés embauchés en même temps que lui à des emplois comparables au sien avaient accédé à un statut cadre dès 2007, la Cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

4°ALORS QUE la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ; que le préjudice de carrière résultant d'une discrimination syndicale constitue un préjudice certain, matérialisé par une perte de salaire, irréductible à une seule perte de chance ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de la cour d'appel que M. X... aurait pu bénéficier d'un salaire plus élevé s'il n'avait pas été victime d'une discrimination syndicale et que plusieurs salariés embauchés en même temps que lui à des emplois comparables au sien avaient accédé dès 2007 soit au niveau G de sa catégorie de technicien, soit au statut cadre, avec, dans les deux hypothèses, une rémunération moyenne supérieure à celle perçue par l'intéressé ; qu'en limitant l'indemnisation du préjudice à une simple perte de chance d'avoir pu obtenir une promotion tandis qu'il s'évinçait de ses constatations que la discrimination constatée affectait nécessairement l'évolution de carrière de M. X... et par là son coefficient de rémunération, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

5° ALORS, en tout état de cause, QUE la réparation d'une perte de chance ne peut être forfaitaire mais doit être mesurée à la chance perdue ; qu'en fixant à la somme forfaitaire de 70 000 € la réparation due à M. X... au titre de sa perte de chance d'avoir pu obtenir une promotion, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-17198
Date de la décision : 21/11/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 février 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 nov. 2018, pourvoi n°17-17198


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.17198
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