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21/11/2018 | FRANCE | N°16-24044

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 novembre 2018, 16-24044


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 2016), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 9 décembre 2014, pourvoi n° 13-16.559), que M. Y... a été salarié des Laboratoires Cernep Synthélabo Egic (la société Synthélabo) entre 1985 et 1991, puis de la société Clintec Technologies ; qu'à compter du mois de mars 1996, il a été employé par la société de droit suisse Clintec International Operations Ltd ; qu'au mois de septembre 1996, il a rejoint la société

Baxter ; qu'il a assigné cette dernière, sur le fondement de l'article L. 611...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 2016), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 9 décembre 2014, pourvoi n° 13-16.559), que M. Y... a été salarié des Laboratoires Cernep Synthélabo Egic (la société Synthélabo) entre 1985 et 1991, puis de la société Clintec Technologies ; qu'à compter du mois de mars 1996, il a été employé par la société de droit suisse Clintec International Operations Ltd ; qu'au mois de septembre 1996, il a rejoint la société Baxter ; qu'il a assigné cette dernière, sur le fondement de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle, afin de se voir reconnaître la qualité d'inventeur salarié de diverses inventions de mission, notamment celle couverte par le brevet [...] décrivant un "procédé de purification de l'huile d'olive" destiné à améliorer l'alimentation parentérale, déposé par la société Synthélabo le 23 juillet 1987, et d'obtenir en conséquence le paiement d'une rémunération supplémentaire ;

Sur la recevabilité du premier moyen, examinée d'office, après avis donné aux parties en application des dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu que la cour d'appel de renvoi a statué en conformité de l'arrêt de cassation qui l'avait saisie ; que le moyen, qui appelle la Cour de cassation à revenir sur la doctrine affirmée par son précédent arrêt, est irrecevable ;

Sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :

Délibéré par la chambre commerciale de la Cour de cassation après débats à l'audience publique du 30 janvier 2018, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. Sémériva, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches :

Délibéré par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans les mêmes conditions ;

Attendu que la société Baxter fait grief à l'arrêt de dire que M. Y... est l'inventeur du procédé objet du brevet [...] ainsi que de ses extensions, de dire, après avoir admis que l'invention de M. Y... est une invention de mission, qu'en application de la convention collective des industries pharmaceutiques applicable, elle ouvre droit à rémunération supplémentaire, d'ordonner une expertise et de la condamner à payer à M. Y... une provision sur le montant de la rémunération supplémentaire alors, selon le moyen :

1°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, M. Y... prétendait que son invention aurait été exploitée pour fabriquer l'émulsion lipidique à base d'huile d'olive contenue dans les produits Clinoleic, Olimel, Oliclinomel et Numeta et il n'était, par ailleurs, pas contesté que la société SIO était le fournisseur exclusif de l'huile d'olive purifiée entrant dans la composition de ces produits ; qu'après avoir constaté que la société SIO était le fournisseur exclusif des huiles purifiées entrant dans la composition des produits fabriqués par les sociétés Synthélabo puis Baxter, la cour d'appel a retenu, d'une part, que "la société Baxter, venant aux droits des sociétés Clintec et Synthélabo a exploité le brevet de M. Y..., ayant repris l'accord secret conclu entre les sociétés Synthélabo et SIO portant sur la fabrication de l'huile purifiée sur la base du brevet de M. Y..." et que l'invention présentait un intérêt exceptionnel dès lors qu'elle avait permis la réalisation d'une "émulsion lipidique spécifique à base d'huile d'olive ce qui a constitué une innovation sur le marché de la nutrition sur lequel étaient proposées des compositions reposant sur l'huile de soja" ; qu'elle a néanmoins retenu, d'autre part, qu'il était nécessaire d'ordonner une expertise afin de "déterminer l'utilité industrielle et commerciale de l'invention du brevet [...] et de ses extensions et de rechercher si les produits Clinoleic, Oliclinomel, Olimel et Numeta procèdent de l'exploitation du brevet [...] et de ses extensions référençant M. Y... comme inventeur et/ou co-inventeur" ; qu'en retenant ainsi, tout à la fois, d'une part, qu'il était établi que la société Baxter, venant aux droits des sociétés Clintec et Synthélabo, exploitait l'invention de M. Y... pour la réalisation de l'émulsion lipidique spécifique à base d'huile d'olive contenue dans ses produits et que cette invention présentait un intérêt exceptionnel, et d'autre part, qu'il était nécessaire d'ordonner une expertise pour déterminer l'utilité industrielle et commerciale de cette invention et rechercher si les produits en cause procédaient de l'exploitation du brevet [...] et de ses extensions, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la convention collective de l'industrie pharmaceutique subordonne l'octroi d'une rémunération supplémentaire au profit du salarié auteur d'une invention de mission à la condition que cette invention présente un "intérêt exceptionnel" pour l'entreprise ; qu'une invention, fût-elle novatrice sur le plan scientifique, présente un intérêt exceptionnel lorsqu'elle permet à l'entreprise de retirer des avantages économiques concrets présentant un caractère particulièrement substantiel, ce qui suppose, à tout le moins que son utilité industrielle et commerciale soit déterminée et que l'invention ait donné lieu à des applications commerciales concrètes ; qu'en retenant que l'invention couverte par le brevet [...] aurait "permis la réalisation d'une émulsion lipidique spécifique à base d'huile d'olive ce qui a constitué une innovation sur le marché de la nutrition sur lequel étaient proposées des compositions reposant sur l'huile de soja" et que l'intérêt exceptionnel de l'invention serait ainsi caractérisé "quelles qu'en aient été les applications ultérieures", tout en admettant elle-même, au terme d'une motivation faisant apparaître qu'elle ne connaissait pas les conditions précises dans lesquelles l'invention litigieuse aurait été exploitée, qu'il était nécessaire de désigner un expert pour déterminer "l'utilité industrielle et commerciale de l'invention du brevet [...] et de ses extensions" et rechercher "si les produits Clinoleic, Oliclinomel, Olimel et Numeta procèdent de l'exploitation du brevet [...] et de ses extensions", ce dont il résultait qu'elle ne disposait pas de tous les éléments pour apprécier l'intérêt exceptionnel de l'invention litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 2 janvier 1968 dans sa version issue de la loi du 13 juillet 1978, ensemble l'article 48, dans sa rédaction applicable en l'espèce, de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956 ;

Mais attendu, d'une part, que l'intérêt exceptionnel pour l'entreprise d'une invention de mission, tel qu'exigé par la convention collective applicable, doit être apprécié au regard de l'ensemble des éléments de la cause ; qu'après avoir constaté qu'il résultait de l'attestation d'un ancien responsable du développement pharmaceutique de la société Synthélabo qu'à la différence de l'huile de soja, l'huile d'olive n'avait encore jamais été utilisée en nutrition parentérale et qu'afin de répondre aux exigences toxicologiques et éviter des effets cliniques indésirables, M. Y... avait mis au point un procédé de purification de l'huile d'olive afin de la rendre injectable en quantité importante, l'arrêt retient que l'invention en cause avait permis la réalisation d'une émulsion lipidique spécifique à base d'huile d'olive constituant une innovation sur le marché de la nutrition parentérale et, en outre, qu'il n'était pas démontré que les essais cliniques ayant permis la mise au point du produit Clinoléic correspondant à cette innovation n'avaient pas été réalisés sur la base du brevet couvrant cette invention ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui a pris en compte les facteurs pertinents pour l'examen d'un tel intérêt, a justifié sa décision ;

Et attendu, d'autre part, qu'en retenant l'intérêt exceptionnel de l'invention, puis en ordonnant une expertise aux fins notamment d'examiner l'utilité industrielle et commerciale de l'invention du brevet et de ses extensions et de rechercher si les produits Clinoleic, Oliclinomel, Olimel et Numeta procèdent de l'exploitation du brevet [...] et de ses extensions référençant M. Y... comme inventeur ou coinventeur, la cour d'appel ne s'est pas contredite, mais a relevé, d'un côté, que la mise en oeuvre de l'invention avait permis la mise sur le marché d'un produit innovant caractérisant ainsi cet intérêt exceptionnel et, d'un autre côté, qu'il était cependant nécessaire de disposer de tous les éléments permettant de chiffrer la rémunération supplémentaire de l'inventeur salarié ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Baxter aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société Baxter

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement rendu le 28 avril 2011 en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de M. Y... au titre du brevet [...] et de ses extensions, dit que M. Y... a qualité à agir et d'avoir, en conséquence, dit que M. Y... est l'inventeur du procédé objet du brevet [...] et de ses extensions exploités par les sociétés Baxter International, Baxter Healthcare, Baxter SAS et Synthelabo à travers le monde, dit, après avoir admis que l'invention de M. Y... est une invention de mission, qu'en application de la convention collective des industries pharmaceutiques applicable, elle ouvre droit à rémunération supplémentaire, ordonné une expertise et condamné la société Baxter à payer à M. Y... la somme de 70 000 euros à titre de provision sur le montant de la rémunération supplémentaire ;

AUX MOTIFS QUE « la Cour de cassation a prononcé une cassation partielle en ce que l'arrêt de la cour d'appel de céans a jugé irrecevables à l'égard de la société Baxter les demandes de M. Y... relatives au brevet FR87/10404 déposé le 23 juillet 1987 et de ses extensions ; que la Cour de cassation, visant les articles L611-7 du code la propriété intellectuelle et L 1224-1 du code du travail fait grief à la Cour d'appel de « s 'être déterminée sans s'expliquer sur l'existence d'un transfert de l'alimentation parentérale dans lequel M. Y... exerçait son activité salariée aux sociétés du groupe Clintec et en dernier lieu à la société Baxter ce dont il serait résulté que M.Y... était fondé à invoquer contre celle-ci les droits qu'il tenait des dispositions légales relatives aux inventions des salariés » ; que la société Baxter fait valoir qu'au regard des dispositions de l'article L611-7 du code la propriété intellectuelle, la cour doit d'abord apprécier la nature de la créance en recherchant s'il s'agit d'une invention de mission ou hors mission ce qui induit un régime différent ; que l'article L 611-7 vise l'invention faite par un salarié et les droits de celui-ci vis à vis de son employeur ; que M. Y... invoque sa qualité de salarié au sein de la société Baxter en faisant remonter son embauche par celle-ci à la date du 5 décembre 1985, date correspondant en fait à son embauche par la société Synthélabo ; que pour soutenir ce moyen, M. Y... s'appuie sur les termes de la transaction qu'il a conclue avec la société Baxter à la suite de son licenciement, soutenant que la société Baxter a alors reconnu son embauche à cette date ; que la société Baxter expose que, si à l'occasion de cette transaction, il a été reconnu à M. Y... une ancienneté de 22 ans elle n'en est pas pour autant son employeur depuis 1985 ; que M. Y... a signé avec la société Baxter en septembre 1996 un contrat de travail en qualité de « vice-président global recherche et développement » au sein de la « division recherche et développement »; qu'il en résulte que celle-ci n'était pas son employeur en 1985 ce que d'ailleurs M.Y... ne conteste pas puisqu'il dresse la chronologie de ses contrats de travail de 1985 à 1996 et vise ses employeurs successifs, de la société Synthélabo en 1985 jusqu'en dernier lieu la SA Baxter ; qu'à l'occasion de la transaction qu'il a conclue avec la société Baxter à la suite de son licenciement, M. Y... a évoqué une ancienneté de 22 ans au sein du même groupe, point qui n'a pas été contesté, la société Baxter acceptant d'évaluer l'indemnité transactionnelle en fonction de cette circonstance; que, pour autant, le groupe formé par un ensemble de sociétés n'a pas de personnalité de sorte que cette reconnaissance pour l'activité développée au sein d'un groupe, ne peut au regard des dispositions de l'article L 611-7 engager une société qui n'était pas l'employeur effectif du salarié au jour de l'invention ; qu'en conséquence, quand bien même la société Baxter a accepté de reconnaître à son salarié une ancienneté du fait de son activité au sein du groupe, ce fait ne saurait être retenu comme valant conclusion d'un contrat de travail dès 1985 avec la société Baxter ; que, néanmoins, que l'article L 1224-1 du code du travail dispose que « Lorsque survient une modification dans la situation de l'employeur notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise » ; que le brevet n° FR8710404 «Procédé de purification de l'huile d'olive » déposé le 23 juillet 1987 par la société Synthélabo et délivré le 27 octobre 1989 mentionne comme unique inventeur M. Y...; qu'en juillet 1988 la société Synthélabo a déposé une demande de brevet européen et une demande de brevet au Canada; que la société Clintec créée à 50 % par la société Baxter a absorbé la société Synthélabo ce qui n'est pas contesté ; qu'il résulte des pièces produites que des opérations de fusion et de transfert ont été opérées entre les différentes entités du groupe Clintec et Ia société Baxter à partir de 1985, que, sous couvert, d'une part, d'opérations d'apports partiels, d'autre part, de changements de dénomination sociale, il a été procédé au regroupement de l'activité de nutrition parentérale développée successivement par les sociétés Synthélabo, la société Clintec, créée pour la reprise de la société Synthélabo, et les sociétés développées à l'occasion de cette activité, entre les seules mains de la seule société Baxter, l'opération finale ayant été, en septembre 2015, l'absorption de la société Clintec Parentéral par la société Baxter avec transmission universelle de patrimoine ; qu'il importe peu que M. Y... n'ait pu reconstituer exactement le détail des opérations de cette chaîne dès lors que l'activité de la société Synthélabo reprise notamment par la société Clintec Technologie et par différentes sociétés du groupe Clintec a, par transmissions successives, été transférée à la société Baxter qui a recueilli les brevets de M. Y... et a embauché ce dernier avec les mêmes fonctions dans le même secteur d'activité de la nutrition parentérale qu'au sein de la société Synthélabo puis dans les sociétés du groupe ; que M. Y... est fondé à invoquer le contrat de travail l'ayant lié à la société Synthélabo comme subsistant à l'encontre de la société Baxter dans ses effets et donc dans ses droits d'inventeur, la société Baxter venant aux droits de son ancien employeur, la société Synthélabo » ;

1°) ALORS QUE l'article L. 1224-1 du code du travail ne s'applique qu'en cas de transfert, au profit de chacun des employeurs successifs du salarié, d'une entité économique autonome qui conserve son identité et poursuit son activité ; que le transfert d'une telle entité se réalise lorsque des moyens corporels ou incorporels significatifs nécessaires à la poursuite de l'exploitation sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que M. Y... a d'abord été salarié, à compter du 1er août 1985, de la société Laboratoires Cernep Synthelabo, qui a fait l'objet d'une fusion-absorption, en octobre 1991, par la société Clintec Technologies, qu'il a ensuite été salarié de la société Clintec International Operations Limited entre le 26 mars et le 30 août 1996, et qu'enfin, il a été embauché par la société Baxter le 1er septembre 1996 ; que pour retenir que M. Y... serait fondé à invoquer le contrat de travail l'ayant lié avec la société Synthelabo comme subsistant à l'encontre de la société Baxter, la cour d'appel a notamment relevé qu'il aurait été procédé au regroupement de l'activité de nutrition parentérale développée successivement par les sociétés Synthélabo, la société Clintec Technologies et « les sociétés créées à l'occasion de cette activité », entre les mains de la société Baxter, et qu'il importerait peu que M. Y... n'ait pu reconstituer exactement le détail de cette chaîne dès lors que l'activité de la société Synthélabo, reprise notamment par la société Clintec Technologies et par « différentes sociétés du groupe Clintec » aurait, par « transmissions successives », été transférée à la société Baxter ; qu'en statuant ainsi, sans indiquer par quelles sociétés du groupe Clintec l'activité de nutrition parentérale exercée par la société Clintec Technologies aurait été reprise ni constater que cette activité aurait été transférée, à un moment ou à un autre, à la société Clintec International Operations Limited, qui a employé M. Y... en 1996, la cour d'appel, qui s'est ainsi déterminée par des motifs impropres à caractériser l'existence d'un transfert d'une entité économique autonome de la société Clintec Technologies, basée en France, à la société suisse Clintec International Operations Limited, basée à Lausanne, au jour où cette dernière a embauché M. Y..., puis de cette société à la société Baxter lorsque celle-ci a embauché M. Y..., a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er ter de la loi du 2 janvier 1968, dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 1978, ainsi que de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE l'article L. 1224-1 du code du travail ne peut s'appliquer qu'à la condition que le contrat de travail litigieux ait été en cours au jour du transfert de l'entité économique autonome ; que le transfert d'une telle entité se réalise lorsque des moyens corporels ou incorporels significatifs nécessaires à la poursuite de l'exploitation sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant ; que la seule poursuite de la même activité ne peut suffire à caractériser un tel transfert ; qu'en affirmant que l'activité de nutrition parentérale aurait été regroupée entre les mains de la société Baxter, « l'opération finale ayant été, en septembre 2015, l'absorption de la société Clintec Parentéral par la société Baxter avec transmission universelle de patrimoine », et que cette activité aurait, « par transmissions successives, été transférée à la société Baxter qui a recueilli les brevets de M. Y... et a embauché ce dernier avec les mêmes fonctions dans le même secteur d'activité de la nutrition parentérale qu'au sein de la société Synthélabo puis dans les sociétés du groupe », sans constater ni justifier en quoi cette branche d'activité aurait été transférée à la société Baxter à l'époque où celle-ci a embauché M. Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er ter de la loi du 2 janvier 1968, dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 1978, ainsi que de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE dans ses conclusions d'appel (pp. 16 à 19), la société Baxter faisait valoir, en s'appuyant sur les pièces produites par M. Y..., qu'en 1996, la branche nutrition parentérale a été cédée par la société Clintec Nutrition Clinique à la société Clintec Parentéral, avant d'être transférée, en septembre 2015, de cette dernière société à la société Baxter, ce dont il résultait que la branche d'activité « nutrition parentérale » n'avait jamais transité par les employeurs successifs de M. Y... et que la société Baxter n'était pas encore cessionnaire de cette branche d'activité à l'époque où elle employait M. Y... ; qu'en retenant l'existence d'un transfert de cette branche d'activité au profit de la société Baxter, sans s'expliquer sur le fait que la branche d'activité « nutrition parentérale » a fait l'objet, en 1996, d'un apport partiel d'actif de la société Clintec Nutrition Clinique à la société Clintec Parentéral, ces deux sociétés n'ayant jamais employé M. Y..., et si un tel apport n'était pas de nature à exclure tout transfert de cette branche d'activité entre les différents employeurs de M. Y..., ou, à tout le moins, tout transfert de cette branche d'activité au profit de la société Baxter à l'époque où celle-ci employait M. Y... (1996-2007), la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. Y... est l'inventeur du procédé objet du brevet [...] et de ses extensions exploités par les sociétés Baxter International, Baxter Healthcare, Baxter SAS et Synthelabo à travers le monde, dit, après avoir admis que l'invention de M. Y... est une invention de mission, qu'en application de la convention collective des industries pharmaceutiques applicable, elle ouvre droit à rémunération supplémentaire, ordonné une expertise et condamné la société Baxter à payer à M. Y... la somme de 70 000 euros à titre de provision sur le montant de la rémunération supplémentaire ;

AUX MOTIFS QUE « Sur l'utilisation du brevet de M. Y... : que ce sont deux brevets qui ont été déposés simultanément par la société Synthélabo :
- le brevet [...] « Emulsion lipidique destinée à la nutrition parentérale ou entérale » dont l'inventeur était M. C...,
- le brevet [...] « Procédé de purification de l'huile d'olive »dont l'inventeur est M. Y... ;
que M. Y... soutient que ces deux brevets sont à l'origine de nouveaux médicaments dont le premier dénommé Clinoleic a obtenu une autorisation de mise sur le marché en 1995 ce qui démontre l'intérêt exceptionnel de sa propre invention ; que la société Baxter fait valoir que le seul brevet qu'elle a mis en oeuvre dans le produit Clinoleic est celui de M. C..., brevet qui porte sur une émulsion lipidique contenant de l'huile d'olive et qui prévoit une quantité d'huile d'olive purifiée mais que la purification est faite selon un procédé qui n'est pas celui inventé par M. Y... ; que l'invention de M. C..., qui a fait l'objet du brevet [...], portait sur une émulsion lipidique qui puisse être tolérée par l'organisme humain qu'elle soit prise par voie entérale ou injectée par voie parentérale; qu'elle était basée sur les teneurs en acides gras de chaque huile présente sur le marché à l'état brut pour définir une émulsion efficace, sans déterminer les procédés applicables pour que soit utilisée chacune des huiles possibles; que la revendication 8 de son brevet indiquait « émulsion lipidique selon la revendication 1 ou 2 caractérisée par le fait qu'elle contient un mélange d'huiles d'olive (85 %) et de soja (15 %) » ; que M. C... qui est l'inventeur de l'émulsion lipidique destinée à la nutrition parentérale ou entrale a délivré deux attestations l'une en date du 25 septembre 2012, l'autre en date du 11 mars 2015, expliquant que le médicament Clinoleic et ses dérivés ont été créés sur la base des deux brevets, le sien et celui de M. Y... ; que l'invention de M.Y... concerne un procédé de purification d'huile d'olive, pour un usage en nutrition parentérale ou entérale dont l'intérêt est d'obtenir une huile d'olive de très faible acidité libre, non oxydée et exempte des pigments responsables de la coloration et ayant des qualités nutritionnelles supérieures à l'huile d'olive vierge telle que décrite dans la pharmacopée européenne ; que le brevet comporte quatre revendications ; que la revendication principale se lit ainsi: « Procédé de purification de l'huile d'olive, procédé caractérisé en ce que l'on purifie une huile d'olive répondant à la pharmacopée européenne de la manière suivante :
on neutralise l'huile d'olive par une solution aqueuse saturée de carbonate disodique cristallisé équivalent à deux fois et demie le poids d'acide oléique calculé après dosage, puis, après décantation et séparation de la phase aqueuse, on lave l'huile jusqu'à neutralité complète, on décolore l'huile après l'avoir séchée à l'aide de terre décolorante, sous atmosphère inerte, et enfin, éventuellement on désodorise l'huile obtenue à basse température » ;
que la revendication 2 a pour objet l'huile d'olive pure obtenue selon le procédé décrit dans la revendication 1 ; que la revendication 3 a pour objet l'émulsion d'huile d'olive pure obtenue selon le procédé décrit dans la revendication 1 destinée à l'alimentation entérale ou parentérale ; que la revendication 4 a pour objet l'émulsion pour l'alimentation entérale, caractérisée par le fait qu'elle contient parmi ses constituants, de l'huile d'olive pure obtenue selon le procédé décrit dans la revendication 1 ; que le procédé de purification est décrit en ces différentes phases dont trois impératives :
- la phase neutralisation par une solution aqueuse saturée de carbonate disodique cristallisé équivalent à 2,5 fois le poids de l'acide oléique calculé après dosage .... réalisée sous atmosphère inerte à 45°C sous agitation,
- Après décantation et séparation de la phase aqueuse, l'huile est lavée à l'« eau distillée jusqu'à neutralité complète »,
- Décoloration: après séchage on ajoute à l'huile neutralisée maintenue sous azote à 60° de 5 à 8 % en poids de terre décolorante pendant 30 à 40 minutes, sous agitation lente,
- Désodorisation dans le cas où cette opération s'avère nécessaire ;
que le brevet comporte un tableau comparatif des caractéristiques d'une huile répondant à la pharmacopée européenne, l'autre purifiée par le procédé de l'inventeur, tableau faisant ressortir des différences significatives sur trois éléments, l'absorbance des UV, l'indice d'acide et l'indice de peroxyde ; qu'il s'ensuit que le brevet ne couvre pas toutes les huiles purifiées susceptibles, de par leurs propriétés, d'être utilisées en nutrition parentérale ou entérale, mais simplement l'huile d'olive obtenue selon le procédé breveté en trois étapes et l'émulsion d'huile d'olive pure obtenue selon le procédé que l'émulsion pour l'alimentation entérale ou ou parentérale ; que M. Y... produit une note interne de la société Synthélabo qui indique « L'utilisation de l'huile d'olive en nutrition parentérale étant une innovation importante nous avons été amenés à développer une qualité de matière première tout à fait particulière (demande de brevet en cours) » ; que la société Baxter produit une attestation de M. Bernard D..., directeur scientifique de la société SlO, qui est son fournisseur exclusif en huile d'olive purifiée après avoir été celui de la société Synthélabo, puis celui de la société Clintec ; que celui-ci atteste que la société SlO est le producteur exclusif de l'huile d'olive dans les produits contenant de l'émulsion lipidique et notamment les produits Clinoleic, Olimel et Oliclinomel ; qu'il certifie que depuis 1993 celle-ci « a toujours fabriqué l'huile d'olive selon un procédé à base de soude (ou hydroxyde de sodium) ; n'a jamais utilisé du carbonate de métal alcalin tel que le carbonate de sodium pour neutraliser l'acide oléique dans l'huile d'olive non raffinée », « n'utilise en aucune manière du carbonate de sodium (..) dans la fabrication de l'huile d'olive raffinée » et que le procédé utilisé « ne constitue en aucune façon une variante/un équivalent ni une amélioration/un perfectionnement du procédé de Monsieur Y... » ; que la société Baxter verse également aux débats un rapport du Professeur E..., expert-chimiste près la Cour d'appel de Paris, agréé par la Cour de cassation, qui a reçu pour mission de procéder à toute action nécessaire pour vérifier et contrôler si le procédé industriel effectivement mis en oeuvre par la société SlO depuis le commencement de la production de l'huile pour la société Baxter est celui décrit au brevet français [...] déposé le 23 juillet 1987 et au brevet européen n° [...] déposé le 20 juillet 1988 et faisant référence au brevet français ; que M. Y... conteste ces deux éléments et affirme qu'ils ne rapportent pas la preuve de ce que la société Baxter n'utilise pas encore son procédé ; que l'expertise produite par la société Baxter n'est pas contradictoire ; qu'elle n'a visé que l'activité de la société SlO pour le compte de la société Baxter alors que le brevet objet de l'invention de M. Y... a été déposé en 1987 dans le cadre des activités développées au sein de la société Synthélabo qui ont été reprises successivement par la société Clintec puis par la société Baxter ; que, de plus, l'expert relate s'être transporté sur le site de la société SlO, avoir visité l'atelier et constaté qu'il n'y avait aucun stock de carbonate de sodium, indiquant avoir en revanche noté la présence d'un stock de solutions d'hydroxyde de sodium; qu'il a toutefois précisé que le site n'était pas à ce moment-là en production d'huile d'olive raffinée, la société SlO procédant par campagne et qu'il s'était dès lors appuyé sur les informations fournies par M. Pascal F..., chef de production; qu'en conséquence cette expertise n'apporte aucun élément certain sur le procédé de fabrication utilisé, d'autant que la société SlO procède à des opérations de purification d'autres huiles dont l'huile de soja de sorte que la seule présence d'un stock d'hydroxyde de sodium n'est nullement significative, l'utilisation pouvant en être faite pour des types de purification autres que celle de l'huile d'olive et ne permet pas en tout cas d'affirmer que celui-ci était destiné à des opérations de purification de l'huile d'olive pour le compte de la société Baxter; que la cour ne peut donc pas retenir la conclusion du professeur E... qui, sur la base de cette seule constatation indique: « Je considère que le procédé de purification au carbonate de sodium décrit et revendiqué par le brevet français n° [...] et par le brevet européen [...] qui désignent Monsieur Y... comme inventeur, n'est pas mis en oeuvre dans l'usine de la société SlO » ; néanmoins que le professeur E... explique que l'huile d'olive est constituée du mélange d'esters du glycérol avec différents acides, principalement l'acide oléique (83;5 %) qui est un acide dit insaturé et d'autres acides dits gras et qu'une partie de l'acide oléique dit libre présente différents inconvénients car il est un catalyseur d'oxydation et que, dès lors, la purification de l'huile d'olive passe par l'élimination de l'acide oléique libre ; qu'il décrit ensuite le procédé que la société SlO prétend utiliser pour le compte de la société Baxter comme étant un procédé connu depuis plus de cinquante ans, utilisant comme base l'hydroxyde de sodium ou soude qui est une base forte totalement dissociée en solution aqueuse et qui permet d'obtenir l'olétate de sodium qui est soluble dans l'eau et que sa mise en oeuvre chez SlO relève d'un savoir-faire industriel ; qu'il précise que l'avantage de l'hydroxyde de sodium est qu'il permet de débarrasser l'huile d'olive des autres acides gras éventuellement présents à l'air libre et d'éliminer les traces de métaux qui sont des catalyseurs d'oxydation, outre un pouvoir décolorant important ; qu'il expose que le procédé de M. Y... qui consiste à neutraliser l'huile d'olive par une solution aqueuse saturée de carbonate de sodium a pour objet d'obtenir une huile d'olive purifiée n'ayant qu'une très faible acidité, non oxydée et exempte des pigments responsable de sa coloration ; qu'il ne conteste pas ces avantages, relevant que le procédé de l'invention de M. Y... est « certes capable de neutraliser l'acide oléique mais elle présente l'inconvénient majeur de libérer du dioxyde de carbone C02 qui est un gaz peu soluble dans l'eau.... or le dioxyde de carbone qui se dégage se fixe sur les flocons de savons et provoque la formation d'émulsions et, par suite une perte importante d'huile d'olive par entrainement. Par ailleurs, le carbonate de sodium, contrairement à l'hydroxyde de sodium n'est pas décolorant » ; que force est de constater qu'il relève les avantages du procédé de M. Y... sauf à relever un inconvénient d'un point de vue strictement économique ; qu'en revanche, il limite l'analyse de la nouveauté apportée par brevet de M. Y... par rapport au procédé antérieur au seul usage du carbonate de sodium au lieu et place du dyoxyde [sic] de sodium ; que l'expert a joint en annexe de son rapport un courrier en date du 27 avril 1995 de M. D... de la société SlO qui a écrit à la société Clintec Technologies « suite à notre conversation téléphonique du 26 courant vous trouverez ci joint:
copie de l'accord de secret du 26 janvier 1989 reprenant la technique de raffinage préconisée pour l'olive
copie du courrier ref 93 055/BP/RV adressé à Mademoiselle D... le 16 février 1993 reprenant le protocole définitif de raffinage établi d'un commun accord et utilisé en particulier pour le lot industriel 2T N° 30 149 fabriqué en avril 1993 » ; que, par l'accord de 1989, la société Synthélabo a transféré à la société SlO le procédé complet de purification de l'huile d'olive et toutes les spécifications du brevet [...], objet de l'invention de M. Y... ; que la société Baxter ne conteste pas l'existence de cet accord secret affirmant que celui-ci a eu pour objet une étude de faisabilité du brevet en cause à laquelle la société SlO n'a pas souhaité donner suite de sorte qu'aucun accord de licence portant sur l'exploitation du brevet déposé n'est intervenu ; que, néanmoins, le 25 août 1989, la société SlO a précisé à la société Synthélabo « Comme je vous l'indiquais lors de notre dernière communication fin juillet les valeurs obtenues en indice de peroxyde et spectrophotométrie UV/visible correspondent aux normes décrites dans notre accord secret », reconnaissant ainsi être parvenu aux normes du brevet ; que, si l'expert évoque le savoir-faire de la société SlO dans le procédé mis en oeuvre, force est de constater que les termes de l'accord secret précité qui était prévu pour 20 ans, ne constituait pas une simple étude de faisabilité du fait même de sa durée et que la société SlO a indiqué être parvenue aux résultats espérés ; qu'en 1996, l'accord secret a été intégralement transféré à la société Baxter qui a continué d'avoir recours à la société SlO comme fournisseur exclusif pour les huiles purifiées dont l'huile d'olive ; que ce transfert démontre l'intérêt que la société Baxter portait alors au brevet en cause; que son explication sur une simple étude de faisabilité du brevet n'est dès lors pas crédible ; qu'en conséquence, le rapport de M. E... a été établi au vu des informations fournies par la société SlO et ne parle que de l'utilisation de la soude au lieu du carbonate pour neutraliser l'acidité libre de l'huile d'olive brute, au demeurant à partir de 1993; qu'il n'aborde pas les caractéristiques analytiques uniques de l'huile purifiée, ni les autres étapes fondamentales du procédé dont la neutralisation sous gaz inerte et le choix des températures nécessaires pour obtenir cette huile ; qu'il affirme que « L'usine SlO de Saint Laurent Blangy étant certifiée ISO 9001 la traçabilité des fabrications est assurée ce qui permet de certifier que le procédé utilisé pour la fabrication de l'huile d'olive n'a pas été modifiée depuis sa mise au point en 1989 si ce n'est l'utilisation d'une solution d'hydroxyde de sodium à 18,7 % en poids au lieu de 40g/1 (soit environ4 % du poids) »; que le procédé breveté était composé de plusieurs étapes distinctes et indissociables les unes des autres pour obtenir le résultat espéré de sorte qu'une éventuelle amélioration du brevet initial par l'une de ses caractéristiques, ne saurait faire perdre à celui-ci son caractère novateur; que, si le procédé mis en oeuvre par la société SlO permet l'obtention des mêmes propriétés physico chimiques que celles résultant du brevet de M. Y..., le changement opéré par la société SlO, s'il était avéré, ne constituerait qu'une modification de l'invention de M. Y... réalisée sans son accord ; que M. Y... produit une attestation de M. C..., inventeur de l'émulsion lipidique, salarié de la société Baxter jusqu'à sa prise de retraite en avril 2012, qui affirme que « SlO fabrique toujours l'huile d'olive selon les critères définis en 1987 » ; qu'il résulte de ces éléments que la société Baxter venant aux droits des sociétés Clintec et Synthélabo a exploité le brevet de M. Y..., ayant repris l'accord secret conclu entre les sociétés Synthélabo et SlO portant sur la fabrication de l'huile d'olive purifiée sur la base du brevet de M. Y... ; Sur l'intérêt exceptionnel du brevet de M. Y... : M. Y... soutient que son procédé a permis à la société Baxter de bénéficier d'une avance technologique dans la mesure où elle a pu occuper le marché en créant d'abord le Clinoleic puis d'autres médicaments, son invention ayant permis la création de ces médicaments composés majoritairement d'huile d'olive purifiée alors que les médicaments existant jusque-là étaient composés d'huile de soja et posaient des problèmes de tolérance chez les patients. ; que le CIinoleic a fait l'objet d'une AMM déposée en décembre 1992 par Mme G..., qui a été responsable du développement pharmaceutique au sein de la société Synthélabo de 1985 à 1990 puis directeur des affaires pharmaceutiques Europe au sein de la société Clintec de 1991 à 1996; que Mme G... atteste de l'utilisation de l'invention de M. Y... indiquant :
« J'ai participé au développement de l'émulsion injectable Clinoleic (code CS 6/3) pour la définition de la stratégie réglementaire et l'ensemble des études indispensables pour obtenir un enregistrement comme spécialité pharmaceutique destinée à la nutrition parentérale. Après un échec (émulsion arrêtée au stade clinique suite à des effets secondaires), Cernep Synthelabo s'est orientée vers le développement d'une émulsion olive/soja dont le profil lipidique était optimum (par rapport aux besoins nutritionels des malades).
Mais l'huile d'olive à la différence de l'huile de soja n'avait encore jamais été utilisée en nutrition parentérale. Afin de répondre aux exigences toxicologiques et éviter des effets cliniques indésirables, M. Y... (directeur adjoint recherche et développement) a mis au point un procédé de purification de l'huile d'olive afin de la rendre injectable en quantité importante .....
Le procédé a été transféré à la société SlO avec les données analytiques afin de produire les quantités d'huile nécessaires à la production pour les études cliniques.
Les études cliniques ont démontré l'efficacité nutritionnelle et la bonne tolérance de Clinoleic . L'ensemble de ces données a ensuite constitué le dossier de demande de mise sur le marché conduisant en 1995 à l'obtention de son autorisation de mise sur le marché en France, première étape pour une AMM européenne » ;
que M. C... atteste que M. Y... a apporté « une contribution décisive au projet de nouvelle émulsion Clinoleic en mettant au point une huile satisfaisant aux normes de tolérance .... Cette huile unique est décrite dans le brevet français [...] qui apportait une véritable innovation due à plusieurs années de recherches ....Je n'ai absolument aucun doute que seul le brevet de C Y... a permis de produire une huile d'olive purifiée injectable pour la nutrition parentérale et de ce fait a permis de commercialiser mondialement Clonoleic pour sauver des patients » ; que l'ensemble des éléments précités démontre que l'invention de M. Y... a été faite dans le même temps que celle de l'émulsion lipidique par M. C... qui portait sur plusieurs possibilités à base d'huile ; qu'elle a permis la réalisation d'une émulsion lipidique spécifique à base d'huile d'olive ce qui a constitué une innovation sur le marché de la nutrition sur lequel étaient proposées des compositions reposant sur l'huile de soja ; que l'intérêt exceptionnel de cette invention est dès lors caractérisé quelles qu'en aient été les applications ultérieures ; qu'en effet, M. Y... fonde également le caractère exceptionnel de ce brevet sur le fait que l'émulsion lipidique mise au point a été utilisée pour la création du clinoleic et des autres médicaments incorporant majoritairement de l'huile d'olive purifiée à savoir Oliclinomel, Olimet et Numeta et qu'elle a eu des retombées financières considérables pour la société Baxter ; que s'agissant du premier médicament cité, le clinoleic qui a intégré une émulsion à base majoritairement d'hule d'olive, la société Baxter fait observer que le brevet de M. Y... n'a pas été mentionné dans la section brevet de l'AMM qui ne comporte que celui de M. C... ce qui n'est pas contesté mais ce qui ne démontre pas pour autant que les essais cliniques réalisés préalablement à cette demande n'ont pas été faits sur la base du brevet de M. Y... ; que M. Y... ne produit qu'un document en anglais constituant la « part 1 » de la demande d'AMM alors que celle-ci en comporte 5 ; que force est de constater que M. Y... qui a été licencié de la société Baxter n'a pas accès à la documentation de celle-ci et qu'il ne saurait lui être fait grief de cette communication incomplète ; que toutefois, la cour constate qu'il est mentionné en page 5 de la pièce produite des indications en termes d'indices à savoir: « indices of acid( lA etlt; ou égal à 0,5) peroxide (IPetlt; ou égal à 5) » ; que ces mêmes indices figuraient dans le brevet de M. Y... comparés avec ceux de la pharmacopée européenne qui étaient respectivement pour le premier etlt; ou égal à 2, pour le second etlt; ou égal à 15 alors qu'il revendiquait des taux etlt; ou égal à 0,2 pour le premier et etlt; ou égal à 1 pour le second, taux très proches de ceux repris dans la demande d'AMM étant rappelé que le 25 août 1989 la société SlO a précisé à la société Synthélabo « Comme je vous l'indiquais lors de notre dernière communication fin juillet les valeurs obtenues en indice de peroxyde et spectrophotométrie UV /visible correspondent aux normes décrites dans notre accord secret » ; qu'en cause d'appel, M. Y... a communiqué de nouvelles pièces qui lui ont été adressées par un salarié du groupe Baxter, à savoir une photographie d'un poster plastifié qui aurait été présent dans certains locaux du groupe et qui aurait été utilisée lors de conférences internationales pour présenter le médicament Clinoleic et les originaux des épreuves avant impression définitive de ce document; que celui-ci comporte en bas à gauche la liste des pays où le médicament était enregistré ou en cours de l'être et en bas à gauche les mentions suivantes: « protection par brevet : brevet n° 1 : procédé de purification de l'huile d'olive (inventeur. C. Y...), Accordée : Europe, Australie, New Zealand, Canada. En attente: Etats Unis » ; que la société Baxter conteste cette pièce comme preuve de l'exploitation du brevet de M. Y... dès lors qu'elle ne comporte aucune date et prétend à une erreur ; que cette explication ne saurait être retenue dès lors que cette pièce contient des éléments certains; qu'elle démontre que la société Baxter a communiqué sur l'exploitation du brevet de M. Y... dont elle était devenue en 1991 le seul exploitant ; que les éléments produits par M. Y... à l'appui de sa demande portant sur l'utilisation de son invention pour la création de nouveaux médicaments sont sérieux et pertinents ; qu'il est donc nécessaire de déterminer l'utilité industrielle et commerciale de l'invention du brevet [...] et de ses extensions et de rechercher si les produits Clinoleic, Oliclinomel, Olimel et Numeta procèdent de l'exploitation du brevet [...] et de ses extensions référençant M. Y... comme inventeur et/ou co-inventeur ; qu'à cette fin, il y a lieu d'ordonner une expertise comme demandé par M. Y... sauf à la limiter, en l'état de la procédure à cette recherche » ;

1°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, M. Y... prétendait que son invention aurait été exploitée pour fabriquer l'émulsion lipidique à base d'huile d'olive contenue dans les produits « Clinoleic », « Olimel », « Oliclinomel » et « Numeta » (conclusions d'appel de M. Y..., pp. 49 à 77) et il n'était, par ailleurs, pas contesté que la société SIO était le fournisseur exclusif de l'huile d'olive purifiée entrant dans la composition de ces produits ; qu'après avoir constaté que la société SIO était le fournisseur exclusif des huiles purifiées entrant dans la composition des produits fabriqués par les sociétés Synthélabo puis Baxter, la cour d'appel a retenu, d'une part, que « la société Baxter, venant aux droits des sociétés Clintec et Synthélabo a exploité le brevet de M. Y..., ayant repris l'accord secret conclu entre les sociétés Synthélabo et SIO portant sur la fabrication de l'huile purifiée sur la base du brevet de M. Y... » et que l'invention présentait un intérêt exceptionnel dès lors qu'elle avait permis la réalisation d'une « émulsion lipidique spécifique à base d'huile d'olive ce qui a constitué une innovation sur le marché de la nutrition sur lequel étaient proposées des compositions reposant sur l'huile de soja » ; qu'elle a néanmoins retenu, d'autre part, qu'il était nécessaire d'ordonner une expertise afin de « déterminer l'utilité industrielle et commerciale de l'invention du brevet [...] et de ses extensions et de rechercher si les produits Clinoleic, Oliclinomel, Olimel et Numeta procèdent de l'exploitation du brevet [...] et de ses extensions référençant M. Y... comme inventeur et/ou co-inventeur » ; qu'en retenant ainsi, tout à la fois, d'une part, qu'il était établi que la société Baxter, venant aux droits des sociétés Clintec et Synthélabo, exploitait l'invention de M. Y... pour la réalisation de l'émulsion lipidique spécifique à base d'huile d'olive contenue dans ses produits et que cette invention présentait un intérêt exceptionnel, et d'autre part, qu'il était nécessaire d'ordonner une expertise pour déterminer l'utilité industrielle et commerciale de cette invention et rechercher si les produits en cause procédaient de l'exploitation du brevet [...] et de ses extensions, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la convention collective de l'industrie pharmaceutique subordonne l'octroi d'une rémunération supplémentaire au profit du salarié auteur d'une invention de mission à la condition que cette invention présente un « intérêt exceptionnel » pour l'entreprise ; qu'une invention, fût-elle novatrice sur le plan scientifique, présente un intérêt exceptionnel lorsqu'elle permet à l'entreprise de retirer des avantages économiques concrets présentant un caractère particulièrement substantiel, ce qui suppose, à tout le moins que son utilité industrielle et commerciale soit déterminée et que l'invention ait donné lieu à des applications commerciales concrètes ; qu'en retenant que l'invention couverte par le brevet [...] aurait « permis la réalisation d'une émulsion lipidique spécifique à base d'huile d'olive ce qui a constitué une innovation sur le marché de la nutrition sur lequel étaient proposées des compositions reposant sur l'huile de soja » et que l'intérêt exceptionnel de l'invention serait ainsi caractérisé « quelles qu'en aient été les applications ultérieures », tout en admettant elle-même, au terme d'une motivation faisant apparaître qu'elle ne connaissait pas les conditions précises dans lesquelles l'invention litigieuse aurait été exploitée, qu'il était nécessaire de désigner un expert pour déterminer « l'utilité industrielle et commerciale de l'invention du brevet [...] et de ses extensions » et rechercher « si les produits Clinoleic, Oliclinomel, Olimel et Numeta procèdent de l'exploitation du brevet [...] et de ses extensions », ce dont il résultait qu'elle ne disposait pas de tous les éléments pour apprécier l'intérêt exceptionnel de l'invention litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 2 janvier 1968 dans sa version issue de la loi du 13 juillet 1978, ensemble l'article 48, dans sa rédaction applicable en l'espèce, de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956 ;

3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE dans ses conclusions d'appel (pp. 33 à 39 et 42 à 43), la société Baxter faisait notamment valoir que le procédé mis en oeuvre pour la fabrication de l'huile purifiée par la société SIO, tel que décrit dans le rapport du professeur E..., se distinguait nettement du procédé couvert par le brevet [...], dès lors, d'une part, que la technique utilisée par la société SIO pour neutraliser l'huile (utilisation d'hydroxyde de sodium) était une technique déjà connue dans l'art antérieur, et d'autre part, que selon le procédé ainsi décrit par le professeur E..., l'étape de décoloration était également effectuée dans des conditions différentes de celles décrites dans le brevet [...] ; qu'en l'espèce, après avoir affirmé que le rapport du professeur E... ne traiterait « que de l'utilisation de la soude (hydroxyde de sodium) au lieu du carbonate pour neutraliser l'acidité libre de l'huile d'olive brute », sans aborder les caractéristiques analytiques uniques de l'huile purifiée ni les autres étapes fondamentales du procédé, la cour d'appel en a déduit que, le procédé breveté étant composé de plusieurs étapes distinctes et indissociables les unes des autres, « une éventuelle amélioration du brevet initial par l'une de ses caractéristiques ne saurait faire perdre à celui-ci son caractère novateur » et que « si le procédé mis en oeuvre par la société SIO permet l'obtention des mêmes propriétés physico-chimiques, le changement opéré par la société SIO, s'il était avéré, ne constituerait qu'une modification de l'invention de M. Y... réalisée sans son accord » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'utilisation d'hydroxyde de sodium ne constituait pas une technique déjà connue pour neutraliser l'huile et si l'étape de décoloration mise en oeuvre dans le procédé litigieux n'était pas effectuée dans des conditions différentes de celles décrites dans le brevet [...], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (pp. 40 et 41), la société exposante faisait notamment valoir que le procédé proposé par M. Y... était déjà connu dans l'art antérieur, puisqu'en particulier, la technique consistant à utiliser comme base de neutralisation de l'huile du carbonate de sodium, le fait de prévoir trois étapes (neutralisation, décoloration et désodorisation) ainsi que les températures mentionnées dans le brevet étaient déjà décrits dans l'ouvrage « Le raffinage des corps gras » de Jean H... daté de 1983 ; qu'en retenant que l'invention couverte par le brevet [...] présenterait un intérêt exceptionnel, sans répondre aux conclusions d'appel de la société Baxter sur ce point, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-24044
Date de la décision : 21/11/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 nov. 2018, pourvoi n°16-24044


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.24044
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