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15/11/2018 | FRANCE | N°17-16687

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 15 novembre 2018, 17-16687


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 411-32 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 17 mars 2017), que, par actes des 29 mars et 12 avril 2011, Antoinette E... et ses filles, Mme A... et Mme B..., ont délivré à M. Y... un congé afin de mettre fin au bail dont il était titulaire sur des parcelles horticoles ; que, par déclaration du 11 mai 2011, M. Y... a saisi le tribunal paritaire en annulation ; que les bailleresses s'y sont opposées au motif que

le congé valait résiliation pour changement de destination ; que, Antoinette ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 411-32 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 17 mars 2017), que, par actes des 29 mars et 12 avril 2011, Antoinette E... et ses filles, Mme A... et Mme B..., ont délivré à M. Y... un congé afin de mettre fin au bail dont il était titulaire sur des parcelles horticoles ; que, par déclaration du 11 mai 2011, M. Y... a saisi le tribunal paritaire en annulation ; que les bailleresses s'y sont opposées au motif que le congé valait résiliation pour changement de destination ; que, Antoinette E... étant décédée le [...] , l'instance a été poursuivie par Mmes A... et B... ;

Attendu que, pour déclarer la résiliation régulière et ordonner l'expulsion du preneur, l'arrêt retient que le congé avait été donné en vue d'un changement de destination des terrains et que cet acte, notifiant au preneur la décision des bailleresses de résilier le bail, mentionnait leur engagement de procéder à cette modification dans le respect des documents d'urbanisme ;

Qu'en statuant ainsi, sans vérifier, au besoin d'office, si la destination de parcelles agricoles pouvait être changée en application des dispositions du plan local d'urbanisme régissant le territoire de la commune et si les terrains litigieux figuraient en zone urbaine au sens du texte susvisé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne Mmes A... et B... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mmes A... et B... et les condamne à payer à M. Y... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. Y....

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement, rejeté la demande de M. Philippe Y... tendant à l'annulation du congé signifié le 12 avril 2011 avec effet au 15 avril 2012, pour changement de destination du terrain par lui occupé, cadastré [...] commune de [...] (Rhône), et retenu, en conséquence, que la résiliation du bail verbal qui en résulte s'applique non seulement à cette parcelle, expressément visée par cet acte d'huissier, mais également aux deux autres parcelles [...] et [...] objet du bail liant les parties, et ordonné l'expulsion de M. Y...,

AUX MOTIFS QUE « l'article L 411-32 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :

Le propriétaire peut, à tout moment, résilier le bail sur des parcelles dont la destination agricole peut être changée et qui sont situées en zone urbaine en application d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu.

En l'absence d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou, lorsqu'existe un plan local d'urbanisme, en dehors des zones urbaines mentionnées à l'alinéa précédent, le droit de résiliation ne peut être exercé sur des parcelles en vue d'un changement de leur destination agricole qu'avec l'autorisation de l'autorité administrative.

La résiliation doit être notifiée au preneur par acte extrajudiciaire, et prend effet un an après cette notification qui doit mentionner l'engagement du propriétaire de changer ou de faire changer la destination des terrains dans le respect d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, s'il en existe, au cours des trois années qui suivent la résiliation.

Lorsque l'équilibre économique de son exploitation est gravement compromis par une résiliation partielle, le preneur peut exiger que la résiliation porte sur la totalité du bien loué.

Le preneur est indemnisé du préjudice qu'il subit comme il le serait en cas d'expropriation. Il ne peut être contraint de quitter les lieux avant l'expiration de l'année culturale en cours lors du paiement de l'indemnité qui peut lui être due, ou d'une indemnité prévisionnelle fixée, à défaut d'accord entre les parties, par le président du tribunal paritaire statuant en référé.

Jacqueline Z... épouse A... et Michèle Z... épouse B... exposent que ces sur le fondement de ce texte qu'elles ont fait délivrer à Philippe Y... le 12 avril 2011 le congé litigieux qui visait expressément l'article L 411-32 précitées, en rappeler intégralement les termes et comprenait leur engagement par cet acte de changer la destination des terrains.

Il apparaît toutefois clairement, à la lecture de cet acte, que le congé litigieux était donné par les bailleresses à Philippe Y... pour le 15 avril 2012 au motif qu'elles entendaient lui refuser le renouvellement de son bail rural, précisant : « cette décision de non renouvellement est motivée par le désir des bailleurs de reprendre les biens loués, ils s'engagent par les présentes, à changer la destination des terrains dans le respect des dispositions des documents d'urbanisme dans les 3 années suivant la résiliation ».

Selon le preneur, son bail rural verbal a commencé à courir le 1er janvier 1996 et s'est donc renouvelé le 1er janvier 2005 puis le 1er janvier 2014, ce qui ne correspond aucunement à la date du refus de renouvellement qui lui a été notifié par l'acte litigieux.

Pour leur part, les bailleresses ne contestent pas que la date du 15 avril 2012 ainsi notifiée ne correspondait en réalité pas à la date de renouvellement de ce bail, sur laquelle elles s'abstiennent d'ailleurs prudemment de se prononcer dans leurs écritures devant la cour.

En l'état des pièces verses aux débats par le preneur et en l'absence de tout élément contraire établi par des documents objectifs communiqués par les bailleresses, la cour dispose en la cause d'éléments suffisants pour fixer au 1er janvier 1996 la date de conclusion initiale du bail verbal litigieux.

Pour autant, il n'est pas sérieux de la part du preneur de soutenir, en dissociant artificiellement des morceaux de cet acte du 12 avril 2011, que ce dernier emportait un refus de renouvellement du bail non motivé au regard des articles L 411-31 et L 411-32 du code rural et de la pêche maritime.

La simple lecture de l'ensemble du congé litigieux permet en effet de constater que, nonobstant ses maladresses évidentes de rédaction, cet acte du 12 avril 2011 notifiait clairement au preneur la décision des bailleresses de résilier le contrat de bail à compter du 15 avril 2012 (le mot "résilier" étant expressément employé en page 2, 6e² ligne) et ce, par application de l'article L 411-32 du code rural dont les termes étaient bien repris en détail dans le document ainsi que leur engagement exprès de changer la destination de ces terrains dans le respect des dispositions des documents d'urbanisme dans les 3 années suivant la résiliation ".

Il s'ensuit que la référence de ce congé à un refus de renouvellement alors qu'il était donné pour une date ne correspondant pas au terme du bail ne constituait qu'une maladresse de forme qui n'était assurément pas de nature à induire le preneur en erreur sur les conséquences juridiques de cet acte.

Aucune nullité n'est donc encourue du seul fait de la référence erronée de cet acte à un refus de renouvellement du bail pour changement de destination des terrains, la contradiction ici alléguée n'étant qu'apparente et ne causant en réalité aucun grief au destinataire de l'acte.

Le congé litigieux est donc valable et doit être considéré comme portant par application du 3e alinéa de l'article L 411-32 précité, sur les 3 parcelles données à bail par les intimées à Philippe Y... ([...], [...] et [...]), les parties étant d'accord pour considérer qu'une résiliation partielle compromettrait gravement l'équilibre économique de l'exploitation de l'appelant.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré sur ces points, de valider le congé litigieux portant résiliation de bail à compter du 15 février 2012, d'enjoindre à Philippe Y... de libérer les lieux après avoir remis les terres et installations dans leur état d'origine et, en tant que de besoin, d'ordonner l'expulsion de Philippe Y... de ses biens de tous occupants de son chef avec si nécessaire le concours de la force publique. »

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU' « il résulte de l'acte d'huissier délivré le 29 03 2011 et visant les parcelles [...] , [...] et [...] pour 2693 m2 que la résiliation du bail au visa de l'article L 411-32 du code rural respecte les conditions de forme légales en ce que les bailleurs ont bien indiqué qu'ils s'engageaient à changer la destination des terrains dans le respect des dispositions des documents d'urbanisme dans les 3 ans suivant la résiliation.

Puis par nouveau congé en date du 12 04 2011, annulant et remplaçant le congé délivré le 29 03 2011, les bailleresses ont réduit la résiliation du bail sur la seule parcelle [...] , en raison du précédent litige les opposant sur l'existence d'un bail sur les autres parcelles.

Or aucune disposition légale ou réglementaire impose à peine de nullité de joindre un document d'urbanisme d'autant que ceux-ci ont été produits en cours de procédure et que cela ne fait pas grief au preneur.

(
) il convient de déclarer régulière la demande de résiliation de bail en date du 12 avril 2011 ; »

1) ALORS QUE le propriétaire qui entend s'opposer au renouvellement doit notifier congé au preneur dix-huit mois au moins avant l'expiration du bail par acte extrajudiciaire ; que le congé doit, à peine de nullité, mentionner expressément les motifs allégués par le bailleur et être dépourvu de toute ambiguïté ; qu'en l'espèce le congé signifié au preneur le 12 avril 2011 mentionnait tout à la fois la volonté des bailleresses de résilier le bail sans motif et d'en refuser le renouvellement pour changement de destination, ce qui l'entachait d'une grave contradiction de nature à induire le preneur en erreur ; que dès lors en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que « la référence de ce congé à un refus de renouvellement alors qu'il était donné pour une date ne correspondant pas au terme du bail ne constituait qu'une maladresse de forme qui n'était assurément pas de nature à induire le preneur en erreur sur les conséquences juridiques de cet acte », la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L 411-32 et L 411-47 du code rural et de la pêche maritime ;

2) ALORS QU'en toute hypothèse, le propriétaire peut, à tout moment, résilier le bail sur des parcelles dont la destination agricole peut être changée et qui sont situées en zone urbaine en application d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ; qu'en l'absence d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou, lorsque existe un plan local d'urbanisme, en dehors des zones urbaines mentionnées à l'alinéa précédent, le droit de résiliation ne peut être exercé sur des parcelles en vue d'un changement de leur destination agricole qu'avec l'autorisation de l'autorité administrative ; qu'en l'espèce le congé signifié le 12 avril 2011 se bornait à indiquer, sans autres précisions, que les bailleresses s'engageaient à changer la destination des terrains dans le respect des dispositions des documents d'urbanisme dans les trois années suivant la résiliation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, au vu de cette seule mention du congé, sans vérifier les conditions dans lesquelles les dispositions des documents d'urbanisme en vigueur autorisaient le changement de destination allégué, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L 411-32 du code rural et de la pêche maritime,

3) ALORS QU' en toute hypothèse, seul le classement des parcelles concernées en zone urbaine du PLU ou du document en tenant lieu, impliquant qu'elles soient viabilisées et desservies par des réseaux, permet de mettre en oeuvre la résiliation de plein droit du bail ; qu'en se bornant à retenir, pour statuer comme elle l'a fait, que le congé mentionnait l'engagement des bailleresses de changer la destination des terrains dans le respect des dispositions des documents d'urbanisme et, par confirmation du jugement, que « les documents d'urbanisme avaient été produits en cours de procédure », sans même rechercher comme cela lui avait été demandé, si les terrains concernés étaient situés dans une zone urbaine, viabilisée et desservie par les réseaux nécessaires, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L 411-32 du code rural et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-16687
Date de la décision : 15/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 17 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 15 nov. 2018, pourvoi n°17-16687


Composition du Tribunal
Président : M. Echappé (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Occhipinti, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.16687
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