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14/11/2018 | FRANCE | N°17-21026

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 novembre 2018, 17-21026


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé par la société A... le 1er janvier 1995 en qualité de VRP exclusif ; que le 17 juillet 2013, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation du contrat de travail et de demandes se rapportant à l'exécution de celui-ci ; que la société A... a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lille rendu le 24 juin 2014 qui a désigné M. Z... en qualité de liquidateur ; qu'un plan de cession a été adop

té le 17 octobre 2014 ; que le salarié a été licencié pour motif économique...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé par la société A... le 1er janvier 1995 en qualité de VRP exclusif ; que le 17 juillet 2013, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation du contrat de travail et de demandes se rapportant à l'exécution de celui-ci ; que la société A... a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lille rendu le 24 juin 2014 qui a désigné M. Z... en qualité de liquidateur ; qu'un plan de cession a été adopté le 17 octobre 2014 ; que le salarié a été licencié pour motif économique le 4 novembre 2014 ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :

Vu les articles L. 7313-13 et L. 7313-17 du code du travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de son indemnité de clientèle, l'arrêt retient que c'est à bon droit que le CGEA et l'employeur font valoir que l'indemnité de clientèle et l'indemnité de licenciement ne sont pas cumulables, ces deux indemnités ayant le même objet, qu'il n'est pas discuté que le salarié a perçu une indemnité de licenciement d'un montant de 21 187,72 euros ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que, si l'indemnité de clientèle et l'indemnité de licenciement ne se cumulent pas, le salarié a droit à la plus élevée des deux, la cour d'appel qui n'a pas recherché, ainsi qu'il le lui était demandé, si le salarié ne pouvait pas prétendre à une indemnité de clientèle d'un montant plus élevé, a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. Jean-Luc Y... de sa demande d'indemnité de clientèle, l'arrêt rendu le 5 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne M. Z... ès qualités aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z... ès qualités à verser à M. Jean-Luc Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. Y....

Il est fait grief à la décision attaquée D'AVOIR débouté M. Y... de sa demande au titre de l'indemnité de clientèle ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, attendu que le salarié réclame sur le fondement de l'article L. 7313-13 du code du travail le paiement d'une indemnité de clientèle ; attendu que c'est à bon droit que le CGEA et l'employeur font valoir que l'indemnité de clientèle et l'indemnité de licenciement ne sont pas cumulables, ces deux indemnités ayant le même objet ; attendu qu'il n'est pas discuté qu'il a perçu une indemnité de licenciement d'un montant de 21.187,72 euros ; qu'il doit en conséquence être débouté de sa demande sur ce point ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE – l'arrêt de la licence Lacroix et son incidence sur la relation de travail ; un contrat de VRP statutaire a été conclu entre M. Jean-Luc Y... et la société A... avec prise d'effet au 1er janvier 1995 précisant l'engagement exclusif de représentation de la marque, griffe et étiquette Pierre Cardin sur un secteur géographique déterminé ;

parmi les clauses à l'article II, il était précisé que la société A... se réservait le droit de cesser à tout moment, la fabrication ou la vente de l'un des articles désignés au contrat, sans que le représentant puisse en tirer argument pour obtenir une indemnité : par un avenant au contrat de travail du 10 novembre 2004, la société A... va convier rétroactivement à M. Y... à compter du 1er juillet 2004 la représentation des chemises et mailles Christian Lacroix sur 23 départements sur le sud-est de la France : à son article II, l'avenant précise que ces nouvelles dispositions (distribution des chemises et mailles Lacroix) feront l'objet d'un point en fin de saison et pourront être supprimées ou modifiées ; par un avenant du 7 janvier 2013, la société A... pour la saison automne/hiver 2013 va notifier à M. Y... l'arrêt de la représentation des marques Pierre Clarence et Horizon et va lui confier à nouveau la représentation de la pièce à manche Pierre Cardin et de la chemise et maille Christian Lacroix avec précisé pour chaque marque les départements confiés : à l'article II la mention ci-après est rayée avec un seul paraphe « JLA » : « nous vous rappelons que la société A... se réserve le droit de cesser à tout moment la fabrication ou la distribution de l'un des articles dont vous avez la représentation commerciale sans que vous puissiez en tirer argument pour obtenir une indemnité » ; le document ne comporte pas de paraphe de la présidente signataire de cet avenant et pas plus de mention précisant le nombre de mots ou phrases annulés, le conseil de prud'hommes ne sera éclairé par les parties de leur consentement mutuel à la modification de ces termes pour cet avenant ; toutefois, ce même avenant précise, qu'il n'est pas autrement dérogé aux dispositions du contrat de travail initial ; la conseil de prud'hommes relève, que le contrat de licence conclu entre la société A... et la société Christian Lacroix a fait l'objet d'un avenant au contrat signé par les parties le 13 juillet 2006, il était précisé à son article III : « que le contrat était prorogé pour une durée de 5 ans à compter du 1er janvier 2009 et sauf résiliation anticipée, il restera en vigueur jusqu'à l'automne/hiver 2013, soit jusqu'au 31 décembre 2013. En conséquence, le présent contrat prendra fin de plein droit à cette dernière date et sans préavis ni indemnité de quelque nature que ce soit » ; c'est dans cette éventualité que Mme Judith E..., présidente de la société A..., adressait le 15 octobre 2012 à la société Lacroix un courrier RAR afin de connaitre la suite donnée au renouvellement du 31 décembre 2013 avec la fin de la commercialisation de la collection automne/hiver 2013 ; le conseil de prud'hommes ne sera pas éclairé sur d'autres échanges ou correspondances entre les deux sociétés ; le conseil de prud'hommes dit : que le contrat de travail de M. Y..., socle de la relation, stipulait sans équivoque le droit pour la société A... de mettre un terme à la représentation d'une marque sans que pour autant le VRP puisse en tirer argument et avantage ; cette stipulation sera par ailleurs énoncée dans la plus part des avenants signés entre les parties au cours de la relation ; la rature des mentions sur l'avenant du 7 janvier 2013, qui toutefois ne répond pas aux conditions de forme exigées en l'espèce, ne saurait être opposable à la société A..., l'avenant faisant expressément référence aux conditions générales du contrat de travail ; le conseil de prud'hommes confirme : que la relation commerciale entre les sociétés Lacroix et A... était soumise à un accord « cadre » précisant les obligations mutuelles des parties et la durée du partenariat ; il ne saurait donc être reproché à la société A... d'avoir commis un manquement pour ne plus avoir confié à M. Y... la représentation des produits Lacroix ; le contrat de licence manifestement non reconduit arrivant à son terme à la saison automne/hiver 2013 ; par ailleurs, il n'est pas recevable de considérer que M. Jean-Luc Y... bénéficiant d'une ancienneté importante et d'une longue expérience ait pu ignorer le contexte commercial et contractuel liant les deux sociétés, tout au plus la critique sur le manque de transparence et d'information de la société A... à l'égard de ses collaborateurs peut être admise mais elle ne saurait autoriser M. Y... à s'appuyer sur cet argument pour dénoncer un manquement de la société A... au titre de l'exécution de son contrat de travail ; en conséquence : le conseil de prud'hommes exerçant souverainement la faculté d'appréciation qu'il tient des dispositions du code de procédure dit : que l'arrêt de la représentation de la carte Lacroix pour M. Y... ne peut s'analyser en une modification unilatérale du contrat de travail ayant eu pour conséquence une baisse de la rémunération ; par voie de conséquence, ce premier grief sera déclaré irrecevable ; - le rappel de salaire au titre des commissions : après avoir pris attache avec la chambre syndicale M. Y... adressait le 31 mai 2013 un courrier RAR à la présidente de la société A... ; il précisait : que la clause du contrat stipulant qu'aucune commission ne saurait être due sur des commandes non livrés pour quelque motif que ce soit est irrégulière, que les commandes qui ont été prises et pas honorées par la faute de l'entreprise ouvrent droit à une commission, que selon la jurisprudence la charge de la preuve incombe à l'employeur et non pas au VRP ce dernier devant être en possession de tous les éléments ayant donné lieu à une annulation ; déjà en aout 2013, M. Y... par des mails avait fait le constat de ne pas être en possession de documents permettant de gérer au mieux les ventes et les clients notamment la facturation, les états de paiement mensuel de commissions, le suivi hebdomadaire des prises de commande, les états de réassort et de livraison, etc
; la société A... ne rapporte pas la preuve d'avoir adressé à M. A... une réponse claire et motivée à sa réclamation : devant la juridiction de céans, à défaut d'une justification des annulations de commandes et des avoirs par la société A..., M. Y... formule deux rappels de créances salariales ; sur les commissions pour la saison 2013, il constate : que sur la carte Cardin 718 commandes ont été annulées soit une retenue de commission de 589 euros ; que sur la carte Lacroix 560 commandes ont été annulées soit une retenue de commission de 655,24 euros ; que sur la carte Clarence 294 commandes ont été annulées soit une retenue de commission de 188,44 euros ; que sur la carte Horizon 245 commandes ont été annulées soit une retenue de commission de 101,92 euros ; il procède au même constat et à la même évaluation pour les saisons : été/hiver 2012, été/hiver 2011, hiver 2011 pour établir à la somme de 7.910 euros le montant des commissions qui lui ont été indument retenues ; pour les avoirs, de la même manière indument retenus, il réclame sur la période du 2eme semestre 2010 au 1er semestre 2013 la somme de 3.164 euros ; la société A... offre de régler la somme de 4.412,21 euros sir le conseil de prud'hommes jugeait la demande de M. Y... recevable ; pour ce qui concerne l'activité de VRP des clauses de « vente menées à bonne fin » sont juridiquement recevables ; la clause insérée à l'article V du contrat de travail de M. Y... stipulant : « qu'aucune commission ne sera due sur des commandes non livrées pour quelque motif que soit », si elle est admise par la Cour de cassation, cette dernière a eu à préciser : que l'annulation de commande ne pouvait être admise que si elle provenait d'un client douteux ou si elle apparaissait inacceptable en raison du faute du VRP et qu'à défaut le paiement des commissions était dû ; toujours selon la jurisprudence, l'employeur a l'obligation d'établir le décompte des commissions lors du paiement de celles-ci avec toutes les indications utiles permettant au VRP de contrôler ses droits, que les commissions sont intégralement dues dès que la commande ou l'ordre a été expressément ou tacitement accepté par la maison représentée, que les commissions sont dues dès lors que la réalité des ordres passés par un client n'est pas contestable ; le conseil de prud'hommes constate à la lecture des volumineuses pièces versées au débat par les parties sous les intitulés : « tableau de bord », « activité », « commissions dues au titre de la période », « décomptes commissions » et autres d'abord, que la plupart sont d'un lecture inexploitable par le juge dans le cadre d'une bonne administration de la preuve et qu'ensuite aucun document de la société A... ne répond précisément à l'obligation d'établir un décompte précis des commissions lors du paiement avec toutes les indications utiles permettant à M. Y... de contrôler ses droits avec notamment précisé le motif d'annulation ou de non facturation ; en conséquence : à défaut d'éléments de preuve probants fournis par la société A..., la demande de rappel de salaire de M. Y... au titre des commissions et des avoirs selon son calcul simpliste de l'assiette sera jugée en ce sens, selon la jurisprudence recevable ; la contestation et le calcul à titre subsidiaire de la somme à devoir par le défendeur seront écartés ; la société A... sera condamnée à verser à M. Y... la somme brute de 11.074 euros qui sera inscrite au passif de la liquidation avec les garanties et privilèges attachés ; toutefois, cette demande satisfaite ne sera pas jugée comme un grief suffisamment grave pouvant ouvrir droit à la résiliation judiciaire du contrat de travail ; ce différent quant à l'appréciation des retenues sur commissions a été matérialisé officiellement pour la première fois le 31 mai 2013 par M. Y... qui, un mois et demi après, introduisait le 17 juillet 2013 une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail, laissant ainsi peu de temps à la recherche par le dialogue d'une éventuelle solution amiable aux intérêts des parties ; le conseil de prud'hommes note : que tout au long des 18 ans de la relation contractuelle, M. Y... n'a manifesté : ni demande d'explication, ni critique sur la compréhension des documents d'entreprise, ni contestation des commissions versées ou des avoir retenus ; par ailleurs, M. Y... ne rapporte pas la preuve : que des demandes similaires aient été formulées par d'autres VRP de l'entreprise et qu'il ait eu des échanges concurrents avec la hiérarchie sur le manque de transparence des documents mis à sa disposition pour le suivi de son activité ; M. Y... ne verse pas au débat : des réclamations qui auraient pu être formulées sur ce point par les instances représentatives du personnel alors que la société A... était dotée de délégués du personnel, d'un comité d'entreprise et d'un CHSCT comme le précisait Me Z... dans la lettre de licenciement ; s'il peut être reproché à la société A... de na pas avoir centralisé dans un document interne unique le suivi des commandes et des livraisons pour chaque client en portefeuille ainsi que les annulations admises par la jurisprudence et les avoirs accordés, il n'est pas démontré par M. Y... que les divers documents statistiques et de suivi mis à sa disposition aient pu entraver son appréciation sur le suivi de la réalité de son activité ; en conséquence : ce deuxième grief sera déclaré irrecevable par le conseil de prud'hommes par voie de conséquence, les demandes indemnitaires de dommages et intérêts et d'indemnité de clientèle de M. Jean-Luc Y... seront rejetées ;

1°) ALORS QU'il résulte de l'article L. 7313-13 du travail que l'indemnité légale de licenciement constitue un minimum auquel le VRP a droit ; que l'indemnité de licenciement et l'indemnité de clientèle, destinées aux mêmes fins, n'étant pas cumulables, c'est la plus élevée des deux qui est due au VRP ; qu'en l'espèce, pour débouter M. Y... de sa demande au titre de l'indemnité de clientèle, la cour d'appel a retenu que l'employeur et la CGEA faisaient valoir à bon droit que l'indemnité de clientèle n'était pas cumulable avec l'indemnité de clientèle, ces deux indemnités ayant le même objet et que M. Y... avait perçu une indemnité de licenciement d'un montant de 21.187,72 euros ; que M. Y... faisait pourtant valoir qu'il avait droit, au regard de la clientèle qu'il avait créée, à une indemnité de clientèle de 82.383, 68 €, supérieure à l'indemnité de licenciement, de sorte qu'il convenait de déduire la somme reçue à titre d'indemnité de licenciement, et de condamner l'employeur à lui payer le reliquat, soit 61.195,96 euros, au titre de l'indemnité de clientèle ; qu'en se bornant à retenir que ces deux indemnités ne sont pas cumulables et que le salarié avait perçu une indemnité de licenciement, pour débouter M. Y... de sa demande au titre de l'indemnité de clientèle, quand le salarié avait droit à l'indemnité dont le montant était le plus élevé, la cour d'appel a violé l'article L. 7313-13 du code du travail ;

2°) ET ALORS QU'il résulte de l'article L. 7313-13 du travail que l'indemnité légale de licenciement constitue un minimum auquel le VRP a droit ; que l'indemnité de licenciement et l'indemnité de clientèle, destinées aux mêmes fins, n'étant pas cumulables, c'est la plus élevée des deux qui est due au VRP ; qu'en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le VRP licencié a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui ; qu'aucune disposition légale n'en réglant l'évaluation, il revient au juge de fixer l'indemnité de clientèle due au salarié ; qu'en l'espèce, pour débouter M. Y... de sa demande au titre de l'indemnité de clientèle, la cour d'appel s'est bornée à retenir que l'employeur et la CGEA faisaient valoir à bon droit que l'indemnité de clientèle n'était pas cumulable avec l'indemnité de licenciement, ces deux indemnités ayant le même objet, et que M. Y... avait perçu une indemnité de licenciement d'un montant de 21.187,72 euros ; qu'en statuant ainsi, sans évaluer comme il lui était demandé le montant de l'indemnité de clientèle, afin de déterminer si elle était supérieure à l'indemnité de licenciement perçue, la cour d'appel n'a pas mise la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7313-13 du code du travail.

Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour M. Z..., ès qualités.

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR confirmé le jugement ayant dit recevable la demande de M. Jean-Luc Y... au titre de rappels de salaire sur des commissions et avoirs indument retenus par la société A... et fixé à la somme de 11.074 euros bruts la créance salariale de M. Y... à titre de rappel de salaires sur la période allant du deuxième semestre 2010 au premier semestre 2013 ET D'AVOIR, infirmant le jugement, prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur à la date du 4 novembre 2014 et fixé la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la SAS A... à la somme de 16.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

AUX MOTIFS QUE Sur la demande de résiliation judiciaire : que c'est à bon droit que Monsieur Jean-Luc Y... fait valoir que, lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée ; que c'est seulement dans le cas contraire, qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ; qu'en l'espèce que le salarié invoque à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire plusieurs griefs : - l'illégalité de la clause du contrat de travail qui indique "qu'aucune commission ne sera due sur des commandes non livrées pour quelque motif que ce soit..." ; - le fait que l'employeur ne lui a jamais communiqué de relevé de commission et ce faisant volontairement fait de la rétention d'information ; - la modification unilatérale par l'employeur de son taux de commission concernant les cravates Christian Lacroix ; que sur le premier grief tiré de l'illégalité de la clause du contrat de travail ("aucune commission ne sera due sur des commandes non livrées pour quelque motif que ce soit"), qu'en principe le droit à commission est acquis au représentant dès la passation de la commande, même si celle-ci n'est pas exécutée ; que par exception ce droit peut être subordonné, comme en l'espèce, à la livraison de la commande, cette condition appelée clause de bonne fin pouvant résulter soit du contrat ou d'un usage dans l'entreprise ; que de telles clauses sont licites à condition qu'elles ne permettent pas à l'employeur d'échapper au paiement en cas de faute ; qu'il en résulte en l'espèce, en application de ces principes, que c'est à bon droit que le salarié fait valoir que la clause de bonne fin contenue dans son contrat de travail était illicite dès lors que la mention "pour quelque motif que ce soit", lui faisait perdre le bénéfice de commissions en cas de faute de l'employeur ; qu'il s'en suit que le salarié est bien fondé à réclamer un rappel de commissions sur l'ensemble des commandes, même non livrées, y compris sur celles dont l'annulation n'est pas imputable à l'employeur, contrairement à ce que soutient ce dernier ; que sur le fondement du décompte produit par Monsieur Jean-Luc Y... figurant page 11 à 14 de ses conclusions, non sérieusement discuté par l'employeur, il y a lieu en confirmant le jugement, de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SAS A... , la créance de Monsieur Jean-Luc Y... au titre des commissions dues sur la période allant du second semestre 2010 au premier semestre 2013 à la somme de 11.074 euros ; sur le second grief tiré de la modification unilatérale par l'employeur de son taux de commission que la rémunération ou son mode de calcul ne peuvent être modifiés par l'employeur sans l'accord du salarié ; qu'il en va ainsi même si la modification ne porte que sur la partie variable du salaire ; en l'espèce qu'il ressort des éléments de la cause que suivant avenant en date du 10 novembre 2004 Monsieur Jean-Luc Y... s'est vu confier à compter du 1er juillet 2004 la distribution des chemises et marques Lacroix sur un secteur géographique étendu (04/05/06/07/11/12/13/20/26/30/34/38/42/43/48/66/69/73/74/81/83/84 et principauté de Monaco) ; que par avenant 27 juin 2012, il a accepté notamment la représentation des marques Pierre Clarence et Horizon et de céder à un collègue la représentation de la chemise et la maille Christian Lacroix dans les départements 38/42/43/69/73/74 ; que suivant avenant du 7 janvier 2013 il a repris pour la saison hiver 2013 la représentation de la chemise et la maille Christian Lacroix dans les départements 38/42/43/69/73/74 et de la pièce à manches Pierre Cardin dans les départements 38/42/43/69/73/74; qu'il est également établi que la représentation de la chemise et de la maille Christian Lacroix lui a été retirée définitivement sans son accord en octobre 2013, l'employeur expliquant et justifiant ce retrait par le non renouvellement de la licence à durée déterminée de fabrication et de commercialisation de produits Christian Lacroix ; qu'il n'est pas sérieusement discuté que ce retrait de la marque Christian Lacroix a entraîné une diminution de la rémunération variable de Monsieur Jean-Luc Y... ; dès lors que c'est à bon droit que le salarié fait valoir que l'employeur ne pouvait procéder à cette modification unilatérale d'un élément essentiel de son contrat de travail sans son accord ; qu'au regard de ce qui précède, il importe peu que le contrat de travail initial ait prévu que l'employeur se réservait "le droit de cesser à tout moment la fabrication ou la vente de l'un des articles désignés ci-dessus, sans que le représentant puisse en tirer argument pour obtenir une indemnité"; que de même c'est vainement que l'employeur fait valoir que l'avenant du 7 janvier 2013 était limité dans le temps à la saison hiver 2013 ; que ces manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat à ses torts ; que la rupture des relations contractuelles résultant de la résiliation judiciaire du contrat, doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'elle produira effet à la date du licenciement prononcé le 4 novembre 2014 ; Sur les conséquences indemnitaires : que le salarié ne produit aucun élément permettant à la Cour d'apprécier sa situation financière et professionnelle après le licenciement ; qu'au regard de sort ancienneté (18 ans) de son âge (il est né en [...] ) de sa rémunération (2.606.76 euros), et de tous éléments de préjudice soumis à appréciation, qu'il lui sera alloué en application de l'article L.1235-3 du Code du travail la somme de 16.000 euros à titre de dommages et intérêts laquelle sera fixée au passif de la liquidation judiciaire rie la SAS A... ;

ALORS D'UNE PART QUE les clauses prévoyant que les commandes non menées à bonne fin n'ouvrent pas droit à commissions sont licites et doivent être interprétées comme ne s'appliquant qu'aux commandes annulées ou non réglées sans faute de l'employeur ; que distinguant et explicitant les motifs d'annulation ou de non facturation des commandes passées par M. Y..., la société exposante avait fait valoir qu'après déduction des commandes annulées et avoirs émis sans faute ni imputabilité à l'employeur, M. Y... ne pouvait prétendre qu'à la somme exactement due, soit 4.412,21 euros à titre de rappel de commissions (conclusions d'appel pp.12 et 13) ;
qu'après avoir retenu que la clause du contrat de travail de M. Y... prévoyant « qu'aucune commission ne sera due sur des commandes non livrées pour quelque motif que ce soit (
) » était illicite en ce que la mention « pour quelque motif que ce soit » faisait perdre au salarié le bénéfice de commissions en cas de faute de l'employeur, la Cour d'appel qui pour fixer à la somme de 11.074 euros la créance de M. Y... au titre des commissions dues et prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, retient que le salarié est bien fondé à réclamer un rappel de commissions sur l'ensemble des commandes même non livrées « y compris sur celles dont l'annulation n'est pas imputable à l'employeur », a violé les dispositions des articles 1134 du Code civil dans sa rédaction applicable, L.1221-1 du Code du travail, ensemble l'article L.1231-1 du Code du travail ;

ALORS D'AUTRE PART QUE la résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être prononcée aux torts de l'employeur que si le manquement retenu à l'encontre de ce dernier est d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail ; que l'exposant avait précisément fait valoir les circonstances d'où il ressortait qu'en l'espèce le manquement qui lui était reproché par le salarié n'était pas suffisamment grave et ne rendait pas impossible la poursuite du contrat de travail ; qu'à cet égard, il avait fait valoir d'une part, que la clause de bonne fin litigieuse figurait dans le contrat de travail de M. Y... à effet du 1er janvier 1995, qu'elle avait depuis cette date constamment reçu application sans que le salarié ne l'ait jamais remise en cause ni qu'il ait émis la moindre contestation sur son application jusqu'à sa lettre du 3 juin 2013 précédant de quelques semaines l'introduction précipitée et sans permettre la moindre concertation de sa demande tendant à la résiliation judiciaire du contrat, de sorte qu'à le supposer même reconnu, le manquement de l'employeur n'avait pas empêché la poursuite du contrat de travail, et d'autre part que, dans le même sens, la demande de rappel de commissions portait sur une somme d'un montant dérisoire par rapport aux sommes versées au salarié au cours des dix-huit ans de relation contractuelle, de sorte que ce manquement de l'employeur, à le supposer même avéré, n'était pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'en se bornant à affirmer, contrairement à ce qu'avaient retenu les premiers juges, que les manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles étaient suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat à ses torts, la Cour d'appel qui n'a pas recherché ni apprécié, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée, en quoi, au regard de l'ancienneté des faits dénoncés par le salarié et du montant très limité des sommes dues à titre de rappel de commissions, les manquements retenus étaient d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1184 du code civil, ensemble l'article L 1231-1 du code du travail ;

ALORS DE TROISIEME PART QUE l'exposante avait fait valoir et offert de rapporter la preuve que le non renouvellement de la carte Christian Lacroix ne lui était pas imputable dès lors qu'elle n'était titulaire auprès de cette société que d'une licence à durée déterminée, celle-ci se terminant avec la saison hiver 2013, ce que le salarié savait parfaitement lors de la signature de l'avenant du 7 janvier 2013 ajoutant encore qu'elle avait anticipé ce risque de perte de licence en lui restituant la « pièce à manches » Pierre Cardin pour un certain nombre de départements précisément déterminés (conclusions d'appel pp.14 et 15) ; qu'en se bornant à retenir que la représentation de la chemise et de la maille Christian Lacroix avait été définitivement retirée à M. Y... sans son accord en octobre 2013 et que c'est à bon droit que le salarié fait valoir que l'employeur ne pouvait procéder à cette modification unilatérale d'un élément essentiel de son contrat de travail sans son accord, la Cour d'appel qui n'a pas répondu au moyen dont elle était saisie tiré de ce que ce retrait de la marque Christian Lacroix n'était nullement imputable à l'employeur qui ne bénéficiait que d'une licence à durée déterminée, ce que le salarié savait parfaitement, et a violé les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-21026
Date de la décision : 14/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 05 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 nov. 2018, pourvoi n°17-21026


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.21026
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