LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 5 juillet 2017), qu'employé par la commune du Mans (l'employeur) dans le cadre d'un contrat emploi-jeune, pour la période du 2 juillet 2002 au 1er juillet 2007, M. X... a, par une convention signée, le 3 novembre 2003, avec son employeur, bénéficié d'une formation professionnelle dispensée par l'association Les amis du plein air (l'association) ; que M. X... a été victime, le 7 septembre 2004, d'un accident pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe (la caisse) ; qu'un arrêt irrévocable d'une cour d'appel a reconnu la faute inexcusable de l'association, substituée dans la direction du salarié à l'employeur ; que ce dernier a assigné, devant un tribunal de grande instance, l'association et son assureur, la Mutuelle assurance des instituteurs de France, en remboursement des sommes qui lui seront réclamées au titre des indemnités complémentaires et du surcoût des cotisations consécutif à l'accident du travail ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par l'association et son assureur, alors, selon le moyen, que dans le cas où un stagiaire de la formation continue victime d'un accident pendant son stage est, dans le même temps, lié par un contrat de travail à un employeur, le centre de formation assume toutefois, en matière d'accidents du travail, les obligations de l'employeur autres que celles relatives au paiement des cotisations, dès lors que les articles L. 6342-5, R. 6342-3 du code du travail, L. 412-8 et R. 412-5 du code de la sécurité sociale, ne distinguent pas selon que le stagiaire est ou non titulaire d'un contrat de travail ; qu'aussi, lorsque l'employeur, lié par contrat de travail avec le stagiaire, a été condamné au titre de la faute inexcusable à rembourser à la caisse les sommes versées au stagiaire victime de l'accident du travail en réparation de ses préjudices, le recours qu'il prétend exercer contre le centre de formation au sein duquel avait lieu le stage n'est pas un recours dirigé contre un tiers, au sens de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, mais un recours dirigé contre une personne que l'employeur s'était substituée pendant le stage et qui assume en ce cas, en vertu de la législation professionnelle, les obligations de l'employeur autres que celles relatives au paiement des cotisations ; qu'aussi, un tel recours est nécessairement fondé sur les règles du droit de la sécurité sociale et relève par conséquent de la compétence des juridictions de sécurité sociale ; qu'au cas d'espèce, en décidant au contraire que le recours formé contre l'association Les amis du plein air par la ville du Mans, liée par un contrat de travail ("emploi-jeune") à M. X..., lequel avait subi un accident du travail alors qu'il effectuait un stage en formation continue organisé par l'association, relevait de la compétence des juridictions de droit commun, la cour d'appel a violé les articles L. 142-1, L. 142-2 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 6342-5 et R. 6342-3 du code du travail, L. 412-8 et R. 412-5 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu, d'une part, que l'article L. 142-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale ne donne compétence à la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale que pour régler les différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole ; que l'article L. 452-4 du même code ne donne compétence à cette juridiction, saisie par la victime ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d'assurance maladie, que pour connaître de l'existence de la faute inexcusable reprochée à l'employeur et du montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l'article L. 452-3 ;
Et attendu qu'ayant relevé que la demande en garantie formulée par l'employeur était dirigée contre l'association et son assureur, la cour d'appel en a exactement déduit que la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale n'était pas compétente pour statuer ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association Les amis du plein air et la Mutuelle assurance des instituteurs de France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour l'association Les amis du plein air et la Mutuelle assurance des instituteurs de France.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du 10 janvier 2017 en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par l'association Les amis du plein air et la MAIF et d'AVOIR renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE les demandeurs au contredit reprochent aux premiers juges d'avoir retenu sa compétence alors que l'association les amis du plein air a été jugée comme étant employeur substitué de la victime et non un tiers auteur du dommage et que par suite le tribunal ne pouvait se déclarer compétent pour trancher le recours de la ville du Mans, qui devait être engagé devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, ce dont elle s'est abstenue ; qu'à l'appui des articles L. 6342-5, R. 6342-3, R. 412-5 et L. 412-8 du code du travail, ils concluent que l'association en cause ne peut être considérée comme un tiers alors qu'elle est un organisme d'accueil de stagiaires auquel incombe les obligations d'un employeur ; que la défenderesse au contredit rétorque que l'association les amis du plein air ne peut soutenir qu'elle n'a pas la qualité de tiers au sens de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale alors que la cour d'appel d'Angers a jugé que l'accident subi par monsieur X... était dû à une faute inexcusable de l'association substituée dans la direction à la ville du Mans au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale ; qu'elle conclut que l'action en garantie de l'employeur contre l'auteur de la faute ne relève pas de la compétence de la juridiction du contentieux de la sécurité sociale mais de celles de droit commun ; qu'il doit être rappelé que la victime, monsieur X..., salarié de la ville du Mans bénéficiant d'un stage au moment de son accident, a recherché la responsabilité de cette dernière en qualité d'employeur ; que la cour d'appel d'Angers a ainsi considéré que l'accident du travail, dont il avait été victime, était dû à la faute inexcusable de l'association les amis du plein air substituée dans la direction à la ville du Mans ; qu'à titre liminaire, il doit être relevé que les textes invoqués par les demandeurs au contredit concernent des stagiaires ne bénéficiant pas d'un contrat de travail ; qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale, cette organisation règle les différends auxquels donnent lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, et qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux, ainsi que le recouvrement mentionné au 5° de l'article L. 213-1 ; qu'alors que la ville du Mans recherche la garantie de l'association et de son assureur sur le fondement de l'article 1147 ou 1251 du code civil, et en l'absence d'un texte spécial dans la législation sociale prévoyant un tel recours, celui-ci doit être engagé dans le cadre du droit commun ; qu'en conséquence, le jugement du 10 janvier 2017 sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par l'association les amis de plein air et son assureur la Maif ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' à l'appui de l'exception d'incompétence qu'elles soulèvent au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale, l'association Amis du plein air et la MAIF invoquent les dispositions des articles R. 6342-3 du code du travail et des articles L. 412-8 et R. 412-5 du code de la sécurité sociale selon lesquelles, en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles, les obligations de l'employeur autres que le paiement des cotisations incombent à la personne ou l'organisme responsable de la gestion du centre où le stage est accompli ; qu'elles en déduisent que l'association Amis du plein air ne peut être regardée comme un tiers, ce qui a d'ailleurs été admis par la cour d'appel d'Angers, laquelle lui a reconnu la qualité d'employeur substitué, de sorte que le recours de la ville du Mans ne peut prospérer selon la procédure de droit commun, étant précisé que les dispositions de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale dont se prévaut la demanderesse sont réservées à la seule victime ou ses ayants droit ; qu'après avoir rappelé que devant la cour d'appel d'Angers, l'association Amis du plein air avait revendiqué la qualité de tiers qu'elle dénie à présent, la ville du Mans objecte qu'aux termes de son arrêt du 18 mars 2014, ladite cour a jugé qu'au moment de l'accident, la commune était bien l'employeur de M. Antoine X... et que si l'association Amis du plein air était substituée à celle-ci, la demande en reconnaissance de la faute inexcusable devait néanmoins être dirigée contre l'employeur, à savoir la ville du Mans ; que cette décision, déclarée opposable à l'association Amis du plein air, étant désormais définitive, celle-ci est mal fondée à soutenir qu'elle n'a pas la qualité de tiers au sens de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale ; qu'en outre, il n'appartient pas à la juridiction du contentieux de la sécurité sociale de statuer sur une action en garantie de l'employeur contre l'auteur de la faute, cette demande relevant de la compétence des juridictions de droit commun ; qu'il est constant que par application des dispositions de l'article L. 6342-5 du code du travail et de l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale, les stagiaires de la formation professionnelle continue bénéficient des dispositions applicables en matière d'accidents du travail ; que les articles R. 6342-3 du code du travail et R. 412-5 du code de la sécurité sociale prévoient que dans le cas d'un accident survenant dans le cadre d'un stage de formation professionnelle, les obligations de l'employeur autres que celles relatives au paiement des cotisations incombent à l'organisme de formation ; qu'il résulte de ces dernières dispositions que lorsque l'accident survient au cours d'un stage de formation professionnelle, l'organisme responsable de cette formation reçoit la qualité d'employeur pour les obligations découlant de l'accident ; qu'il ne peut en être déduit pour autant, contrairement à l'argumentation développée par les défenderesses, que dans l'hypothèse où le stagiaire est lié avec un employeur par un contrat de travail, ce dernier est exonéré de ses obligations en cas d'accident du travail lesquelles seraient alors transférées à l'organisme de formation ; qu'en effet, les dispositions précitées, qui s'inscrivent dans le cadre de la protection sociale du stagiaire, ne sauraient recevoir application lorsque celui-ci, au moment où il exécute sa formation, a déjà la qualité de salarié et bénéficie d'un contrat de travail qui n'est pas suspendu pendant le stage ; qu'en outre, dans sa décision du 18 mars 2014, déclarée opposable à l'association Amis du plein air, la cour d'appel d'Angers a considéré, au visa du contrat de travail emploi-jeune conclu entre la ville du Mans et M. Antoine X... et de la convention liant ce dernier à l'association Amis du plein air – dont l'article 13 rappelait que le stagiaire était en situation de salarié en formation professionnelle – qu'au moment de l'accident, la ville du Mans était bien l'employeur de M. Antoine X..., de sorte que l'action en reconnaissance d'une faute inexcusable ne pouvait être dirigée qu'à son encontre ; qu'il est de principe, en effet, que la victime ne peut agir que contre l'employeur, quel que soit l'auteur de la faute, et même lorsque ce dernier était substitué à l'employeur au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ; que, dès lors, la cour d'appel ayant admis, par décision désormais définitive, que la ville du Mans était restée l'employeur de M. Antoine X... pendant la durée de la formation, l'association Amis du plein air est irrecevable à soutenir – dans le cadre d'une nouvelle instance et au motif qu'elle était substituée à la commune au moment de l'accident – qu'elle a la qualité d'employeur et ne peut donc être attraite que devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ; qu'enfin, la compétence de cette juridiction, limitée selon l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale aux différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, apparaît exclue s'agissant d'un litige qui porte sur la garantie d'un tiers dont la responsabilité est recherchée à raison de sa faute, et qui n'implique donc pas la mise en oeuvre de la réglementation de sécurité sociale ; que, de plus, la compétence attribuée par l'article L. 452-4 du code de la sécurité sociale à la juridiction de sécurité sociale, saisie par la victime ou par la caisse primaire d'assurance maladie, pour connaître de la demande en reconnaissance d'une faute inexcusable à l'encontre de l'employeur ne saurait s'étendre à l'action en garantie exercée par ce dernier contre l'organisme qu'il s'était substitué pendant la durée de la formation au cours de laquelle s'est produit l'accident ; qu'il en est de même de l'action dirigée contre l'assureur de cet organisme, qui est fondée sur le contrat d'assurance et relève, par conséquent, de la compétence du tribunal de grande instance ; qu'il s'ensuit que l'exception d'incompétence soulevée par l'association Amis du plein air et la MAIF ne pourra qu'être rejetée ;
ALORS QUE dans le cas où un stagiaire de la formation continue victime d'un accident pendant son stage est, dans le même temps, lié par un contrat de travail à un employeur, le centre de formation assume toutefois, en matière d'accidents du travail, les obligations de l'employeur autres que celles relatives au paiement des cotisations, dès lors que les articles L. 6342-5, R. 6342-3 du code du travail, L. 412-8 et R. 412-5 du code de la sécurité sociale, ne distinguent pas selon que le stagiaire est ou non titulaire d'un contrat de travail ; qu'aussi, lorsque l'employeur, lié par contrat de travail avec le stagiaire, a été condamné au titre de la faute inexcusable à rembourser à la caisse les sommes versées au stagiaire victime de l'accident du travail en réparation de ses préjudices, le recours qu'il prétend exercer contre le centre de formation au sein duquel avait lieu le stage n'est pas un recours dirigé contre un tiers, au sens de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, mais un recours dirigé contre une personne que l'employeur s'était substituée pendant le stage et qui assume en ce cas, en vertu de la législation professionnelle, les obligations de l'employeur autres que celles relatives au paiement des cotisations ; qu'aussi, un tel recours est nécessairement fondé sur les règles du droit de la sécurité sociale et relève par conséquent de la compétence des juridictions de sécurité sociale ; qu'au cas d'espèce, en décidant au contraire que le recours formé contre l'association Les amis du plein air par la ville du Mans, liée par un contrat de travail (« emploi-jeune ») à M. X..., lequel avait subi un accident du travail alors qu'il effectuait un stage en formation continue organisé par l'association, relevait de la compétence des juridictions de droit commun, la cour d'appel a violé les articles L. 142-1, L. 142-2 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 6342-5 et R. 6342-3 du code du travail, L. 412-8 et R. 412-5 du code de la sécurité sociale.