LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (CNITAAT, 28 juin 2017) que Franck Y..., salarié de la société Samsic intérim (la société), a été victime le 24 janvier 2011 d'un accident mortel du travail alors qu'il avait été mis à disposition de la société Euridis en qualité de soudeur intérimaire ; que la plate-forme de travail sur laquelle il se trouvait, et qui était la propriété de la société Tissot a été heurtée par une grue conduite par M. Z..., entraînant sa chute ; que le coût de cet accident a été inscrit par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie (la CARSAT) sur le compte employeur 2011 de la société et pris en compte pour la fixation du taux de cotisation au titre de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles des années 2013 et 2014 ; que par jugement du 8 avril 2014 devenu définitif à l'égard de M. Z..., un tribunal correctionnel, devant lequel la caisse primaire d'assurance maladie n'avait pas été appelée en déclaration de jugement commun, a déclaré M. Z..., et les sociétés Tissot et Bouygues travaux publics coupables du délit d'homicide involontaire ; que la CARSAT ayant refusé de retirer du compte employeur 2011 le coût de cet accident, et de modifier en conséquence le taux de cotisation des années 2013 et 2014, la société a saisi la juridiction de la tarification d'un recours ;
Attendu que la CARSAT fait grief à l'arrêt d'accueillir le recours de la société, alors, selon le moyen, que la victime d'un accident du travail ou ses ayants droit qui agit contre le tiers responsable de l'accident doit appeler la caisse primaire d'assurance maladie en déclaration de jugement commun ; qu'à défaut, le jugement ayant constaté la responsabilité du tiers dans l'accident du travail n'est pas opposable à la caisse, de sorte que la CARSAT est fondée à maintenir les conséquences financières de l'accident du travail au compte employeur de la société ; qu'en affirmant au contraire que la seule production d'une décision faisant mention d'un tiers responsable suffisait à justifier le retrait de l'accident du compte employeur sans justification d'une mise en cause de la CPAM, la CNITAAT a violé les articles L. 454-1 et L. 455-2 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que les dispositions de l'article L. 455-2 du code de la sécurité sociale se rapportent aux modalités du recours exercé par la victime et l'organisme social à l'encontre du tiers responsable d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et ne s'appliquent pas à la procédure de fixation du taux des cotisations d'accident du travail dues par l'employeur de la victime ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie.
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR déclaré le recours bien fondé et fait droit à la requête, d'AVOIR dit qu'il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie de retirer du compte employeur 2013 de la société Samsic Intérim, les coûts moyens relatifs à l'accident du travail de M. Franck Y... et de rectifier son taux de cotisation pour les exercices 2013 et 2014 en conséquence, d'AVOIR en conséquence annulé les décisions de la CARSAT de Normandie, fixant le taux de cotisation de la société Samsic Intérim pour les exercices 2013 et 2014, au titre de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles, pour son établissement d'Octeville Sur Mer et d'AVOIR dit que la présente décision se substituait aux décisions annulées ;
AUX MOTIFS QU'il résulte de l'article D.242-6-7, alinéa 6, du code de la sécurité sociale, « lorsque des recours sont engagés contre des tiers responsables d'accidents du travail, les montants des coûts moyens correspondant aux catégories dans lesquelles sont classées ces accidents sont proratisés selon le pourcentage de responsabilité mis à la charge du tiers responsable par voie amiable ou contentieuse » ; que les dispositions de l'article L.454-1 du même code permettent aux caisses primaires d'assurance maladie de poursuivre le remboursement des prestations versées à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers responsable ; que celles-ci ne sont cependant pas dans l'obligation d'exercer cette action, la charte AT/MP et le code de la sécurité sociale, ne lui offrant qu'une possibilité de le faire ; qu'en l'espèce, la Cour constate que :
- par jugement du 8 avril 2014, le Tribunal correctionnel de Cherbourg a déclaré coupables d'homicide volontaire les sociétés TISSOT INDUSTRIE et BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS ainsi que M. Laurent Z..., salarié de la société ADECCO ; qu'ils ont également été condamnés solidairement au titre de l'action civile ;
- ce jugement n'ayant fait l'objet d'un appel que de la part des sociétés TISSOT INDUSTRIE et BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS, il est devenu définitif à l'égard de M. Laurent Z... ;
- par arrêt du 18 mars 2015, la cour d'appel de Caen a déclaré la société TISSOT INDUSTRIE coupable du délit d'homicide volontaire par imprudence, inattention ou négligence, a relaxé la société BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS de ce chef d'accusation et a déclaré la société TISSOT INDUSTRIE entièrement responsable au titre de l'action civile ;
que la Cour constate que, quand bien même un pourvoi a été formé par la société TISSOT INDUSTRIE, la responsabilité de M. Laurent Z... est définitivement reconnue ; qu'en tout état de cause, si partage de responsabilité il devait y avoir à l'issue de la procédure pénale en cours, ça ne serait qu'entre M. Laurent Z... et les sociétés TISSOT INDUSTRIE et BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS ; qu'en aucun cas la responsabilité de la société SAMSIC INTERIM ne pourra être reconnue dans le cadre de cette procédure, de sorte qu'il y a lieu de considérer que la responsabilité totale d'un tiers a été reconnue par voie contentieuse tel qu'exigé par les dispositions susvisées ;
que dès lors, il importe peu que la caisse primaire d'assurance maladie n'ait pas communiqué un recours contre tiers à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie dans lequel un partage de responsabilité interviendrait, ni que la caisse primaire d'assurance maladie n'ait pas été appelée en déclaration de jugement commun, dans la mesure où les textes exigent seulement une reconnaissance de la responsabilité d'un tiers par voie amiable ou contentieuse, sans aucune précision quant à l'opposabilité de cette décision à la caisse primaire d'assurance maladie ; que dans ces conditions, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie de retirer du compte employeur 2011 de la Société SAMSIC INTERIM, les coûts moyens relatifs à l'accident du travail de M. Franck A... et de rectifier son taux de cotisation des exercices 2013 et 2014 en conséquence ;
ALORS QUE la victime d'un accident du travail ou ses ayants-droit qui agit contre le tiers responsable de l'accident doit appeler la caisse primaire d'assurance maladie en déclaration de jugement commun ; qu'à défaut, le jugement ayant constaté la responsabilité du tiers dans l'accident du travail n'est pas opposable à la caisse, de sorte que la CARSAT est fondée à maintenir les conséquences financières de l'accident du travail au compte employeur de la société ; qu'en affirmant au contraire que la seule production d'une décision faisant mention d'un tiers responsable suffisait à justifier le retrait de l'accident du compte employeur sans justification d'une mise en cause de la CPAM, la CNITAAT a violé les articles L 454-1 et L 455-2 du code de la sécurité sociale.