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07/11/2018 | FRANCE | N°18-85943

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 novembre 2018, 18-85943


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Yacine Z...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de NANCY, en date du 4 octobre 2018, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 5 septembre 2018, n°18-84.770), a autorisé sa remise aux autorités judiciaires italiennes, en exécution de cinq mandats d'arrêt européens ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'ho

mme, 591, 593 et 695-22 et suivants du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Yacine Z...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de NANCY, en date du 4 octobre 2018, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 5 septembre 2018, n°18-84.770), a autorisé sa remise aux autorités judiciaires italiennes, en exécution de cinq mandats d'arrêt européens ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591, 593 et 695-22 et suivants du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que la chambre de l'instruction, constatant que les conditions légales d'exécution des mandats d'arrêt européens en date du 1er août 2016 émis par les autorités judiciaires italiennes contre M. Yacine Z... étaient remplies, a donné acte à celui-ci de son refus d'être remis aux autorités compétentes de l'Etat d'émission, mais a néanmoins accordé sa remise aux autorités italiennes ;

"aux motifs qu'il résulte des pièces produites par les autorités italiennes que M. Z... alias Yassine Z..., né le [...] à Annaba (Algérie), fait l'objet de cinq mandats d'arrêt européens émis le 1er août 2016 par les autorités judiciaires italiennes prises en la personne de M. Luca D..., substitut du procureur de la République près le tribunal de Gênes, sur le fondement d'un ordre d'incarcération n° 185/2015 du 13 février 2015 pris en exécution de plusieurs jugements et pour l'exécution des peines suivantes :
1- seize mois d'emprisonnement, peine prononcée par le tribunal de Sanremo le 12 mai 2009, exécutoire le 27 juin 2009 (n°576/2009 RG GIP), pour trois faits de vol en concours réel aggravé en réunion (vols de sacs dans des véhicules ou en les arrachant des mains des victimes) commis à Sanremo les 17, 28 et 31 janvier 2009, infractions prévues et réprimées par les articles 81, 110, 624 et 625 n°4 du code pénal italien (détention provisoire du 3 mars 2009 au 12 mai 2009) ;
2- six mois d'emprisonnement, peine prononcée par le tribunal de Sanremo le 04 avril 2011, exécutoire le 1er mars 2012 (n°206/2011 ROT), pour des faits de vol en réunion aggravé, de résistance à un officier public et de coups et blessures aggravés (vol d'un véhicule et lors de son interpellation résistance et violence ayant entraîné une incapacité totale de travail de six jours) commis à Sanremo le 15 mars 2011, infractions prévues et réprimées par les articles 110, 624, 625 n°2 et 7, 337, 582, 585 et 576 du code pénal italien (détention provisoire 15 mars 2011 au 23 mai 2011, du 8 juin 2011 au 18 août 2001, du 20 août 2011 au 15 septembre 2011, du 29 octobre 2012 au 10 novembre 2012) ;
3- six mois d'emprisonnement, peine prononcée par le tribunal de Sanremo le 26 juin 2008, exécutoire le 05 mai 2009 (n°1895/2008 RG GIP), pour des faits de détention de stupéfiants (1,5376 grammes d'héroïne) en vue de la vente commis à Gênes le 1er avril 2008, infraction prévue et réprimée par les articles 81, 110 du code pénal italien et par l'article 73 du décret du président de la République n°309/90 (détention provisoire du 01 avril 2008 au 26 juin 2008) ;
4- dix-huit mois d'emprisonnement, peine prononcée par le tribunal de Gênes le 7 février 2013, exécutoire le 29 mars 2013 (n°5609/2012 RG), pour des faits de recel en réunion (huit téléphones portables, un disque dur et un appareil photographique numérique) commis à Gênes le 3 juin 2012, infraction prévue et réprimée par les articles 110, 81 et 648 du code pénal italien (détention provisoire du 3 juin 2012 au 28 octobre 2012, du 12 novembre 2012 au 7 février 2013) ;
5- douze mois d'emprisonnement, peine prononcée par le tribunal de Gènes le 15 mai 2014, exécutoire le 19 juin 2014 (n°3853/2013 RGT), pour des faits de résistance à un officier public (deux agents pénitentiaires) et de coups et blessures légères, commis à Gênes le 25 septembre 2012, infractions prévues et réprimées par les articles 81, 337, 582, 585 et 576 du code pénal italien ; que devant la chambre de l'instruction M. Z... alias Yassine Z... a déclaré que le mandat d'arrêt s'applique bien à sa personne sous réserve de l'orthographe de son nom et prénom et a refusé sa remise à l'Etat d'émission ; que le contrôle de la chambre de l'instruction ne peut porter que sur la régularité externe du mandat d'arrêt européen et non sur l'opportunité d'y donner suite ; que s'il existe effectivement des divergences d'orthographe entre le nom et le prénom de la personne recherchée (Yassine Z...) et la personne interpellée (Yacine Z...) il convient de relever que les autres éléments d'identité à savoir la date et le lieu de naissance ainsi que les identités des père et mère de l'intéressé correspondent et que la photographie diffusée par l'intermédiaire du système d'information Schengen correspond également à M. Z... ; qu'il s'agit donc d'erreurs matérielles imputables à la retranscription des nom et prénom de l'intéressé de l'écriture arabe en écriture romaine ; que les mandats d'arrêt européens contiennent les renseignements prévus à l'article 695-13 du code de procédure pénale et notamment l'indication du caractère exécutoire de l'ordre d'incarcération du 13 février 2015 et des différents jugements de condamnation résultant du libellé des mandats d'arrêt européens ; que les mandats d'arrêt européens ont été émis par une autorité visée à l'article 695-11 du code de procédure pénale et pour des faits prévus à l'article 695-12 du même code ; que les peines prononcées sont égales ou supérieures à quatre mois, en l'espèce seize, six, six, dix-huit et douze mois d'emprisonnement ; que les autorités italiennes ont également précisé la durée des détentions provisoires exécutées par M. Z... ; que les faits ayant donné lieu à l'émission des mandats d'arrêt européens n'entrent pas dans les catégories visées à l'article 695-23 du code de procédure pénale ; qu'il y a donc lieu de vérifier la double incrimination ; que la description des faits correspond aux infractions françaises suivantes :
1- vol commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice telle qu'elle est définie par l'article 311-4 du code pénal ; 2- vol commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice et rébellion telles qu'elles sont définies par les articles 311-4 et 433-7 du code pénal ;
3- le transport, la détention, l'offre ou la cession, l'acquisition ou l'emploi illicites de stupéfiants telles qu'elles sont définies par l'article 222-37 du code pénal ;
4- recel de vol telle qu'elle est définie par les articles 313-1 et 313-3 du code pénal ;
5- violences volontaires commises sur une personne détentrice de l'autorité publique ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à huit jours et rébellion telles qu'elles sont définies par les articles 222-13 et 433-7 du code pénal ; qu'en conséquence la condition de la double incrimination est remplie ; que les faits, pour lesquels les mandats d'arrêt européens ont été émis, ont été commis hors du territoire français ; qu'il résulte du procès-verbal de notification des mandats d'arrêt européens établi le 14 mai 2018 que le procureur général près la cour d'appel de Colmar a non seulement notifié à M. Z... son droit à être assisté d'un avocat dans l'Etat d'émission mais a aussi transmis aussitôt cette demande à l'Etat requérant conformément à l'article 695-27 alinéa 3 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce M. Z... a demandé à être assisté d'un avocat commis d'office en précisant qu'il verra ultérieurement pour désigner un avocat de son choix ; ce dont les autorités judiciaires italiennes ont été immédiatement informées ; qu'il ne ressort ni des éléments du dossier de la procédure, ni des débats, l'existence d'une des circonstances spécifiées par les articles 695-22 et 695-22-1 du code de procédure pénale entraînant le refus d'exécution du mandat d'arrêt européen ; qu'en effet les autorités italiennes expliquent s'agissant des condamnations numéro un, deux et trois, que M. Z... était présent, détenu et assisté de Maître Paolo Burlo lors des jugements ; que s'agissant de la condamnation numéro quatre, il était présent, libre et assisté de Maître Gianfranco Pagano et que s'agissant enfin de la condamnation numéro cinq, il était en contumace, libre, représenté par Maître Maria A..., avocat commis d'office du barreau de Gênes, et il avait élu domicile au cabinet de Maître Fabio C... , où les convocations et actes de la procédure lui ont été signifiés ; qu'aux termes des dispositions de l'article 695-24 2°du code de procédure pénale, la remise ne peut être refusée pour l'exécution d'une peine privative de liberté que si la personne recherchée est de nationalité française ou réside régulièrement de façon ininterrompue depuis au moins cinq ans sur le territoire national et si la décision de condamnation est exécutoire sur le territoire français en application de l'article 728-31 du même code ; que l'adverbe régulièrement doit ici s'interpréter dans le sens du respect des dispositions légales et réglementaires et non dans celui d'une répétition dans le temps ; qu'en l'espèce, si M. Z... déclare être marié avec Mme Vanda B... depuis le 18 novembre 2016 et être père de deux enfants et s'il produit des pièces justifiant de sa présence en France depuis 2013, il convient de relever que de nationalité algérienne, il ne justifie d'une présence régulière sur le territoire national que depuis moins d'un an puisqu'il produit un récépissé de demande de carte de séjour émanant de la préfecture du Bas-Rhin portant la mention « a demandé la délivrance d'un premier titre de séjour d'un an » en date du 29 janvier 2018 valable jusqu'au 28 juillet 2018 et renouvelé jusqu'à ce jour ; que par conséquent, les dispositions sus visées ne lui sont pas applicables ; que dès lors, il convient de constater que les conditions légales d'exécution des mandats d'arrêt européens sont remplies, de donner acte à M. Z... de son refus d'être remis aux autorités de l'Etat d'émission et d'accorder sa remise aux autorités judiciaires italiennes ;

"alors que, l'atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale peut faire obstacle à l'exécution d'un mandat d'arrêt européen et il appartient aux juges du fond de contrôler l'existence d'une telle disproportion ; pour s'opposer à sa remise aux autorités italiennes M. Z... avait expressément fait valoir qu'il souhaitait exécuter sa peine en France compte tenu de ses attaches familiales (une épouse et deux enfants en très bas âge) et professionnelles et que sa remise aux autorités italiennes portait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ; qu'en se bornant, pour accorder la remise de M. Z... aux autorités italiennes, à relever que celui-ci ne justifiait pas d'une présence régulière sur le territoire national depuis au moins cinq ans sans vérifier que la remise sollicitée ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. Z..., la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision" ;

Attendu que pour accorder la remise de M. Z... aux autorités italiennes, l'arrêt attaqué, après avoir vérifié que les autres conditions de l'article 695-24 du code de procédure pénale étaient réunies, énonce que selon le 2° de cet article, la remise ne peut être refusée pour l'exécution d'une peine privative de liberté que si la personne recherchée est de nationalité française ou réside régulièrement de façon ininterrompue depuis au moins cinq ans sur le territoire national, et si la décision de condamnation est exécutoire sur le territoire français en application de l'article 728-31 du même code ; que l'adverbe régulièrement doit ici s'interpréter dans le sens du respect des dispositions légales et réglementaires et non dans celui d'une répétition dans le temps ; que les juges retiennent qu'en l'espèce, si M. Z... déclare être marié avec Mme Vanda B... depuis le 18 novembre 2016 et être père de deux enfants, et s'il produit des pièces justifiant de sa présence en France depuis 2013, il convient de relever que, de nationalité algérienne, il ne justifie d'une présence régulière sur le territoire national que depuis moins d'un an puisqu'il produit un récépissé de demande de carte de séjour émanant de la préfecture du Bas-Rhin portant la mention "a demandé la délivrance d'un premier titre de séjour d'un an" en date du 29 janvier 2018 valable jusqu'au 28 juillet 2018 et renouvelé jusqu'à ce jour ; que la chambre de l'instruction en conclut que les dispositions sus visées ne lui sont pas applicables, et qu'il convient de constater que les conditions légales d'exécution des mandats d'arrêt européens sont remplies, de donner acte à M. Z... de son refus d'être remis aux autorités de l'Etat d'émission, et d'accorder sa remise aux autorités judiciaires italiennes ;

Attendu qu'aucune pièce ne justifiant que l'intéressé ait invoqué devant la chambre de l'instruction le moyen pris de l'atteinte manifestement disproportionnée à la vie privée et familiale de la personne recherchée, ce moyen est nouveau, mélangé de fait, et comme tel irrecevable ;

Et attendu que l'arrêt a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi, et que la procédure est régulière ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. X..., conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-85943
Date de la décision : 07/11/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, 04 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 nov. 2018, pourvoi n°18-85943


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:18.85943
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