LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 septembre 2017), que M. B... et Mme X... se sont mariés le [...]; que l'épouse ayant déposé une requête en divorce, le juge aux affaires familiales a condamné le mari à lui payer une pension alimentaire en exécution du devoir de secours ; que, se prévalant de la survenance d'un fait nouveau, celui-ci a sollicité la suppression de cette pension ;
Attendu que M. B... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en cas de survenance d'un fait nouveau, le juge peut modifier, supprimer ou compléter le montant de la pension alimentaire qu'il avait mis à la charge de l'un des époux au titre des mesures provisoires ; que l'époux débiteur de la pension alimentaire faisait valoir que l'accident vasculaire qu'il avait subi au mois de septembre 2015 avait entraîné la paralysie temporaire d'un oeil et qu'il avait été obligé de réduire son activité de chirurgien en raison des risques de récidive, entraînant par conséquent une baisse de ses revenus ; qu'en rejetant la demande de suppression de pension alimentaire de M. B... , au motif qu'il n'était pas justifié que les causes de la diminution de ses revenus professionnels étaient indépendantes de sa volonté, alors qu'elle avait pourtant relevé les difficultés de santé de M. B... au mois de septembre 2015 et constaté que ses revenus avaient diminué en 2016, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1118 du code de procédure civile et 255, 6°, du code civil ;
2°/ qu'en cas de survenance d'un fait nouveau, le juge peut supprimer, modifier ou compléter le montant de la pension alimentaire due par un époux à son conjoint au titre du devoir de secours ; que la pension alimentaire versée à ce titre étant destinée à maintenir le niveau de vie de l'époux créancier, elle a vocation à être révisée corrélativement dès lors que le train de vie de l'époux débiteur diminue ; que le seul caractère léger de la diminution des revenus du débiteur ne saurait suffire à écarter une demande de diminution ou de suppression de la pension ; qu'en rejetant la demande de suppression de la pension alimentaire au motif que la « légère diminution » des revenus de l'époux en 2016 ne constituait pas une modification objectivement explicable de son activité professionnelle, alors que le caractère « léger » de la diminution des revenus ne peut suffire à exclure la révision de la pension alimentaire, la cour d'appel a violé les articles 1118 du code de procédure civile et 255, 6°, du code civil ;
3°/ que le montant de la pension alimentaire que l'un des époux peut être condamné à verser à l'autre au titre du devoir de secours est fixé en fonction des ressources du débiteur ; que l'occupation d'un bien immobilier appartenant à autrui doit donner lieu à loyer ou indemnisation, une tolérance d'occupation gratuite pouvant cesser à tout moment ; que le paiement par l'époux d'un loyer à la SCI fût-elle familiale abritant l'ancien domicile conjugal, dans lequel il a fixé sa résidence actuelle ainsi que le cabinet médical au sein duquel il exerce sa profession de chirurgien, constitue une charge légitime et incompressible devant venir en déduction de ses revenus ; qu'en rejetant la demande de suppression de la pension alimentaire mise à la charge de l'époux, au motif que le nouveau bail conclu par ce dernier le 5 janvier 2016 avec la SCI familiale pour un montant de 1 650 euros ne pouvait être retenu comme élément venant en déduction de ses ressources compte tenu de son caractère opportuniste n'ayant pour finalité que de voir diminuer la pension alimentaire due, et qu'il n'était pas démontré que le bail avait été exigé par le gérant de la SCI, père de M. B... , alors que le paiement d'un bail en contrepartie de l'occupation d'un bien immobilier appartenant à autrui ne saurait constituer une charge opportuniste ou de complaisance et que c'était la mise à disposition gratuite qui était exceptionnelle, tolérance à laquelle il pouvait être mis fin à tout moment, la cour d'appel a violé l'article 544 du code civil, ensemble les articles 1118 du code de procédure civile et 255, 6°, du code civil ;
Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation des articles 1118 du code de procédure civile et 255, 6°, du code civil et de manque de base légale au regard de ces textes, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui a estimé que les ressources et les charges de M. B... n'avaient pas évolué, dès lors que le seul élément nouveau résultant du bail, conclu quelques jours après la décision ayant réduit le montant de la pension alimentaire allouée à l'épouse, ne pouvait être retenu en raison de son caractère opportuniste ; qu'il ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. B... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. B... .
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande de suppression de la pension alimentaire versée par le mari à son épouse au titre du devoir de secours,
AUX MOTIFS QU'aux termes des articles 212 et 255 du code civil, les époux se doivent mutuellement secours et le juge aux affaires familiales peut, dans le cadre d'une procédure de divorce, condamner l'un d'eux au paiement d'une pension alimentaire non limitée aux besoins essentiels du conjoint qui doit pouvoir, autant qu'il est possible, maintenir le niveau de vie antérieur, sans pour autant exposer des frais somptuaires ; que s'il ressort des pièces comptables du dossier que les revenus de M. B... ont légèrement diminué au cours de l'exercice 2016, cela peut s'expliquer par une moindre activité professionnelle, sans qu'il soit justifié que les causes sont étrangères à la volonté de M. B... ; qu'en effet, s'il est exact que M. B... a connu un problème de santé en septembre 2015, ce qui est attesté par plusieurs médecins lesquels ont conclu à une évolution positive, il n'est aucunement établi, ni par ces certificats médicaux, ni par des éléments provenant de son cabinet ou des cliniques dans lesquelles il exerce que M. B... a dû interrompre son activité professionnelle pour raison médicale ; qu'en ce qui concerne une perte de patientèle qui serait due à des propos calomnieux du docteur Z..., il résulte des pièces du dossier qu'une procédure devant le conseil de l'ordre est en cours mais que cela ne suffit pas à établir cette perte de patientèle, laquelle n'est, du reste, pas quantifiée ; qu'en conséquence, la cour ne retiendra pas cette légère diminution de revenus en 2016 comme une modification objectivement explicable de l'activité professionnelle du docteur B... ; que le fait que ses charges dues aux différents et importants crédits souscrits par M. B... au bénéfice de son patrimoine propre ne constituent nullement des éléments nouveaux et a toujours été pris en compte par les juridictions ayant eu à statuer sur la pension alimentaire au titre de devoir de secours ;
ET AUX MOTIFS QUE le montant de la pension alimentaire due à Mme X... - dont les revenus sont inchangés - permet autant que possible de maintenir un niveau de vie proche des conditions antérieures et est étranger à des dépenses somptuaires ; que par conséquent, c'est à juste raison que le premier juge a rejeté la demande de suppression de pension alimentaire formée par M. B... et qu'il y a lieu de confirmer la décision déférée ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE l'arrêt de la cour d'appel mentionne qu'aux termes d'une attestation établie par son expertcomptable le revenu professionnel du mari s'est élevé à 131.000 € en 2014, qu'à ses revenus se sont ajoutés des revenus de capitaux mobiliers nets imposables de 6.002 € et des revenus fonciers nets imposables de 10.140 € ; que l'avis de situation déclarative d'impôt sur le revenu 2016 fait apparaître un total des salaires s'élevant à 113.400 €, une somme de 6.024 € au titre des revenus de capitaux mobiliers imposables ainsi qu'une somme de 24.825 € au titre des revenus fonciers nets ; qu'une attestation émanant de l'expert-comptable de la SELARL A... établie le 9 juin 2016 stipule que pour les mois de janvier à avril 2016 le total du chiffre d'affaires de son client s'est élevé à 151.840,96 € en 2015 et à 136.612,40 € en 2016 ; qu'il est ajouté que sur la déclaration des revenus 2015 sont inscrits des revenus fonciers pour un montant de 24.825 € qui ne constituent en aucun cas un revenu disponible car servant à rembourser le capital des emprunts souscrits pour financer l'achat des biens immobiliers ; que les problèmes de santé dont le demandeur fait état préexistaient à l'arrêt de la cour d'appel ; que la situation de l'épouse n'a pas significativement évolué depuis l'arrêt de la cour d'appel ;
1) ALORS QU' en cas de survenance d'un fait nouveau, le juge peut modifier, supprimer ou compléter le montant de la pension alimentaire qu'il avait mis à la charge de l'un des époux au titre des mesures provisoires; que l'époux débiteur de la pension alimentaire faisait valoir que l'accident vasculaire qu'il avait subi au mois de septembre 2015 avait entraîné la paralysie temporaire d'un oeil et qu'il avait été obligé de réduire son activité de chirurgien en raison des risques de récidive, entraînant par conséquent une baisse de ses revenus ; qu'en rejetant la demande de suppression de pension alimentaire de M. B... , au motif qu'il n'était pas justifié que les causes de la diminution de ses revenus professionnels étaient indépendantes de sa volonté, alors qu'elle avait pourtant relevé les difficultés de santé de M. B... au mois de septembre 2015 et constaté que ses revenus avaient diminué en 2016, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1118 du code de procédure civile et 255 6° du code civil ;
2) ALORS QU'en cas de survenance d'un fait nouveau, le juge peut supprimer, modifier ou compléter le montant de la pension alimentaire due par un époux à son conjoint au titre du devoir de secours ; que la pension alimentaire versée à ce titre étant destinée à maintenir le niveau de vie de l'époux créancier, elle a vocation à être révisée corrélativement dès lors que le train de vie de l'époux débiteur diminue ; que le seul caractère léger de la diminution des revenus du débiteur ne saurait suffire à écarter une demande de diminution ou de suppression de la pension ; qu'en rejetant la demande de suppression de la pension alimentaire au motif que la « légère diminution » des revenus de l'époux en 2016 ne constituait pas une modification objectivement explicable de son activité professionnelle, alors que le caractère « léger » de la diminution des revenus ne peut suffire à exclure la révision de la pension alimentaire, la cour d'appel a violé les articles 1118 du code de procédure civile et 255 6° du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande de suppression de la pension alimentaire versée par le mari à son épouse au titre du devoir de secours,
AUX MOTIFS QUE le fait que ses charges dues aux différents et importants crédits souscrits par M. B... au bénéfice de son patrimoine propre ne constituent nullement des éléments nouveaux et a toujours été pris en compte par les juridictions ayant eu à statuer sur la pension alimentaire au titre de devoir de secours ; que quant au bail qu'il a cru opportun de passer en janvier 2016 avec la SCI Capeyron Jeunesse dont son père est le gérant, il faut constater que ledit gérant n'a pas sollicité qu'un tel bail soit passé, du moins la preuve n'en est-elle pas rapportée, et que cette SCI abrite à la fois la SELARL A... , le domicile des parents de M. B... et son propre domicile ; que cette importante et soudaine charge locative (1.650 euros), seul véritable élément nouveau, ne peut être retenu par la cour compte tenu de son caractère opportuniste n'ayant pour finalité que de voir diminuer la pension alimentaire au titre de devoir de secours ; que le montant de la pension alimentaire due à Mme X... - dont les revenus sont inchangés - permet autant que possible de maintenir un niveau de vie proche des conditions antérieures et est étranger à des dépenses somptuaires ; que par conséquent, c'est à juste raison que le premier juge a rejeté la demande de suppression de pension alimentaire formée par M. B... et qu'il y a lieu de confirmer la décision déférée ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE si la pension alimentaire avait été régulièrement payée depuis sa fixation, si le mari n'avait pas augmenté volontairement ses charges en faisant en sorte de régler un loyer mensuel de 1.650 € (bail établi le 5 janvier 2016) à la société civile immobilière Capeyron Jeunesse dont il est le gérant, propriétaire de l'immeuble qu'il habite et dont il détient à l'exception d'une la totalité des parts, ses allégations sur le caractère subit de la diminution de ses revenus seraient plus crédibles ; qu'il n'y a pas lieu de modifier le montant du devoir de secours ;
ALORS QUE le montant de la pension alimentaire que l'un des époux peut être condamné à verser à l'autre au titre du devoir de secours est fixé en fonction des ressources du débiteur ; que l'occupation d'un bien immobilier appartenant à autrui doit donner lieu à loyer ou indemnisation, une tolérance d'occupation gratuite pouvant cesser à tout moment ; que le paiement par l'époux d'un loyer à la SCI fût-elle familiale abritant l'ancien domicile conjugal, dans lequel il a fixé sa résidence actuelle ainsi que le cabinet médical au sein duquel il exerce sa profession de chirurgien, constitue une charge légitime et incompressible devant venir en déduction de ses revenus ; qu'en rejetant la demande de suppression de la pension alimentaire mise à la charge de l'époux, au motif que le nouveau bail conclu par ce dernier le 5 janvier 2016 avec la SCI familiale pour un montant de 1.650 € ne pouvait être retenu comme élément venant en déduction de ses ressources compte tenu de son caractère opportuniste n'ayant pour finalité que de voir diminuer la pension alimentaire due, et qu'il n'était pas démontré que le bail avait été exigé par le gérant de la SCI, père de M. B... , alors que le paiement d'un bail en contrepartie de l'occupation d'un bien immobilier appartenant à autrui ne saurait constituer une charge opportuniste ou de complaisance et que c'était la mise à disposition gratuite qui était exceptionnelle, tolérance à laquelle il pouvait être mis fin à tout moment, la cour d'appel a violé l'article 544 du code civil, ensemble les article 1118 du code de procédure civile et 255 6° du code civil.