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07/11/2018 | FRANCE | N°17-20432

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 novembre 2018, 17-20432


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Caisse de crédit mutuel d'Avallon (la banque) a, par acte du 31 juillet 2003, consenti à M. Z... un prêt personnel, garanti par une hypothèque grevant quatre immeubles distincts ; que le 6 mars 2007, M. Z... a fait publier la déclaration d'insaisissabilité de l'un de ces immeubles ; que le 17 juillet 2009, la banque lui a consenti un prêt professionnel, également garanti par une hypothèque portant sur les quatre immeubles ; que M. Z... a été mis en redressement judi

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Caisse de crédit mutuel d'Avallon (la banque) a, par acte du 31 juillet 2003, consenti à M. Z... un prêt personnel, garanti par une hypothèque grevant quatre immeubles distincts ; que le 6 mars 2007, M. Z... a fait publier la déclaration d'insaisissabilité de l'un de ces immeubles ; que le 17 juillet 2009, la banque lui a consenti un prêt professionnel, également garanti par une hypothèque portant sur les quatre immeubles ; que M. Z... a été mis en redressement judiciaire le 21 décembre 2009, puis, après résolution du plan de redressement qui avait été arrêté, en liquidation judiciaire ; qu'après clôture de cette procédure pour insuffisance d'actif le 6 octobre 2014, la banque a, au titre des deux prêts, délivré à M. Z... un commandement de payer aux fins de saisie des quatre immeubles, que celui-ci a contesté ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

Attendu que la banque soutient que le pourvoi de M. Z... est irrecevable au motif que l'arrêt, qui se borne à déclarer recevable la saisie immobilière et à surseoir à statuer pour le surplus, ne tranche pas une partie du principal ni ne met fin à l'instance ;

Mais attendu qu'en rejetant les contestations de M. Z... fondée sur le droit des procédures collectives pour admettre que la banque pouvait pratiquer la saisie immobilière litigieuse, la cour d'appel a tranché une partie du principal ;

D'où il suit que le pourvoi est recevable ;

Et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 526-1 et L. 622-21 du code de commerce ;

Attendu que pour accueillir la demande de saisie immobilière de la banque, l'arrêt retient que, la déclaration d'insaisissabilité étant inopposable à celle-ci pour le tout s'agissant du prêt antérieur à la publication de cette déclaration et pour les trois immeubles non déclarés insaisissables s'agissant du prêt postérieur, tous les biens saisis échappent à l'emprise de la liquidation judiciaire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que seul l'immeuble objet de la déclaration d'insaisissabilité pouvait être saisi par la banque en vue du recouvrement de sa créance au titre du prêt personnel, seule hypothèse où cette déclaration opposable au liquidateur était inopposable à la banque, tandis que les trois autres immeubles qui, non déclarés insaisissables, étaient entrés dans le gage commun des créanciers, ne pouvaient, dès lors, être réalisés que dans le cadre de la liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la Caisse du crédit mutuel d'Avallon aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. A... Z... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. A... Z....

Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable la demande de la Caisse de crédit mutuel d'Avallon aux fins de saisie immobilière à l'encontre des consorts Z... ;

Aux motifs que « c'est à bon droit que le premier juge a déclaré recevable le crédit mutuel en sa demande de saisie immobilière. En effet, la procédure de saisie immobilière a été engagée postérieurement à la clôture de la liquidation judiciaire du débiteur, le commandement de payer valant saisie ayant été délivré le 21 mai 2015 à l'encontre de M. Z..., dont la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actifs par jugement du 6 octobre 2014.

De même, la déclaration d'insaisissabilité du 23 février 2007, publiée le 6 mars 2007, est inopposable au créancier poursuivant.

D'une part, cette déclaration est postérieure à la première créance résultant du prêt notarié du 31 juillet 2003, qui concerne au surplus une créance de nature non professionnelle. D'autre part et s'agissant de la créance de nature professionnelle issue du prêt notarié du 17 juillet 2009, la déclaration d'insaisissabilité ne vise qu'une des quatre parcelles, à savoir la section [...] lieudit [...], terre et sol pour 13 ares et 95 centiares, de sorte qu'elle est inopposable au poursuivant pour ce qui concerne les trois autres parcelles visées par la saisie immobilière » (arrêt p. 3) ;

Et aux motifs adoptés que « Selon les dispositions d'ordre public de l'article L.622-21-II du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire arrête ou interdit toute procédure d'exécution de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 du même code et ce, tant sur les meubles que sur les immeubles.
En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que M. Luc Z... a été mis en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce d'Auxerre du 2 décembre 2013 et que cette liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actifs par jugement à l'égard de Monsieur Z..., le 6 octobre 2014.
Il convient de constater que la SC CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL D'AVALLON a engagé la présente procédure de saisie immobilière à l'encontre de Monsieur Z... par la délivrance d'un commandement valant saisie immobilière en date du 21 mai 2015, soit postérieurement à l'ouverture de la procédure collective concernant Monsieur Z....
Il n'est pas contesté, par ailleurs, que M. Z... a signé devant notaire une déclaration d'insaisissabilité le 23 février 2007 et publiée le 6 mars 2007, soit avant l'ouverture de la procédure collective, cette déclaration portant cependant uniquement sur le bien cadastré Section [...] lieudit [...], terre et sol pour 13 ares et 95 centiares faisant partie des biens, objet de la saisie immobilière.
Il ne fait aucun doute que cette déclaration d'insaisissabilité est opposable à la procédure collective et par voie de conséquence au liquidateur. Ainsi l'immeuble concerné échappe totalement à l'emprise de la procédure collective, puisqu'il n'est pas dans le périmètre des biens susceptibles d'être appréhendés dans le cadre de cette procédure.
Elle est, en revanche, parfaitement inopposable à la SC CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL D'AVALLON. En effet, la saisie immobilière en cause a pour fondement deux titres exécutoires :
- un prêt notarié consenti le 31 juillet 2003 à titre personnel
- un prêt notarié consenti le 17 juillet 2009 à titre professionnel.
Une déclaration d'insaisissabilité n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent postérieurement à sa publication à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant. En l'espèce, la déclaration d'insaisissabilité n'est donc pas opposable à la SC CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL D'AVALLON, dont la créance fondée sur le prêt notarié du 31 juillet 2003 est antérieure à cette déclaration et a, au surplus, une nature non-professionnelle.
Elle n'est pas non plus opposable à la SC CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL D'AVALLON pour la créance fondée sur le prêt notarié du 17 juillet 2009, qui bien que souscrit postérieurement à la déclaration d'insaisissabilité et ayant une nature professionnelle, est garanti par une inscription d'hypothèque conventionnelle sur 4 parcelles, la déclaration d'insaisissabilité ne portant que sur l'une de ces 4 parcelles (Section [...] lieudit [...], terre et sol pour 13 ares et 95 centiares) et n'étant donc pas opposable à la SC CAISSE DE CREDIT MUTUEL D'AVALLON pour les trois autres parcelles concernées par la saisie immobilière :
Section [...] même lieudit, terre de 5 ares 60 centiares
Section [...] même lieudit, terre de 44 ares et 38 centiares
Section [...] même lieudit, verger de 8 ares et 42 centiares
En conséquence, les biens en cause échappant à l'emprise de la procédure collective, le principe de l'interdiction des poursuites individuelles et des voies d'exécution applicable aux procédures collectives ne saurait s'appliquer, en l'espèce, à la SC CAISSE DE CREDIT MUTUEL D'AVALLON, qui dispose d'un intérêt individuel à agir pour recouvrer ses créances, les dispositions relatives aux procédures collectives ne lui étant pas opposables et ne faisant pas obstacle, de même que la déclaration d'insaisissabilité, à la saisie des biens concernés.
Il convient donc de déclarer recevable la demande de la SC CAISSE DE CREDIT MUTUEL D'AVALON aux fins de saisie immobilière à l'encontre des consorts Z... » (jugement p. 4 et 5) ;

1/ Alors que le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, sauf exceptions limitativement énumérées à l'article L 643-11 du code de commerce ; que dans ses conclusions d'appel, M. Z... a fait valoir qu'il n'entrait pas dans le cadre de ces exceptions et que la procédure de saisie de la banque était irrecevable (concl. p. 5) ; que pour déclarer cette action recevable, la cour d'appel a affirmé que les biens en cause échappant à l'emprise de la procédure collective, le principe de l'interdiction des poursuites individuelles et des voies d'exécution applicable aux procédures collectives ne saurait s'appliquer à la banque créancière ; qu'en statuant ainsi, la cour n'a pas caractérisé l'existence d'une des exceptions prévues permettant de recouvrer le droit de poursuite individuelle et a violé l'article L 643-11 du code de commerce ;

2/ Alors, subsidiairement, que la déclaration d'insaisissabilité publiée avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire interdit aux organes de la procédure collective d'incorporer l'immeuble concerné dans le périmètre de la saisie des biens appartenant au débiteur ; qu'en affirmant que les quatre parcelles, objet de la saisie, de la caisse de crédit mutuel d'Avallon échappaient à l'emprise de la procédure collective, après avoir toutefois constaté que seule une des quatre parcelles objets de la saisie avait fait l'objet de la déclaration d'insaisissabilité, la cour d'appel a violé l'article L. 526-1 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-20432
Date de la décision : 07/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 nov. 2018, pourvoi n°17-20432


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.20432
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