LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 23 mars 2017), qu'en 2013, la société Gämmerler a vendu, avec réserve de propriété, à la société Techno-Pack des pièces d'imprimerie que cette dernière a revendues à la société Gault et Frémont ; que la société Techno Pack a été mise en redressement judiciaire le 24 février 2014 ; que la société Gämmerler, qui n'avait pas été intégralement payée, a déclaré sa créance au passif du redressement judiciaire et a revendiqué, entre les mains de l'administrateur judiciaire, le solde du prix des marchandises livrées sous clause de réserve de propriété ; que par une ordonnance du 10 septembre 2014, le juge-commissaire a dit recevable la revendication du prix des marchandises et a ordonné le paiement par le liquidateur de la société Techno Pack à la société Gämmerler de la somme de 56 331,60 euros dans la limite des fonds disponibles et sous réserve du paiement effectif par la société Gault et Frémont ; que le 9 septembre 2015, la société Gämmerler a assigné la société Gault et Frémont en paiement de la somme de 56 331,60 euros ;
Attendu que la société Gault et Frémont fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Gämmerler la somme de 56 331,60 euros alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque l'acquéreur d'un bien vendu avec réserve de propriété le revend sans avoir payé l'intégralité du prix, la revente opère, par l'effet de la subrogation réelle, transport dans le patrimoine du vendeur initial du prix ou du reliquat du prix impayé par le sous-acquéreur au jour de l'ouverture de la procédure collective du débiteur ; que cette subrogation ne fait pas obstacle à ce que le sous-acquéreur puisse opposer au vendeur initial les exceptions inhérentes à la dette qu'il aurait pu faire valoir contre son propre vendeur ; qu'en jugeant le contraire, pour condamner la société Gault et Frémont à payer à la société Gämmerler la partie du prix impayé au jour de l'ouverture de la procédure collective de la société Techno-Pack, quand la société Gault et Frémont était recevable et fondée à opposer à la société Gämmerler des exceptions inhérentes à la dette tirées de la défectuosité du matériel vendu et de sa non-conformité au cahier des charges, la cour d'appel a violé l'article L. 624-18 du code de commerce ;
2°/ que dans ses conclusions, la société Gault et Frémont faisait valoir que « la machine vendue par la société Gämmerler à la société Techno-Pack, puis revendue à la société Gault et Frémont , ne correspondait pas au cahier des charges et ne pouvait fonctionner en l'état dans un environnement industriel, occasionnant ainsi un préjudice à la société Gault et Frémont » et qu' « en réponse à cette défectuosité du matériel vendu, la société Techno-pack a consenti un avoir d'un montant de 53.820 euros à la société Gault et Frémont », ce dont il résultait qu'elle invoquait des exceptions inhérentes à la dette tirées de la défectuosité du matériel vendu et de sa non-conformité au cahier des charges ; qu'en affirmant néanmoins que l'exposante n'opposait pas d'exception inhérente à la chose vendue , la cour d'appel a dénaturé les conclusions précitées en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ qu'à supposer qu'en affirmant que l'exposante pouvait opposer à la société Gämmerler des exceptions inhérentes à la chose vendue, tels des vices cachés, ce qu'elle ne faisait pas, la cour d'appel ait entendu énoncer que la défectuosité et la non-conformité du matériel vendu ne constituaient pas des exceptions inhérentes à la chose vendue, elle a violé l'article L. 624-18 du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel n'a pas fondé sa décision sur les motifs critiqués par la première branche, qui sont surabondants ;
Attendu, en second lieu, que, sans dénaturer les conclusions de la société Gault et Frémont qui faisait valoir, en se référant aux motifs du jugement, que l'avoir que lui avait consenti la société Techno Pack, en raison de la défectuosité du matériel vendu, était, au même titre qu'une facture, une pièce comptable et non une exception qu'elle aurait fait valoir contre son vendeur, ni énoncer le principe critiqué par la troisième branche, l'arrêt retient que le sous-acquéreur n'invoque pas des exceptions inhérentes à la chose vendue, mais se prévaut de l'absence de créance de la société Techno Pack, vendeur intermédiaire à son égard au jour de l'ouverture de la procédure collective, en raison de la compensation résultant de l'avoir consenti, pour en déduire qu'aucune compensation entre cet avoir, constatant une créance alors non exigible au profit du sous-acquéreur, et la dette de ce dernier envers l'acheteur-revendeur n'a pu se produire avant l'ouverture du redressement judiciaire de ce dernier et que, faute de déclaration de sa créance d'avoir à la procédure collective, la société Gault et Frémont ne peut s'en prévaloir ; que le moyen, inopérant en sa première branche et qui manque en fait en sa troisième, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa quatrième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Gault et Frémont aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Gämmerler la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Gault et Fremont
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait alloué à la société GAMMERLER une somme en principal de 2.511,60 euros, d'avoir condamné la société GAULT ET FREMONT à lui payer la somme de 56.331,60 euros en principal et d'avoir confirmé les dispositions non contraires du jugement ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la société GAMMERLER s'est vue reconnaître, par l'ordonnance du juge-commissaire du 10 septembre 2014, une créance de 56.331,60 euros sur la société TECHNO-PACK ; par l'effet de la subrogation réelle, la revente des biens à la société GAULT ET FREMONT a opéré transport dans le patrimoine de la société GAMMERLER du prix ou de la partie du prix impayé par celle-là au jour de l'ouverture de la procédure collective, sans qu'elle puisse opposer à la société GAMMERLER des exceptions qu'elle aurait pu faire valoir contre la société TECHNO-PACK ; contrairement à ce qui est soutenu par l'intimée, l'action de la société GAMMERLER est parfaitement recevable en ce qu'elle pouvait être exercée distinctement de l'action en revendication et en ce qu'elle n'avait pas à être expressément autorisée par le juge-commissaire ; par ailleurs, l'ordonnance du juge-commissaire ayant été régulièrement notifiée à la société GAULT ET FREMONT dans les termes de l'article R 621-21 du code de commerce et n'ayant fait l'objet d'aucun recours de la part de celle-ci, elle lui est opposable ; au demeurant, l'ordonnance du juge commissaire qui, notifiée ou pas, s'impose à la société GAULT ET FREMONT en ce qu'elle a arrêté la créance de la société GAMMERLER sur la société TECHNO-PACK, ne fait pas obstacle à ce que la société GAULT ET FREMONT oppose à la société GAMMERLER des exceptions inhérentes à la chose vendue, tels des vices cachés, ce qu'elle ne fait pas, ou l'absence de créance de la société TECHNO-PACK sur elle au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective, ce dont elle se prévaut ; la société GAULT ET FREMONT invoque, en effet, le bénéfice d'un avoir de 53.820 euros qui lui a été consenti par la société TECHNO-PACK ; mais, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il apparaît qu'aucune compensation n'a pu intervenir avant le jugement d'ouverture dès lors qu'à sa date, la créance de la société GAULT ET FREMONT n'était pas exigible ; en effet, l'avoir consenti était payable, pour moitié, à la fin du cinquième mois qui aurait suivi le paiement complet de l'installation, et, pour l'autre moitié, sous forme d'une réduction de 5% sur le montant des commandes ultérieures ; ainsi, pour être opposable à la société GAMMERLER, l'avoir devait impérativement avoir été déclaré au passif de la procédure collective ; faute d'avoir déclaré sa créance, la société GAULT ET FREMONT ne peut s'en prévaloir et devra donc payer à la société GAMMERLER la somme de 56.331,60 euros, les autres dispositions du jugement étant confirmées » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur la demande en paiement de la société GAMMERLER : aucune partie ne conteste la validité de la clause de réserve de propriété revendiquée par la société GAMMERLER ; aucune partie ne conteste l'existence, à ce jour, de la créance de la société GAMMERLER à l'encontre de la société TECHNO-PACK ni celle de la société GAULT ET FREMONT à l'encontre de la société TECHNO-PACK ;
la société GAMMERLER a revendiqué le prix des marchandises livrées sous réserve de propriété auprès de l'administrateur judiciaire ; le bénéficiaire de la clause de réserve de propriété ne doit pas subir de perte de l'efficacité de sa sûreté ; la revente opère, par l'effet de la subrogation réelle, le transport dans le patrimoine de la société GAMMERLER de la partie non payée de la créance de la société GAULT ET FREMONT [lire TECHNO-PACK] à l'égard de la société TECHNO-PACK [lire GAULT ET FREMONT] et ce, au jour de l'ouverture de la procédure collective ; le Tribunal dira que c'est à bon droit que la société GAMMERLER revendique le solde de sa facture auprès de la société GAULT ET FREMONT » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE lorsque l'acquéreur d'un bien vendu avec réserve de propriété le revend sans avoir payé l'intégralité du prix, la revente opère, par l'effet de la subrogation réelle, transport dans le patrimoine du vendeur initial du prix ou du reliquat du prix impayé par le sous-acquéreur au jour de l'ouverture de la procédure collective du débiteur ; que cette subrogation ne fait pas obstacle à ce que le sous-acquéreur puisse opposer au vendeur initial les exceptions inhérentes à la dette qu'il aurait pu faire valoir contre son propre vendeur ; qu'en jugeant le contraire (arrêt p. 3 § 5), pour condamner la société GAULT ET FREMONT à payer à la société GAMMERLER la partie du prix impayé au jour de l'ouverture de la procédure collective de la société TECHNO-PACK, quand la société GAULT ET FREMONT était recevable et fondée à opposer à la société GAMMERLER des exceptions inhérentes à la dette tirées de la défectuosité du matériel vendu et de sa non-conformité au cahier des charges (conclusions p. 9), la Cour d'appel a violé l'article L. 624-18 du code de commerce ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE dans ses conclusions (p. 9), la société GAULT ET FREMONT faisait valoir que « la machine vendue par la société GAMMERLER à la société TECHNO-PACK, puis revendue à la société GAULT ET FREMONT, ne correspondait pas au cahier des charges et ne pouvait fonctionner en l'état dans un environnement industriel, occasionnant ainsi un préjudice à la société GAULT ET FREMONT » et qu' « en réponse à cette défectuosité du matériel vendu, la société TECHNO-PACK a[vait] consenti un avoir d'un montant de 53.820 euros à la société GAULT ET FREMONT », ce dont il résultait qu'elle invoquait des exceptions inhérentes à la dette tirées de la défectuosité du matériel vendu et de sa non-conformité au cahier des charges ; qu'en affirmant néanmoins que l'exposante n'opposait pas d'exception inhérente à la chose vendue (arrêt p. 3 in fine et p. 4 § 1), la Cour d'appel a dénaturé les conclusions précitées en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU' à supposer qu'en affirmant que « l'exposante [pouvait] oppose[r] à la société GAMMERLER des exceptions inhérentes à la chose vendue, tels des vices cachés, ce qu'elle ne fais[ai]t pas » (arrêt p. 3 in fine et p. 4 § 1), la Cour d'appel ait entendu énoncer que la défectuosité et la non-conformité du matériel vendu ne constituaient pas des exceptions inhérentes à la chose vendue, elle a violé l'article L. 624-18 du code de commerce ;
ALORS, EGALEMENT SUBSIDIAIREMENT, QU' une personne ne peut se voir opposer une décision du juge-commissaire concernant directement ses droits et obligations et rendue à son insu, en l'absence de notification régulière par le greffier ou de signification régulière à l'initiative d'une partie ; que dans ses conclusions (p. 6 et 7), l'exposante faisait valoir qu'elle s'était vue notifier l'ordonnance du juge-commissaire par le greffier à la demande de la société GAMMERLER de manière déloyale et irrégulière en ce que cette notification était intervenue plus d'un an après le prononcé de l'ordonnance et six mois après l'établissement d'un certificat de non-recours contre ladite ordonnance, devenue définitive à cette date, de sorte que la voie de recours mentionnée dans la notification lui était en réalité fermée et que l'ordonnance devait lui être déclarée inopposable du fait de l'irrégularité de sa notification par le greffier et de l'absence de signification à l'initiative de la société GAMMERLER ; qu'en jugeant néanmoins que l'ordonnance était opposable à l'exposante, aux motifs qu'elle lui aurait été régulièrement notifiée dans les termes de l'article R. 621-21 du code de commerce et qu'elle n'avait fait l'objet d'aucun recours de la part de celle-ci (arrêt p. 3 § 7), sans répondre au moyen précité, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.