LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort par une juridiction de proximité, qu'ayant été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société Allianz IARD (l'assureur), M. Y... a assigné celle-ci en réparation de son préjudice ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa première branche, et sur le second moyen, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 4 du code civil ;
Attendu que, pour le débouter de sa demande au titre des dommages matériels, le jugement énonce qu'il ressort du constat amiable de l'accident que c'est en quittant sa place de stationnement que M. Y... a été percuté à l'arrière de son véhicule, sur le côté gauche, par le véhicule assuré auprès de l'assureur et conduit par un tiers ; que l'implication et la responsabilité dans la commission du dommage matériel de ce tiers sont établies ; que M. Y... est en droit de demander la réparation intégrale des dégâts matériels commis sur son véhicule ; que toutefois, faute pour l'expertise amiable contradictoire versée aux débats par M. Y... d'indiquer avec précision la nature et l'étendue des dommages exacts résultant de l'accident, le tribunal n'est pas en mesure d'apprécier le bien-fondé de la demande d'indemnisation, que celui-ci en sera débouté ;
Qu'en statuant ainsi, en refusant d'évaluer le montant d'un dommage dont elle avait constaté l'existence en son principe, la juridiction de proximité a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions du jugement ayant débouté M. Y... de sa demande au titre du préjudice matériel entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs du jugement relatifs aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. Y... de ses demandes au titre des dommages matériels et de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne aux dépens et au paiement de la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement rendu le 27 juin 2017, entre les parties, par la juridiction de proximité de Briey ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Nancy ;
Condamne la société Allianz IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. Y....
Le premier moyen de cassation fait grief au jugement attaqué d'avoir débouté M. Y... de sa demande de dommages-intérêts au titre des dommages matériels,
Aux motifs que la SA Allianz ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute de la victime. Dès lors, M. Y..., en qualité de conducteur victime du véhicule impliqué, est en droit de demander la réparation intégrale des dégâts matériels commis sur son véhicule à l'assureur puisque la responsabilité de l'assuré est établie.
Pour justifier sa demande, M. Y... produit aux débats un rapport d'expertise établi aux opérations d'expertise qui se sont déroulées le 26 juin 2014 pour lesquelles M. A... avait été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception qu'il n'a pas réclamée le 4 juin 2014.
Cette expertise est donc contradictoire et opposable à la compagnie d'assurance.
L'expert constate que le bouclier arrière est endommagé sur le « coin gauche », or ces constatations imprécises ne sont pas conformes aux dégâts constatés lors de l'accident puisqu'il était indiqué dans le constat établi le 31 mai 2014 que le pare-choc était déboité sur le côté gauche.
Le constat ne faisait état d'aucun autre dommage tel que des éclats de peinture.
Par ailleurs, l'expert indique que de légers impacts sur la peinture du bouclier arrière sont des dommages sans relation de cause à effet avec le sinistre, alors que le devis fait état de travaux de tôlerie et de peinture pour la somme de 570,60 € TTC.
Or, il y a lieu de rappeler que le conducteur impliqué dans un accident de la circulation n'a pas à indemniser des dommages qui n'ont aucun lien avec l'accident.
Par conséquent, faute pour l'expert d'avoir indiqué avec précision la nature et l'étendue des dommages exacts qui résultaient de l'accident soumis à indemnisation, le tribunal n'est pas en mesure d'apprécier le bien-fondé de la demande d'indemnisation à hauteur de 570,60 € TTC (jug. p. 5 etamp; 6) ;
1/ Alors qu'en toute matière, le juge doit respecter le principe du contradictoire ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande d'indemnisation du préjudice matériel de M. Y..., la juridiction de proximité a relevé l'imprécision des constatations de l'expert faisant état d'un bouclier arrière endommagé, constatations non conformes aux dégâts constatés lors de l'accident puisqu'il était indiqué dans le constat établi le 31 mai 2014 que le pare choc était déboité sur le côté gauche ; qu'en statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé les articles 16 du code de procédure civile et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
2/ Alors que le juge ne peut constater l'existence d'un préjudice et refuser d'en évaluer le montant ; qu'en l'espèce, l'existence d'un choc arrière sur le véhicule de M. Y... n'a pas été discutée, tout comme la matérialité de dégâts matériels ; qu'en refusant d'en évaluer le montant, au motif que l'expert n'aurait pas indiqué avec précision la nature et l'étendue des dommages exacts qui résultaient de l'accident soumis à indemnisation, la juridiction de proximité a méconnu ses pouvoirs et violé l'article 4 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale.
Le second moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Y... de sa demande de dommages-intérêts au titre des frais d'expertise,
Aux motifs que M. Y... invoque l'article L l24-3 alinéa 2 du Code des assurances pour obtenir l'indemnisation des frais de l'expertise amiable qu'il a fait diligenter, estimant qu'il s'agit de conséquences pécuniaires consécutives à l'accident de la circulation dont il a été victime.
En l'espèce, l'expertise diligentée par M. Y... avait pour objet de faire constater les dommages matériels sur son véhicule et d'en évaluer le coût des réparations.
Si M. Y... était libre de ne pas faire appel à son assureur et de choisir de faire appel à un expert indépendant, l'engagement des frais d'expertise n'est pas une conséquence pécuniaire de l'accident.
En effet, cela résulte de la nécessité pour M. Y... de prouver le bien fondé de sa demande d'indemnisation par le biais d'une mesure d'instruction que la jurisprudence qualifie de façon constante de frais irrépétibles puisque cette mesure n'a pas été ordonnée judiciairement.
C'est donc abusivement que l'expert a intégré ses frais d'expertise dans l'évaluation des dommages matériels consécutifs à l'accident matériel de la circulation.
En conséquence, M. Y... sera débouté de cette demande de dommages-intérêts et la question des frais d'expertise sera évoquée dans le cadre de la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile (jug. p. 6) ;
Alors que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer intégralement ; qu'en l'espèce, M. Y... a sollicité le remboursement des frais d'expertise amiable qu'il a dû engager pour établir la réalité et la consistance de son préjudice matériel dû à l'accident de la circulation dont M. A... était seul responsable ; que le juge de proximité a reconnu que les frais d'expertise exposés par M. Y... résultaient de la nécessité de prouver le bien-fondé de sa demande d'indemnisation par le biais d'une mesure d'instruction ; qu'en décidant néanmoins, pour rejeter la demande de M. Y..., que ces frais n'étaient pas une conséquence pécuniaire de l'accident dont M. A... était responsable, la juridiction de proximité n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1382 du code civil (devenu 1240), ensemble le principe de la réparation intégrale.