LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 12 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, qu'en 2013, Mme Y... Z..., de nationalité allemande, a confié à M. X..., avocat au barreau de Strasbourg et au barreau de Fribourg (Allemagne), un mandat pour la représenter devant la Cour européenne des droits de l'homme ; qu'aucune convention d'honoraires n'a été signée entre les parties ; que le 7 avril 2016, M. X... a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats de Strasbourg d'une demande de fixation de ses honoraires ; que, par décision du 15 décembre 2016, le bâtonnier a retenu sa compétence pour statuer sur le litige, dit qu'il était soumis au droit français et a fixé les honoraires dus par Mme Y... Z... ; que celle-ci a formé un recours contre cette décision ;
Attendu que pour déclarer le premier président incompétent pour statuer sur la contestation d'honoraires, l'ordonnance énonce qu'il est constant que M. X..., avocat allemand, est inscrit tant au barreau de Fribourg qu'au barreau de Strasbourg ; qu'il résulte des pièces produites par Mme Y... Z..., elle-même ressortissante allemande domiciliée à Francfort, qu'elle avait confié la défense de ses intérêts à M. X... par un courrier électronique adressé à celui-ci sur sa messagerie allemande et que l'ensemble des correspondances échangées était en langue allemande, ce dont il se déduit que le premier président était incompétent rationae loci pour connaître du litige et que seule une juridiction allemande était compétente pour en connaître, la seule circonstance que le recours de Mme Y... Z... ait été déposé devant la Cour européenne des droits de l'homme n'étant pas suffisante pour retenir la compétence des juridictions françaises ;
Qu'en statuant ainsi, sans préciser le fondement juridique de sa décision, le premier président a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare le recours de Mme Y... Z... régulier et recevable, l'ordonnance rendue le 6 juin 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Metz ;
Condamne Mme Y... Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief au premier président de la cour d'appel de Colmar, infirmant la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Strasbourg, de s'être déclaré incompétent pour connaître de la contestation d'honoraires de madame Y... Z... ;
Aux motifs qu'il est constant que maître X..., avocat allemand, est inscrit tant au barreau de Fribourg qu'au barreau de Strasbourg ; qu'il résulte des pièces produites par madame Y..., elle-même ressortissante allemande domiciliée à Francfort, qu'elle a confié la défense de ses intérêts à maître X... par un courriel adressé à celui-ci sur sa messagerie électronique allemande, et que l'ensemble des correspondances échangées est en langue allemande ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que nous sommes incompétents rationae loci pour connaître du présent litige, seule une juridiction allemande étant compétente, la seule circonstance que le recours de madame Y... a été déposé devant la Cour européenne des droits de l'homme ayant son siège à Strasbourg n'étant pas suffisante pour nous permettre de nous déclarer compétent ; que par suite la décision entreprise doit être infirmée ;
1°) Alors que le demandeur à l' exception d'incompétence doit faire connaître, à peine d'irrecevabilité, la seule juridiction devant laquelle il demande que l'affaire soit portée ; qu'il ressort des constatations mêmes de l'ordonnance que, par conclusions déposées le 18 avril 2017, madame Y... Z... a demandé, à titre principal, de constater l'incompétence du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Strasbourg et, subsidiairement, de réduire sensiblement le montant des honoraires pouvant lui être réclamés (arrêt p. 3, 1er §) ; que maître X... faisait valoir en conséquence que madame Y... Z... n'avait nullement indiqué dans ses conclusions d'appel devant quelle juridiction elle demandait que le litige soit porté (conclusions p. 9) ; qu'en se déclarant incompétent pour connaître de la contestation d'honoraires, cependant que madame Y... Z... n'avait pas désigné la juridiction devant laquelle elle demandait que l'affaire soit portée, ce qui rendait l'exception d'incompétence irrecevable, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 75 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable en la cause ;
2°) Alors que, subsidiairement, les juges du fond doivent préciser le fondement juridique des décisions qu'ils rendent ; qu'en se déclarant incompétent pour connaître de la contestation d'honoraires opposant maître X... à madame Y... Z..., sans préciser le fondement de son incompétence, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
3°) Alors que, subsidiairement, en matière contractuelle, le lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée est, pour la fourniture de services, le lieu d'un Etat membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ; que maître X... faisait valoir qu'il avait librement accepté de conseiller et de représenter madame Y... Z... dans le cadre d'une procédure devant la Cour européenne des droits de l'homme, qu'il avait fourni l'ensemble des prestations juridiques en France, plus précisément à Strasbourg, où il avait son cabinet principal, madame Y... Z... l'ayant consulté au sein de ce cabinet, ce dont il s'évinçait que la localisation de l'exécution effective des prestations de service était Strasbourg ; qu'en se fondant, pour écarter sa compétence rationae loci, sur la circonstance que madame Y... Z... avait adressé son premier courriel à maître X... sur sa messagerie électronique allemande et que les correspondances étaient échangées en langue allemande, le premier président de la cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à écarter sa compétence, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1er et 7 du règlement UE n° 1215/2012 dit Bruxelles I bis ;
4°) Alors que maître X... faisait valoir qu'il avait effectué l'ensemble de ses diligences dans son cabinet de Strasbourg qui était son établissement principal, qu'il avait reçu sa cliente, madame Y... Z..., pour des entretiens dans son cabinet strasbourgeois, comme reconnu par cette dernière, qu'il avait rédigé la requête à la Cour européenne en langue française, ce dont il s'évinçait que c'était en France qu'avait été fournie la prestation juridique de maître X... ; qu'en retenant que la seule circonstance que le recours de madame Y... Z... ait été déposé devant la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg n'était pas suffisante pour se déclarer compétent, sans examiner les autres circonstances exposées par maître X... (conclusions pp. 4 à 6) qui établissaient que l'exécution effective des prestations de service était localisée à Strasbourg, ce qui était de nature à justifier la compétence rationae loci de la juridiction française, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1er et 7 du règlement UE n° 1215/ 2012 dit Bruxelles I bis.