LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé à l'encontre de M. A... et de Mme B... ;
Donne acte à M. A... et à Mme B... de leur reprise d'instance en qualité d'héritiers de Y... A..., décédée le [...] ;
Donne acte à M. X... de sa reprise d'instance à l'encontre de M. A... et de Mme B..., héritiers de Y... A... ;
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 novembre 2015), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 20 mai 2014, pourvoi n° 13-11.314), que, par acte du 1er janvier 2006, Y... A..., nue-propriétaire pour un quart et usufruitière pour le surplus d'un bâtiment agricole, a consenti seule un bail rural à M. X... ; que M. A... et Mme B..., enfants de la bailleresse, en ont obtenu l'annulation ; que M. X... a demandé des dommages-intérêts ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande ;
Mais attendu qu'ayant retenu, à bon droit, que le fait pour un usufruitier agissant seul de consentir un bail rural qui l'expose à l'annulation constitue une faute ouvrant au preneur le droit de lui demander réparation dans les conditions de la responsabilité délictuelle et, souverainement, que M. X... ne rapportait la preuve, dont il avait la charge, ni d'un préjudice certain ni d'un lien de causalité, dès lors qu'il avait volontairement cessé son activité et quitté les lieux avant tout congé ou toute annulation judiciaire du bail, la cour d'appel, abstraction faite de motifs surabondants, en a exactement déduit, sans dénaturation des conclusions dont elle était saisie, que la demande en dommages-intérêts devait être rejetée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. A... et de Mme B... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts à l'encontre de Mme Y... A..., d'AVOIR rejeté la demande en dommages-intérêts formée par M. X... sur le fondement de l'article 595 du Code civil à l'encontre de Mme Y... A..., d'AVOIR dit n'y avoir lieu d'ordonner une mesure d'expertise à ce titre et d'AVOIR condamné M. X... aux dépens ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « par acte sous-seing privé du 1er janvier 2006, Madame Y... A... a donné bail à Monsieur Guillaume X... deux parcelles de terre situées à Hyères ; que Monsieur Christian A... et Madame Annie A... ont obtenu l'annulation du contrat, au motif que leur mère qui était nue propriétaire pour un quart et usufruitière pour le surplus ne pouvait seule donner ce bien à bail, sans le concours des autres propriétaires ; que la Cour de cassation n'a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel qu'en ce qu'il déboute Monsieur X... de sa demande d'indemnisation du préjudice résultant de l'annulation du bail, fondée sur les dispositions de l'article 595 du Code civil ; qu'il résulte de ce texte que l'usufruitier ayant conclu un bail rural sans s'assurer du concours du nu propriétaire engage sa responsabilité vis-à-vis du preneur en cas d'annulation du bail ; que la responsabilité civile de Monsieur Christian A... et Madame Annie A..., nu propriétaires ne peut donc être recherchée en conséquence de l'annulation du contrat de bail conclu irrégulièrement par l'usufruitière ; que ce fait constitue en lui-même une faute délictuelle, dès lors qu'il n'est pas démontré que le consentement de cette dernière a été vicié, ou qu'elle n'était pas en capacité de signer le contrat ; que quelle que soit l'importance de l'argumentation des demandes de Monsieur Guillaume X..., au titre du préjudice économique, intervenues en cours de procédure, celle-ci ne peut constituer une contradiction permettant d'appliquer en l'espèce le principe d'estoppel ; que ne peuvent être prises en compte à ce titre des demandes en dommages et intérêts formées dans le cadre d'une procédure pénale, distincte de la procédure liée à l'annulation du bail rural ; que la cour d'appel a relevé, dans ses motifs relatifs à l'annulation du contrat que le preneur n'a réalisé aucune des vérifications élémentaires sur la propriété des serres qu'il souhaitait prendre à bail, alors qu'il connaissait l'existence des enfants de Madame A... ; qu'en ne vérifiant pas la véritable qualité de Madame Y... A..., dont il connaissait la situation familiale, le locataire a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son propre procédure ; que seul le préjudice résultant directement de l'annulation du contrat de bail et non des agissements des enfants de l'usufruitière en cours d'exécution peut être invoqué dans le cadre de la présente procédure ; que la question liée à la remise en état de l'aire de stationnement et celle du comportement des consorts A... n'a donc pas d'intérêt dans le cadre du litige dont la cour est actuellement saisie ; que les calculs de l'expert se fondent sur un chiffre d'affaire prévisionnel de 60 000 € fourni par l'appelant qui espérait un développement de son activité de culture de plantes sous serres ; qu'il s'agit ainsi d'un préjudice éventuel, hypothétique et en tout cas incertain ; que les documents comptables évoqués par l'expert amiable, Monsieur D..., dans son rapport du 28 février 2011, ne sont pas produits aux débats ; que les frais de réinstallation invoqués ne sont pas justifiés ; que le prix de la revente des plantes supposé réalisée à perte n'est pas démontré ; que le départ du locataire en décembre 2010 antérieurement au prononcé de l'annulation par jugement du 22 septembre 2011 n'est pas lié à l'annulation du contrat de bail mais selon lui aux agissements des enfants de Madame Y... A... qui auraient commis des dégradations sur les terres louées à bail rural ; que son départ des lieux avant la date du renouvellement contractuel du bail et en l'absence d'un congé de son bailleur constitue une renonciation à bénéficier du statut des baux ruraux sur les biens loués pour une activité agricole ; que l'existence d'un lien de causalité direct entre la faute et le préjudice par ailleurs non démontré n'est pas établie ; que dans ces conditions, il ne peut être fait droit à la demande d'indemnisation formée, en cause d'appel par Monsieur Guillaume X..., sur le fondement de l'article 595 du Code civil ; qu'aux termes de l'article 146 du Code de procédure civile, en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve ; qu'en l'état de l'absence de justificatifs de préjudice exploitable, dont la production incombe à l'appelant, il n'y a pas lieu de désigner un expert sur ce point, ni de lui accorder une provision ; qu'il n'y a pas lieu sur le plan de l'équité de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ; que Monsieur Guillaume X... qui succombe est condamné aux dépens » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'« il convient en premier lieu de relever que monsieur Guillaume X... ne formule pas de demande au titre de l'indemnité d'éviction due au preneur sortant en application du statut du fermage, mais réclame principalement l'indemnisation de son préjudice sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ; attendu qu'il lui incombe dans ces conditions de rapporter la preuve d'un manquement du bailleur à ses obligations ; attendu qu'à l'appui de ses dires, Monsieur X... produit deux constatas d'huissier établis les 6 et 26 février 2009, tendant à démontrer que le bailleur aurait volontairement bloqué l'accès aux serres par le chemin carrossable, empêchant ainsi l'alimentation de la cuve de fioul et la livraison des engrais et substrats nécessaires à la culture ; attendu cependant que la partie adverse produit un autre constat d'huissier daté du 8 avril 2009 indiquant au contraire que les accès restaient praticables ; attendu que la preuve n'est donc pas rapportée de l'existence d'une faute contractuelle imputable au bailleur, et que Monsieur X... doit être en conséquence débouté de sa demande reconventionnelle à l'encontre de Madame Y... A... ; attendu qu'il n'est pas davantage établi la preuve d'une faute de nature délictuelle de la part de Monsieur Christian A... et de Madame Annie B... et que la demande en dommages-intérêts dirigée à leur encontre doit être également rejetée » ;
1°) ALORS, D'UNE PART, QUE l'usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural et a seul l'obligation de s'assurer dudit concours pour consentir le bail ; qu'en l'espèce, il est constant que M. Christian A... et Mme Annie A..., nus propriétaires, ont obtenu l'annulation du contrat de bail conclu entre M. X... et Mme Y... A..., aux motifs que cette dernière, qui était nue propriétaire pour un quart et usufruitière pour le surplus, ne pouvait seule donner le bien à bail, sans s'assurer au préalable de leurs concours ; qu'après avoir jugé que la conclusion par l'usufruitière d'un contrat de bail sans le concours des nus propriétaires constituait en soi une faute délictuelle dès lors qu'il n'était pas démontré que le consentement de cette dernière avait été vicié ou qu'elle n'était pas en capacité de signer le contrat, la cour d'appel a néanmoins rejeté la demande de X... en réparation du préjudice résultant de l'annulation du bail au prétexte que le preneur n'avait réalisé aucune des vérifications élémentaires sur la propriété des serres qu'il souhaitait prendre à bail alors qu'il connaissait l'existence des enfants de Mme A... et qu'en ne vérifiant pas la véritable qualité de Mme Y... A..., dont il connaissait la situation familiale, le locataire avait commis une faute ayant contribué à la réalisation de son propre préjudice ; qu'en statuant ainsi, alors qu'ayant seul l'obligation de s'assurer du concours du nu-propriétaire pour consentir ledit bail, l'usufruitier ne peut s'exonérer de son entière responsabilité à l'égard du preneur dont le bail a été annulé faute de ce concours, en lui opposant l'absence de vérification personnelle de sa part sur la propriété des terres données à bail, la cour d'appel a violé l'article 595 du Code civil, ensemble l'article 1382 du même Code dans sa rédaction applicable au litige ;
2°) ALORS, D'AUTRE PART, QUE cause nécessairement un préjudice au preneur l'annulation du bail rural pour défaut de qualité du bailleur qui, en sa qualité d'usufruitier, ne s'est pas assuré du concours du nu propriétaire ; qu'en rejetant néanmoins la demande de M. X... en réparation du préjudice résultant de l'annulation du bail conclu avec Mme Y... A..., aux motifs que ce dernier ne démontrait ni son préjudice, ni de lien de causalité direct entre la faute du bailleur et ce préjudice, la cour d'appel a violé l'article 595 du Code civil, ensemble l'article 1382 du même Code dans sa rédaction applicable au litige ;
3°) ALORS, EN OUTRE, QUE le juge ne peut refuser d'évaluer le préjudice dont il aurait dû constater l'existence en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en refusant à M. X... le paiement de dommages-intérêts en raison de l'annulation du bail du fait du bailleur, au prétexte que ce dernier ne démontrait pas l'existence d'un préjudice dont elle aurait pourtant dû constater l'existence, la cour d'appel a violé les articles 4 et 595 du Code civil, ensemble l'article 1382 du même Code dans sa rédaction applicable au litige ;
4°) ALORS, PAR AILLEURS, QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que dans ses conclusions, M. X... indiquait qu'il avait été poussé au départ en décembre 2010 par les agissements répétés des consorts A... et invoquait à ce titre aussi bien des fautes contractuelles commises par Madame Y... A... que des agissements imputables à ses enfants, Mme Annie A... épouse B... et M. Christian A... ; qu'en affirmant toutefois que selon M. X..., son départ était lié aux agissements des seuls enfants de Madame Y... A..., quand il résultait expressément des conclusions du preneur que les agissements litigieux étaient reprochés à la fois à Madame Y... A... et à ses enfants, la Cour d'appel a dénaturé lesdites conclusions en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
5°) ALORS, ENFIN, QUE la renonciation à un droit ou à une action, pour être utilement opposée par celui qui s'en prévaut, doit être certaine et non équivoque et ne peut résulter du seul départ du locataire à une date où il savait que l'annulation du contrat de bail était imminente en raison de l'introduction d'une action par les nus propriétaires dont le concours n'avait pas été demandé par l'usufruitier bailleur ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande en réparation du préjudice de M. X... et exclure tout lien de causalité entre la faute de Mme Y... A... et le préjudice de M. X..., la cour d'appel a néanmoins retenu que le départ du locataire en décembre 2010, antérieurement au prononcé de l'annulation du bail rural par jugement du 22 septembre 2011, n'était pas lié à l'annulation du contrat de bail mais selon lui aux agissements des enfants de Madame Y... A... qui auraient commis des dégradations sur les terres louées à bail rural et que son départ des lieux avant la date du renouvellement contractuel du bail et en l'absence d'un congé de son bailleur constituait une renonciation à bénéficier du statut des baux ruraux sur les terres louées à bail rural ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une renonciation certaine, claire et non équivoque à un statut d'ordre public, et alors qu'il était constant qu'au moment de son départ en décembre 2010, l'annulation future du contrat de bail était certaine en raison du défaut de concours de Monsieur Christian A... et Madame Annie A... épouse B..., nus propriétaires, lors de sa conclusion, la cour d'appel a violé l'article 595 du Code civil, ensemble l'article 1382 du même Code dans sa rédaction applicable au litige.