LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 17-82.816 F-D
N° 2272
VD1
24 OCTOBRE 2018
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par:
- Mme A... X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 26 janvier 2017, qui, dans l'information suivie sur sa plainte, contre personne non dénommée, du chef de faux, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 septembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Germain, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller GERMAIN, les observations de la MATUCHANSKY, POUPOT et VALDELIÈVRE, de la société civile professionnelle BENABENT et JEHANNIN, avocats en la Cour et les conclusions de M. l'avocat général MONDON ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 197, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt a confirmé l'ordonnance de non-lieu après avoir débouté Mme A... X... de sa demande de communication du dossier d'instruction ;
"aux motifs que : rappel de la procédure : La date à laquelle l'affaire serait appelée à l'audience a été notifiée par lettres recommandées du 9 novembre 2016 à la partie civile (adresse déclarée), au témoin assisté, et par fax à l'avocat du témoin assisté ; que le même jour, le dossier comprenant le réquisitoire écrit de M. l'avocat général en date du 30 août 2016 a été déposé au greffe de la chambre de l'instruction et tenu à la disposition des avocats des parties » ;
En la forme : par courrier recommandé avec avis de réception du 15 novembre 2016 et télécopie du 17 novembre 2016, adressés au président de la chambre de l'instruction, Mme X... a sollicité la communication du dossier d'instruction complet et sa comparution à l'audience ; que toutefois que l'article 197 du code de procédure pénale ne prévoit la communication du dossier qu'aux avocats des parties ;
"1°) alors que les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article 197 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes ne sauraient être interprétées comme interdisant aux parties à une instance devant la chambre de l'instruction non assistées par un avocat, d'avoir connaissance des réquisitions du procureur général jointes au dossier de la procédure ; que les parties qui ne sont pas représentées par un avocat peuvent demander copie de l'entier dossier ; qu'en retenant que l'article 197 ne prévoyait la communication du dossier qu'aux avocats des parties, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2°) alors que les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article 197 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes ne sauraient être interprétées comme interdisant aux parties à une instance devant la chambre de l'instruction non assistées par un avocat, d'avoir connaissance des réquisitions du procureur général jointes au dossier de la procédure ; qu'en retenant que l'article 197 ne prévoyait la communication du dossier qu'aux avocats des parties, cependant que le refus de communication du dossier avait privé Mme X... de l'accès en temps utile aux réquisitions écrites de l'avocat général qui avaient été déposées au greffe de la chambre de l'instruction, la cour d'appel a derechef violé les textes susvisés" ;
Vu l'article 197, alinéas 3 et 4,du code de procédure pénale et la décision n° 2016-566 QPC du Conseil constitutionnel du 16 septembre 2016 ;
Attendu que dans sa décision susvisée, le Conseil constitutionnel, retenant que les troisième et quatrième alinéas de l'article 197 du code de procédure pénale ayant pour effet de priver les parties non assistées par un avocat de la possibilité d'avoir connaissance des réquisitions du ministère public devant la chambre de l'instruction, instaurent une différence de traitement avec les parties représentées par un avocat, a déclaré ces dispositions contraires à la Constitution ; que le Conseil constitutionnel a reporté au 31 décembre 2017 la date d'abrogation de ces textes et énoncé, en son troisième paragraphe, qu'afin de faire cesser l'inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article 197 du code de procédure pénale ne sauraient être interprétées comme interdisant, à compter de cette publication, aux parties à une instance devant la chambre de l'instruction non assistées par un avocat, d'avoir connaissance des réquisitions du procureur général jointes au dossier de la procédure ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, que par ordonnance du 8 mars 2012 le juge d'instruction a constaté l'extinction de l'action publique du chef de diffamation ainsi que l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de Mme X... des chefs de forfaiture, harcèlement moral et abus de confiance et dit n'y avoir lieu à suivre du chef de faux ; que par arrêt du 5 juillet 2012 la chambre de l'instruction a partiellement infirmée cette décision et ordonné la poursuite de l'information du seul chef de faux, que par ordonnance du 13 mai 2016, le magistrat instructeur a dit n'y avoir lieu à suivre en l'absence de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis une infraction de faux, que le 23 mai 2016, Mme X... a interjeté appel de cette ordonnance et par courrier recommandé du 16 novembre 2016 et télécopie du 17 novembre 2016, adressés au président de la chambre de l'instruction, a sollicité la communication du dossier d'instruction complet et sa comparution à l'audience ;
Attendu que pour rejeter ces demandes de la partie civile non assistée d'un avocat, la chambre de l'instruction, prononçant le 26 janvier 2017, retient que l'article 197 du code de procédure pénale ne prévoit la communication du dossier qu'aux avocats des parties, que la procédure devant elle est écrite et qu' aucun mémoire n'a été déposé dans les conditions de l'article 198 du code de procédure pénale ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il ne pouvait être refusé à la partie civile, non assistée d'un avocat, de pouvoir prendre connaissance des réquisitions du procureur général, la chambre de l'instruction a méconnu la disposition susvisée ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait de statuer sur les autres moyens de cassation proposés ;
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 26 janvier 2017, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre octobre deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.