LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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M. E... X..., partie civile,
contre l'arrêt n° 2 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 6e section, en date du 15 décembre 2016, qui infirmant partiellement l'ordonnance du juge d'instruction d'irrecevabilité, de refus d'informer et de condamnation à une amende civile sur sa plainte des chefs de faux et usage et escroquerie, a dit n'y avoir lieu à informer en raison de la prescription ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 septembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Y..., conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Y..., les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Z... ;
Vu les mémoires ampliatif, personnels et les observations complémentaires produits ;
Sur la recevabilité des mémoires personnels :
Attendu que ces mémoires, qui n'ont pas été déposés dans le délai de dix jours suivant la déclaration de pourvoi au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée, ne remplissent pas les conditions exigées par l'article 584 du code de procédure pénale ; qu'ils sont, dès lors, irrecevables et ne saisissent pas la Cour de cassation des moyens qu'il pourrait contenir ;
Sur les cinquième et sixième moyens de cassation ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que les moyens ne sont pas de nature à être admis ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-1 du code pénal, 2, 3, 6, 8 80, 85, 86, 201, 211, 212, 427, 575, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à informer sur la plainte avec constitution de partie civile de M. X... du chef d'usage de faux ;
"aux motifs que le rapport de M. A..., expert, ayant été déposé le 5 avril 2007, la prescription de trois ans en matière correctionnelle relevée par le juge d'instruction conformément aux réquisitions du parquet était acquise lorsque M. X... a déposé plainte pour faux et usage de faux par courrier reçu le 13 octobre 2014 au greffe du doyen des juges d'instruction, étant observé, au surplus, qu'une plainte simple entre les mains du procureur de la République ne constitue pas un acte interruptif de prescription ; que la prescription de l'action publique constitue une des causes affectant l'action publique elle-même faisant obstacle à la poursuite et justifiant des réquisitions de non informer, aux termes de l'article 86 al. 4 du code de procédure pénale ; que c'est à tort que l'ordonnance en cause a considéré que cette prescription était une cause d'irrecevabilité alors qu'elle constitue en droit une cause de refus d'informer ;
"alors que le délai de prescription court, à l'égard du délit d'usage de faux, à partir de la date de chacun des actes à propos desquels la pièce arguée de faux a été invoquée ; qu'en se bornant, pour dire n'y avoir lieu à informer sur la plainte avec constitution de partie civile de M. X... des chefs de faux et usage de faux, à relever que le rapport de M. A..., expert, argué de faux, ayant été déposé le 5 avril 2007, la prescription triennale était acquise le 13 octobre 2014, lors du dépôt de cette plainte, sans rechercher si ledit rapport, dont se prévalait M. B..., médecin, dans le cadre du litige civil l'opposant à M. X..., n'avait pas fait l'objet d'un usage jusqu'au 14 octobre 2011, date du prononcé de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris ayant tranché le litige entre le demandeur et M. B..., médecin, de sorte qu'en cet état, la prescription de l'action publique du chef d'usage de faux n'était pas acquise à la date du dépôt de la plainte avec constitution de partie civile de M. X..., la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Et sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-6, 121-7 et 313-1 du code pénal, 2, 3, 80, 85, 86, 201, 211, 212, 427, 575, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à informer sur la plainte avec constitution de partie civile de M. X... du chef d'escroquerie au jugement ;
"aux motifs qu'il est exact, ainsi que le relève l'avocat de M. X..., que le point de départ de la prescription de l'infraction d'escroquerie au jugement est fixé au jour où est rendue une décision irrévocable dès lors que le faux destiné à tromper la religion du juge civil a été produit également en appel ; que l'arrêt de la cour d'appel de Paris ayant été rendu le 14 octobre 2011, la prescription de l'infraction alléguée d'escroquerie au jugement n'était pas acquise lorsque l'intéressé a déposé plainte avec constitution de partie civile par courrier en date du 8 octobre 2014 reçu au greffe du doyen des juges d'instruction le 13 octobre 2014 ; que les faits visés par cette plainte, d'abord sous la qualification de faux et usage de faux, puis sous la nouvelle qualification d'escroquerie au jugement, ne peuvent cependant faire l'objet de cette nouvelle qualification ; qu'en effet, constitue une tentative d'escroquerie le fait pour une partie de présenter sciemment en justice un document mensonger destiné à tromper la religion du juge et susceptible, si la machination n'est pas déjouée, de faire rendre une décision de nature à préjudicier aux intérêts de l'adversaire ; que ces faits ne peuvent être commis que par une partie à l'instance, ce qui exclut qu'un expert non partie à l'instance puisse s'en rendre coupable ; qu'en l'espèce, M. A..., expert, a été commis par décision du 12 septembre 2005 du juge de la mise en état, de telle sorte que son rapport demandé par le juge de la mise en état ne peut être considéré comme ayant été présenté par une partie à l'instance ayant opposé M. X... à M. B..., médecin ; qu'il en résulte que, quel que soit le contenu de ce rapport, il ne peut être juridiquement considéré comme constituant une escroquerie au jugement ou une tentative d'escroquerie au jugement de la part de quiconque ; que les faits dénoncés par M. X... dans une plainte avec constitution de partie civile qui vise à contester les conclusions de M. A..., expert considérées comme la base du jugement rendu le 15 décembre 2008 par le tribunal de grande instance de Paris et de l'arrêt du 14 octobre 2011 rendu par la cour d'appel de Paris, ne sont susceptibles d'admettre aucune qualification pénale ;
"1°) alors que les juridictions d'instruction ont le devoir d'instruire ; que cette obligation ne cesse, suivant les dispositions de l'article 86 alinéa 3 du code de procédure pénale, que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ; qu'ainsi, les juridictions d'instruction ne peuvent prononcer un non-lieu à informer, sans avoir examiné les faits qui leur sont déférés sous toutes les qualifications pénales possibles ; qu'en l'espèce, pour statuer comme elle l'a fait, la chambre de l'instruction a relevé, en substance, que seule une partie à l'instance dans le cadre de laquelle a été produite une pièce falsifiée peut être poursuivie des chefs d'escroquerie au jugement ou tentative d'escroquerie au jugement, ce qui exclut que l'expert auteur d'un rapport produit dans le cadre d'un tel litige puisse être coupable de ces infractions ; qu'elle en a déduit que, quel que soit le contenu du rapport établi par M. A..., expert, il ne peut constituer une escroquerie au jugement ou une tentative de ce délit de la part de quiconque ; qu'en statuant ainsi, alors que le tiers ayant confectionné une pièce falsifiée produite dans le cadre d'un litige est susceptible d'être poursuivi du chef de complicité d'escroquerie au jugement, la chambre de l'instruction qui s'est abstenue de rechercher concrètement si les faits dénoncés par la partie civile n'étaient pas à tout le moins de nature à caractériser l'infraction de complicité d'escroquerie au jugement, n'a pas légalement justifié sa décision" ;
"2°) alors que le juge d'instruction est saisi in rem ; que les juridictions d'instruction ont le devoir d'instruire sur les faits dénoncés dans la plainte avec constitution de partie civile ; que cette obligation ne cesse, suivant les dispositions de l'article 86 alinéa 3 du code de procédure pénale, que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ; qu'ainsi, les juridictions d'instruction ne peuvent prononcer un non-lieu à informer sans avoir examiné les faits qui leur sont déférés quel qu'ait pu en être l'auteur ; qu'en l'espèce, pour statuer comme elle l'a fait, la chambre de l'instruction a relevé, en substance, que seule une partie à l'instance dans le cadre de laquelle a été produite une pièce falsifiée peut être poursuivie des chefs d'escroquerie au jugement ou tentative d'escroquerie au jugement, ce qui exclut que l'expert, auteur d'un rapport produit dans le cadre d'un tel litige puisse être coupable de ces infractions ; qu'elle en a déduit que, quel que soit le contenu du rapport établi par M. A..., expert, il ne peut constituer une escroquerie au jugement ou une tentative de ce délit de la part de quiconque ; qu'en statuant ainsi, sans nullement rechercher ni préciser en quoi les faits dénoncés dans les plaintes avec constitution de partie civile, à les supposés démontrés, n'étaient pas de nature à constituer l'infraction d'escroquerie ou de tentative d'escroquerie à l'égard de M. B..., médecin, partie à l'instance dans le procès civil, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 85 et 86 du code de procédure pénal, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit que les faits dénoncés par M. X... ne pouvait admettre aucune qualification pénale et dit n'y avoir lieu à informer, et ce, sur la totalité des faits allégués par M. X... , et ce sans instruction préalable" ; que cette analyse est contestable dés lors qu'elle est contredite non seulement par l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme qui dispose que : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial»; qu'aussi par la jurisprudence de la Cour de cassation qui rappelle avec constance et force le principe selon lequel :
1. « La juridiction d'instruction régulièrement saisie d'une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d'instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public; que cette obligation ne cesse, suivant les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 86 du code de procédure pénale, que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale» (Crim., 16 nov.1999, n° 98-84800, Crim., 4 janv. 2005, n° 03-84652, Crim., 19 mars 2013, n° 1281676),
2. « qu'il appartient à la chambre de l'instruction d'informer sur tous les faits résultant de la plainte, sous toutes les qualifications possibles; que la chambre de l'instruction ne pouvait valablement déduire l'absence de toute qualification pénale d'un examen des faits soumis sous la seule qualification d'escroquerie (.....), sans déterminer d'une manière effective et circonstanciée si ces faits pouvaient recevoir une autre qualification pénale possible » (Cass, Crim., 22 juin 2016, n°15-85.097),
3. « le juge d'instruction a l'obligation d'informer sur tous les faits résultant de la plainte sous toutes les qualifications possibles » (Cass, Crim., 19 mars 2013, n° 12-81676),
4. « la juridiction d'instruction a l'obligation d'instruire, en tout cas de vérifier la matérialité des faits dénoncés et leur qualification pénale éventuelle » (Cass. Crim., 11 janv. 2001, n° 80748,8. Crim., n° 5),
5. « le seul examen abstrait d'une plainte ne peut justifier le refus d'informer » (Cass., Crim., 4 janv. 2005, n° 03-84652, B. Crim., n° 1),
6. « le refus d'informer ne saurait être fondé sur la prétendue impossibilité de poursuivre en raison de l'inapplicabilité de la loi pénale aux faits dénoncés, sans instruction» (Cass. Crim., 18 nov. 1964, n° 63-91057,8. Crim., n° 303),
7. « le fait d'affirmer que la prescription est acquise sans recherche d'une qualification criminelle ne peut motiver une ordonnance de refus d'informer (Crim., 23 juill. 1974, n° 73-93566, Bull. Crim., n° 261) ; que de plus, entre le dépôt de la plainte auprès du doyen des juges d'instruction en date du 8 octobre 2014 et l'arrêt rendu le 15 décembre 2016 par la chambre de l'instruction, deux ans s'est écoulés ; que, pendant cette période aucun acte d'instruction et d'investigation n'a été effectué ni par le Juge d'Instruction ni par les juges de la chambre de l'instruction ; qu'à savoir que ces derniers n'ont nullement cherché à savoir non seulement si la réalité des faits dénoncés par M. X... dans la plainte était avérée, mais également si les faits dénoncés pouvaient admettre une autre qualification pénale possible, selon la jurisprudence précitée, Ils se sont cantonné que sur les délits d'escroquerie au jugement et de faux ou usage de faux ; qu'en tout état de cause non seulement il n'a aucunement été démontré par les juges de la chambre de l'instruction et le juge d'instruction que les faits dénoncés ne pouvaient admettre une quelconque qualification pénale ; qu'aussi, aucun acte d'instruction n'a été effectué ni par M. le procureur de la République, ni par Mme le juge d'instruction, ni par les juges de la chambre de l'instruction ; que par conséquent, au regard de l'ensemble des éléments évoqués ci-dessus, les juges de la chambre de l'instruction et le juge d'instruction ont violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 85 et 86 du code de procédure pénale dés lors non seulement aucun acte d'instruction n'a été effectué par ces derniers ; mais également que les juges n'ont nullement cherché à savoir si la réalité des faits dénoncés par M. X... dans la plainte était avérée et si les faits dénoncés pouvaient admettre une autre qualification pénale possible ; que la cassation est encourue" ;
Et sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 85,86,485 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que les juges de la chambre de l'instruction ont omis de se prononcer sur une demande de M. X..., partie civile, à savoir que le refus d'informer était illégal dés lors que le Juge d'instruction avait l'obligation d'informer sur tous les faits résultant de la plainte, sous toutes les qualifications possibles ; qu'en effet, le mémoire déposé régulièrement par M. X... le 21 novembre 2016 indique en page 4 et suivantes : « B. Sur l'illégalité du refus d'informer « il ressort de la jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation, se fondant sur les articles 85 et 86 du code de procédure pénale, que le juge d'instruction a l'obligation d'informer sur tous les faits résultant de la plainte, sous toutes les qualifications possibles(....) ; qu'en l'espèce, entre le dépôt de plainte auprès du doyen des juges d'instruction de M. X... en date du 8 octobre 2014 et l'ordonnance de refus d'informer en date du 8 mars 2016, un an et demi s'est écoulé, sans qu'aucun acte d'investigation n'ait été effectuée ; que Mme le juge d'instruction n'a nullement cherché à savoir si la réalité des faits dénoncés par M. X... était avérée(....) ; qu'en conséquence, en application des dispositions des articles 85 et 86 du code de procédure pénale et de la jurisprudence constante citée ci dessus, le juge d'instruction avait l'obligation d'informer sur tous les faits résultant de la plainte, sous toutes les qualifications possibles ; que force est de constater que cela n'est pas le cas puisqu'aucune investigation n'a été effectuée pour vérifier la réalité des faits dénoncés dans la plainte de M. X... ; que par conséquent, le refus d'informer dans la présente affaire sera considéré comme illégal et l'ordonnance en date du 8 mars 2016 sera infirmée sur ce point ; qu'il apparaît à la lecture de l'arrêt que les juges de la chambre de l'instruction ont omis de se prononcer sur une demande de M. X..., à savoir que le refus d'informer était illégal dés lors que le juge d'instruction avait l'obligation d'informer sur tous les faits résultant de la plainte, sous toutes les qualifications possibles ; qu'alors que les jugements et arrêts des juridictions répressives doivent contenir des motifs ; que cette règle est énoncée par l'article 485 du code de procédure pénale, aux termes duquel « tout jugement doit contenir des motifs et un dispositif », les premiers constituant la « base de la décision » rendue ; que d'autre part l'article 593 du code de procédure pénale dispose que « les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas des motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif » ; et qu'il « en de même lorsqu'il a été omis ou refusé de prononcer soit sur une ou plusieurs demandes des parties, soit sur une ou plusieurs réquisitions du ministère public » et ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif ; qu'au regard de l'ensemble des éléments évoqués ci- dessus, il apparaît que les juges de la chambre de l'instruction ont violé l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 85,86, 485 et 593 du code de procédure pénale ; que la cassation est encourue" ;
Et sur le septième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 3131 et 313-2 du code pénal, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que les juges de la chambre de l'instruction ont indiqué dans l'arrêt attaqué que seule une partie à l'instance peut commettre le délit d'escroquerie au jugement, ce qui exclut qu'un expert non partie à l'instance puisse s'en rendre coupable aux motifs : « Sur la qualification d'escroquerie au jugement (....) ; que ces faits ne peuvent être commis que par une partie à l'instance, ce qui exclut qu'un expert non partie à l'instance puisse s'en rendre coupable ; (....) qu'il en résulte que, quel que soit le contenu de ce rapport, il ne peut être juridiquement considéré comme constituant une escroquerie au jugement ; que les faits dénoncés par M. X..., ( ..... ), ne sont susceptibles d'admettre aucune qualification pénale » qu'un tel raisonnement est particulièrement contestable dés lors qu'il est contredit par la Cour de cassation et les articles 313-1 et 313-2 du code pénal qui disposent et démontrent qu'un individu non partie à l'instance peut se rendre coupable du délit d'escroquerie au jugement comme cela ressorte des éléments suivants :
1. Article 313-1 du code pénal : « L'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge »,
2. Cour de cassation définition escroquerie au jugement ; « Selon l'article 313-1 du code pénal, (...) L'expression « escroquerie au jugement» vise une jurisprudence qui fait application de l'incrimination de l'article 313-1 du code pénal dans le cas où un individu parvient, en trompant un tribunal par la production d'une pièce fausse, à obtenir une décision qui portera atteinte au patrimoine d'autrui »,
3. Le « jugement en tant que titre exécutoire emporte obligation ou décharge. Son obtention par l'usage de moyens frauduleux relève de la qualification d'escroquerie » (Crim., 8 novembre 1962, (Bull. Crim., n° 312),
4. Selon la Cour de cassation, le délit d'escroquerie au jugement est sanctionné sur le fondement de l'article 313-1 du code pénal et elle en donne la définition suivante en ces termes : « Selon l'article 313-1 du code pénal, (. ..) L'expression « escroquerie au jugement » vise une jurisprudence qui fait application de l'incrimination de l'article 313-1 du code pénal dans le cas où un individu parvient 1 en trompant un tribunal par la production d'une pièce fausse, à obtenir une décision qui portera atteinte au patrimoine d'autrui » ;
(extrait du rapport annuel de 2012 sous la signature et la présidence de M. Vincent Lamanda premier président de la Cour de cassation et M. Jean-Claude Marin, procureur général près la Cour de cassation),
5. Selon l'article 313-2 du code pénal la peine pourra être majorées dans certaines circonstances aggravantes notamment lorsque l'escroquerie est réalisée : « 1° Par une personne ( ..... ) chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission » ; ce dernier texte de loi dénudé d'ambiguïté démontre que le législateur a clairement exprimé sa volonté de majorer les peines lorsqu'elles sont commises notamment par une personne non partie à l'instance, ce qui peut être le cas en particulier d'un expert désigné par une décision judiciaire ; ce qui démontre également, par définition, qu'une personne non chargée d'une mission de service public et non partie à l'instance sera sanctionnée également sur le fondement du délit d'escroquerie au jugement, mais sans majoration de peines,
6. Selon la Cour européenne des droits de l'homme (Mantovanelli/France CEDH, N° 8/1996/627/810),
• l'expertise judiciaire ressortit « à un domaine technique échappant à la connaissance des juges », les conclusions de l'expert judiciaire sont « susceptibles d'influencer de manière prépondérante son appréciation des faits»
• « le tribunal n'étant pas en mesure d'apprécier directement toutes les questions examinées, l'investigation menée par l'expert tend à remplacer l'enquête judiciaire; la seule possibilité de contester le rapport d'expertise devant le tribunal ne permet pas une mise en oeuvre efficace du contradictoire, ledit rapport étant, à ce stade définitif »,
7. Selon l'avis de M. D..., avocat général-chambre mixte 11-11.381 « La CEDH a jugé que la procédure n'avait pas revêtu le caractère équitable exigé par l'article 6, § 1 ; qu'elle a retenu que les parties doivent pouvoir faire entendre leur voix avant le dépôt du rapport lorsque la question à laquelle l'expert est chargé de répondre, ressortissant à un domaine technique, se confond avec celle que doit trancher le tribunal, les conclusions de l'expert pouvant alors influencer de manière si prépondérante l'appréciation des faits par le tribunal que la seule possibilité de les contester devant la juridiction n'est plus suffisante » ; qu'en tout état de cause, ces derniers éléments attestent notamment que le délit d'escroquerie au jugement peut être commis par un individu, non partie à l'instance, dés lors un expert judiciaire non partie à l'instance peut s'en rendre coupable et que l'investigation menée par l'expert tend à remplacer l'enquête judiciaire et ses conclusions sont susceptibles d'influencer de manière prépondérante le tribunal sur l'appréciation des faits ; qu'au regard de l'ensemble des éléments évoqués ci-dessus, il apparaît à l'évidence que les juges de la chambre de l'instruction ont violé l'article 313-1 code pénal et l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme dés lors que le délit d'escroquerie au jugement peut être commis par un individu, non partie à l'instance ; que la cassation est encourue" ;
Et sur le huitième moyen de cassation, il sera utilement rappelé que M. X... a déposé un mémoire devant la chambre de l'instruction de Paris le 21 novembre 2016 (pièce jointe), dans lequel il démontrait que les faits d'escroquerie au jugement ont été commis, pris de la violation de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 313 -1 et 313-2 du code pénal, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que les juges de la chambre de l'instruction ont indiqué dans, l'arrêt attaqué que les faits d'escroquerie au jugement dénoncés dans la plainte par M. X... ne peuvent admettre aucune qualification pénale ; qu'un tel raisonnement ne saurait être validé dés lors que le délit d'escroquerie au jugement est sanctionné sur le fondement de l'article 313-1 du code pénal qui dispose que :
« L'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge » ; qu'il résulte de ces textes que pour qu'une escroquerie soit constituée, il faut notamment la réunion de trois éléments matériels : les moyens de tromperie, le but visé, un préjudice ;
1. Les moyens de tromperie employés, l'escroquerie est le fait de tromper une personne physique ou morale par :
•l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité,
•l'abus d'une qualité vraie,
•l'emploi de manoeuvres frauduleuses,
2. Le but visé (une remise consécutive à la tromperie et préjudiciable)et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à :
•remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque,
•fournir un service,
•consentir un acte opérant obligation ou décharge ; qu'à cet égard, le « jugement en tant que titre exécutoire emporte obligation ou décharge ; que son obtention par l'usage de moyens frauduleux relève de la qualification d'escroquerie » (crim., 8 novembre 1962, Bull. crim., n° 312),
3. Le préjudice (qui se déduit de la remise), A son préjudice ou au préjudice d'un tiers, l'article 313-1 du code pénal précise que l'escroquerie doit causer un préjudice soit à la personne qui a cédé à la demande de l'escroc soit à un tiers ; que dans le cas qui nous occupe M. X... exposait notamment en page 3 de sa plainte initiale en date du 8 octobre 2014 que l'expert : « a menti sciemment à de nombreuses reprises et falsifié les résultats figurant dans son rapport d'expertise » et que « cette altération frauduleuse de la vérité visait non seulement à couvrir le travail fautif de M. B..., médecin (. ..), mais également à induire sciemment en erreur les juges afin d'obtenir une décision favorable au chirurgien fautif et ce à mon détriment » ; qu'il évoquait donc très clairement les éléments et les faits constitutifs de l'escroquerie au jugement dès sa plainte initiale, notamment deux éléments matériels constitutifs de ce délit dont un seul de ces moyens suffit à constituer l'infraction à savoir :
- l'abus de la qualité vraie qui constitue à lui seul une manoeuvre frauduleuse au sens de l'article 313-1 du code pénal, car elle émane d'un expert judiciaire désigné par décision judiciaire, dont la profession et le statut sont de nature à inspirer confiance, à donner une apparence de sincérité aux affirmations mensongères écrites ou verbales ;
- les manoeuvres frauduleuses qui sont caractérisées par le fait que l'expert, a donné force et crédit au mensonge écrit, a trompé la religion des juges civils (ce qui a donné lieu à une indemnisation partielle, par les juges civils, des différents postes de préjudices subis par M. X... en relation directe avec les interventions chirurgicales litigieuses) ; qu'au regard de l'ensemble des éléments évoqués ci-dessus la chambre de l'instruction a donc violé l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 313 -1 du code pénal dés lors que les faits dénoncés dans la plainte de M. X..., au regard de la loi, peuvent admettre une qualification pénale, à savoir le délit d'escroquerie au jugement ; que la cassation est donc encourue" ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles 85 et 86 du code de procédure pénale, 441-1, 121-7 et 313-1 du code pénal ;
Attendu que, selon les deux premiers de ces textes, la juridiction d'instruction, régulièrement saisie d'une plainte avec constitution de partie civile, a le devoir d'instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public ; que cette obligation ne cesse que si pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ;
Attendu que le délai de prescription court, à l'égard du délit d'usage de faux incriminé par le troisième de ces textes, à partir de la date de chacun des actes par lesquels la personne se prévaut de la pièce fausse ;
Attendu qu'en application des deux derniers de ces textes, l'usage de mauvaise foi à l'appui d'une action en justice, dans le but de tromper la religion du tribunal, d'un faux document, fût-il un rapport d'expertise dont les données ou les résultats ont été falsifiés, peut caractériser le délit d'escroquerie au jugement, l'expert ayant sciemment apporté son aide ou assistance étant susceptible de se voir reprocher le délit de complicité de ce délit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, qu'à la suite de deux interventions chirurgicales effectuées par le M. B..., médecin, M. X... a introduit une instance civile au cours de laquelle M. A... a été désigné en qualité d'expert ; que, par arrêt du 14 octobre 2011, la cour d'appel a reconnu le médecin responsable des conséquences dommageables d'une seule opération ; que, les 8 octobre 2014 et 4 février 2015, M. X... a déposé plainte avec constitution de partie civile à l'encontre de M. A..., expert, des chefs de faux et usage, escroquerie au jugement ; qu'il a reproché à l'expert d'avoir "menti sciemment" et "falsifié les résultats figurant dans son rapport" pour "couvrir le travail fautif de M. B..., médecin" et d'induire "en erreur les juges afin d'obtenir une décision favorable au chirurgien", la position ayant été adoptée par l'expert "avec la complicité de M. B..., médecin" ; que, le 8 mars 2016, le juge d'instruction a prononcé une ordonnance d'irrecevabilité, de refus d'informer et de condamnation à une amende civile ; que la partie civile a interjeté appel ;
Attendu que, infirmant partiellement l'ordonnance, pour dire n'y avoir lieu à informer, l'arrêt énonce que le rapport de M. A..., expert, ayant été déposé le 5 avril 2007, la prescription était acquise lorsque M. X... a déposé plainte pour faux et usage par courrier reçu le 13 octobre 2014 ; qu'il retient que la prescription de l'infraction d'escroquerie au jugement n'était pas acquise, son point de départ étant fixé au jour où a été rendue une décision irrévocable dès lors que le faux destiné à tromper la religion du juge civil a été produit également en appel, mais que ces faits ne peuvent être commis que par une partie à l'instance, ce qui exclut un expert désigné par un juge de la mise en état ; que les juges concluent que les faits dénoncés qui visent à contester les conclusions de M. A..., expert, considérées comme la base du jugement rendu le 15 décembre 2008 par le tribunal de grande instance de Paris et de l'arrêt du 14 octobre 2011 rendu par la cour d'appel ne sont susceptibles d'admettre aucune qualification pénale ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si le rapport argué de faux ne pouvait avoir été invoqué, après son dépôt le 5 avril 2007, aux différents stades du procès civil et avoir ainsi fait l'objet d'un nouveau fait positif d'usage faisant courir un nouveau délai de prescription, ni vérifier par une information préalable la réalité des faits allégués susceptibles de caractériser, à l'égard du plaideur civil, le délit d'escroquerie au jugement et, de l'expert, la complicité de ce délit, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris en date du 15 décembre 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre octobre deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.