La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/10/2018 | FRANCE | N°17-19980

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 24 octobre 2018, 17-19980


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 27 février 2013, pourvoi n° 11-28.771), que, suivant acte reçu le 29 mars 2007 par M. B..., notaire, avec la participation de la société notariale F... (le notaire), assistant les vendeurs représentés, à l'acte, par Mme C..., clerc de notaire, en vertu d'une procuration sous seing privé établie le 23 mars 2

007, M. et Mme D..., depuis divorcés, ont vendu un bien immobilier dépendant de le...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 27 février 2013, pourvoi n° 11-28.771), que, suivant acte reçu le 29 mars 2007 par M. B..., notaire, avec la participation de la société notariale F... (le notaire), assistant les vendeurs représentés, à l'acte, par Mme C..., clerc de notaire, en vertu d'une procuration sous seing privé établie le 23 mars 2007, M. et Mme D..., depuis divorcés, ont vendu un bien immobilier dépendant de leur communauté, moyennant le prix de 182 000 euros ; que, soutenant que son époux avait imité sa signature sur la procuration, et reprochant au notaire d'avoir commis une faute de négligence en ne procédant pas à cette vérification, Mme D... l'a assigné en responsabilité, lui réclamant, notamment, diverses sommes au titre de son préjudice matériel ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, après avoir relevé que le préjudice dont justifie Mme X..., divorcée D..., est relatif au solde du prix de vente remis par le notaire à M. D..., soit la somme de 40 548,94 euros, qui devait apparaître au titre d'un actif de communauté, l'arrêt énonce que la faute retenue à l'encontre du notaire dans l'absence de vérification de la procuration est sans lien avec la non-remise par M. D... de la somme revenant à son épouse ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le notaire ne contestait pas le caractère certain du préjudice matériel de Mme X..., la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme X... tendant à la condamnation de la société F... à lui payer la somme de 95 060 euros en réparation de son préjudice matériel, l'arrêt rendu le 7 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société F... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par Mme Kamara, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du conseiller rapporteur empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Madame Yasmina E... tendant à voir condamner la SELARL F... à lui payer une somme de 95.060 euros au titre de son préjudice matériel, la déboutant de ce chef,

AUX MOTIFS QUE « la cassation étant intervenue uniquement du chef du préjudice matériel relatif au paiement de la somme de 95.060 €, la décision du 29 mars 2011 est définitive en ce qu'elle a retenu la responsabilité du notaire ainsi qu'un préjudice moral indemnisé à hauteur de la somme de 10.000 € et également en ce qu'elle a débouté Mme E... de sa demande tendant au paiement de la somme de 1.800 € par mois au titre de la perte de loyers depuis le 29 mars 2007 avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 1er août 2008, de sorte que la cour de renvoi ne peut apprécier que la demande en réparation au titre d'un préjudice matériel résultant de la vente de l'immeuble ; que Mme E... soutient que la faute du notaire l'a empêchée de contester la sous-évaluation du bien immobilier lors de la vente et donc son évaluation lors de la liquidation de la communauté composée de ce seul bien, préjudice qui peut être évalué à la moitié de la sous-évaluation opérée soit pour sa part de communauté la somme de 95.060 €, qu'il convient d'y ajouter le paiement de la moitié de la valeur locative du bien soit 1.800 € à compter du 29 mars 2007 ; que la selarl Y... fait valoir que si la liquidation de la communauté clôturée le 26 avril 2010 ne fait ressortir aucun actif à partager, de sorte qu'il existe un préjudice matériel certain pour Mme E..., ce préjudice ne peut être réparé à hauteur d'une minoration frauduleuse du prix de vente qui n'est pas démontrée et doit également tenir compte du passif hypothécaire de la communauté réglé lors de la vente et diminuant d'autant les dettes des époux, de sorte que ce préjudice ne peut être retenu qu'à hauteur de la moitié de la somme versée par le notaire à M. G... de 40.548,94 €, soit 20.274,47 € ; que la SCP notariale soutient également que la perte de loyers n'est pas démontrée dès lors qu'il n'est pas établi que le bien était donné à bail et produisait des loyers pour le montant que Mme E... affirme sans démontrer la valeur locative du bien : que Mme E... prétend devant la Cour de renvoi que le bien immobilier litigieux acquis en 1996 au prix de 129.000 € et situé à [...] avait une valeur réelle de 325.000 € lors de sa vente en 2007 moyennant le prix de 182.000 € ; mais qu'elle ne justifie aucunement de la sous-évaluation invoquée par les pièces qu'elle verse aux débats puisqu'elle ne produit qu'une « base Biens » faisant état d'indices des notaires établis par département et non de prix au mètre carré de biens comparables et que la valeur qu'elle revendique a toujours été contestée par le notaire contrairement à ce qu'elle avait soutenu ; que par le jeu normal de la liquidation de la communauté prononcée le 12 avril 2010 le seul préjudice dont justifie Mme E... en l'absence de preuve de la sous-évaluation qu'elle invoque est relatif au solde du prix de vente remis par le notaire à M. G... soit la somme de 40.548,94 € qui devait apparaître au titre d'un actif de communauté ; que cependant la remise de ces fonds par le notaire à M. G... qui avait pouvoir de les percevoir compte tenu du régime matrimonial des époux et auquel il appartenait de la rapporter dans le cadre de la liquidation de la communauté n'est pas en elle même fautive ; qu'en outre, la faute retenue à l'encontre du notaire dans l'absence de vérification de la procuration est sans lien avec la non remise par M. G... de la moitié de cette somme à son épouse ; qu'enfin, et à supposer que cette prétention soit recevable devant la Cour de renvoi, Mme E... qui demandait la réparation du préjudice résultant de la vente ne peut solliciter également la réparation du préjudice résultant de l'absence de revenus locatifs alors que l'immeuble a été vendu ; qu'en conséquence Mme E... sera déboutée de l'ensemble de ses demandes et le jugement du 18 novembre 2009 confirmé en toutes ses dispositions atteintes par la cassation partielle » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DU JUGEMENT ENTREPRIS QUE « il est constant que suivant acte reçu le 29 mars 2007, par Maître B..., avec la participation de Maître F..., notaire associé, assistant les vendeurs représentés par Madame C..., clerc de Notaire, en vertu d'une procuration sous seing privé établie le 23 mars 2007, les époux G... ont vendu leur appartement situé à [...]lot n° 166 [...] , moyennant le prix de 182.000 euros ; que contrairement à ce que soutient la SELARL F... , il est suffisamment établi par les pièces versées aux débats que la signature apposée sous le nom de Mme G... constitue un faux ; qu'en effet, non seulement son mari a été condamné pour faux par jugement du 25 septembre 2007, confirmé par la Cour d'appel de DAKAR, après une analyse minutieuse des éléments du dossier, mais qu'en outre, la comparaison de la signature de Madame G... portée au bas de la procuration sous seing privée donnée à l'époque de l'acquisition du bien en 1996, et représentée par le même clerc de notaire de l'étude Y... qu'à l'occasion de la revente de l'appartement, ne laisse aucun doute quant à l'existence d'une falsification grossière du paraphe de la demanderesse ; que si le notaire est fondé à faire valoir que la procuration litigieuse ayant été donnée pour l'établissement de l'acte de vente, contrat consensuel seulement établi en la forme notariée pour les besoins de la publicité foncière, mais non pour sa validité, il n'a pas enfreint la règle du parallélisme des formes, il n'en demeure pas moins qu'il lui appartenait de s'assurer de la sincérité apparente de la signature figurant sur la procuration sous seing privé ; qu'en l'espèce, cette vérification s'avérait d'autant plus aisée qu'ayant reçu l'acte d'acquisition du bien, il était en possession de la procuration établie en 1996, et que la comparaison des signatures en était facilitée ; que dès lors, il a bien commis une faute de négligence, susceptible d'engager la responsabilité de la SELARL F... , notaires associés, sous réserve de l'existence d'un préjudice en lien de causalité avec le manquement retenu ; que Madame Yasmine G... expose qu'elle n'a perçu aucun fonds à la suite de la vente du bien immobilier, qui au surplus n'a pas été vendu à son prix réel estimé à 325.000 euros ; qu'il convient d'observer d'emblée qu'elle n'est pas fondée à reprocher à Maître Y... d'avoir remis l'intégralité du prix de vente du bien à son mari, dans la mesure où ce dernier disposait du pouvoir de le percevoir seul en raison du régime de communauté de biens auquel étaient soumis les époux, encore mariés à l'époque ; qu'il n'en reste pas moins qu'en raison du manquement retenu, Madame Yasmina G... n'est pas intervenue à la vente, conclue à son insu, et n'a pas pu faire valoir ses droits lors de cette opération ; qu'elle soutient en premier lieu qu'elle a été privée de la possibilité de faire valoir la sous-évaluation du bien, et de solliciter que le prix de vente soit porté à 325.000 euros ; qu'étant que l'acquisition avait été faite en 1996 au prix de 129.000 euros, le préjudice allégué de Madame Yasmina G... tiré de l'impossibilité dans laquelle elle a été placée de percevoir la moitié du prix de vente ne présente pas le caractère de certitude requis ; qu'en effet d'une part, l'acte de vente révèle l'existence d'inscriptions hypothécaires sur l'immeuble, pour un solde de prêt impayé à concurrence de 82.308,98 euros et pour des charges de copropriété chiffrées à 52.571,46 euros, soit une somme totale de 134.880,44 euros venant en déduction du prix de vente et diminuant d'autant les dettes des époux ; que d'autre part, et à supposer même que le prix réel du bien soit supérieur au prix de vente, rien ne permet d'affirmer qu'à l'issue des opérations de liquidation du régime matrimonial, Madame Yasmina G... ayant fait valoir ses droits, elle ne pourra pas récupérer les sommes qui lui sont dues ; que dans ces conditions elle doit être déboutée de sa demande au titre du préjudice matériel ; que sa demande qui porte sur l'absence de revenus tirés du bien n'est pas justifiée et sera également rejetée »,

ALORS, D'UNE PART, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel, la SELARL F... demandait à la Cour d'infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS le novembre 2009 et de « dire que le préjudice matériel subi par l'appelante du fait de la vente de l'appartement commun par son ancien mari seul, qu'a permise la faute non contestée reprochée à la concluante, n'excède pas la valeur de 20.274,47 euros », reconnaissant ainsi l'existence d'un préjudice matériel en lien de causalité avec la faute qui lui était reprochée, dont seule l'importance était discutée ; qu'en déboutant dès lors Madame E... divorcée G... de sa demande en réparation du préjudice matériel subi motif pris que la faute retenue à l'encontre du notaire serait sans lien de causalité avec ce préjudice, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure Civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en relevant d'office, pour rejeter la demande d'indemnisation de son préjudice matériel présentée par Madame E... divorcée G..., un moyen tiré d'un prétendu défaut de lien de causalité entre la faute retenue à la charge du notaire, et le préjudice matériel subi par l'intéressée, sans à tout le moins inviter les parties à s'expliquer sur ce point, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure Civile ;

ALORS, ENCORE, QU' aux termes de l'article 1424 du Code Civil, « les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, aliéner ou grever de droits réels les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de la communauté, non plus que les droits sociaux non négociables et les meubles corporels dont l'aliénation est soumise à publicité », et qu' « ils ne peuvent, sans leur conjoint, percevoir les capitaux provenant de telles opérations » ; qu'en décidant dès lors que la remise par le notaire au seul mari du produit net de la vente réalisée par sa faute à l'insu de l'épouse, ayant permis à l'époux de détourner l'actif commun à son seul profit, ne relèverait pas d'une faute du notaire et serait sans lien de causalité avec le préjudice subi par Madame E... épouse G..., privée de toute part dans l'actif de communauté, la Cour d'appel a violé l'article 1424 du Code Civil, ensemble l'article 1382 devenu 1240 dudit Code ;

ET ALORS, ENFIN, QU' en retenant, pour écarter la demande de réparation de son préjudice matériel poursuivie par Madame E... divorcée G... à l'encontre du notaire qui l'avait représentée en vertu d'une procuration sous seing privé donnant pouvoir au notaire de vendre l'immeuble commun au prix de 182.000 euros, falsifiée par Monsieur G... qui avait grossièrement imité la signature de son épouse, que la remise par le notaire du produit net de la vente de l'immeuble, soit 40.584,94 €, au mari, ne serait pas en elle-même fautive, dans la mesure où le régime matrimonial des époux permettait au mari de percevoir les fonds, et que la faute retenue à l'encontre du notaire dans l'absence de vérification de la procuration serait sans lien avec la non remise par Monsieur G... de la moitié de cette somme à son épouse, cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'en raison du manquement retenu, Madame Yasmina E... divorcée G... n'était pas intervenue à la vente, conclue à son insu, et n'avait pu faire valoir ses droits lors de cette opération, de sorte que la faute retenue à la charge du notaire avait permis au mari de détourner l'actif commun à son seul profit, la Cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du Code Civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-19980
Date de la décision : 24/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 24 oct. 2018, pourvoi n°17-19980


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.19980
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award