LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1226-15 du code du travail, en sa rédaction applicable en la cause ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé à compter du 4 septembre 2006 par la société Cars Biziere, aux droits de laquelle se trouve la société N° 4 mobilités, en qualité de conducteur receveur, a été victime d'un accident du travail le 31 juillet 2008 ; que, déclaré inapte à son poste, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 24 avril 2012 ;
Attendu que pour limiter à une certaine somme les dommages-intérêts alloués au salarié pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à défaut de recherche loyale et sérieuse de reclassement, l'arrêt retient les circonstances de la rupture, le montant de la rémunération versée, l'âge, l'ancienneté du salarié et sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle ainsi que les conséquences du licenciement à son égard ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité allouée en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte, prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12 du code du travail, ne peut être inférieure à douze mois de salaires, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 15 000 euros les dommages-intérêts alloués au salarié, l'arrêt rendu le 7 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société N° 4 mobilités aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société N°4 mobilités et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. X....
- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme 15.000 € avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision le montant de la condamnation de la société N'4 au profit de M. Khaled X...
- AU MOTIF QU'il appartient au juge d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur. Il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, si besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; afin de déterminer si les faits imputés au salarié sont ou non établis, les juges du fond apprécient souverainement la régularité et la valeur probante des éléments de preuve qui leur sont soumis. La lettre de licenciement fixe les limites du litige. Lorsque à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie professionnelle ou un accident du travail, le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l‘entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le reclassement doit être recherché en tenant compte des préconisations du médecin du travail qui peuvent se traduire par une mutation, une transformation d'emploi ou l'aménagement du temps de travail ; cette recherche doit être entreprise même si le salarié est déclaré inapte à tout emploi dans l'entreprise. Le reclassement peut se faire sur un poste disponible et l'employeur n'a pas à imposer à un autre salarié une modification de ses propres conditions de travail pour libérer un poste en reclassement. C'est à l'employeur d'apporter la preuve de l'impossibilité où il se trouve de reclasser le salarié dans les conditions prévues â l'article L 1226-10 soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions ; la sanction de la violation de l'obligation de reclassement ne peut donner lieu qu'au versement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La société N°4 Mobilités fait valoir qu'elle a transmis dans l'entreprise, le 20.01.2012, la recherche de reclassement tout en demandant au salarié, le 25.01.2012, les postes susceptibles de l'intéresser; les réponses des chefs de service en date des 24 et 25 février ont été négatives et M. Khaled X... en a été avisé le 27 suivant, l'employeur lui adressant néanmoins les fiches des postes disponibles dans le groupe et l'invitant à un entretien, que le salarié a refusé. M. Khaled X... a refusé les propositions de reclassement transmises à titre indicatif dans son courrier du 02.03.2012. Il en ressort que les postes restants disponibles soit ne correspondaient pas à la qualification du salarié soit étaient incompatibles avec les préconisations médicales. Elle précise que seule la branche « transport » du groupe VEOLIA et TRANSDEV avaient fusionné pour former le groupe TRANSDEV et se trouvait concernée. Khaled X... oppose le fait toue la décision de l'inspection du travail en date du 22.06.2012, postérieurement au licenciement prononcé le 24.04.2012, annulait l'avis d'inaptitude du médecin du travail. La décision rendue par l'inspecteur du travail se substitue à l'avis du médecin du travail et produit ses effets rétroactivement à la date de l'avis rendu par le médecin du travail, étant précisé que le salarié n'est pas tenu d'informer l'employeur du recours exercé ; il en résulte que l'employeur doit tenir compte de cette décision et que le licenciement éventuellement notifié avant la décision administrative peut être considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse, l'employeur pouvant contester la décision par voie hiérarchique. Cependant, la décision administrative du 22.06.2012 a confirmé l'avis d'inaptitude du salarié à son poste, en élargissant même l'inaptitude à tout poste existant dans l'établissement, alors que le médecin du travail préconisait un autre poste tel le poste de chauffeur dans l'entreprise ou en dehors de l'entreprise, mais sans contact avec le public et sans port de charges lourdes ; ces deux instances préconisaient une reprise de travail sur un poste de chauffeur "conducteur receveur", mais dans un contexte organisationnel différent. Par suite, il n'y a pas eu d'annulation de l'avis du médecin du travail, l'administration ayant apporté seulement des restrictions à cet avis ; en conséquence, les recherches de reclassement, qui ont été réalisées dans un contexte de recherche plus étendues et ont conclu à une impossibilité de reclassement, étaient adaptées. Une recherche de reclassement a été effectuée en interne au sein de la société TRANSDEV et l'employeur déclare ne pas avoir identifié de poste adapté tout en transmettant néanmoins les postes disponibles dans son envoi du 27.02.2012 comprenant des postes d'assistants de site cadres, d'assistants ou agents commerciaux non cadres... Il ressort du questionnaire rempli par le salarié que celui-ci avait rempli principalement dans l'entreprise des postes de chauffeur depuis janvier 2001, et qu'il refusait de travailler sur un autre site du Groupe et dans un autre département, il convenait pour l'employeur de tenir compte de ces desiderata qui étaient précis. Or le salarié produit une fiche de poste en date du 05.04.12, soit antérieure au licenciement, relative à un emploi situé dans le département de Seine et Marne qui était celui de Khaled X..., d'agent polyvalent, poste qui ne parait pas incompatible avec les compétences acquises par celui-ci sur le terrain en tant que conducteur de bus, et alors qu'il avait rappelé dans le questionnaire avoir exercé pendant 2 ans la fonction d'agent d'accueil et de prévention qui comprenait l'accompagnement des chauffeurs pendant leurs tournées. Ce poste ne faisait pas partie de ceux transmis au salarié au vu des documents produits (pièce 20 du salarié visée par l'employeur dans ses écritures), alors qu'il était disponible. En conséquence, à défaut d'une recherche loyale et sérieuse de reclassement, le licenciement de Khaled X... doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse, Khaled X... ne motive pas dans son argumentation l'étendue du préjudice subi ; néanmoins, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de l'âge de Khaled X..., de son ancienneté dans l'entreprise, de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces communiquées et des explications fournies à la cour, la société N'4 Mobilités sera condamnée à verser au salarié à titre de dommages intérêts la somme de 15.000 €.
- ALORS QUE D'UNE PART lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; que le licenciement du salarié intervenu en méconnaissance de cette obligation de reclassement ouvre droit au profit du salarié, en cas de refus de réintégration, notamment à une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire, conformément à l'article L.1226-15 du Code du travail ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour que l'employeur ayant manqué à son obligation de reclassement, le licenciement pour inaptitude consécutive à un accident du travail était dépourvu de cause réelle et sérieuse (cf arrêt p 4 et 5), et qu'en dernier lieu la moyenne mensuelle des salaires de M. X... s'établissait à la somme de 2.240 € (cf arrêt p 2 § 2 in fine) ; qu'en limitant néanmoins le montant de la condamnation de l'employeur à la somme de 15.0000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, représentant un peu plus de six mois de salaire, aux motifs inopérants que M. X... ne motive pas dans son argumentation l'étendue du préjudice subi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L.1226-15 du Code du travail.
- ALORS QUE D'AUTRE PART dans ses conclusions d'appel (p 10), M. X... avait non seulement rappelé les dispositions de l'article L 1226-15 du code du travail mais surtout il avait rappelé qu'il était âgé de 36 ans au moment du licenciement, qu'il avait presque 6 ans d'ancienneté au sein de la société, qu'il n'avait retrouvé un emploi que le 1er octobre 2015, après avoir été licencié le 24 avril 2012, qu'il était père de 2 enfants, et que cette situation lui avait causé des difficulté financières notamment pour le remboursement de son emprunt immobilier ; qu'en énonçant cependant que M. X... ne motivait pas dans son argumentation l'étendue du préjudice subi, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. X... reprises oralement à l'audience en violation de l'article 4 du Code de Procédure civile.