LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 29 mars 2017), que M. X... a été engagé le 21 avril 2008 en qualité d'attaché commercial par la société Laboratoire Cotral Septembre ; qu'une convention de forfait jours a été signée le 20 janvier 2011 ; qu'ayant été licencié pour insuffisance professionnelle le 27 décembre 2011, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1°/ que l'insuffisance professionnelle ne présentant pas un caractère fautif, le juge ne peut, pour dire qu'un licenciement prononcé pour ce motif procède d'une cause réelle et sérieuse, se fonder sur des faits qui, invoqués dans la lettre de rupture, présentent un caractère disciplinaire, sans vérifier si les dispositions légales et conventionnelles relatives aux licenciements disciplinaires ont été respectées ; qu'en l'espèce, pour dire que le licenciement du salarié reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a relevé qu'au regard des précédents incidents survenus malgré une formation initiale, une formation spécifique postérieure et des avertissements dont l'un à titre disciplinaire quant à la nécessité de respecter les prescriptions techniques en vigueur pour la prise d'empreinte, outre la nécessité de procéder à leur signalement, l'employeur était fondé, au regard d'un nouvel incident, survenu le 3 novembre 2011, qui n'avait pas été signalé à sa hiérarchie par le salarié, à le licencier pour insuffisance professionnelle ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait tant des mentions de la lettre de licenciement que des motifs susvisés que le salarié avait été licencié pour un refus persistant de respecter les procédures de l'entreprise, et notamment d'alerter sa hiérarchie dès la survenance d'un incident, ce qui était de nature à caractériser un motif disciplinaire de licenciement, de sorte qu'en cet état il appartenait aux juges du fond de vérifier si les dispositions légales et conventionnelles applicables aux licenciements disciplinaires avaient été respectées, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-1 du code du travail, ensemble l'article L. 1331-1 du même code ;
2°/ qu'en relevant que l'employeur a pu licencier le salarié dès lors que l'intéressé, informé de la nécessité de respecter les prescriptions techniques en vigueur et notamment de signaler tout incident à sa hiérarchie, avait encore omis d'informer l'employeur d'un nouvel incident survenu le 3 novembre 2011 et qui n'a été révélé que dans le cadre d'une formation dispensée au salarié à compter du 25 novembre de la même année, sans répondre au chef péremptoire des conclusions d'appel de M. X..., développé oralement à l'audience, qui faisait valoir qu'en l'état du protocole mis en œuvre dans l'entreprise, seuls les incidents importants ou graves devaient être signalés, et qu'en cet état le salarié entendait mettre à profit la formation susvisée, dont c'était l'objet, pour inviter l'employeur à préciser les critères permettant de qualifier la gravité d'un incident et, par conséquent, permettant de déterminer les conditions dans lesquelles le salarié était tenu d'alerter sa hiérarchie, de sorte que la révélation de l'incident litigieux du 3 novembre 2011 ne pouvait être retenue à la charge du salarié comme motif de licenciement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu d'abord, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des productions que le salarié avait soutenu devant la cour d'appel que son licenciement revêtait un caractère disciplinaire ;
Attendu, ensuite, qu'ayant relevé que la lettre de licenciement imputait au salarié un comportement à risque dans le cadre de ses fonctions, des insatisfactions répétées des clients, le défaut de respect des procédures qualité mises en place par l'entreprise, la cour d'appel en a déduit, sans être tenue de répondre à des conclusions inopérantes, que ces griefs d'insuffisance professionnelle étaient établis et, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, a décidé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ;
D'où il suit que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit et partant irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait , alors, selon le moyen, que le non respect du contrôle régulier de la charge de travail impliquée par la mise en place d'un forfait jour par le biais de l'entretien annuel prévu par l'article L. 3121-46 du code du travail cause nécessairement un préjudice au salarié concerné ; que dès lors, en se déterminant par la circonstance que le salarié ne justifie pas d'un préjudice concret qui aurait été subi par lui du fait de l'absence d'entretien de suivi annuel, pour en déduire que l'intéressé doit être débouté de sa demande indemnitaire de ce chef, la cour d'appel, qui a subordonné l'indemnisation du salarié à une condition que la loi ne prévoit pas, a violé, par fausse application, le texte susvisé ;
Mais, attendu que sous couvert d'un grief de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel de l'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. X...
Premier moyen de cassation
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de ses demandes indemnitaires pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur le licenciement pour insuffisance professionnelle, la lettre de licenciement en date du 27 décembre 2011 est motivée par un comportement à risque du salarié dans le cadre de ses fonctions, des insatisfactions répétées des clients, le défaut de respect des procédures qualité mises en place par l'entreprise ; le salarié a été dispensé de l'exécution de son préavis ; la matérialité des incidents survenus lors des prises d'empreintes et relatés dans la lettre de licenciement, au titre du comportement à risque reproché au salarié, n'est pas véritablement contestée par celui-ci qui, pour l'essentiel, soutient qu'ils n'ont pas eu l'incidence que leur prête l'employeur ; au demeurant, ces incidents sont attestés par les documents produits par l'employeur ; la circonstance que nombre de ces documents résultent de rapports ou de courriels établis par des préposés de l'employeur n'est pas en l'espèce de nature à leur enlever leur force probante, dès lors que, rédigés ou dressés dans les suites immédiates des incidents relatés, il ne peut être sérieusement soutenu qu'ils auraient été établis de mauvaise foi ; au surplus, la matérialité des incidents est également attestée par des lettres de la CPAM ou bien encore des courriels de clients ; les incidents relatés concernent différentes entreprises clients ; une société groupe LAPEYRE le 4 février 2009, trois personnes ayant dû se faire enlever des empreintes restées dans leur oreille, la société SEB le 15 octobre 2010, la prise d'empreinte effectuée par le salarié ayant entraîné des douleurs importantes et une perforation du tympan, une société du groupe LVMH le 3 mars 2011, trois personnes ayant déclaré des douleurs après les prises d'empreinte ; au titre de ce dernier incident, un avertissement disciplinaire a été notifié le 30 mai 2011 par l'employeur, faute pour le salarié d'avoir averti celui-ci ; ils concernent encore la société VRANKEN POMMERY le 17 mars 2011 et la société CEMEX le 27 juin 2011, dix personnes s'étant plaintes de douleurs à l'oreille et l'une s'étant trouvée en arrêt de travail à la suite de suintements et de saignements ; l'attention du salarié avait déjà été attirée, soit dans les suites immédiates des incidents, soit à l'occasion d'entretiens d'évaluation (évaluation du 13 février 2009 et du 17 janvier 2011) sur la nécessité de respecter les prescriptions techniques et un avertissement lui sera même notifié le 30 mai 2011, à la suite de difficultés survenues dans une société du groupe LVMH, tant sur la nécessité de se conformer aux prescriptions techniques qui lui avaient été données lors de la phase de formation initiale que sur l'obligation qui lui était faite de reporter à sa hiérarchie les incidents survenus lors des prises d'empreintes ; contrairement à ce que soutient le salarié, de tels incidents, même s'ils ont peu nombreux au regard du nombre de prises d'empreintes effectuées par lui, ne peuvent être considérés comme dépourvus de gravité ou de conséquences pour l'employeur, alors que, au-delà de leur impact sur la relation commerciale, celui-ci supporte une obligation de sécurité de résultat à l'égard des préposés de ses clients et que les incidents relatés dans la lettre de licenciement peuvent avoir des conséquences graves sur l'intégrité du tympan ; s'agissant de la relation client, les pièces produites montrent que les incidents imputables à M. X... ont pu avoir des conséquences négatives non seulement en termes d'image mais également en termes de chiffre d'affaires ; le salarié soutient que l'attitude de l'employeur ne serait pas cohérente dès lors qu'en choisissant de lui faire suivre une formation à la prise d'empreinte le 25 novembre 2011, il ne pouvait le sanctionner pour une insuffisance professionnelle alors que la délivrance de cette formation constituerait la reconnaissance d'une insuffisance de formation préalable ; toutefois, contrairement à ce que soutient le salarié, une formation initiale lui a effectivement été dispensée ainsi qu'il résulte des pièces produites par l'employeur ; il est ainsi produit la feuille de résultat, émargée par M. X..., des tests auxquels il a été soumis après la formation initiale qui lui a été dispensée du 21 avril 2008 au vendredi 23 mai 2008 ainsi que la feuille de présence à cette formation ; les tests intègrent notamment une évaluation sur la qualité des prises d'empreintes ; cette formation initiale comportait notamment, outre une formation sur l'appareil auditif, une formation spécifique sur le geste technique de la prise d'empreinte, les contre-indications à ce geste, le contrôle dimensionnel de la qualité des empreintes et les règles à respecter au regard des instructions internes ; est également produit un document en date du 2 octobre 2009 par lequel le salarié certifie avoir reçu une nouvelle formation à la réalisation de la prise d'empreinte, s'engageant par ailleurs à appliquer la méthode apprise ; le salarié ne peut donc opposer à l'employeur un manquement à son obligation de formation ; certes, M. X... soutient que dès lors qu'elle avait choisi de lui dispenser une nouvelle formation le 25 novembre 2011, la société LABORATOIRE COTRAL ne pouvait le licencier au titre des incidents précédemment survenus ; toutefois, il résulte des pièces produites que, comme il est indiqué dans la lettre de licenciement, c'est à l'occasion de cette formation que l'employeur a été informé d'un incident survenu le 3 novembre 2011 lors d'une prise d'empreinte effectuée par M. X... ; aucun autre document produit ne permet de retenir que l'employeur avait été informé de cet évènement avant le 22 novembre, le courriels internes ou les courriers de la CPAM pour le remboursement de frais médicaux étant postérieurs à la date de la formation ; cet incident, survenu auprès de la société Forges De Froncles n'avait ainsi pas été signalé par le salarié à sa hiérarchie ; M. X... ne peut contester avoir été informé de l'obligation de signaler les incidents survenus lors des prises d'empreinte, dès lors, d'une part, que de façon générale, les instructions données par l'employeur à son personnel rappelaient la nécessité de signaler l'ensemble des incidents, les incidents dits importants ou graves devant en outre faire l'objet d'un signalement spécifique auprès du manager et que, d'autre part, l'avertissement disciplinaire qui lui avait été notifié le 30 mai 2011 lui indiquait : « nous te rappelons à nouveau qu'un incident prises d'empreintes n'est pas un cas banal : il s'agit d'une situation à ne jamais prendre à la légère et à toujours signaler au Laboratoire Cotral, et ne pas le faire est une faute qui peut être lourde de conséquences pour toi comme pour l'entreprise » ; dans ces conditions, au regard des précédents incidents survenus malgré une formation initiale, une formation spécifique postérieure et des avertissements dont l'un à titre disciplinaire quant à la nécessité de respecter les prescriptions techniques en vigueur pour la prise d'empreinte, outre la nécessité de procéder à leur signalement, l'employeur était fondé au regard de ce nouvel incident dont le salarié ne l'avait pas informé malgré l'obligation qui pesait sur lui, à le licencier pour insuffisance professionnelle ; les contestations développées à ce titre par M. X... seront écartées par la cour comme elles l'ont été par le premier juge (arrêt, pages 3 et 4) ;
ET AUX MOTIFS, ADOPTES DES PREMIERS JUGES, QUE les éléments apportés par l'employeur d'incidents récurrents dont certains graves, notamment quant au fait que des salariés ont dû être hospitalisés suite aux prises d'empreintes faites par M. X... ; que sur la lettre de licenciement, l'employeur indique des faits dont l'existence d'incidents qui auraient déjà été sanctionnés ; que sur la lettre de licenciement l'absence de date du fait reproché, à savoir des dégâts occasionnés sur le véhicule, ne font pas l'objet de la mention de la date de l'incident ; en l'espèce, le licenciement de M. X... pour insuffisance professionnelle prononcé par la société résulte bien de faits ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; en l'espèce, les faits reprochés à M. X... sont justifiables, la charge de la preuve de la faute prononcée par la SNC Laboratoire Cotral Sep est établie au vu des diverses relances de la clientèle et du risque pour la société (jugement, page 3) ;
1°/ Alors que l'insuffisance professionnelle ne présentant pas un caractère fautif, le juge ne peut, pour dire qu'un licenciement prononcé pour ce motif procède d'une cause réelle et sérieuse, se fonder sur des faits qui, invoqués dans la lettre de rupture, présentent un caractère disciplinaire, sans vérifier si les dispositions légales et conventionnelles relatives aux licenciements disciplinaires ont été respectées ;
Qu'en l'espèce, pour dire que le licenciement de M. X... reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a relevé qu'au regard des précédents incidents survenus malgré une formation initiale, une formation spécifique postérieure et des avertissements dont l'un à titre disciplinaire quant à la nécessité de respecter les prescriptions techniques en vigueur pour la prise d'empreinte, outre la nécessité de procéder à leur signalement, l'employeur était fondé, au regard d'un nouvel incident, survenu le 3 novembre 2011, qui n'avait pas été signalé à sa hiérarchie par le salarié, à le licencier pour insuffisance professionnelle ;
Qu'en statuant ainsi, quand il résultait tant des mentions de la lettre de licenciement que des motifs susvisés que le salarié avait été licencié pour un refus persistant de respecter les procédures de l'entreprise, et notamment d'alerter sa hiérarchie dès la survenance d'un incident, ce qui était de nature à caractériser un motif disciplinaire de licenciement, de sorte qu'en cet état il appartenait aux juges du fond de vérifier si les dispositions légales et conventionnelles applicables aux licenciements disciplinaires avaient été respectées, la cour d'appel a violé l'article L 1232-1 du code du travail, ensemble l'article L 1331-1 du même code ;
2°/ Alors qu'en relevant que l'employeur a pu licencier le salarié dès lors que l'intéressé, informé de la nécessité de respecter les prescriptions techniques en vigueur et notamment de signaler tout incident à sa hiérarchie, avait encore omis d'informer l'employeur d'un nouvel incident survenu le 3 novembre 2011 et qui n'a été révélé que dans le cadre d'une formation dispensée au salarié à compter du 25 novembre de la même année, sans répondre au chef péremptoire des conclusions d'appel de l'exposant (page 10), développé oralement à l'audience, qui faisait valoir qu'en l'état du protocole mis en oeuvre dans l'entreprise, seuls les incidents importants ou graves devaient être signalés, et qu'en cet état M. X... entendait mettre à profit la formation susvisée, dont c'était l'objet, pour inviter l'employeur à préciser les critères permettant de qualifier la gravité d'un incident et, par conséquent, permettant de déterminer les conditions dans lesquelles le salarié était tenu d'alerter sa hiérarchie, de sorte que la révélation de l'incident litigieux du 3 novembre 2011 ne pouvait être retenue à la charge du salarié comme motif de licenciement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Second moyen de cassation
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait ;
AUX MOTIFS QUE M. X..., qui demandait devant le conseil de prud'hommes l'annulation du forfait jour attaché à son contrat de travail, ne maintient plus cette demande devant la cour mais présente une demande de dommages-intérêts en exposant que l'employeur n'a pas mis en place un entretien de suivi annuel. Toutefois, il ne justifie pas, ni dans sa nature, ni dans son montant, du préjudice concret qui aurait été subi par lui du fait de l'absence d'entretien de suivi annuel (arrêt, page 5) ;
Alors que le non respect du contrôle régulier de la charge de travail impliquée par la mise en place d'un forfait jour par le biais de l'entretien annuel prévu par l'article L 3121-46 du code du travail cause nécessairement un préjudice au salarié concerné ;
Que, dès lors, en se déterminant par la circonstance que le salarié ne justifie pas d'un préjudice concret qui aurait été subi par lui du fait de l'absence d'entretien de suivi annuel, pour en déduire que l'intéressé doit être débouté de sa demande indemnitaire de ce chef, la cour d'appel, qui a subordonné l'indemnisation du salarié à une condition que la loi ne prévoit pas, a violé, par fausse application, le texte susvisé.