LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 23 septembre 2011 en qualité de directeur régional par la société Agence pour l'économie d'énergie ; qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 23 novembre 2012 et a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur les premier, troisième et quatrième moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour limiter à la somme de 11 149,64 euros le montant de la condamnation de l'employeur au titre du reliquat de la contrepartie financière de l'obligation de non concurrence, l'arrêt retient qu'il ressort des pièces produites au débat que l'employeur a déjà versé au salarié la somme de 16 996,44 euros, non discutée dans son quantum, et que celui-ci sera en conséquence condamné à payer au salarié le reliquat de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence, soit la somme de 11 149,64 euros ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs ne mettant pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Agence pour l'économie d'énergie à payer à M. X... la somme de 11 149,64 euros au titre du reliquat de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 7 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne la société Agence pour l'économie d'énergie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Agence pour l'économie d'énergie à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande en dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir des commissions sur le chiffre d'affaire des commerciaux dont il devait avoir la charge,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
Sur les dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir des commissions sur le chiffre d'affaire des commerciaux dont il devait avoir la charge ;
Que la perte de chance est définie comme la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ;
Qu'au cas d'espèce, M. X... prétend subir un préjudice du fait du non recrutement des commerciaux auquel s'était engagé la société APEE, en ce qu'il aurait perdu une chance de percevoir la rémunération basée sur le chiffre d'affaire réalisé par ces derniers. A contrario l'employeur soutient qu'il n'existait aucun engagement de la sorte entre les parties et que le préjudice de son salarié est incertain voire utopique ;
Qu'il ressort des pièces versées aux débats que si M. X... a effectivement été embauché pour animer une équipe de commerciaux, qu'il en assurait le recrutement, et qu'une fraction de son salaire correspondait à une commission sur le chiffre d'affaire des membres de son équipe, tel que libellé dans son contrat de travail, cela ne saurait suffire à démontrer que la société APEE s'était engagée à recruter 21 commerciaux sur une période de 14 mois au rythme d'un à deux salarié par mois. Au surplus, rien ne permet de considérer que ces commerciaux auraient atteint le chiffre d'affaire contractuellement prévu, déclenchant le commissionnement de M. X... ;
Que partant, le préjudice dont fait état le salarié n'est ni direct, ni certain au sens de l'article 1147 du code civil ;
Qu'en conséquence il sera débouté de sa demande par voie de confirmation du jugement déféré ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE
f — Sur la réparation fondée sur l'article 1147 du Code Civil au titre de la perte de chance ;
Que la jurisprudence définit de façon restrictive la perte de chance : « c'est un préjudice direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition, par l'effet d'un délit, de la probabilité d'un événement favorable, encore que, par définition, la réalisation d'une chance ne soit jamais certaine » ;
Que la perte de chance suppose la réunion de 2 critères, le préjudice doit être direct et certain ;
Que Monsieur X... sollicite la réparation du préjudice, au titre de la perte de chance fondée sur l'absence d'embauche de commerciaux pour justifier d'une indemnité correspondant à un rappel de salaire sur commissions ;
Qu'or, Monsieur X... ne parviendra pas à réaliser l'objectif de 35 00 € par mois, raison pour laquelle il sera convoqué à plusieurs reprises pour étudier les raisons de la non-réalisation des objectifs (pièces n°4 - 5 - 6 et 7) ;
Que rien ne permet d'affirmer que des commerciaux nouvellement embauchés auraient pu réaliser le chiffre d'affaires imaginé par Monsieur X... ; Que le préjudice est fondé sur une éventualité hasardeuse qui ne peut être qualifié de préjudice certain ;
ALORS QUE toute perte certaine d'une chance est indemnisable ; qu'au cas d'espèce, M. X... faisait valoir qu'il avait été embauché pour former et animer une équipe commerciale qui devait être constituée conformément aux prévisions de son contrat de travail ; qu'il ajoutait qu'à aucun moment, la société APEE n'avait sérieusement tenté ou même eu l'intention de recruter des commerciaux pour les affecter sur le secteur qui lui était dévolu de sorte qu'elle lui avait fait perdre une chance de percevoir la rémunération basée sur le chiffre d'affaire réalisé par ces derniers et la possibilité de percevoir la rémunération légitime pour laquelle il avait accepté le poste (cf. conclusions d'appel du salarié, p. 22 à 24 et 33) ; qu'en se bornant, pour écarter la demande indemnitaire du salarié à ce titre, à dire qu'il n'était pas démontré que l'employeur s'était engagé à recruter 21 commerciaux sur une période de 14 mois au rythme d'un à deux salariés par mois (arrêt, p. 8), quand il ressortait de ses propres constatations que l'exposant avait « effectivement été embauché pour animer une équipe de commerciaux, qu'il en assurait le recrutement, et qu'une fraction de son salaire correspondait à une commission sur le chiffre d'affaire des membres de son équipe, tel que libellé dans son contrat de travail » (arrêt, p. 8), si bien qu'il lui appartenait de rechercher si le manquement contractuel de l'employeur ainsi constaté, quant à l'engagement de commerciaux pour constituer l'équipe de M. X..., ne caractérisait pas la perte certaine d'une chance d'obtenir le déclenchement de son commissionnement et devant, à ce titre, être indemnisée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société APEE à payer à M. X... la somme limitée de 11.149,64 €, outre les congés payés, au titre du reliquat de la contrepartie pécuniaire de la clause de non concurrence,
AUX MOTIFS QUE
Sur la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence ;
Qu'en application du principe fondamental du libre exercice d'une activité professionnelle et des dispositions de l'article L.1121-1 du code du travail, une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière sérieuse, ces conditions étant cumulatives ;
Qu'en l'espèce, le contrat de travail du salarié comporte une clause de non concurrence ainsi libellée :
"Dans le cas de rupture du contrat pour quelque motif que ce soit, le salarié s'interdit, pendant une période d'un an à compter de la rupture, d'exercer en son nom personnel ou pour le compte de toute autre firme, toute activité se rapportant à la fabrication ou à la commercialisation d'articles susceptibles de concurrencer ceux faisant l'objet de l'activité de la société.
Cette interdiction est valable pour le secteur d'activité du salarié tel que défini à l'article "secteur d'activité" ;
Pendant la durée de cette interdiction et en cas de rupture du contrat après trois mois, la société versera au salarié une contrepartie pécuniaire mensuelle égale à deux tiers du salaire mensuel apprécié sur la moyenne des douze derniers mois, après déduction des frais professionnels. Cette contrepartie financière sera réduite de moitié en cas de démission du salarié. Sous condition de prévenir dans les quinze jours suivant la notification de la rupture de ce contrat, la société pourra dispenser le salarié de l'exécution de la clause de non-concurrence ou en réduire la durée." ;
Que la cour ayant jugé que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. X... le 23 novembre 2012, produit les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, il n'y a pas lieu à faire application de la limitation en cas de démission stipulée dans la clause de non concurrence et au demeurant illicite et réputée non écrite ;
Qu'il ressort des pièces produites au débat, que la société APEE a déjà versé au salarié la somme de 16 996,44 €, non discutée dans son quantum. En conséquence, la société APEE sera condamnée à verser le reliquat de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence, soit la somme de 11 149 64 € outre les congés payés afférents ;
Que le jugement déféré sera en conséquence infirmé de ce chef ;
1° ALORS QUE le juge ne peut modifier les termes du litige tels que ceux-ci ont été définis aux écritures des parties ; qu'à ce titre, le juge ne peut statuer que sur ce qui est demandé, sans pouvoir modifier les prétentions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel oralement soutenues (p. 41), M. X... soutenait que la société APEE lui avait seulement versé « jusqu'à présent au titre de cette contrepartie pécuniaire la somme de 9 014,56 € », de sorte qu'il devait « percevoir une contrepartie pécuniaire de la clause de non concurrence d'un montant total de 30 848,73 € » ; que la société APEE, dans ses conclusions également soutenues à l'oral, contestait le décompte du salarié et exposait que M. X... devait être débouté de sa demande de rappel d'indemnité au titre de la clause de non-concurrence (conclusions d'appel de la société APEE, p. 25) ; qu'en condamnant néanmoins l'employeur à verser un reliquat de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence limité à 11 149 64 €, au motif que « la société APEE a déjà versé au salarié la somme de 16 996,44 €, non discutée dans son quantum » (cf. arrêt, p. 11), la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile,
2° ALORS QUE les juges du fond doivent préciser l'origine des renseignements ayant servi à motiver leur décision et ne peuvent statuer par le simple visa de pièces n'ayant fait l'objet d'aucune analyse, même sommaire ; qu'au cas d'espèce, M. X... reprochait à son employeur de ne lui avoir versé qu'une somme de 9 014,56 € au titre de la contrepartie pécuniaire de la clause de non concurrence ; qu'il ajoutait que la société APEE restait lui devoir un reliquat de 30 848,73 € à ce titre (conclusions d'appel du salarié, p. 41) ; qu'en affirmant péremptoirement, que « la société APEE a déjà versé au salarié la somme de 16 996,44 €, non discutée dans son quantum » et qu'elle sera, en conséquence, condamnée à lui verser un reliquat de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence limité à la somme de 11 149 64 € (cf. arrêt, p. 11), sans préciser, ni analyser, même sommairement, les pièces sur lesquelles elle se fondait pour statuer ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande en dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
Sur les dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence ;
Que la cour ayant jugé que la chance de percevoir les salaires que prétend avoir perdu M. X... est pour le moins hypothétique, en tout cas non certaine, il en va de même pour la contrepartie financière de la clause de non concurrence indexée sur ces prétendues sommes dont il a été privé ;
Qu'en conséquence, il sera débouté de sa présente demande par voie de confirmation du jugement entrepris ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE
f — Sur la réparation fondée sur l'article 1147 du Code Civil au titre de la perte de chance ;
Que la jurisprudence définit de façon restrictive la perte de chance : « c'est un préjudice direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition, par l'effet d'un délit, de la probabilité d'un événement favorable, encore que, par définition, la réalisation d'une chance ne soit jamais certaine ».
Que la perte de chance suppose la réunion de 2 critères, le préjudice doit être direct et certain ».
Que Monsieur X... sollicite la réparation du préjudice, au titre de la perte de chance fondée sur l'absence d'embauche de commerciaux pour justifier d'une indemnité correspondant à un rappel de salaire sur commissions.
Qu'or, Monsieur X... ne parviendra pas à réaliser l'objectif de 35 00 € par mois, raison pour laquelle il sera convoqué à plusieurs reprises pour étudier les raisons de la non-réalisation des objectifs (pièces n°4 - 5 - 6 et 7) ;
Que rien ne permet d'affirmer que des commerciaux nouvellement embauchés auraient pu réaliser le chiffre d'affaires imaginé par Monsieur X... ; Que le préjudice est fondé sur une éventualité hasardeuse qui ne peut être qualifié de préjudice certain ;
ALORS QUE la cassation qui interviendra sur le premier moyen de cassation, qui reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande en dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir des commissions sur le chiffre d'affaire des commerciaux dont il devait avoir la charge, entraînera nécessairement, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence et ce, sur le fondement de l'article 624 du code de procédure civile.
QUATRIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande en dommages et intérêts pour la perte de droit à retraite,
AUX MOTIFS QUE
Sur les dommages et intérêts pour la perte de droit à retraite ;
Que le salarié se contente de faire état de ce qu'il envisageait de travailler jusqu'à soixante-sept ans et a donc été contraint de faire valoir ses droits à retraite plus tôt que prévu étant ainsi privé d'années qui auraient fait partie des meilleures années prises en compte au titre de sa retraite. Partant, il se contente de procéder par affirmation sans apporter de preuve d'un quelconque préjudice. En conséquence, il sera débouté de sa demande par voie de confirmation du jugement entrepris ;
ALORS QUE les juges ne peuvent écarter les prétentions d'une partie sans analyser l'ensemble des documents fournis par elle à l'appui de ses prétentions ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir qu'ayant prévu de poursuivre son activité professionnelle pendant plusieurs années encore afin d'améliorer ses droits à la retraite, il avait été amené à prendre acte de la rupture de son contrat de travail et avait été contraint de faire valoir ses droits à la retraite ; qu'il ajoutait que n'ayant pas atteint les 163 trimestres de cotisations utiles, il avait subi une minoration de ses droits et produisait, pour démontrer son préjudice, les courriers adressés par l'assurance retraite ; qu'en déboutant néanmoins le salarié de sa demande, sans analyser ni même examiner sommairement ces pièces régulièrement versée aux débats et potentiellement déterminantes pour l'issue du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.