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24/10/2018 | FRANCE | N°17-15142

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 octobre 2018, 17-15142


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Alfi Immo de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société civile professionnelle Y... et associés ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans le cadre d'une opération immobilière d'achat et revente par lots de copropriété d'un immeuble acquis au prix de 750 000 euros par la société Prod Immo, la société Alfi Immo (la société Alfi) a conclu le 11 février 2008 une convention de prêt d'argent avec la société All Construction, aux term

es de laquelle cette dernière lui prêtait la somme de 390 000 euros, remboursable au...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Alfi Immo de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société civile professionnelle Y... et associés ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans le cadre d'une opération immobilière d'achat et revente par lots de copropriété d'un immeuble acquis au prix de 750 000 euros par la société Prod Immo, la société Alfi Immo (la société Alfi) a conclu le 11 février 2008 une convention de prêt d'argent avec la société All Construction, aux termes de laquelle cette dernière lui prêtait la somme de 390 000 euros, remboursable au dénouement du programme immobilier, puis, le 26 février 2008, un contrat de partenariat avec la société Prod Immo, prévoyant la mise à la disposition de celle-ci de la somme de 790 000 euros remboursable "au fur et à mesure de l'entrée des fonds des acquéreurs" ; que dans un document annexé au contrat, ordre était donné au notaire, par la société Prod Immo, de verser les fonds encaissés issus des reventes sur le compte de la société civile professionnelle d'avocats Y... et associés (la SCP) ; que par un protocole non daté conclu avec la société Prod Immo, la société All Construction s'est engagée à lui présenter des investisseurs intéressés pour l'acquisition des lots, tandis que sa cocontractante s'engageait en retour à vendre exclusivement aux investisseurs qu'elle lui présentait ; que seulement dix lots sur quarante-six ont été vendus pour la somme de 177 690 euros par la société Prod Immo, la société All Construction ayant cessé de lui proposer des investisseurs, avant d'être mise en redressement puis liquidation judiciaires les 18 novembre 2009 et 24 février 2010, la SCP Silvestri-Baujet étant désignée liquidateur ; que cette dernière, ès qualités, a assigné les sociétés Alfi et Prod Immo en paiement de la somme de 429 000 euros ; que la société Alfi ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, Me X..., nommé liquidateur, a repris l'instance ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1289 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société Alfi en paiement de la somme de 20 091 euros formée contre la société Prod Immo, l'arrêt, après avoir constaté que cette somme avait été créditée sur le compte bancaire de la société All Construction à la suite de différentes erreurs, retient que ce versement est venu en déduction des sommes dues par la société Alfi à cette dernière ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les obligations en cause, qui n'étaient pas réciproques, ne pouvaient être compensées, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Alfi Immo en paiement de la somme de 20 091 euros outre intérêts et frais, formée contre la société Prod Immo, l'arrêt rendu le 29 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la société Prod immo à payer à Me X..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Alfi Immo, la somme de 20 091 euros outre intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2010 avec capitalisation des intérêts par année échue et pour la première fois le 3 juin 2011 ;

Condamne la société Prod Immo aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Me X..., en sa qualité de liquidateur de la société Alfi Immo, et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me A..., avocat aux Conseils, pour Me X..., ès qualités.

Premier moyen de cassation

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Alfi Immo à verser à la société Silvestri-Baujet, pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société All Construction, la somme de 409.909 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 2010 ;

aux motifs propres que « Le dictionnaire Larousse 2016 définit le terme de ''dénouement'' de la façon suivante : ‘'manière dont se dénoue, se termine une action... ; événement qui marque la conclusion, la fin... solution d'une affaire compliquée ou difficile...'' ; en l'espèce, la créance du prêteur est remboursable ‘‘au dénouement du programme immobilier" ; il en résulte donc au vu de la définition sus-rappelée que le terme de "dénouement" doit être entendu de façon large et représente une expression générique qui ne cantonne pas le remboursement des sommes à la seule vente de l'intégralité des lots mais englobe toutes les hypothèses pouvant conduire à une fin possible du programme immobilier, notamment l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de l'une ou l'autre ou des deux parties contractantes ; ainsi, présentement, le prononcé de la liquidation judiciaire a mis un terme définitif au programme immobilier, rendant exigible la créance à compter de ce jour, soit le 24 février 2010 » ;

alors qu'il résulte de l'ancien article 1134 du code civil applicable à la cause, qu'il n'est pas permis aux juges, lorsque les termes d'une convention sont clairs et précis, de dénaturer les obligations qui en résultent en modifiant les stipulations qu'elle renferme ; qu'en l'espèce l'article 2 du contrat de prêt passé le 11 février 2008 (prod.) prévoyait que la créance de remboursement la société Alfi Immo à l'égard de la société All Construction n'était exigible qu'à compter du « dénouement du programme immobilier » ; que cette clause exprimait ainsi clairement la volonté des parties de ne rendre exigible la créance litigieuse qu'à l'issue normale du projet caractérisée par la vente de l'ensemble des lots issus de la division du bien acquis par la société Prod Immo ; qu'en estimant néanmoins, pour estimer que la créance litigieuse était exigible, que le terme dénouement devait s'entendre au sens large et visait toutes les hypothèses de fin du projet en ce compris l'issue anormale résultant de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société chargée de proposer d'éventuels acquéreurs, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat de prêt et partant, violé l'article précité.

Second moyen de cassation

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Alfi Immo de sa demande tendant à voir condamner la société Prod Immo à lui verser la somme de 20.091 euros ;

aux motifs propres que « les explications des parties et les pièces versées aux débats ont permis d'établir que la somme de 20.091 € avait été finalement créditée sur le compte de la société All Construction ; ce versement est venu en déduction des sommes dues par la Société All Immo à son créancier ; cette dernière sera donc déboutée de sa demande en paiement formée de ce chef » ;

1) alors que, d'une part, en vertu de l'ancien article 1289 du code civil, actuellement article 1347 du même code, la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes ; qu'en l'espèce, la société All Construction a reçu un paiement indu à hauteur de 20.091 euros de la part de la société Prod Immo, paiement qui était destiné à la société Alfi Immo ; que par ailleurs, et contrairement à ce qu'a jugé l'arrêt attaqué, l'obligation de restitution de la société Alfi Immo à l'égard de la société All Construction n'était pas exigible ; qu'il suit de là que les obligations en cause ne pouvaient pas se compenser entre elles ; qu'en jugeant néanmoins que le versement de 20.091 euros fait par erreur sur le compte de la société All Construction venait en déduction des sommes dues par la société Alfi Immo à cette dernière, la cour a violé les dispositions précitées ;

2) alors que, d'autre part, aux termes de l'ancien article 1239 al. 1er du code civil applicable à la cause, actuellement 1342-2 al. 1er du même code, le paiement doit être fait au créancier ou à la personne désignée pour le recevoir ; que le paiement fait par erreur à un tiers n'ayant pas qualité pour le recevoir n'est pas libératoire à l'égard du débiteur ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que la société Prod Immo, débitrice de la société Alfi Immo, avait par erreur payé la société All Construction, l'arrêt attaqué rejette pourtant la demande en paiement formulée par la société Alfi Immo à l'encontre de la société Prod Immo aux motifs que cette somme venait en déduction des sommes dues par la société Alfi Immo à la société All Construction ; qu'en statuant l'arrêt a violé les dispositions précitées.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-15142
Date de la décision : 24/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 29 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 oct. 2018, pourvoi n°17-15142


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.15142
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