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24/10/2018 | FRANCE | N°17-13396

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 octobre 2018, 17-13396


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X... de ce qu'il intervient à l'instance en qualité de mandataire judiciaire de la société Gréal et de mandataire liquidateur de la société Créa + et à M. Y... de ce qu'il intervient en qualité d'administrateur judiciaire de la société Gréal ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z... et la société holding Elia ont cédé, par deux actes successifs, à la société Gréal, qui a une activité exclusive de holding, l'intégralité des actions qu'ils détenaient dans le capita

l de la société Créa +, spécialisée dans la conception, la fabrication et l'installation...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X... de ce qu'il intervient à l'instance en qualité de mandataire judiciaire de la société Gréal et de mandataire liquidateur de la société Créa + et à M. Y... de ce qu'il intervient en qualité d'administrateur judiciaire de la société Gréal ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z... et la société holding Elia ont cédé, par deux actes successifs, à la société Gréal, qui a une activité exclusive de holding, l'intégralité des actions qu'ils détenaient dans le capital de la société Créa +, spécialisée dans la conception, la fabrication et l'installation d'agencement de magasins auprès de professionnels de santé ; qu'un protocole transactionnel a été conclu entre les parties pour fixer les conditions de la cession ; qu'invoquant des actes de concurrence déloyale et la violation par M. Z... de la clause de non-concurrence stipulée lors de la première cession, la société Créa + a été autorisée à diligenter diverses mesures de constat et à procéder, en garantie du paiement d'une créance, à une saisie conservatoire dont la demande de mainlevée formée par la société Elia a été rejetée ; que les sociétés Créa + et Gréal ont assigné M. Z... et la société Elia en réparation de leur préjudice ; que ces derniers, reprochant l'absence de paiement du solde du prix d'achat des actions et dénonçant une mise en oeuvre fautive de la mesure conservatoire, ont demandé à titre reconventionnel la condamnation des sociétés Créa + et Gréal à leur payer des dommages-intérêts ;

Sur les premier et deuxième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que pour condamner la société Gréal et la société Créa + in solidum à payer à M. Z... et à la société Elia une certaine somme en réparation de leur préjudice, l'arrêt retient que le caractère manifestement illicite de la clause de non-concurrence ne pouvait leur échapper et qu'elles n'ont pas caractérisé le moindre agissement de concurrence déloyale ; qu'il en déduit qu'elles ont engagé leur responsabilité en faisant procéder à une saisie conservatoire avec une légèreté blâmable ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une faute des sociétés Gréal et Créa + dans la mise en oeuvre de la mesure conservatoire litigieuse, cependant que leurs prétentions fondées sur la clause de non-concurrence avaient été accueillies par les premiers juges, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur ce moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que pour condamner la société Gréal et la société Créa + in solidum à payer à M. Z... et à la société Elia une certaine somme en réparation de leur préjudice, l'arrêt retient que les constats et sommations réalisés auprès de clients et de prospects de la société Elia ont porté atteinte à son image et fragilisé son activité ;

Qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à caractériser une faute imputable aux sociétés Créa + et Gréal, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Gréal et la société Créa + in solidum à payer à M. Z... et à la société Elia la somme de 25 000 euros en réparation de leur préjudice, l'arrêt rendu le 15 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne M. Z... et la société Elia aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. X..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Créa + et de mandataire judiciaire de la société Gréal, et rejette leur demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Leduc et Vigand, avocat aux Conseils, pour les sociétés Gréal, Créa +, X... K... et M. Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité de l'engagement de non-concurrence souscrit par M. Z... directement ou indirectement au profit de la société Créa + et, en conséquence, débouté la société Greal et la société Créa + de l'ensemble de leurs demandes de ce chef ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la validité de la clause : que pour être licite une clause de non concurrence doit remplir les conditions de validité suivantes : - être limitée dans le temps et dans l'espace, - être limitée quant à la nature de l'activité interdite, - être proportionnée à l'objet du contrat et aux intérêts légitimes à protéger ; que restreignant la faculté pour le débiteur de l'obligation d'abstention d'exercer librement une activité, elle porte atteinte à des libertés fondamentales comme la liberté d'entreprendre et la liberté du travail, étant susceptible de réduire le jeu de la concurrence sur un marché ; qu'elle doit donc s'interpréter strictement ; qu'au préalable la cour note que les intimés, d'un trait de plume, écartent toute discussion sur les conditions de validité de la clause, se limitant à faire état des termes clairs de la clause et à définir l'activité réelle de chacun des intervenants, sans aborder nullement les questions de proportionnalité et d'intérêt légitime ; qu'en l'espèce, la clause de non concurrence souscrite stipule que "pour une durée de 5 années à compter de la date de la cession qui interviendrait par application des clauses 6.1, 6.2 et 6.3, M. Z... s'interdit d'exercer directement ou indirectement, en ce compris par personne physique ou morale interposée, toute activité concurrente de celle exercée par la Société à la date de ladite cession ; cet engagement de non concurrence sera limité à la France et aux territoires étrangers sur lesquels la société Créa + exercera son activité à la date de la cession" ; que si une limite dans le temps est indéniablement prévue, l'engagement de non concurrence étant stipulé pour 5 années, la clause apparaît particulièrement vague et large en ce qui concerne son périmètre d'application ; que cette clause, se contentant de renvoyer à ‘toute activité concurrente de celle exercée par la Société à la date de la cession', ne détermine pas avec précision la nature de l'activité interdite, ce que d'ailleurs la discussion née postérieurement entre les parties et devant la cour, quant aux domaines concernés par cette obligation et la nature de l'activité interdite, démontre ; que le domaine d'activité ainsi interdit s'avère particulièrement large, puisque selon le K bis mais également les éléments déterminants retenus par les parties dans les accords (de 2008 comme de 2013), cette société a pour objet social ‘la mise en oeuvre par des tiers ou par elle-même de travaux de construction, d'aménagement et de décorations de bâtiments' ; que l'acte de cession et le protocole transactionnel se référaient également à une activité d'agencement de pharmacie mais reproduisaient toutefois l'objet social de la société ; et surtout, les intimés soutiennent et tentent de démontrer, pièces à l'appui, que ladite société dispose d'une activité réelle qui ne se limite pas à l'agencement de pharmacie mais effectue des interventions auprès de nombreux professionnels (commerçants, opticiens, chausseurs, avocats, opérateurs Camif), ce qui accroît encore le champ d'intervention de ladite société et augmente d'autant donc le périmètre de l'interdiction énoncée, renforçant ainsi son caractère général ; que par ailleurs au niveau de son champ d'application géographique, ce dernier est lui aussi très étendu, puisque cet engagement est applicable "à la France et aux territoires étrangers sur lesquels la société Créa + exercera son activité à la date de la cession" alors même qu'il ressort en outre des pièces versées au dossier que la société disposait essentiellement d'une activité régionale (Nord Pas de calais) ; qu'or, si la cession de l'intégralité des parts d'une société peut justifier l'édiction d'une clause de non concurrence en vue de protéger les intérêts légitimes de la société, afin d'éviter toute intervention de son ancien dirigeant dans le même domaine et auprès de la même clientèle, il n'est pas démontré qu'une telle clause, aussi générale et vague, soit proportionnée aux intérêts légitimes de la société, alors même que la société Créa + ne disposait que d'une activité régionale et avait pu, en outre, au vu de la durée du processus de cession, profiter de l'expérience de M. Z... ; qu'enfin, elle aboutit à lui interdire toute activité dans son domaine d'activité antérieure et ce en France et à l'étranger, sous réserve pour l'étranger qu'à la date de cession, la société Créa + y ait exercé une activité ; qu'en conséquence, cette clause ne peut qu'être annulée, sans qu'il y ait lieu à ce stade d'examiner plus avant si la société Elia et/ou M. Z... exerçait réellement une activité concurrente de la société Créa + » ;

ALORS 1°) QU'une clause de non concurrence doit être proportionnée aux intérêts légitimes des parties tels qu'ils existent à compter de sa prise d'effet, et non par rapport aux relations qu'elles ont pu antérieurement entretenir ; qu'en retenant, pour annuler la clause de non-concurrence souscrite par M. Z..., que celle-ci n'est pas proportionnée aux intérêts légitimes de la société Créa + qui, au vu de la durée du processus de cession, a pu profiter de l'expérience de celui-ci, la cour d'appel a statué par un motif impropre à caractériser une telle disproportion en violation de l'article 1134 du code civil, désormais article 1103 ;

ALORS 2°) QU'en présence d'une clause de non-concurrence qui ne permet pas à celui qui l'a souscrite d'exercer un métier dans son domaine d'activité antérieure, il est de l'office du juge d'en limiter l'effet dans le temps, l'espace ou ses autres modalités ; qu'en retenant, pour annuler purement et simplement la clause de non-concurrence souscrite par M. Z..., que celle-ci aboutit à lui interdire toute activité dans son domaine d'activité antérieure et cela en France ainsi que dans les pays étrangers dans lesquels la société Créa + exerçait une activité à la date de la cession, cependant que cette dernière ne disposait que d'une activité régionale, sans rechercher s'il n'y avait pas lieu de simplement restreindre géographiquement les effets de cette clause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, désormais article 1103.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Greal et la société Créa + de leurs demandes de dommages-intérêts au titre d'actes de concurrence déloyale ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la caractérisation de la concurrence déloyale : qu'aux termes des dispositions de l'article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à réparer ; que l'action en concurrence déloyale constitue fondamentalement une action en responsabilité civile, dont l'exercice est subordonné aux conditions classiques de cette responsabilité ; que le préjudice doit être direct, certain et présent ; que la réparation du préjudice doit être intégrale ; qu'il appartient dès lors à celui qui s'en prévaut d'apporter la preuve d'un préjudice, d'une faute et d'un lien de causalité ; que l'action en concurrence déloyale peut être mise en oeuvre par celui qui n'est pas titulaire d'un droit privatif (action en contrefaçon), ou par celui qui ne remplit pas les conditions pour exercer l'action fondée sur son droit privatif ; que les comportements et procédés qui relèvent de la concurrence déloyale sont nombreux et variés ; qu'ils ont en commun de constituer un manquement aux usages du commerce et à l'honnêteté professionnelle, n'impliquant pas nécessairement la mauvaise foi, c'est à dire l'intention de nuire ; que ces actes, contraires à la loyauté commerciale, peuvent intervenir entre concurrents ou entre non concurrents, notamment pour le parasitisme ; que cette action investit le tribunal du double pouvoir de réparer le préjudice causé et de donner des injonctions pour l'avenir ; qu'ainsi, elle entraîne normalement condamnation à dommages intérêts de l'auteur des pratiques déloyales, cette condamnation réparant le préjudice causé à la victime ; qu'elle peut également aboutir à une injonction adressée au défendeur, au besoin sous astreinte, de cesser ses agissements. ; Sur les fautes reprochées : qu'au préalable, la cour note que la concurrence déloyale n'est envisagée qu'à titre subsidiaire et supplétif ; que la thèse adoptée par les intimés - à savoir basant essentiellement toute leur argumentation sur l'obligation de non concurrence -, de manière générale, nuit à une démonstration sérieuse et précise de la faute dans le cadre de la concurrence déloyale, qui n'est pas toujours expressément qualifiée, puisque les sociétés Gréal et Créa + se contentent d'examiner successivement les différents chantiers et même dans le cadre de ces développements d'évoquer avant tout l'engagement de non concurrence ; qu'aux termes des conclusions évoquant leurs préjudices, elles résument ainsi les prétentions estimant que 'ces fautes (délictuelles) consistent notamment en l'organisation d'un réseau concurrent basé sur les acquis et actifs de créa + dans le but d'usurper une valeur économique à Gréal et à Créa +, mais également en un processus systématique de déstabilisation de la politique et de la stratégie commerciale de Créa + (par exemple 'en cassant les prix', en un détournement des actifs de la société cédée (fichiers clients, fournisseurs, prospects), et en une atteinte lourde à l'image de Créa + (dilution de la marque et perte de la notoriété de la société sur un marché de niche)' ; que toutefois il ne s'agit que de considérations vagues et non étayées, puisque non développées pour la plupart dans le coeur des écritures ; qu'aucun élément n'est évoqué quant à la politique et la stratégie commerciale des sociétés, les pratiques relatives aux prix, l'atteinte à l'image de la société et l'existence d'une marque et la notoriété, étant en outre précisé qu'à aucun moment n'est invoqué 'le marché de niche' auquel il est fait référence ; qu'au vu des développements adoptés par les intimés au titre des différents chantiers, les fautes alléguées consisteraient en une intervention dans des chantiers et auprès de client de Créa +, un détournement des clients et une collusion avec M. A... et la société Baticourtois ; qu'or, le principe de la liberté du commerce autorise quiconque à créer sa propre entreprise et le détournement de clientèle n'existe pas du seul fait de l'ouverture d'un commerce concurrent ; que le détournement de clientèle ne peut résulter du fait que des clients se reportent sur le nouveau commerce en raison de la compétence de son seul propriétaire, dès lors qu'il n'y a pas eu utilisation de procédés déloyaux, tels que le dénigrement, le détournement de liste ou de fichier, ou l'usage du fichier de l'entreprise pendant le préavis et la création de la société pendant la période de préavis ; quant au parasitisme, étant l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin d'en tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, ou en exposant des frais bien moindres que ceux auxquels il aurait dû normalement faire face pour arriver au même résultat s'il n'avait pas bénéficié des efforts de l'autre, celui qui s'en prévaut doit démontrer le risque de confusion, banalisation, ou de dévalorisation ; que dès lors il convient de rechercher si ces manoeuvres déloyales alléguées pour chacun des chantiers sont établis, étant précisé qu'il n'y a pas lieu de rechercher si les sociétés sont bien en situation de concurrence, s'agissant de fait relevant du parasitisme, sanctionné même entre non concurrents ; que d'ores et déjà peuvent être écartés les chantiers de M. B... à Saint Pol et le chantier Dardennes à Lesquin, qui n'ont pas été retenus par le tribunal de commerce et ne sont plus repris dans leurs dernières écritures par les sociétés Gréal et Créa +. ' le chantier Immocarnot à Armentières : qu'après avoir consacré des développements au non-respect de l'engagement de non concurrence, les intimés soulignent que directement M. Z... et sa société Elia sont intervenus auprès de Mme C... pour la construction de la maison médicale Carnot à Armentières, détournant ainsi une cliente de la société Créa +, le chantier ayant en outre démarré peu de temps après le départ de M. Z... et révèlent une collusion avec M. A... ; qu'or, le détournement de clientèle n'est nullement caractérisé, la SCI Immocarnot n'étant pas une cliente antérieure de Créa + ; que le courrier du 2 octobre 2013 adressé à M. D... par Mme C..., gérante de la SCI, qui n'avait pas encore signé le devis Créa + proposé le 4 juillet 2013, établit au contraire l'absence de procédé utilisé par M. Z... pour accaparer cette éventuelle cliente ; qu'ainsi, cette dernière y refuse l'offre Créa + qui dépasse largement le budget initialement envisagé et précise même qu'elle ne serait pas opposée à une éventuelle collaboration entre la société Créa + et M. Z..., qui lui a indiqué ne plus pouvoir la suivre personnellement, pour envisager la suite de ce projet, si tant est que le budget puisse être respecté ; que la société Créa + ne peut sérieusement soutenir que la collusion avec M. A... serait établie, notamment par l'existence de mails envoyés par M. A... sur ce projet, alors même que tant M. Z... et M. A... ont eu à connaître de ce dossier pour l'établissement du devis réalisé par Créa + lorsqu'il était au service de Créa +, et ce antérieurement à leur départ, et que les pièces versées établissent d'ailleurs que les travaux n'ont aucunement été réalisés par M. A... et sa société mais par la société Edifi ; que si des pièces ont pu être déposées en amont à la direction de l'urbanisme en vue de réaliser un projet, et notamment des plans estampillés Créa+, il n'est aucunement démontré que M. Z... se soit approprié ledit travail, sans aucun investissement et travail personnel, la mesure de constat diligentée par la société Créa + (pièce 12 Créa +) n'établissant nullement que les travaux réalisés l'aient été en fonction des plans initiaux, ce qu'au contraire contredit le constat réalisé le 10 décembre 2014 et versé au débat par M. Z... et la société Elia (pièce 73) ; que de même, l'imprécision des termes de la réponse énoncée par M. E... (présenté comme un associé sans autre précision) et indiquant que'les travaux ont été réalisés par la société Edifi, sous la maîtrise d'oeuvre de M. Z...', ne saurait être opposée à ce dernier et la société Elia, s'agissant non de constatation de l'huissier mais d'une réponse sur interpellation, sans qu'il soit possible de déterminer si le terme utilisé l'ait été à bon escient et avec le sens juridique qu'on lui attache ; qu'en outre cela est également contredit tant par les PV de chantier que le contrat conclu, qui font état tous les deux d'assistance à maître d'ouvrage ; que dès lors, aucun fait de concurrence déloyale ne saurait être retenu dans ce cadre ; ' le chantier Deram à Lomme : qu'en l'espèce, la société Gréal et la société Créa + produisent une extraction du rapport Kodia relatif à un suivi de tarification (pièce 23), à des mails échangés et notamment le plan d'une borne d'accès échangés entre M. A... et M. Z... (pièce 21 et pièces 55/1 à 55/11) pour démontrer que M. Z... 'a bien excédé en toute hypothèse celui de simple assistant à maître d'ouvrage' violant ainsi son engagement ; qu'aucune faute délictuelle n'est là encore précisément évoquée, la cour notant qu'il n'est en outre nullement démontré que la société Deram ait été un client voire un prospect de Créa + qui lui avait proposé une prestation ; qu'au contraire, la pièce 39 des intimés établit le contraire ; qu'il n'est fait état d'aucun usage d'actes contraires aux us du commerce pour déterminer ce client à contracter avec M. Z... ; que l'esquisse - établie pour la conception de la borne d'accueil - échangée par mail entre M. A... et M. Z... peut parfaitement relever de l'assistance à maîtrise d'ouvrage, qui doit certes avant tout coordonner les travaux mais également donner des conseils aux entreprises retranscrivant les souhaits du client ; qu'enfin, il n'est nullement soutenu que cet élément aurait été copié sur des plans ou prototypes créés par Créa + ; qu'en outre, l'existence de liens financiers entre M. Z... et M. A..., si tant est qu'ils soient établis par la pièce 23 - ce qui n'est aucunement le cas, cette dernière ne faisant que récapituler les coûts pour chaque entreprise intervenant sur le marché litigieux - ne saurait être en soit constitutif d'une faute sans que les appelants ne démontrent et caractérisent un fait de concurrence déloyale, notamment le débauchage d'un salarié lié par une clause de non concurrence ou l'utilisation de données de la société ; qu'aucun acte de concurrence déloyale ne saurait en l'espèce être retenu ; ' le projet de la pharmacie K... : qu'il ressort des pièces mêmes des intimés ainsi que de leurs conclusions qu'aucune prestation d'entreprise générale ou de maîtrise d'oeuvre pour ce chantier n'a été réalisée par la société Elia ou M. Z... sur ce chantier ; que les intimés estiment, au visa des sommations interpellatives délivrées le 19 juin 2015 et des mails échangés entre M. A... et Z... concernant ledit chantier, notamment un mail par lequel M. A... adresse une copie d'un devis établi en 2008 par Créa +, que 'bien que le projet n'ait été mené à terme, il est incontestable que les faits confirment le non-respect de la clause de non concurrence par M. Z...', sans caractériser précisément la faute délictuelle qui pourrait être retenue là encore à son encontre ; qu'il n'est apporté aucune preuve d'un quelconque démarchage, Mme K... précisant dans le cadre de la sommation interpellative que M. Z... lui avait été présenté par un ami ; que d'ailleurs il convient de noter que, d'une part, ce devis datant de 2008 est particulièrement ancien, puisque le nom de ce client n'est pas repris dans le listing donné à l'huissier pour permettre les constatations sur les systèmes informatiques de M. A... et de M. Z..., d'autre part, aucune suite n'avait été donnée au premier devis par Mme K..., qui d'ailleurs n'a pas non plus donné suite aux travaux réalisés par M. Z... ; qu'il n'est justifié d'aucun fait quelconque émanant de M. Z... et ayant pu induire Mme K... en erreur, notamment en lui faisant croire qu'il poursuivait une activité en lien avec la société Créa + afin de profiter de la notoriété de la société ou qu'il offrait une prestation similaire à celle délivrée par Créa +, comme permet de le constater la pièce 31 des appelants ; que ce grief n'est donc aucunement établi ; ' le projet G... à Raismes : que les intimés se bornent à invoquer l'intervention de M. Z... avec l'aide de M. A... auprès de Mme G... sans nullement faire état d'un quelconque acte de concurrence déloyale ; qu'ainsi n'est-il même pas soutenu que cette dernière ait été cliente de la société Créa + ou en lien avec cette dernière ; qu'il semble dans l'esprit des intimés que le simple fait que cette dernière soit pharmacienne et ait été approchée de près ou de loin par M. Z... suffisent à établir une faute, étant précisé d'ailleurs que les intimés concèdent qu'aucune prestation rémunérée n'a été réalisée par M. Z... auprès de cette dernière ; que ce fait ne peut qu'être rejeté ; ' sur le dossier de la pharmacie Muller à Boulogne sur mer : que les intimés procèdent par de multiples allégations, sans établir aucunement les faits qu'ils invoquent ni caractériser la faute délictuelle constituant un acte de concurrence déloyale ; qu'ainsi, se bornent ils à affirmer qu''est également avéré' une intervention de M. Z... (ou de M. A...) auprès de M. et Mme Muller, prospect de la société Créa +, sans démontrer le fait fautif qu'ils reprochent à M. Z... et sans même apporter la preuve que le devis Créa + était bien en possession de M. Z... ; qu'en outre, il ne saurait être déduit de la seule détention par M. Z... d'un devis Créa + au nom de M. et Mme Muller - si tant est qu'elle soit avérée-, une faute constitutive de concurrence déloyale, la liberté du commerce et de l'industrie permettant encore à des clients de prospecter différentes entreprises et de leur faire savoir quelle offre a pu leur être faite préalablement par une autre entreprise ; que ces éléments sont insuffisants à établir un acte de concurrence déloyale. ' la réponse à des sollicitations de clients de Créa + : que ne constitue une faute délictuelle au titre de la concurrence déloyale que le fait de démarcher d'anciens clients en utilisant des procédés déloyaux, tels que le détournement de liste ou de fichier ou l'usage du fichier de l'entreprise ; que cet élément n'est nullement démontré et même invoqué par la société Gréal et la société Créa + qui se contentent de mentionner 'la réponse à des sollicitations d'anciens clients de Créa +' marquant bien ainsi le rôle passif de M. Z... ; que ce fait ne saurait être sanctionné au titre de la concurrence déloyale ; ' le démarchage d'anciens clients et prospects Créa + sous couvert de conseil en accessibilité : que la société Gréal et la société Créa + évoquent essentiellement ce grief à l'aune de l'obligation de non concurrence pesant sur M. Z... et la société Elia ; que pour établir ce grief, elles se fondent sur la production de factures en accessibilité (pièce 77) notamment pour la pharmacie de Merville, estimant l'intervention de M. Z... 'particulièrement troublant dans la mesure où cette officine de pharmacie était déjà cliente du temps où M. Z... en assurait la direction', sans caractériser un fait de concurrence déloyale ; qu'aucun fait précis n'est invoqué et ne démontre un quelconque démarchage ou un quelconque détournement de client commis par M. Z... ou sa société, la seule présence d'une relation commerciale antérieure n'interdisant aucunement à un client d'user des services d'un autre prestataire ultérieurement ; qu'il en est de même pour l''attestation' (ne reprenant pas d'ailleurs les exigences de l'article 202 du code de procédure civile) de Mme I..., s'agissant d'ailleurs d'un courriel adressé à M. D... faisant suite à un entretien dont la teneur n'est pas explicitée, et qui fait état d'une information donnée par M. Z... quant à son départ de la société Créa+ et la possibilité qu'il poursuive en qualité d'assistant à maître d'ouvrage ; qu'il ne ressort aucunement de ce courrier que ce dernier ait cherché à tirer profit ou occasionner une quelconque confusion pour accaparer la cliente qui n'a pas donné suite ; qu'aucune faute de ce chef ne saurait être reprochée à M. Z..., soit directement soit indirectement par l'intermédiaire de la société Elia ; ' De manière plus générale, quant à la collusion évoquée avec M. A..., il convient de noter qu'il n'est ni soutenu ni démontré que ce dernier ait été lié avec la société Créa + au titre de son contrat de travail d'un engagement de non concurrence ; qu'il n'est pas non plus établi, et ce malgré l'accès très large aux systèmes informatiques de M. Z... et M. A... obtenu par la société Gréal et la société Créa + dans le cadre des mesures autorisées sur ordonnance sur requête, qu'existait une entente préalable entre ces derniers ; qu'en conséquence, la société Créa + et la société Gréal ne peuvent qu'être déboutées de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale, sans qu'il n'y ait lieu d'examiner les préjudices invoqués et le lien de causalité ; qu'en conséquence, la décision de première instance doit être infirmée en ce qu'elle condamne M. Z... et la société Elia à des dommages et intérêts en réparation des préjudices nés d'acte de concurrence déloyale ; que de même doivent être amendés les termes du dispositif, d'une part, interdisant à M. Z... et sa société Elia de travailler avec des clients et prospects pour lesquels des contacts auraient été noués avant le 10 octobre 2013, d'autre part condamnant M. Z... et la société Elia 'à détruire à leurs frais devant huissier et à justifier d'un procès verbal constatant cette destruction, dans un délai de 48 h à compter de la présente décision, l'ensemble des éléments qu'ils détiennent appartenant à la SAS Créa +', obligation qui s'avérerait en outre impossible à exécuter et à vérifier au regard de ses contours particulièrement imprécis » ;

ALORS QUE constitue un acte de concurrence déloyale le fait d'avoir produit, dans le cadre d'une demande d'autorisation d'urbanisme, des plans émanant d'une entreprise tierce, peu important que lesdits plans n'aient finalement pas été utilisés dans la construction de l'ouvrage en cause ; qu'en retenant, pour écarter toute faute de concurrence déloyale de M. Z... et de la société Elia concernant le chantier Immocarnot à Armentières, qu'il n'était pas établi que les travaux réalisés l'aient été en fonction des plans initialement établis par la société Créa + dont le devis avait été refusé par la cliente le 2 octobre 2013, après avoir pourtant relevé que lesdits plans avaient été joints au dossier d'urbanisme déposé en mairie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en violation de l'article 1382 du code civil, désormais article 1240.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Greal et la société Créa + in solidum à payer à M. Z... et à la société Elia une somme de 25 000 euros en réparation de leur préjudice ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts : qu'aux termes des dispositions de l'article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à réparer. Le préjudice doit être direct, certain et présent ; que la réparation du préjudice doit être intégrale ; qu'il appartient dès lors à celui qui s'en prévaut d'apporter la preuve d'un préjudice, d'une faute et d'un lien de causalité ; qu'en l'espèce, M. Z... et sa société Elia sollicitent une indemnisation de leur préjudice à hauteur de 30 000 euros à raison des fautes commises par la société Gréal et la société Créa + consistant selon eux en : - des manoeuvres commises pour tenter de mettre un terme à l'activité de M. Z... et sa société en l'empêchant d'exercer toute activité professionnelle, - des manoeuvres pour retenir le versement de la somme de 30 000 euros au titre du complément de prix, - la volonté de paralyser l'activité de la société Elia en procédant à une saisie conservatoire de 300 000 euros, - l'atteinte incontestable à l'image de la société Elia auprès de la clientèle, - l'action mise en oeuvre avec l'intention de nuire ; qu'il s'évince de l'ensemble de ses éléments, que M. Z... et la société Elia reprochent aux intimés un abus ; (...) qu'également l'abus dans la mise en oeuvre des procédures d'exécution est envisagé, notamment à raison de la saisie conservatoire opérée et des procédures de constat et des sommations interpellatives délivrées auprès de prospect ou clients ; que le caractère manifestement illicite de la clause de non concurrence, notamment à raison de la caractérisation large de son champ d'intervention ne pouvait échapper à la société Créa + et la société Gréal, ce d'autant que l'activité de la société n'était pas précisément déterminable et définie, les intimés cherchant en outre à en étendre sérieusement le périmètre en y adjoignant des interventions ne se limitant pas à l'agencement de pharmacie, activité pourtant expréssement visée comme le coeur de métier de cette société dans l'accord de cession de parts et le protocole ; que la société Créa + et la société Gréal, par ailleurs, ne peuvent ignorer qu'elle n'ont pas caractérisé le moindre agissement de concurrence déloyale alors même qu'elles avaient fait preuve d'une pugnacité certaine pour obtenir sur requête de multiples procédures et mesures très intrusives ; que dès lors, cette saisie conservatoire, aux seuls risques et périls du créancier potentiel poursuivant, qui a ainsi privé la société Elia d'avoir accès à une manne financière conséquente et ce durablement, au vu de son montant, était diligentée avec une certaine légèreté blâmable et a déstabilisé la société Elia et M. Z..., rendant à tout le moins plus compliquée toute activité ; qu'il en est de même des constats et sommations réalisés auprès de client et de prospects, qui en outre appartiennent tous aux milieux médicaux et para médicaux, portant nécessairement atteinte à l'image de la société, et pouvant également fragiliser l'activité de cette société ; qu'ainsi, il ressort des pièces versées au dossier que : - pour la société Elia, dans le cadre de la direction de M. Z... pour l'exercice 2013, le chiffre d'affaire relatif à la facturation dédiée à Créa + est de 67 000 euros HT, - pour l'année 2014, la facturation des honoraires d'assistance à maîtrise d'ouvrage s'élève à une somme de 57 500 euros HT environ, - pour l'année 2015, seul un chiffre d'affaire de 2 700 euros HT a été réalisé ; que dès lors ce préjudice, né de la réalisation de cette saisie conservatoire et de l'atteinte à l'image, constituant pour la société Elia la perte de chance de pouvoir réaliser son activité sereinement, est certain ; qu'au vu du montant initialement perçu lors de sa première année d'activité en qualité d'assistance à maîtrise d'ouvrage, soit plus de 57 000 euros et de la nécessité de réparer l'atteinte à l'image induite nécessairement par la diffusion de ce contentieux dans le milieu dans lequel M. Z... et sa société se livraient à une activité, le montant des dommages et intérêts sera justement apprécié à la somme de 25 000 euros ».

ALORS 1°) QU'une mesure conservatoire ne fait pas peser sur son auteur une responsabilité objective du seul fait qu'elle se révèle injustifiée ; qu'en retenant, pour condamner in solidum la société Greal et la société Créa + à payer à M. Z... et à la société Elia une indemnité de 25 000 euros, que celles-ci avaient agi avec une certaine légèreté blâmable en procédant à une saisie conservatoire préalablement à la saisine du juge au fond compte tenu du caractère manifestement illicite de la clause de non-concurrence et du fait qu'elles ne pouvaient ignorer qu'elles ne caractérisaient pas le moindre agissement de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, désormais article 1240 ;

ALORS 2°) QUE le seul fait qu'une procédure soit génératrice d'un préjudice pour une partie ne peut suffire à caractériser un abus de la part de son adversaire ; qu'à supposer même que les sommations et constats réalisés auprès des clients de la Société Elia puissent avoir causé un préjudice à cette dernière, ce seul constat était impropre à établir la faute qui aurait été commise par les Sociétés Greal et Créa + dans la mise en oeuvre de ces mesures ; qu'en retenant cependant, pour condamner in solidum la société Greal et la société Créa + à payer à M. Z... et à la société Elia une indemnité de 25 000 euros, que les constats et sommations réalisés auprès de clients et de prospects de la société Elia portent atteinte à son image et fragilisent son activité, la cour d'appel a statué par un motif impropre à caractériser une faute imputable aux sociétés exposantes, en violation de l'article 1382 du code civil, désormais article 1240.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-13396
Date de la décision : 24/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 15 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 oct. 2018, pourvoi n°17-13396


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Delvolvé et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.13396
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