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24/10/2018 | FRANCE | N°16-15008

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 octobre 2018, 16-15008


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 621-30 et R. 621-46 du code monétaire et financier, ensemble les articles 1351, devenu 1355, du code civil et 480 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après l'ouverture d'une enquête sur le marché du titre Natixis à compter du 1er septembre 2008, le Collège de l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) a décidé, lors de sa séance du 22 juillet 2010, de notifier des griefs aux sociétés Compa

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 621-30 et R. 621-46 du code monétaire et financier, ensemble les articles 1351, devenu 1355, du code civil et 480 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après l'ouverture d'une enquête sur le marché du titre Natixis à compter du 1er septembre 2008, le Collège de l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) a décidé, lors de sa séance du 22 juillet 2010, de notifier des griefs aux sociétés Compania Internacional Financiera (la société CIF) et Coudree Capital Management (la société CCM), leur reprochant d'avoir contrevenu, en leur qualité de donneurs d'ordres, aux dispositions des articles 570-1 et 570-2 du règlement général de l'AMF qui fixent à trois jours le délai dans lequel le vendeur de titres admis aux négociations sur un marché réglementé doit les livrer ; que par lettre du 21 novembre 2011, les sociétés CIF et CCM ont été convoquées à la séance de la commission des sanctions du 8 décembre 2011 qui, par décision du 16 février 2012, a prononcé des sanctions pécuniaires contre elles ; que les sociétés CIF et CCM ayant formé un recours contre cette décision, la cour d'appel de Paris l'a annulée par un arrêt du 24 octobre 2013 ; que par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 22 novembre 2013, la présidente de la commission des sanctions a avisé ces deux sociétés que la procédure les concernant serait reprise dans l'état où elle se trouvait antérieurement aux actes annulés, soit avant la convocation à la séance de la commission des sanctions de l'AMF du 8 décembre 2011 ; que par décision du 6 octobre 2014, la commission des sanctions de l'AMF a prononcé des sanctions pécuniaires contre les sociétés CIF et CCM ;

Attendu que pour rejeter le recours des sociétés CIF et CCM contre cette dernière décision, l'arrêt retient que l'annulation prononcée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 24 octobre 2013 n'est pas de nature à affecter la validité de l'ensemble de la procédure mais uniquement des actes intervenus à compter de la convocation à la séance de la commission, et que la procédure de sanction suivie antérieurement à la décision du 16 février 2012 est toujours pendante ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, lorsque l'irrégularité ayant motivé l'annulation d'une décision de la commission des sanctions de l'AMF n'est pas de nature à affecter la validité de la procédure antérieure ni des actes de saisine, il appartient à la cour d'appel, en vertu de l'effet dévolutif du recours, de se prononcer sur le fond de l'affaire qui lui est soumise, et qu'elle avait constaté que l'arrêt du 24 octobre 2013 avait annulé la décision de la commission des sanctions sans statuer sur le fond de l'affaire ni ordonner le renvoi de la procédure devant l'AMF aux fins de reprise de l'instruction, ce dont il résultait que cette décision, devenue irrévocable, avait eu pour effet de mettre fin aux poursuites, qui ne pouvaient être reprises, la cour d'appel, qui a méconnu la portée de l'arrêt du 24 octobre 2013, a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, dont l'application est proposée par les demanderesses au pourvoi ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ANNULE la décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers du 6 octobre 2014 ;

Condamne l'Autorité des marchés financiers aux dépens, incluant ceux exposés devant les juges du fond ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Alain Bénabent , avocat aux Conseils, pour les sociétés Compania Internacional Financiera et Coudree Capital Management

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
(sur les vices de procédure)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours des sociétés Coudree Capital Management et Compania Internacional Financiera contre la décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers rendue le 6 octobre 2014 ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le principe de non bis in idem et l'autorité de la chose jugée, [
] que le II de l'article R. 621-45 du code monétaire et financier dispose que "les recours contre les décisions de portée individuelle prises par l'autorité des marchés financiers, autres que celles mentionnées au I, sont portés devant la cour d'appel de Paris. Par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile, les recours sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions de l'article R. 621-46 du présent code" ;
que même si ce recours n'est pas qualifié de recours de pleine juridiction, les pouvoirs de la cour d'appel, qui consistent soit à confirmer la décision de la Commission des sanctions, soit à l'annuler ou la réformer en tout ou partie, caractérisent bien un tel recours ;
qu'il est constant que la Cour d'appel de Paris a, par arrêt du 24 octobre 2013, annulé la décision rendue le 16 février 2012 par la Commission des sanctions, "en ce qu'elle a décidé de prononcer à l'encontre de la société Coudree Capital Management une sanction pécuniaire d'un montant de 2 500 000 € et de prononcer à l'encontre de la société Compania Internacional Financiera une sanction pécuniaire de 2 200 000 € ainsi qu'en ce qu'elle a décidé une publication concernant la condamnation de ces deux sociétés sur le site Internet de l'AMF", aux motifs que les sociétés CIF et CCM n'avaient pas été mises en mesure d'exercer le droit de récusation que leur confère l'article R. 621-39-2 du CMF, en méconnaissance de l'article 6§1 de la CESDH ; que la cour a constaté que la composition du collège de la Commission des sanctions n'était pas conforme à celle indiquée aux sociétés requérantes dans le courrier du 21 novembre 2011 ;
qu'il est aussi incontestable que la cour n'a pas statué sur les griefs et ne s'est pas prononcée sur la validité de la procédure antérieure à ce courrier du 21 novembre 2011 ; que ce faisant, elle a laissé subsister l'intégralité de celle-ci ; qu'il ressort en effet d'une jurisprudence constante que l'annulation d'un acte administratif, comme par exemple la décision de la Commission des sanctions, n'affecte pas nécessairement les actes préparatoires à celui-ci, la procédure visant à remplacer l'acte annulé pouvant en principe être reprise au point précis auquel l'illégalité est intervenue ;

que la circonstance que l'arrêt ne renvoie pas expressément [à] la procédure devant l'AMF ne saurait priver cette autorité de la faculté de reprendre la procédure au point précis auquel l'illégalité est intervenue, c'est-à-dire au stade de la convocation à la séance de la Commission des sanctions, dès lors qu'il n'a pas été mis fin aux poursuites ; que l'annulation, fondée sur l'impossibilité pour les mises en cause d'exercer leur droit de récusation, n'était pas de nature à affecter la validité de l'ensemble de la procédure, mais uniquement des actes intervenus à compter de la convocation à la séance de la Commission ; que la procédure de sanction suivie antérieurement à la décision du 16 février 2012 était donc toujours pendante ;
que si la cour était, après avoir annulé cette décision, tenue de statuer sur les autres demandes des parties et sur les griefs notifiés, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, selon la jurisprudence Olitec rappelée par les requérantes, son arrêt est devenu définitif, en l'absence de pourvoi en cassation ; qu'il a donc autorité définitive de chose jugée ; mais que la méconnaissance de cette obligation de statuer, par la cour, concerne l'étendue de ses pouvoirs, sans affecter la faculté, pour la Commission des sanctions, de reprendre la procédure dont elle est demeurée saisie par la notification de griefs, faculté qui, bien que non expressément prévue, n'est nullement interdite par le code monétaire et financier ;
que si les requérantes soutiennent que la position adoptée par le Conseil d'État ne peut en aucun cas être transposée aux recours portés devant la cour d'appel contre des décisions rendues par la Commission des sanctions en matière boursière, ces juridictions ne disposant pas des mêmes prérogatives, et ne protégeant pas les mêmes intérêts, il convient de souligner que ces deux catégories de recours sont des recours de plein contentieux dirigés contre des décisions administratives et qu'elles présentent nécessairement des points communs, dans l'objectif d'assurer l'effectivité de la répression, tout en préservant les droits de la défense des justiciables ;
qu'il ne peut être soutenu que la reprise de la procédure reviendrait à priver in fine les mises en cause d'un recours en cassation, en raison des pouvoirs distincts dont sont investies les deux juridictions qui n'exerceraient pas le même contrôle ; que les deux sociétés requérantes n'exposent en effet pas en quoi les justiciables soumis à la compétence de la cour d'appel se trouveraient privés d'une voie de recours, alors que les professionnels soumis à la juridiction du Conseil d'Etat bénéficieraient d'un contrôle de cassation ; que la reprise de la procédure devant la Commission des sanctions garantit en l'espèce l'adoption d'une nouvelle décision par une nouvelle formation de la Commission des sanctions, elle-même soumise au contrôle éventuel de la cour d'appel, puis de la Cour de cassation ;
qu'enfin, la reprise de la procédure par la Commission des sanctions n'a enfreint ni l'autorité de la chose jugée, ni le principe de non bis in idem ; qu'en effet, l'autorité de la chose jugée par la cour d'appel est relative à l'invalidité de la décision de la Commission des sanctions de 2012 pour manquement au principe d'impartialité, et ne porte ni sur la procédure antérieure à la notification de la composition du collège, ni sur le bien-fondé des griefs ;
qu'aucune atteinte au principe de non bis in idem ne saurait davantage résulter de l'adoption d'une seconde décision par la Commission des sanctions portant sur les mêmes faits et concernant les mêmes parties, la première ayant été annulée et n'ayant plus d'existence légale ;
qu'il ne saurait être fait grief à l'AMF d'avoir préféré reprendre sa procédure, plutôt que de former un pourvoi en cassation, dès lors qu'il lui était loisible de choisir entre ces deux voies procédurales et que ce choix, loin d'être défavorable aux requérantes, leur garantissait une nouvelle appréciation au fond sur les griefs par la Commission des sanctions autrement composée, puis leur permettait d'exercer les voies de recours devant la cour d'appel, puis devant la Cour de cassation, alors que seul le pourvoi en cassation leur aurait été ouvert, si la cour d'appel avait directement statué sur les griefs ;
que par ailleurs, ainsi que le souligne l'AMF dans ses observations écrites, la reprise de la procédure devant la Commission des sanctions et le pourvoi en cassation constituent deux procédures distinctes, aux objectifs différents ; que par conséquent, le fait que le président du Collège ait indiqué qu'il renonçait à se pourvoir en cassation contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 24 octobre 2013 n'impliquait pas qu'il abandonnait les griefs à l'encontre des requérantes ; que celle-ci ont d'ailleurs été informées le plus tôt possible de cette reprise de l'instance, de sorte qu'elles ne peuvent prétendre s'être méprises sur ce point ni que le principe de loyauté aurait été enfreint à leur égard ;
qu'il en résulte que sans préjudice des autres moyens examinés plus loin, la décision prise par la Commission des sanctions de reprendre la procédure dans l'état antérieur à la lettre du 21 novembre 2011, n'a pas, en soi, porté atteinte à la loyauté des débats ;

Sur le principe d'impartialité objective, que les requérantes font d'abord grief à la Commission des sanctions d'avoir procédé à une motivation sommaire, assimilable à une absence de motivation, qui renforcerait les doutes quant à l'effectivité et l'impartialité de son second examen de l'affaire ;
qu'elles exposent ensuite que l'"auto saisine" de la Commission des sanctions, à la suite de la demande de l'AMF, contreviendrait au principe d'impartialité et à l'article 16 de la DDHC ; que l'interférence entre le Collège de l'AMF et la Commission des sanctions remettrait en cause l'indépendance et l'impartialité de la Commission, de même que les règles du procès équitable ; que la décision de la présidente de la Commission des sanctions de reprendre la procédure s'analyserait comme un acte de poursuite et, à tout le moins, elle apparaîtrait comme la personne ayant mis en oeuvre l'accusation , aux yeux des mises en causes, faisant naître des doutes sur l'impartialité de la Commission des sanctions, renforcés par la non-transmission aux parties d'une communication des griefs actualisée ;

qu'elles soutiennent enfin que la reprise de la procédure sur simple souhait du Collège contreviendrait aux dispositions de l'article L .621-15 du CMF qui exige que la procédure s'ouvre par la transmission de la notification des griefs aux parties et à la Commission des sanctions, par le Collège ; que la lettre du 20 novembre 2013, dans laquelle le président de l'AMF exprime le souhait que la procédure soit poursuivie devant la Commission des sanctions, se réfère à une délibération du collège de l'AMF du 13 novembre 2013, qui n'est pas versée aux débats et la composition du collège n'est pas indiquée aux parties, contrairement à l'article R. 621-4 du CMF ;
mais que, sur le premier point, il convient de souligner que les deux décisions ont été rendues par des formations de la Commission des sanctions composées de membres totalement différents ; que la motivation de la décision attaquée n'est pas similaire à celle de la décision annulée, la sanction prononcée à l'encontre de la société CIF étant réduite de 2,2 millions à 1,9 million d'euros et la Commission des sanctions répondant, dans la deuxième décision, de façon plus détaillée aux arguments présentés par les requérantes, relatifs à l'assurance raisonnable, au moment des faits, de pouvoir procéder à la livraison des titres ; que la reprise à l'identique du dispositif dans les deux décisions ne saurait étonner, compte tenu de la structure habituelle des décisions de la Commission des sanctions ;
que s'agissant du deuxième point, la Commission des sanctions ne s'est en l'espèce pas autosaisie et n'a pas endossé cumulativement les fonctions de poursuite et de jugement, dont la séparation a été respectée ;
que la poursuite résultait en effet de la décision du 22 juillet 2010 du Collège de notifier des griefs aux requérantes et ne s'est jamais éteinte du fait de l'étendue de la chose jugée par l'arrêt du 24 octobre 2013 et de la nature de l'annulation prononcée ; que l'absence d'extinction des poursuites a par ailleurs été confirmée lors de la séance du 13 novembre 2013 et rappelée par le président de l'AMF dans son courrier à la Commission des sanctions du 20 novembre 2013, dans lequel il exprimait son souhait que la procédure de sanction soit reprise en l'état où elle se trouvait antérieurement aux actes procéduraux critiqués par la cour d'appel ; qu'il en résulte que la fonction de poursuite a exclusivement été exercée par le Collège de l'AMF ;
que le rôle de la Commission des sanctions s'est borné à l'exercice des fonctions de jugement, ce qui ne saurait être remis en cause par le seul fait que la présidente de celle-ci ait été informée par le président de l'AMF des décisions prises par lui-même et le Collège de ne pas former de pourvoi en cassation et de continuer les poursuites, et qu'elle en ait avisé les requérantes ; que la reprise de la procédure par la Commission des sanctions ne révèle ainsi aucun manquement au principe d'impartialité objective, ni d'ailleurs, au principe de loyauté ;
que la présidente de la Commission des sanctions a en effet informé les requérantes, par courrier du 22 novembre 2013, des échanges intervenus entre le président de l'AMF et elle-même : "le président m'ayant informée, par lettre du 20 novembre 2013, de sa décision de ne pas se pourvoir en cassation contre cet arrêt et du souhait du collège de continuer à soutenir les griefs initialement notifiés, la procédure concernant les sociétés précitées va être reprise dans l'état où elle se trouvait antérieurement aux actes annulés, soit avant la convocation à la séance de la Commission des sanctions ayant statué le 16 février 2012. Je vous indique donc, dès à présent, que la société que vous représentez sera convoquée à une nouvelle séance" ; que les requérantes étaient donc informées que la procédure les concernant allait être reprise ; qu'elles ont pu également librement accéder à cette lettre du 20 novembre [2013], les courriers de convocation des 30 janvier et 5 juin 2014 les ayant informées de leur faculté de prendre connaissance des pièces du dossier, tout en précisant qu'elles disposaient d'un délai de 15 jours pour présenter leurs observations ; qu'il en résulte qu'elles ont été mises en mesure de présenter leur défense ;
que s'agissant du troisième point, la lettre du président de l'Autorité des Marchés Financiers du 20 novembre 2013 adressée à la présidente de la Commission des sanctions fait état du souhait du collège de l'AMF que la procédure de sanction soit reprise : "je vous indique par ailleurs que lors de sa séance du 13 novembre 2013, le collège a exprimé son souhait que la procédure de sanction à l'égard des sociétés Coudree Capital Management et Compania Internacional Financiera soit reprise en l'état où elle se trouvait antérieurement aux actes procéduraux critiqués par la cour d'appel et, dans cette hypothèse, je vous informe que les griefs initialement notifiés seraient soutenus par le représentant du collège" ;
que si la procédure de sanction est, conformément aux dispositions des articles L. 621-15 et R. 621-39 du code monétaire et financier, ouverte par la décision du collège, qui saisit la Commission des sanctions par la transmission de la notification de griefs, l'AMF pouvait en l'espèce demander la reprise des poursuites, sans avoir préalablement engagé une nouvelle procédure de notification de griefs, l'annulation prononcée par la cour d'appel ne reposant pas sur un motif tiré de l'irrégularité de la notification de griefs ou de l'enquête l'ayant précédé ; que les poursuites contre les sociétés CCM et CIF, matérialisées par la notification de griefs du 21 septembre 2010, n'étant pas éteintes du fait des recours portés devant la Cour d'appel de Paris et l'arrêt de celle-ci n'ayant pas statué sur les griefs notifiés, il n'y avait pas lieu à l'envoi d'une nouvelle notification des griefs ; que les parties ont été immédiatement informées que le Collège n'entendait pas abandonner les griefs notifiés ; qu'aucune violation de la loyauté des débats ne peut en résulter, les entreprises ayant pu formuler leurs observations sur le rapport du rapporteur de la Commission des sanctions et ayant eu accès à l'entier dossier ;
qu'il est exact que la délibération du 13 novembre 2013 du collège de l'AMF, à laquelle il est fait référence dans le courrier du 20 novembre 2013, n'est pas versée aux débats ; qu'aucune référence à cette délibération n'est davantage mentionnée dans les visas de la décision attaquée ;
qu'il ne saurait pour autant en être inféré l'immixtion des autorités de poursuite dans la fonction de jugement incombant à la Commission des sanctions ; qu'en effet, le président de l'AMF a exprimé le souhait du collège de soutenir les griefs devant la Commission des sanctions ; qu'il ne s'agit pas d'engager une nouvelle poursuite, cette poursuite ayant été lancée, comme il a été vu plus haut, le 22 juillet 2010, et étant toujours pendante devant la Commission des sanctions, mais d'informer celle-ci que l'accusation serait soutenue devant elle ;
que l'absence aux débats de la délibération du collège de l'AMF décidant de soutenir l'accusation ne saurait faire grief aux requérantes, dès lors qu'il ne s'agit que d'une information de la Commission des sanctions, et non d'une nouvelle poursuite, qu'elles ne sauraient se plaindre d'atteinte aux droits de la défense, du seul fait d'ignorer l'identité des membres du collège de l'AMF à l'origine de cette décision, ne disposant à cet égard d'aucune faculté de récusation, et cette décision ne préjugeant pas de la décision au fond de la Commission des sanctions ;

Sur le principe d'impartialité subjective, [
] qu'il convient de souligner que les commentaires formulés par le président de l'AMF, autorité de poursuite, ne sauraient remettre en cause la validité de la procédure suivie devant la Commission des sanctions, autorité de jugement indépendante, dont la responsabilité ne saurait être engagée par les propos tenus par les services de l'Autorité ; que de même, en raison du principe de séparation des organes de poursuite et de jugement, l'implication de Monsieur Y... lors de l'ouverture de l'enquête en qualité de secrétaire général, puis lors du dépôt du recours incident devant la cour d'appel et à l'occasion de la reprise de la procédure, en qualité de président de l'AMF, ne saurait, en toute hypothèse, remettre en cause l'impartialité de la Commission des sanctions, organe de jugement ; que par ailleurs, aucun principe n'impose la séparation fonctionnelle entre les organes d'enquête et de poursuite ;
que la mise hors de cause des adhérents compensateurs par la décision du 16 février 2012 ne saurait avoir affecté l'impartialité de la Commission des sanctions, les griefs notifiés à ceux-ci, qui portaient sur le respect des dispositions de l'article 542-1 du RG AMF en leur qualité d'adhérents compensateurs, étant distincts de ceux notifiés aux requérantes, relatifs au non-respect des délais de règlement-livraison et pouvant être appréciés indépendamment ; que le fait qu'il ait été décidé que les adhérents compensateurs avaient respecté leurs obligations est sans incidence sur l'appréciation du retard de règlement livraison des ordres imputés aux requérantes ;
que de même, la convocation des agents compensateurs à la séance du 12 septembre 2014, encadrée par l'article R. 621-40 du CMF, qui habilite le président de la Commission des sanctions à entendre "toute personne dont il estime l'audition utile", permettait de faire jouer le principe du contradictoire et ne saurait révéler un quelconque pré-jugement de la part de la Commission des sanctions à l'encontre des mises en cause ; que les pièces de l'enquête relative à l'implication des adhérents compensateurs dans les faits litigieux demeuraient accessibles aux parties ; que par ailleurs, les requérantes pouvaient formuler des observations écrites ou orales lors de la séance de la Commission des sanctions ; que de surcroît, loin d'avoir ignoré le témoignage et les pièces invoqués par les requérantes, la Commission des sanctions les a examinés et en a contesté la valeur probante, comme il sera examiné plus loin, avec le fond des griefs ; qu'il ne peut donc être estimé que la Commission des sanctions a violé la présomption d'innocence en adoptant une décision sans discussion ;
qu'enfin, le principe de la présomption d'innocence a été respecté dans la mesure où les propos tenus par le président de l'AMF, qui ne sauraient remettre en cause la validité de la procédure devant la Commission des sanctions, se bornaient à mentionner l'existence de la décision rendue, sans porter d'appréciation quant aux sanctions prononcées ; que par ailleurs, la publication de la décision, expressément prévue par les dispositions de l'article L. 621-15 du CMF et indiquant qu'elle pouvait faire l'objet d'un recours, ne portait pas, en soi, atteinte audit principe ; que les éléments ne sont pas en toute hypothèse, en soi, de nature à affecter l'impartialité du collège ; qu'enfin, les dispositifs des décisions de la Commission des sanctions sont toujours rédigés selon la même forme et l'anonymisation des noms des adhérents compensateurs et de CMA est conforme à la pratique suivie par celle-ci à l'égard de toute personne ayant participé à la procédure de sanction sans avoir été sanctionnée » ;

1°/ ALORS QUE lorsque l'irrégularité ayant motivé l'annulation d'une décision de la commission des sanctions de l'AMF n'est pas de nature à affecter la validité de la procédure antérieure, il appartient à la cour d'appel de Paris de se prononcer sur le fond de l'affaire qui lui était soumise ; qu'il en résulte que si la cour d'appel annule une décision de la commission des sanctions sans statuer sur le fond de l'affaire, cette annulation a pour effet d'anéantir tant la décision annulée que la procédure antérieure ; qu'en jugeant, au contraire, que l'annulation prononcée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 24 octobre 2013 ne serait pas de nature à affecter la validité de l'ensemble de la procédure, mais uniquement des actes intervenus à compter de la convocation à la séance de la commission, et que la procédure de sanction suivie antérieurement à la décision du 16 février 2012 serait toujours pendante, la cour d'appel a méconnu la portée attachée à l'arrêt du 24 octobre 2013 et ainsi violé les articles L. 621-30 et R. 621-46 du code monétaire et financier, ensemble les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE la commission des sanctions de l'AMF ne peut être saisie que par la transmission, par le collège, d'une notification de griefs ouvrant un débat contradictoire avec les personnes mises en cause ; qu'en jugeant pourtant que l'AMF pouvait en l'espèce demander la reprise des poursuites à la suite de l'arrêt ayant annulé la décision de la commission des sanctions du 16 février 2012 sans avoir préalablement engagé une nouvelle procédure de notification de griefs, la cour d'appel a violé les articles L. 621-15, R. 621-38 et R. 621-39 du code monétaire et financier ;

3°/ ALORS QUE la cour d'appel s'est fondée sur un « souhait » du collège émis dans une délibération du 13 novembre 2013, dont elle a pourtant constaté qu'elle n'avait pas été versée aux débats, pour juger que l'initiative de reprendre la procédure provenait du collège de l'AMF, et non de la commission des sanctions ; que pour s'estimer en mesure de se fonder ainsi sur une pièce dont les sociétés CCM et CIF n'avaient pas eu communication, la cour d'appel a retenu que ces dernières ne « sauraient se plaindre d'atteinte aux droits de la défense, du seul fait d'ignorer l'identité des membres du collège de l'AMF à l'origine de cette décision, ne disposant à cet égard d'aucune faculté de récusation » (arrêt attaqué, p. 10 § 2) ; qu'en statuant de la sorte, cependant que, comme le faisaient valoir les exposantes, seul l'examen de la délibération du 13 novembre 2013 pouvait leur permettre de savoir dans quels conditions le « souhait » du collège avait été exprimé et ainsi de vérifier sa régularité, la cour d'appel a méconnu les droits de la défense, en violation des articles 15 et 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le détournement de procédure est une forme de fraude à la loi consistant à utiliser faussement une procédure licite en vue d'échapper à la procédure normalement applicable ; que les exposantes soutenaient que le collège l'AMF avait commis un tel détournement de procédure en demandant à la commission des sanctions de reprendre la procédure en l'état dans lequel elle se trouvait avant l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 24 octobre 2013 au lieu de former un pourvoi en cassation contre cet arrêt ; que pour écarter ce moyen, la cour d'appel s'est bornée à énoncer qu'il aurait été loisible à l'AMF de choisir entre ces deux voies procédurales et que ce choix ne serait pas défavorable aux exposantes ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants tenant à la licéité de la procédure utilisée et à la supposée absence de conséquence défavorable pour les personnes mises en cause, sans rechercher si l'utilisation de cette procédure ne visait pas à « contourner » la voie de recours normalement applicable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la règle fraus omnia corrumpit et du principe de la loyauté de la procédure ;

5°/ ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ; que les exposantes faisaient état de nombreux éléments mettant en cause l'impartialité de la commission des sanctions, et en particulier du caractère succinct de la motivation de la décision du 6 octobre 2014, des circonstances dans lesquelles la commission des sanctions a estimé pouvoir reprendre la procédure contre les exposantes, des différents échanges intervenus entre le collège et la commission des sanctions, des positions publiques prises par l'AMF par la voix de son président, et du fait que la société Goldman Sachs International ait été mise hors de cause par la commission des sanctions puis convoquée à la seconde audience en qualité de « témoin » ; qu'en se bornant à écarter séparément chacun de ces éléments sans rechercher si, pris dans leur ensemble ils n'étaient pas de nature à mettre en cause l'impartialité de la commission des sanctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(sur les griefs retenus)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours des sociétés Coudree Capital Management et Compania Internacional Financiera contre la décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers rendue le 6 octobre 2014 ;

AUX MOTIFS QU'« il était reproché aux sociétés CIF et CCM, dans la notification de griefs, d'avoir, "en agissant en qualité de donneur d'ordres, (
) pris des positions vendeuses les 18 et 19 septembre 2008, sans disposer de l'assurance raisonnable de pouvoir procéder à la livraison des instruments financiers correspondants trois jours après la date de transaction" ;
que l'article 570-1 du règlement général de l'AMF, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, dispose : "l'acheteur et le vendeur sont, dès l'exécution de l'ordre, définitivement engagés, le premier à payer, le second à livrer les instruments financiers, à la date mentionnée à l'article 570-2. Le prestataire auquel l'ordre est transmis peut exiger, lors de la réception de l'ordre ou dès son exécution, la constitution dans ses livres, à titre de couverture, d'une provision en espèces en cas d'achat, en instruments financiers objets de la vente en cas de vente" ;
que l'article 570-2 du même règlement énonce quant à lui : "En cas de négociation d'instruments financiers mentionnés aux 1°, 2, et 3° du I de l'article L. 211-1 du code monétaire et financier, sur un marché mentionné aux titres Ier ou II du livre V, le transfert de propriété, mentionné à l'article L. 211-17 du code monétaire et financier, résulte de l'inscription au compte de l'acheteur. Cette inscription a lieu à la date de dénouement effectif de la négociation mentionnée dans les règles de fonctionnement du système de règlement et de livraison, lorsque le compte du teneur de compte conservateur de l'acheteur, ou le compte du mandataire de ce teneur de compte conservateur, est crédité dans les livres du dépositaire central. Sauf exceptions prévues aux articles 570-3 à 570-8 et 322-65, cette date de dénouement des négociations et simultanément d'inscription en compte intervient au terme d'un délai de trois jours de négociation après la date d'exécution des ordres. Cette même date s'applique lorsque les instruments financiers de l'acheteur et du vendeur sont inscrits dans les livres d'un teneur de compte conservateur commun" ;

que les requérantes ne contestent pas avoir acheté à découvert mais soutiennent que les ventes à découvert sont autorisées sous réserve qu'elles soient effectuées avec l'assurance raisonnable de pouvoir livrer les titres dans le délai réglementaire ; que le critère de l'assurance raisonnable constituerait, selon elles, une obligation de moyens, appréciée au moment de l'exécution des ordres de vente, et non une obligation de résultat, comme l'aurait à tort décidé la Commission des sanctions ;
mais que la cour considère, pour les motifs qui suivent, que la Commission des sanctions a fait une exacte application de la règle précitée, en établissant qu'une obligation de moyens incombait aux donneurs d'ordres et en recherchant si ceux-ci disposaient, lors de la passation des ordres de vente à découvert, de l'assurance raisonnable de pouvoir, notamment par le recours à des emprunts de titres, procéder en temps voulu à la livraison des instruments financiers correspondants ;

Sur le respect de la règle de règlement livraison par la société CCM, que la société CCM ne conteste pas n'avoir livré que le 30 septembre 2008 les 2 070 000 actions Natixis vendues le 18 septembre 2008 et les 2 250 000 actions Natixis vendues le 19 septembre 2008, alors que ces titres auraient dû être livrés respectivement les 23 et 24 septembre 2008 ; mais qu'elle soutient, en premier lieu, avoir passé les ordres de ventes postérieurement à l'obtention d'un engagement ferme de couverture de Goldman Sachs International (GSI) par prêt de titres, ce dont attesterait le relevé officiel de GSI intitulé "Stock Loan Free Details (Including Preborrows)" ; [
] que par ailleurs, la requérante expose, en deuxième lieu, que le dénouement tardif de la position vendeuse était imprévisible ;
[
.] que la Commission des sanctions a régulièrement analysé les documents invoqués par la société CCM pour en conclure que celle-ci ne disposait pas, lors de la passation des ordres de vente à découvert, de l'assurance raisonnable que les titres correspondants seraient livrés dans le délai de 3 jours ;
que ni le contrat de "prime brokerage" conclu le 13 octobre 2006 entre GSI et CCM ni le contrat cadre du 4 février 2008 ne suffisent à eux seuls à démontrer que la requérante avait obtenu de la part de GSI un engagement ferme de couverture, ou locate, portant sur la totalité de ses positions vendeuses ;
qu'en effet, il résulte de l'article 7.1 des conditions générales de l'accord de "prime brokerage", conclu entre la société GSI et la société CCM que GSI ne supportait aucune obligation de s'acquitter, pour le compte de CCM, d'une obligation de livraison de vente à découvert, à moins que CCM n'ait, préalablement à l'exécution de cette vente à découvert, informé GSI de son intention d'exécuter une vente à découvert, et que GSI ait accepté que des titres soient disponibles pour satisfaire l'obligation de livraison résultant de cette vente à découvert ; que selon ces dispositions, ce n'est qu'en cas d'engagement ferme de GSI, qu'un "locate" était accordé à CCM ;

qu'aux termes de ce contrat, ne pesait donc sur GSI aucune obligation de s'acquitter, pour le compte de CCM, d'une livraison de vente à découvert, à moins que celle-ci n'ait, préalablement à l'exécution de cette vente, informé GSI de son intention d'exécuter une vente à découvert et que cette dernière ne se soit assurée que des titres soient disponibles afin de satisfaire à l'obligation de livraison résultant de l'opération ; qu'or CCM ne démontre pas avoir sollicité d'autres "locates" que ceux mentionnés par GSI dans ses observations du 28 juillet 2011, et corroborés par deux messages Bloomberg versés au dossier, à savoir celui du 18 septembre 2008 de 500 000 titres Natixis, accepté par GSI et celui du 24 septembre 2008 de 300 000 titres Natixis accepté par GSI, la demande du 26 septembre 2008, portant sur 100 000 titres, ayant été refusée ;
que de même, le contrat cadre de prêt de titres conclu entre GSI et CCM le 4 février 2008 (pièce CCM n°21) prévoyait, pour que GSI soit engagée à livrer les titres vendus par CCM, que celle-ci ait au préalable été informée de l'intention de CCM d'exécuter un ordre de vente et qu'elle ait préalablement accepté de livrer lesdits titres, afin de satisfaire leur livraison dans les délais réglementaires ; qu'en l'absence de preuve de l'application de ce contrat et de l'obtention d'un accord préalable de GSI d'accorder un prêt de titres, celui-ci ne permettait pas à lui seul de démontrer que la requérante avait obtenu des "locates" portant sur l'ensemble des titres vendus à découvert avant la passation des ordres ;
que la société CCM ne démontre par aucun e-mail, courrier ou enregistrement d'appel téléphonique, avoir effectué de telles demandes auprès de GSI ;
que par ailleurs, le relevé "stock loan fee details (including preborrows)" qui fait état de "loans" ne démontre pas que ceux-ci constitueraient des engagements fermes de couverture portant sur la totalité de sa position vendeuse préalablement à la passation des ordres, pas plus que les autres relevés, tels celui intitulé "stock loan confirmations" et celui intitulé "stock loan position details" ;
qu'il convient de relever, comme l'a fait la Commission des sanctions, les changements incessants de position de la société CCM concernant le nombre de "locates" dont elle disposait ; qu'en outre, elle relève à juste titre que si ces relevés font état de "loans", leur nombre n'est pas identique selon les relevés de sorte que les informations figurant dans ceux-ci sont contradictoires et qu'il n'est pas établi que ces "loans" constituent bien des "locates", c'est-à-dire des engagements fermes de couverture octroyés préalablement à la passation des ordres ;
que la circonstance qu'une autre société responsable des mêmes faits que CCM n'aurait pas été mise en cause par l'AMF, sur la base d'une relation contractuelle avec son prime broker, est sans objet, en l'absence de preuve de l'existence d'une situation totalement similaire ;

qu'enfin, le contexte de crise ne saurait exonérer ou atténuer la gravité du manquement commis, ce contexte imposant au contraire aux opérateurs une vigilance accrue ;

Sur le respect de la règle de règlement livraison par la société CIF, que la société CIF ne conteste pas ne pas avoir livré dans les délais réglementaires les 3 750 000 titres vendus à découvert les 18 et 19 septembre 2008 ; mais qu'elle conteste le grief retenu à son encontre par la Commission des sanctions de ne pas avoir eu, à la date de passation des ordres, l'assurance raisonnable de pouvoir livrer les titres correspondants dans les délais, à savoir au plus tard à J + 3 ;
[
] que si la société CIF prétend que Kaupthing Bank Luxembourg a agi pour son compte comme "prime broker", le seul élément de preuve qu'elle verse au dossier consiste dans l'audition de M. D. B... Z... ; que dans son audition, celui-ci (pièce CIF n°21) expose que la banque Kaupthing Bank Luxembourg n'empruntant pas directement de titres sur le marché pour ses clients, il avait eu recours aux services de Kaupthing Bank Londres pour arranger le "borrow" lors de la passation des ordres litigieux par CIF, avant d'exécuter ceux-ci ; qu'il prétend que cette banque a accepté la transaction ;
qu'or aucun contrat de "prime brokerage", ni aucun autre écrit, ne vient corroborer ses déclarations ; que si CIF prétend que le placement de Kaupthing Bank Luxembourg sous le régime luxembourgeois du sursis au paiement l'empêcherait de recueillir ces éléments, la Commission des sanctions souligne à juste titre que la procédure de sursis au paiement ouverte à l'encontre de la banque a été postérieure à l'époque des faits, le 9 octobre 2008, et ne peut valablement justifier l'absence de contrat écrit de "prime brokerage" (pièce AMF n°33) ;
qu'en outre, les déclarations de D. B... Z... sont contestées par la banque Havilland, repreneur des actifs de la banque, laquelle a précisé que Kaupthing Bank Luxembourg n'avait pas procédé à des emprunts de titres pour le compte de Valhalla Capital Advisors, l'intermédiaire par lequel CIF avait passé ses ordres de vente à découvert, et que le compte ouvert directement au nom de CIF n'avait jamais été actif ; que dès lors, même si cette déclaration n'émane pas de Kaupthing Bank Luxembourg, mais du repreneur de ses principaux actifs, la banque Havilland, celle-ci verse aux débats des relevés attestant de la passation des ordres par la société Valhalla Capital Advisors, mais affirme n'avoir aucun e-mail retraçant les instructions de couverture ; qu'aucun élément ne vient démontrer l'existence d'un emprunt de titres Natixis par Valhalla Capital Advisors pour le compte de Kaupthing Bank Luxembourg, durant le mois de septembre 2008 ;
qu'il y a donc lieu de considérer, comme la Commission des sanctions, que CIF n'apporte aucun élément corroborant qu'elle se serait enquise auprès de son prime broker de l'assurance raisonnable que celui-ci pourrait livrer les titres dans les délais réglementaires ;

que par ailleurs, Kaupthing Bank Luxembourg n'ayant pas agi en tant que "prime broker", ce que corrobore l'audition de D. B... Z..., le fait qu'elle ait agi en qualité d'"executing broker" pour le compte de CIF ne saurait suffire à démontrer que cette société disposait de l'assurance raisonnable de pouvoir livrer les titres vendus à date réglementaire ;
qu'il y a donc lieu de confirmer la décision déférée, en ce qu'elle estimé fondés les griefs retenus à l'encontre des sociétés CCM et CIF » ;

1°/ ALORS QUE le dépassement du délai de livraison d'instruments financiers négociés sur un marché réglementé n'est passible de sanction que si le donneur d'ordre a pris des positions vendeuses sans disposer de l'assurance raisonnable de pouvoir procéder en temps voulu à la livraison des instruments financiers correspondants ; qu'il incombe donc à l'AMF de démontrer que le donneur d'ordre poursuivi du chef d'un tel dépassement a vendu sans disposer de l'assurance raisonnable de procéder à la livraison en temps voulu ; que pour estimer fondé le grief de dépassement de délai de livraison retenu contre les exposantes, la cour d'appel s'est pourtant bornée à relever que ces dernières ne démontraient pas avoir obtenu de leurs primes brokers respectifs l'assurance raisonnable de pouvoir livrer les titres dans le délai réglementaire ; qu'en faisant ainsi peser sur les exposantes la charge de la preuve de leur innocence, la cour d'appel a violé les articles 570-1 et 570-2 du règlement général de l'AMF, ensemble l'article 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ ALORS QUE la présomption d'innocence implique que le doute profite à l'accusé ; que la cour d'appel a constaté que les relevés établis par la société Goldman Sachs International, et notamment le « Stock Loan Fee Details », font état de « loans » souscrits pour le compte de la société CCM ; que pour juger toutefois que ces relevés n'établiraient pas l'existence d'engagements fermes de couverture pour la totalité de la position vendeuse de la société CCM, la cour d'appel a retenu que les informations qu'il contiennent seraient contradictoires, le nombre de « loans » mentionnés n'étant pas identique selon les relevés, et qu'il ne serait pas établi que les « loans » qui y sont mentionnés constituent bien des engagements fermes de couverture octroyés préalablement à la passation des ordres ; qu'en se fondant ainsi sur un doute quant au nombre et à la portée des emprunts souscrits par la banque Goldman Sachs International pour caractériser un manquement de la société CCM, cependant que ce doute devait au contraire profiter à cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société CCM faisait valoir qu'elle avait nécessairement souscrit une couverture auprès de la société Goldman Sachs International puisque cette banque lui avait facturé des frais financiers pour emprunts de titres assis sur la totalité de sa position vendeuse (p. 56 § 9 et p. 57 § 2 de ses conclusions d'appel) ; qu'elle s'appuyait, pour le démontrer, sur le relevé de frais intitulé « Stock Loan Fee Details » établi par la société Goldman Sachs International ; qu'en jugeant cependant que la société CCM ne disposait pas de l'assurance raisonnable que les titres vendus à découvert seraient livrés dans le délai de trois jours sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences posées par l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ ALORS QUE la preuve est libre en matière commerciale ; que la société CIF faisait valoir que bien qu'elle ait obtenu un « borrow » auprès de la banque Kauphting Luxembourg avant de prendre des positions vendeuses, elle n'avait pu s'en procurer la preuve écrite car cette banque avait été placée sous le régime luxembourgeois du sursis au paiement moins de 10 jours après le dénouement des ordres de vente ; qu'elle ajoutait que la preuve de cette garantie de couverture était en tout état de cause rapportée par l'audition de M. B... Z..., chargé de compte de la société CIF au sein de la banque Kauphting Luxembourg à l'époque des faits, qui indiquait qu'il n'aurait pas accepté l'ordre de vente à découvert passé par la société CIF s'il n'avait pas eu de « borrow » ; qu'en retenant, pour refuser de tenir compte de ces éléments, qu' « aucun contrat de "prime brokerage" ni aucun autre écrit » ne venait corroborer les déclarations de M. B... Z... et que la procédure de sursis au paiement ouverte à l'encontre de la banque Kauphting Luxembourg postérieurement à l'époque des faits ne pouvait valablement justifier « l'absence de contrat écrit de "prime brokerage" », cependant que la preuve de la garantie de couverture consentie par la banque pouvait être rapportée par tous moyens, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et ainsi violé les articles 570-1 et 570-2 du règlement général de l'AMF, ensemble l'article L. 110-3 du code de commerce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(sur les sanctions prononcées)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours des sociétés Coudree Capital Management et Compania Internacional Financiera contre la décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers rendue le 6 octobre 2014

AUX MOTIFS QUE « que selon le II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur au moment des faits, qui renvoie à l'article L. 621-14, est susceptible d'être sanctionné "tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché. Ces décisions peuvent être rendues publiques" et, en particulier le manquement retenu à l'encontre des requérantes aux articles 570-1 et 570-2 du règlement général de l'AMF ;

que selon le c) du III de l'article L. 621-15, dans sa version en vigueur au moment des faits, applicable aux personnes autres que les prestataires de services d'investissement agréés, "les sanctions applicables sont (
) c° Pour les personnes autres que l'une des personnes mentionnées au II de l'article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c et d du II, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 10 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au Trésor public. Le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements" ;
que le V du même article prévoit que la décision peut être rendue publique : "la commission des sanctions peut rendre publique sa décision dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne, à moins que cette publication ne risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées" ;
qu'il convient d'approuver la Commission des sanctions en ce qu'elle a estimé qu'en raison de son incidence sur la fluidité et l'intégrité du marché, un manquement relatif à un dépassement du délai de livraison provoqué par la prise de positions vendeuses et de surcroît sans avoir l'assurance raisonnable de pouvoir procéder à la livraison en temps voulu des instruments financiers correspondants, revêt un caractère particulier de gravité ; qu'elle a justement pris en compte, pour fixer les amendes, la gravité des manquements, l'importance des positions vendeuses ayant donné lieu aux suspens, la durée de ces derniers, ainsi que les gains réalisés par les requérantes à l'occasion des opérations litigieuses, respectivement de 2 162 076 € pour CCM et 1 466 054 € pour CIF ;
que l'obligation de livraison à J+3 était claire en septembre 2008, les articles 570-1 et 570-2 étant en vigueur depuis le 1er novembre 2007 ; que ces règles avaient, au surplus, été rappelées par le communiqué de presse de l'AMF du 19 septembre 2008 ; que si la Commission des sanctions a pu ainsi admettre, dans plusieurs décisions concernant des prestataires de service d'investissement, une circonstance atténuante à des pratiques commises de fin 2005 à 2007, au motif que la portée exacte de la règle relative au délai de livraison et la combinaison de celle-ci avec les dispositions relatives à la procédure de dénouement forcé des transactions pouvaient ne pas apparaître pleinement, cette circonstance n'était plus valable en 2008 ;
que par ailleurs, la livraison à temps des titres vendus ne peut porter que sur des instruments financiers déjà côtés à la date de dénouement théorique des opérations de vente, qui sont les seuls susceptibles d'être effectivement livrés ; que les sociétés mises en cause ne peuvent donc soutenir que les futures actions, instruments financiers à naître, et par voie de conséquence encore étrangers au marché, pouvaient être considérées par avance comme livrables avec certitude, alors que le respect du délai de livraison qui leur incombe ne vaut que pour des titres réellement livrables, et non pour ceux non encore créés, qui n'auront vocation à être admis à la cotation qu'après l'expiration de ce délai ; qu'elles savaient de plus que le règlement-livraison et la cotation des actions nouvelles n'interviendraient que le 30 septembre 2008, soit postérieurement au délai de livraison litigieux ;
que la crise de 2008 aurait dû les inciter encore davantage à la prudence et ne saurait constituer une circonstance atténuante à leur défaillance ; que compte tenu de ce contexte, elles ne pouvaient raisonnablement espérer trouver sur le marché l'intégralité des titres qu'elles cédaient par anticipation ;
qu'enfin, l'intention découle de la violation par les requérantes, en toute connaissance de cause, de la réglementation applicable ;
qu'il y a donc lieu de confirmer les sanctions prononcées par la Commission des sanctions » ;

1°/ ALORS QUE les sociétés CCM et CIF faisaient valoir que la sanction prononcée à leur encontre devait être atténuée dès lors que la portée de la règle relative aux délais de livraison prévue par les articles 570-1 et 570-2 du règlement général de l'AMF n'avait été précisée que dans une décision de l'AMF publiée le 24 septembre 2008, et ne pouvait être appliquée rétroactivement à des actes datant des 18 et 19 septembre 2008 ; qu'en retenant cependant, pour confirmer les sanctions prononcées par la commission, que les articles 570-1 et 570-2 du règlement général de l'AMF étant en vigueur depuis le 1er septembre 2007, la règle des délais de livraison aurait été claire en septembre 2008, sans rechercher si la portée de cette règle n'avait pas été clarifiée postérieurement aux ordres de vente passés par les exposantes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ;

2°/ ALORS QU' en énonçant, par ailleurs, que la règle des délais livraison aurait été claire au moment de la commission des faits litigieux pour avoir été rappelée dans un communiqué de presse de l'AMF du 19 septembre 2008, cependant que le seul fait qu'un communiqué ait « rappelé » la règle relative au délai de livraison ne suffisait pas à en connaître la portée et que, comme le faisaient valoir les exposantes, les deux communiqués de l'AMF du 19 septembre 2008 avaient été publiés postérieurement aux ordres de vente litigieux, passés les 18 et 19 septembre 2008, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et ainsi privé derechef sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-15008
Date de la décision : 24/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BOURSE - Autorité des marchés financiers - Voies de recours - Décision - Annulation d'une décision de la Commission des sanctions - Irrégularité n'affectant pas la validité de la procédure antérieure et des actes de saisine - Appel - Effet dévolutif - Portée

BOURSE - Autorité des marchés financiers - Voies de recours - Décision - Annulation d'une décision de la Commission des sanctions - Fin des poursuites - Conséquences - Arrêt ne statuant pas sur le fond de l'affaire et n'ordonnant pas le renvoi de la procédure

Lorsque l'irrégularité ayant motivé l'annulation d'une décision de la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) n'est pas de nature à affecter la validité de la procédure antérieure ni des actes de saisine, il appartient à la cour d'appel, en vertu de l'effet dévolutif du recours, de se prononcer sur le fond de l'affaire qui lui est soumise. Il en résulte que la décision de la cour d'appel d'annuler une décision de la Commission des sanctions, sans statuer sur le fond de l'affaire ni ordonner le renvoi de la procédure devant l'AMF aux fins de reprise de l'instruction, a pour effet de mettre fin aux poursuites, qui ne peuvent être reprises


Références :

articles L. 621-30 et R. 621-46 du code monétaire et financier

article 1351, devenu 1355, du code civil

article 480 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 oct. 2018, pourvoi n°16-15008, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Bénabent, SCP Ohl et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.15008
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