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23/10/2018 | FRANCE | N°17-81804

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 octobre 2018, 17-81804


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

-
et
Mme Viviane X...,

Le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 14 décembre 2016, qui, pour escroquerie, a condamné la première à neuf mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 septembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à

l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme D..., conseiller rapport...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

-
et
Mme Viviane X...,

Le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 14 décembre 2016, qui, pour escroquerie, a condamné la première à neuf mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 septembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme D..., conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Y... ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire D..., les observations de la société civile professionnelle SPINOSI ET Z..., de la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR ET A..., de la société civile professionnelle BOUTET ET HOURDEAUX, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Y..., Me A... et Me Z... ayant eu la parole en dernier ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 7 mai 2010, la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin a porté plainte à l'encontre de Mme Viviane X..., pharmacienne biologiste dirigeante d'un laboratoire d'analyses médicales, pour escroquerie aux motifs que celle-ci procéderait à l'abaissement du seuil de positivité du test de dépistage de la maladie de Lyme entraînant la réalisation systématique d'un second test indûment payé par la sécurité sociale ; qu'une enquête a été diligentée au cours de laquelle le chef du service des maladies tropicales et infectieuses du centre hospitalier universitaire de Strasbourg et le responsable du Centre National de Référence des borrélia (maladie de Lyme) ont été entendus ; que Mme X... a été citée devant le tribunal correctionnel pour avoir, entre le 1er janvier 2010 et le 14 mars 2012, puis entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2009, en abaissant le seuil de dépistage de la maladie de Lyme, qualifiant faussement ces tests de positifs ou équivoques, alors qu'ils étaient négatifs d'après le seuil du fabricant du test, engendrant des tests de confirmation Western Blot, trompé la caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin pour la déterminer à lui rembourser 74 042 euros au titre des tests de confirmation indûment effectués ; que, par jugement du 28 septembre 2012, le tribunal a ordonné un supplément d'information afin notamment qu'il soit procédé à une expertise informatique destinée à déterminer le nombre de tests Elisa et Western Blot effectués dans le dossier du laboratoire ; que, par jugement du 13 novembre 2014, le tribunal l'a déclarée coupable d'escroquerie et, sur l'action civile, l'a condamnée au paiement de dommages-intérêts ; qu'appel a été interjeté ;

En cet état ;

I - Sur le pourvoi formé par Mme X... ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a rejeté les exceptions de nullité de procédure ;

"aux motifs qu'il résulte des articles 39 et suivants du code de procédure pénale que le ministère public a le choix des modes de poursuite, aucun texte ne lui imposant, si ce n'est en matière criminelle, l'ouverture d'une information judiciaire ; que par ailleurs, la cotation des pièces de la procédure n'est obligatoire qu'en matière d'information judiciaire ; que dans ces conditions, les exceptions de nullité soulevées par l'avocat de Mme X... seront rejetées, les droits de la défense s'étant exercés dans le cadre d'un débat loyal respectant le principe du contradictoire ; que concernant le supplément d'information ordonné par la juridiction de premier degré, celui-ci a été réalisé dans le respect des articles 114,119,120 et 121 du code de procédure pénale de sorte que la nullité soulevée sera rejetée ;

"alors que la cour d'appel ne pouvait se borner à rejeter le moyen de nullité tiré de l'absence de cotation des pièces du dossier sans répondre au moyen de nullité qui soulevait la déloyauté de la preuve" ;

Attendu que, pour écarter l'exception de nullité prise du non-respect du principe du contradictoire et de la loyauté des débats résultant notamment des interventions du directeur du Centre National de Référence des Borrelia et du chef de service des maladies infectieuses et tropicales du centre hospitalier universitaire de Strasbourg, la cour d'appel, après avoir retenu que le respect des droits de la défense justifiait d'entendre les témoins déjà entendus en première instance au regard des éléments nouveaux invoqués par la défense en matière de lutte contre la maladie de Lyme, énonce que les droits de la défense se sont exercés dans le cadre d'un débat loyal respectant le principe du contradictoire ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a répondu sans insuffisance ni contradiction aux conclusions de la demanderesse, a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 313-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a déclaré Mme X... coupable d'escroquerie ;

"aux motifs que le délit d'escroquerie défini par l'article 313-1 du code pénal suppose notamment l'emploi de manoeuvres frauduleuses afin de tromper une personne physique ou morale pour ainsi la déterminer à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque ; que les éléments de l'enquête initiale, confortés par l'expertise judiciaire effectuée sur l'ordinateur du laboratoire dirigé par Mme X... ont mis en évidence que cette dernière a systématiquement utilisé le test Elisa mis au point par le laboratoire Biomérieux de façon non conforme aux préconisations du fabriquant, et ce en abaissant volontairement et faussement son seuil de positivité pour le rendre équivoque dans tous les cas et justifier ainsi la réalisation systématique du test Western Blot, lequel ne pouvait être pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie qu'en cas de positivité réelle du premier test, et ce en violation de l'arrêté du 26 novembre 1999 comme du guide de bonne exécution des analyses de biologie médicale ; que même si elle dit s'inscrire dans une démarche éthique, pour le bien des patients et de la santé publique, Mme X..., qui n'ignorait rien de la nomenclature de la caisse primaire d'assurance maladie, n'a jamais contesté avoir abaissé faussement le taux de positivité du test Elisa afin de déterminer cet organisme à prendre en charge le coût du test de contrôle Western Blot ; que l'élément matériel du délit est donc ainsi constitué ; que Mme X... fait plaider sa relaxe pour défaut d'élément moral au motif que, selon elle, le test Elisa est peu fiable et sous-estime le taux d'infestation réel de la population à la maladie de Lyme, ajoutant que sa façon de pratiquer lui permettait de diagnostiquer des maladies de Lyme qui seraient passées inaperçues et n'auraient pas été traitées ; que pour autant, outre le fait que Mme X... avait la possibilité d'informer ses clients en les laissant libres ou non de supporter eux-mêmes le coût du Western Blot qu'elle préconisait, il apparaît que c'est de manière parfaitement unilatérale et sans avoir diffusé ses théories dans le monde scientifique, que Mme X... s'est affranchie des préconisations des fabricants mais aussi des règles de bonnes pratiques, et ce en contradiction avec la nomenclature des actes de biologie médicale ; que l'élément intentionnel du délit est donc aussi constitué ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré Mme X... coupable d'escroquerie au préjudice de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin ;

"1°) alors que l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme impose aux Etats de mettre en place des mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de sa juridiction et de protéger la vie des individus contre le risque de maladie ; qu'a méconnu le sens et la portée de ce texte la cour d'appel qui a déclaré la demanderesse coupable d'escroquerie au préjudice de la caisse primaire d'assurance maladie, lorsque l'abaissement du seuil de positivité du test Elisa, prétendument constitutif d'une escroquerie, n'avait pour but que de pallier à son absence de fiabilité, notoirement connue et dénoncée, aux fins de mieux détecter et traiter les patients atteints de la maladie de Lyme ;

"2°) alors qu'un mensonge, même produit par écrit, ne peut constituer une manoeuvre frauduleuse s'il n'y est joint aucun fait extérieur ou acte matériel, aucune mise en scène ou intervention d'un tiers destinés à donner force et crédit à l'allégation mensongère ; qu'en déclarant Mme X... coupable d'escroquerie pour avoir abaissé faussement le taux de positivité du test Elisa afin de le rendre positif ou équivoque lorsqu'il ne l'était pas et de déterminer ainsi la caisse primaire d'assurance maladie à prendre en charge le coût du test de contrôle Western Blot, sans caractériser d'éléments extérieurs de nature à donner force et crédit à ce mensonge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"3°) alors qu'en outre, la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de répondre au moyen de défense faisant valoir que le fabricant du test Elisa préconisait lui-même d'effectuer ce test avec le seuil le plus sensible possible, en fonction du stade d'évolution clinique, suivi d'un test Western Blot ;

"4°) alors que la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de répondre au moyen de défense faisant valoir que le fabricant du test Elisa indiquait lui-même que le résultat de son test ne permet pas d'établir ou de réfuter de façon définitive le diagnostic d'une maladie de Lyme, les taux d'anticorps de 50 % des sujets malades restant inférieurs au seuil de détection" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 313-1 du code pénal, L. 6211-2 et L. 6211-9 du code de la santé publique, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a déclaré Mme X... coupable d'escroquerie ;

"aux motifs que le délit d'escroquerie défini par l'article 313-1 du code pénal suppose notamment l'emploi de manoeuvres frauduleuses afin de tromper une personne physique ou morale pour ainsi la déterminer à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque ; que les éléments de l'enquête initiale, confortés par l'expertise judiciaire effectuée sur l'ordinateur du laboratoire dirigé par Mme X... ont mis en évidence que cette dernière a systématiquement utilisé le test Elisa mis au point par le laboratoire Biomérieux de façon non conforme aux préconisations du fabriquant, et ce en abaissant volontairement et faussement son seuil de positivité pour le rendre équivoque dans tous les cas et justifier ainsi la réalisation systématique du test Western Blot, lequel ne pouvait être pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie qu'en cas de positivité réelle du premier test, et ce en violation du l'arrêté du 26 novembre 1999 comme du guide de bonne exécution des analyses de biologie médicale ; que même si elle dit s'inscrire dans une démarche éthique, pour le bien des patients et de la santé publique, Mme X..., qui n'ignorait rien de la nomenclature de la caisse primaire d'assurance maladie, n'a jamais contesté avoir abaissé faussement le taux de positivité du test Elisa afin de déterminer cet organisme à prendre en charge le coût du test de contrôle Western Blot ; que l'élément matériel du délit est donc ainsi constitué ; que Mme X... fait plaider sa relaxe pour défaut d'élément moral au motif que, selon elle, le test Elisa est peu fiable et sous-estime le taux d'infestation réel de la population à la maladie de Lyme, ajoutant que sa façon de pratiquer lui permettait de diagnostiquer des maladies de Lyme qui seraient passées inaperçues et n'auraient pas été traitées ; que pour autant, outre le fait que Mme X... avait la possibilité d'informer ses clients en les laissant libres ou non de supporter eux-mêmes le coût du Western Blot qu'elle préconisait, il apparaît que c'est de manière parfaitement unilatérale et sans avoir diffusé ses théories dans le monde scientifique, que Mme X... s'est affranchie des préconisations des fabricants mais aussi des règles de bonnes pratiques, et ce en contradiction avec la nomenclature des actes de biologie médicale ; que l'élément intentionnel du délit est donc aussi constitué ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré Mme X... coupable d'escroquerie au préjudice de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin ;

"1°) alors que les dispositions de l'article L. 6211-2 du code de la santé publique, qui définit l'examen de biologie médicale, consacrent la prérogative du biologiste d'interpréter les résultats de l'analyse à laquelle il procède ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de répondre au moyen péremptoire de défense qui faisait valoir que c'est dans le respect de ses prérogatives, de sa mission et de sa déontologie que Mme X... avait procédé aux examens appropriés imposés par les patients qui lui étaient soumis ;

"2°) alors que la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de répondre au moyen péremptoire de défense qui faisait valoir que les dispositions de l'article L. 6211-9 du code de la santé publique, qui consacrent la notion de guide de bonnes pratiques, confèrent un large pouvoir d'interprétation au biologiste, de sorte que c'est dans le respect de ses prérogatives que Mme X... a procédé aux examens et analyses appropriés des sujets" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour confirmer le jugement et déclarer la prévenue coupable d'escroquerie, l'arrêt relève que Mme X... a abaissé volontairement et faussement le seuil de positivité du test Elisa en le rendant équivoque afin de justifier la réalisation systématique du test Western Blot et déterminer la caisse d'assurance primaire d'assurance maladie à prendre en charge le coût de celui-ci ; que les juges ajoutent que, tout en ayant la possibilité d'informer ses clients en les laissant libres ou non de supporter eux-mêmes le coût du Western Blot, c'est de manière parfaitement unilatérale et sans avoir diffusé ses théories relatives à l'absence de fiabilité du test Elisa dans le monde scientifique, qu'elle s'est affranchie des préconisations des fabricants mais aussi des règles de bonnes pratiques, et ce en contradiction avec la nomenclature des actes de biologie médicale ; qu'ils relèvent qu'elle a agi en violation de l'arrêté du 26 novembre 1999 et du guide de bonne exécution des analyses de biologie médicale disposant que les biologistes doivent vérifier que les réactifs répondent à la réglementation en vigueur et sont employés selon le mode opératoire préconisé par le fabricant dans sa notice d'utilisation ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors qu'elle a caractérisé l'existence d'actes positifs consistant en la réalisation de tests de contrôle injustifiés, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'ou il suit que les moyens ne sauraient être retenus ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du code pénal, 1240 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a condamné Mme X... à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas Rhin la somme de 280 820,71 euros en réparation de son préjudice ;

"aux motifs propres que les premiers juges, ayant fait une juste appréciation du préjudice subi par la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin en raison des agissements de Mme X..., le jugement sera confirmé en toute ses dispositions civiles ; qu'il échet de condamner Mme X... à payer à cet organisme la somme complémentaire de 3 000 euros au titre des frais exposés pour les besoins de sa défense à hauteur de cour ;

"et aux motifs adoptés que par conclusions écrites et présentées à l'audience par Me Dominique C..., avocat au barreau de Strasbourg, la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin se constitue, partie civile, et demande de :
- condamner solidairement les prévenus à lui verser la somme de 280 820,71 euros augmentée des intérêts légaux à compter du prononcé de la décision à intervenir, en réparation du préjudice qu'il a subi,
- ordonner l'exécution provisoire de cette condamnation,
- condamner solidairement les prévenus au versement d'un montant de 5 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; qu'il y a lieu de déclarer recevable en la forme sa constitution de partie civile ; qu'il y a lieu de déclarer Mme X... seule et entièrement responsable du préjudice subi par la partie civile ; qu'il y a lieu de condamner Mme X... à lui payer :
- la somme de 280 820,71 euros à titre de dommages et intérêts,
- la somme de 4 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

"alors que si les juges du fond apprécient souverainement le préjudice causé par une infraction et le montant des dommages et intérêts attribués à celle-ci en réparation du préjudice résultant pour elle de l'infraction constatée, il en va différemment lorsque cette appréciation est déduite de motifs insuffisants, contradictoires ou erronés ; qu'en se bornant à confirmer le jugement condamnant la demanderesse à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin la somme de 280 820,71 euros en réparation de son préjudice, lorsque les premiers juges s'étaient bornés à rappeler les prétentions de la partie civile, et sans répondre aux conclusions régulièrement déposées par la défense qui faisaient valoir que l'estimation du préjudice réalisée par l'expert, supérieure à la somme initialement réclamée par la partie civile, procédait d'une extra-polation dont elle critiquait précisément la méthode de calcul, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs ne permettant pas de s'assurer qu'elle a accordé une réparation sans perte ni profit pour la victime" ;

Vu les articles 591 et 593 du code de procédure pénale, 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble les articles 2 et 3 du code de procédure pénale ;

Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour confirmer le jugement ayant condamné Mme X... à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin la somme de 280 820,71 euros en réparation de son préjudice, l'arrêt après avoir relevé que, selon l'expertise effectuée sur l'ordinateur du laboratoire, ce préjudice était de 144 817, 20 euros pendant la période de prévention, les faits postérieurs ayant généré un préjudice complémentaire portant à 218 127,60 euros le total du préjudice, relève que les premiers juges ont fait une juste appréciation de celui-ci ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans s'expliquer sur l'indemnisation du préjudice total à laquelle elle a condamné la prévenue et sans répondre aux conclusions présentées par celle-ci reprochant à l'expert d'avoir réalisé une estimation du préjudice supérieure à la somme initialement réclamée par la partie civile, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

II - Sur le pourvoi formé par le Conseil national de l'ordre des pharmaciens ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du code pénal, L. 4231-2 du code de la santé publique, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté le Conseil National de l'Ordre des Pharmaciens de ses demandes indemnitaires dirigées contre Mme X... ;

" aux motifs que « compte tenu de la relaxe de Mme X... concernant les faits de complicité, il n'y a pas lieu de la condamner à payer des dommages-intérêts au CNOP » ;

" alors que le Conseil National de l'Ordre des Pharmaciens peut, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession pharmaceutique ; qu'à ce titre, il est en particulier recevable à solliciter la réparation du préjudice matériel et moral résultant pour la profession de pharmacien de l'accomplissement par l'un de ses membres d'actes contraires aux bonnes pratiques et aux règles d'exercice de la profession ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme X... avait « systématiquement utilisé le test Elisa de façon non conforme aux préconisations du fabricant, et ce en abaissant volontairement et faussement son seuil de positivité pour le rendre équivoque dans tous les cas » ; qu'elle s'était ainsi « affranchie des préconisations des fabricants mais aussi des règles de bonnes pratiques » et qu'elle avait mené des « expérimentations en dehors de tout cadre réglementaire et sur des fondements scientifiques non éprouvés » ; que de tels comportements, consistant à fausser volontairement les résultats de tests de dépistage d'une maladie, et à communiquer aux patients des résultats volontairement erronés, portaient atteinte à l'intérêt collectif de la profession pharmaceutique ; qu'en déboutant néanmoins la Conseil National de l'Ordre des Pharmaciens, partie civile, de ses demandes indemnitaires dirigées contre Mme X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des textes visés au moyen" ;

Vu les articles L 4231-2 du code de la santé publique et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que le conseil national de l'ordre des pharmaciens a la possibilité d'exercer devant toutes les juridictions tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession pharmaceutique ;

Attendu que, selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour débouter le conseil national de l'ordre des pharmaciens de ses demandes en réparation de son préjudice, l'arrêt retient que Mme X... a fait l'objet d'une relaxe concernant les faits de complicité d'exercice illégal de la pharmacie reprochés à un co-prévenu ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si les faits d'escroquerie dont elle avait déclaré la prévenue coupable, ont causé un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs de la profession de pharmacien, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 14 décembre 2016, mais en ses seules dispositions ayant d'une part, fixé le préjudice subi par la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, à la somme de 280 820,71 euros, d'autre part, débouté le conseil national de l'ordre des pharmaciens de ses demandes en réparation de son préjudice, toutes autres dispositions étant maintenues,

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi ordonnée

Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale au profit de la CPAM du Bas Rhin ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale au profit du Conseil national de l'ordre des pharmaciens ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale au profit de Mme X... ;

Ordonne l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois octobre deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-81804
Date de la décision : 23/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 14 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 oct. 2018, pourvoi n°17-81804


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.81804
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