La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/10/2018 | FRANCE | N°17-30999

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 octobre 2018, 17-30999


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 4613-1 du code du travail, alors applicable ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que M. C... , salarié de la société Nexity B..., a présenté sa candidature, le 28 mai 2017, à la délégation du personnel du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ; que le scrutin s'est déroulé le 3 juillet 2017, M. C... n'ayant pas été élu ; que contestant la candidature de M. C... au motif que les fonctions de ce dernier l'assimilaient à l'e

mployeur, la société Nexity B... a saisi le tribunal d'instance le 13 mai 2017 ;

Att...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 4613-1 du code du travail, alors applicable ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que M. C... , salarié de la société Nexity B..., a présenté sa candidature, le 28 mai 2017, à la délégation du personnel du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ; que le scrutin s'est déroulé le 3 juillet 2017, M. C... n'ayant pas été élu ; que contestant la candidature de M. C... au motif que les fonctions de ce dernier l'assimilaient à l'employeur, la société Nexity B... a saisi le tribunal d'instance le 13 mai 2017 ;

Attendu que pour débouter l'employeur de sa demande d'annulation, le tribunal d'instance retient, d'une part, que la loi ne pose aucune condition particulière pour se porter candidat aux élections des membres du CHSCT, et d'autre part, que le salarié qui n'a aucune autonomie ou pouvoir pour prendre une décision engageant les agences dont il a la responsabilité, qui ne siège pas au comité de direction, et qui n'a ni pouvoir de décision ni moyens financiers et disciplinaires suffisants pour que la qualité d'employeur puisse être retenue le concernant, pouvait se porter candidat aux élections pour la désignation des membres du CHSCT ;

Attendu cependant que ne peuvent exercer un mandat de représentation, y compris devant le CHSCT, les salariés qui, soit disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise, soit représentent effectivement l'employeur devant les institutions représentatives du personnel ;

Qu'en statuant comme il a fait, alors qu'un salarié assimilé à l'employeur ne peut être éligible à la délégation du personnel du CHSCT, et qu'il lui appartenait de déterminer si, en sa qualité de directeur de plusieurs agences et au regard de la délégation écrite d'autorité dont il disposait, le salarié exerçait tout ou partie du pouvoir disciplinaire au sein de l'agence, ou pouvait être amené à représenter l'employeur devant les institutions représentatives du personnel, le tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 30 novembre 2017, entre les parties, par le tribunal d'instance de [...] ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Paris, autrement composé ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Nexity B....

Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR débouté la société Nexity B... de sa demande tendant à voir annuler la candidature de M. Laurent C... à l'élection des représentants du personnel au sein du CHSCT de l'Ues Nexity B... qui s'est tenue le 3 juillet 2017 et validé la candidature de ce dernier à cette élection.

AUX MOTIFS QUE sur l'éligibilité de M. Laurent C... pour les élections au CHSCT, la société Nexity B... soutient qu'être éligible et donc candidat à un mandat de représentant du personnel suppose d'être électeur ; qu'or ce principe qui s'applique pour les élections du Comité d'entreprise et des délégués du personnel, ne s'applique pas pour l'élection des membres du CHSCT, car la loi ne pose aucune condition particulière pour s'y porter candidat ; que les conditions prévues à l'article 8.2 du protocole préélectoral pour les élections des membres du comité d'entreprise et des délégués du personnel et visant les articles L 2314-15, L 2314-16 du code du travail ne sont donc pas applicables ; que d'ailleurs la société Nexity B... dans son appel à candidature du 23 juin 2017 rappelait « que tout salarié travaillant à la date du scrutin au sein d'une des sociétés de l'Ues Nexity B... peut être candidat » ; qu'en outre la société Nexity B... ne démontre pas que M. Laurent C... réunit les conditions permettant de l'assimiler au chef d'entreprise ; qu'il résulte de l'article L 3111-2 du code du travail que sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiés des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et percevant une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou l'établissement ; qu'en l'espèce, M. C... qui n'a aucune autonomie ou pouvoir pour prendre une décision engageant les agences dont il a la responsabilité, ne réunit pas les 3 critères posés de manière cumulative par la loi ; que M. C... , qui se situe en-dessous du Directeur Réseau, ne siège pas au comité de direction de la société Nexity B... ; qu'il résulte des échanges de courriels avec M. Z... directeur de région, que M C... reçoit de ce dernier des instructions précises et permanentes ; qu'ainsi le 22 juin 2017 il a référé à son directeur de région pour faire un cadeau à la femme de ménage, et les contrats concernant la gestion du personnel sont signés de la Directrice des Ressources Humaines ; que de même la délégation de pouvoirs et signatures qu'il a signée le 4 novembre 2015 ne confère pas à M. C... la qualité d'employeur, faute pour ce dernier de réunir les critères fixés par la jurisprudence, à savoir l'autorité, la compétence et les moyens nécessaires pour veiller à l'application de la réglementation ; qu'il ne dispose en effet ni d'un pouvoir de décision, ni de moyens financiers et disciplinaires suffisants pour que la qualité d'employeur puisse être retenue le concernant ; que de plus, M C... a refusé de signer en juin 2017 les nouvelles délégations de pouvoirs qui lui étaient présentées ; qu'en outre M. C... , qui souhait se présenter aux élections prud'homales en qualité d'employeur, s'est vu refuser le 8 septembre 2017 par la société Nexity B... l'attestation de l'employeur par lequel il devait être précisé qu'il devait être détenteur d'une délégation d'autorité permettant de l'assimiler à l'employeur, au motif qu'il avait refusé de signer la nouvelle délégation de pouvoirs ; qu'enfin, M. Laurent C... n'apparaît pas sur l'extrait K bis de la société Nexity B..., au sein de laquelle il n'est titulaire d'aucun mandat social ; que dès lors, M. Laurent C... , qui n'a pas les pouvoirs du chef d'entreprise, et qui était salarié de la société au moment des élections, pouvait se porter candidat aux élections du 3 juillet 2017 pour la désignation des représentants salariés au CHSCT ; que sur la demande concernant les frais irrépétibles, en engageant cette action en contestation de la validité de la candidature de M. Laurent C... à l'élection des membres du CHSCT du 3 juillet 2017, la société Nexity B... a contraint ce dernier à engager des frais pour assurer la défense de ses intérêts, qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ; que dès lors la société Nexity B... sera condamnée à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

1) ALORS QUE les salariés assimilés à l'employeur soit en raison d'une délégation écrite d'autorité soit parce qu'ils représentent effectivement l'employeur devant les institutions représentatives du personnel ne peuvent être désignés représentant des salariés au CHSCT par le collège désignatif de cette instance ; qu'en affirmant qu'il suffisait d'être salarié de l'entreprise pour se présenter aux suffrages du collège désignatif du CHSCT, sans qu'aucune incompatibilité puisse être opposée, le tribunal d'instance a violé les articles L 3111-2 et L 4613-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable.

2) ALORS QU'en tout état de cause, dans sa requête (p. 3, § 2, al. 3), la société Nexity B... avait fait valoir qu'en application de l'article 6 de son contrat de travail, M. C... , directeur de groupe d'agences, a « la qualité de cadre dirigeant », avec l'autonomie, l'indépendance, le niveau de responsabilité et de rémunération afférents, celui-ci bénéficiant à la fois d'une rémunération fixe et variable liée à la réalisation d'objectifs annuels ; qu'en effet, aux termes du descriptif général de sa mission, figurant en annexe de son contrat de travail, M. C... est, notamment, chargé de prendre en charge les agences dont il a la responsabilité sur les aspects techniques, commerciaux, économiques et sociaux, d'en assurer la pérennité « de manière autonome », dans la limite des intérêts et des directives de la société, de manager et d'animer l'ensemble du personnel de la structure, d'assurer le développement commercial des structures placées « sous sa responsabilité », de gérer de manière autonome les budgets et de contrôler l'exécution des opérations conformément aux mandats confiés ; qu'en se bornant à affirmer que la société Nexity B... ne démontrait pas que M. C... réunissait les conditions permettant de l'assimiler au chef d'entreprise et qu'en particulier il ne réunissait pas les critères posés par l'article L 3111-2 du code du travail pour prétendre à la qualité de cadre dirigeant sans même justifier en quoi le salarié, directeur de groupe d'agences, ne disposerait pas, en dépit des dispositions contraires précitées de son contrat de travail le prévoyant, d'une autonomie et des pouvoirs pour prendre une décision engageant les agences dont il a la responsabilité ainsi que d'une rémunération se situant parmi les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou l'établissement constitué par ces agences, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 4613-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, de l'article L 3111-2 dudit code ainsi que des articles 1103 et 1353, anciennement 1134 et 1315, du code civil.

3) ALORS QU'aux termes de l'article 2, intitulé « pouvoirs et obligations délégués », de la délégation de pouvoirs consentie le 4 novembre 2015 par le directeur de la région Est de la société Nexity B..., M. A..., à M. C... , en sa qualité de directeur du groupe agences dénommé Nord Alsace, il était délégué à ce dernier tous pouvoirs et autorité nécessaires au plein exercice de ses fonctions et M. A... s'engageait à lui allouer annuellement les moyens indispensables par les dotations budgétaires dont la responsabilité lui était confiée ; que, de plus, cet article de la délégation de pouvoirs précisait, en particulier, que pour permettre à M. C... d'être en totale mesure d'assurer le respect de ses obligations légales, législatives et réglementaires, en matière, notamment, de législation du travail, de sécurité et d'hygiène des travailleurs et de prévention des accidents du travail, outre de celles régissant l'activité de gestion de biens, de syndic de copropriété et de transaction, il lui était conféré les pouvoirs lui permettant de disposer, dans les domaines concernés, « d'une totale autonomie de décision et de tous les pouvoirs directs et indirects de direction, de contrôle et de sanction » ; que le document intitulé « pouvoirs de représentation et de signature » en date également du 4 novembre 2015 confirmait l'étendue de ces pouvoirs ; qu'en affirmant néanmoins que par la délégation de pouvoirs et signatures que M. C... avait signée le 4 novembre 2015, celui-ci ne disposait ni d'un pouvoir de décision, ni de moyens financiers et disciplinaires suffisants pour que la qualité d'employeur puisse être retenue le concernant, le tribunal d'instance a dénaturé la délégation de pouvoirs ainsi que le document intitulé « pouvoirs de représentation et signature » en date du 4 novembre 2015 et violé l'article 1103, anciennement 1134, du code civil.

4) ALORS QUE les conditions de la désignation au CHSCT doivent être remplies à la date du scrutin prévu pour cette désignation ; que le juge doit donc se placer à la date de ce scrutin pour apprécier si ces conditions sont ou non remplies ; qu'en retenant, pour débouter la société Nexity B... de sa demande tendant à l'annulation de la candidature de M. C... à l'élection des représentants du personnel au sein du CHSCT de l'Ues Nexity B... du 3 juillet 2017, que M. C... , qui souhaitait se présenter aux élections prud'homales en qualité d'employeur, s'était vu refusé le 8 septembre 2017 par l'exposante l'attestation de l'employeur par lequel il devait être précisé que le salarié devait être détenteur d'une délégation d'autorité permettant de l'assimiler à l'employeur, dès lors qu'il avait refusé de signer la nouvelle délégation de pouvoirs, le tribunal d'instance, qui s'est ainsi placé à une date postérieure au scrutin pour apprécier les conditions de validité de la candidature de M. C... à l'élection des représentants du personnel au CHSCT de l'Ues Nexity B..., a violé l'article L 4613-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-30999
Date de la décision : 17/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Paris 8ème, 30 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 oct. 2018, pourvoi n°17-30999


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.30999
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award