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17/10/2018 | FRANCE | N°16-25437

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 octobre 2018, 16-25437


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., engagé, en qualité de consultant, le 26 décembre 2000, par la société Gentech, absorbée par la société Altran CIS aux droits de laquelle vient la société Altran technologies, a été élu délégué du personnel en 2003 et désigné, en 2016, délégué syndical du groupe Altran ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ; que le syndicat CGT Force ouvrière du personnel des organismes sociaux divers et divers de la région parisienne est inter

venu à l'instance ;

Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche :

Atte...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., engagé, en qualité de consultant, le 26 décembre 2000, par la société Gentech, absorbée par la société Altran CIS aux droits de laquelle vient la société Altran technologies, a été élu délégué du personnel en 2003 et désigné, en 2016, délégué syndical du groupe Altran ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ; que le syndicat CGT Force ouvrière du personnel des organismes sociaux divers et divers de la région parisienne est intervenu à l'instance ;

Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa sixième branche :

Vu l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu que, pour condamner la société Altran technologies à payer au salarié les intérêts au taux légal courant, à compter du 26 octobre 2011, sur la somme de 14 023,40 euros due au titre d'un rappel de prime sur les heures de délégation pour la période allant du mois de novembre 2012 au mois de mai 2016 et sur la somme de 1 402,34 euros due au titre des congés payés afférents à ce rappel, l'arrêt retient que conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, la condamnation au titre du rappel de salaire sera assortie de ces intérêts à compter de la réception par cette société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, soit le 26 octobre 2011 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, le 26 octobre 2011, lesdites sommes n'étaient pas exigibles, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

Attendu que, pour retenir l'existence d'une discrimination syndicale à l'égard du salarié et condamner la société Altran technologies à lui payer la somme de 170 432 euros en réparation du préjudice financier subi à ce titre ainsi que fixer la rémunération mensuelle de celui-ci à la somme de 5 277 euros, l'arrêt entérine le panel de comparaison proposé par le salarié en retenant que ce panel regroupe treize salariés se trouvant dans une situation comparable à la sienne pour avoir été recrutés dans les douze mois ayant précédé ou suivi sa propre embauche ;

Qu'en statuant ainsi, alors que M. Y... a été engagé le 26 décembre 2000 et que ce panel, qui figure sur la pièce n° 9 annexée aux conclusions d'appel de M. Y..., inclut M. Z... pour lequel il y est mentionné, comme date d'entrée dans l'entreprise, le « 12/06/97 », la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ce document, a violé le principe susvisé ;

Et attendu que la critique du moyen ne vise pas le chef du dispositif relatif au rappel de prime sur les heures de délégation et de droits à congés payés afférents au titre de la période allant du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2012, que la cassation à intervenir ne permet pas d'atteindre ;

Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen emporte, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif critiqués par le deuxième et le troisième moyens ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il assortit la somme de 14 023,40 euros, due au titre de la prime sur les heures de délégation sur la période allant du mois de novembre 2012 au mois de mai 2016, et la somme de 1 402,34 euros, due au titre des congés payés afférents à ce rappel de prime, des intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2011, en ce qu'il condamne la société Altran technologies à payer à M. Y... les sommes de 170 432 euros en réparation du préjudice financier subi au titre de la discrimination syndicale, de 150 000 euros en réparation du préjudice moral au titre du harcèlement moral et de la discrimination syndicale, en ce qu'il fixe le salaire mensuel de M. Y... à un montant de 5 277 euros et en ce qu'il condamne ladite société à payer au syndicat CGT Force ouvrière du personnel des organismes sociaux divers et divers de la [...] euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 7 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne les défendeurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Altran technologies.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Société ALTRAN TECHNOLOGIES à payer à M. Y... la somme de 170 432 euros en réparation du préjudice financier subi au titre de la discrimination salariale et d'AVOIR ordonné à la Société ALTRAN TECHNOLOGIES de repositionner M. Y... avec un salaire mensuel fixe de 5277 euros et d'AVOIR condamné la Société ALTRAN TECHNOLOGIES à payer à M. Y... les sommes de 10027,05 euros au titre de la prime sur les heures de délégation, outre les congés payés afférents, 14023,40 au titre de la prime sur les heures de délégation sur la période de novembre 2012 à mai 2016, outre les congés payés afférents, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2011 ;

AUX MOTIFS QUE : « Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'action, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales. L'article L. 2141-5 du code du travail interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail. Selon l'article L. 1134-1 du code du travail, en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. En l'espèce, Monsieur Gaétan Y... invoque les faits suivants : Alors qu'il occupe depuis plusieurs années les fonctions syndicales au sein de l'entreprise, l'évolution de son salaire par rapport à celui d'un panel constitué de salariés dans une situation comparable à la sienne fait apparaître que la quasi-totalité de ceux-ci bénéficie d'un salaire supérieur au sien. Il fait valoir également que, depuis 2012, son employeur lui a versé une prime sur objectifs calculée uniquement sur les heures de mission et non sur les heures de délégation. Pour étayer ses affirmations, Monsieur Gaétan Y... produit notamment un tableau reprenant l'évolution du salaire fixe mensuel des salariés du panel année par année depuis 2009 ainsi qu'un tableau qui reprend l'évolution du salaire annuel total, incluant le variable, des salariés de ce panel année par année depuis 2009. La SA ALTRAN TECHNOLOGIE répond que le panel de salarié choisi par Monsieur Y... n'est absolument pas représentatif et ne permet pas une comparaison avec des salariés placés dans une situation similaire, notamment par ce que deux des salariés qui y figurent n'exercent pas les fonctions de consultant, que six d'entre eux n'ont pas été embauchés en 2000, que l'un d'eux a quitté la société. La SA ALTRAN TECHNOLOGIE produit aux débats un panel constitué de salariés occupant, comme Monsieur Y... des fonctions de consultant senior engagés au cours de l'année 2000. Le panel proposé par Monsieur Gaétan Y... regroupe 13 salariés se trouvant dans une situation comparable à la sienne pour avoir été recrutés dans les douze mois ayant précédé ou suivi sa propre embauche et qui, en janvier 2009 occupaient comme lui des fonctions de consultant niveau 3.1. Les montants de rémunération de ces salariés sont ceux qui résultent des documents communiqués par l'employeur. Il n'y a pas lieu d'écarter de ce panel, comme étant dans une situation non comparable à celle de Monsieur Y..., les salariés qui ont ultérieurement changé de fonction ou quitté l'entreprise. S'agissant du panel proposé par l'employeur, il ne mentionne la rémunération de base annuelle de ses membres que pour les années 2011 à 2015, et se présente sous forme de tableaux non corroborés par des éléments objectifs tels que les contrats de travail et les bulletins de salaire de ses membres établissant la date de leur entrée dans l'entreprise, leur qualification, le montant de leur rémunération et l'évolution de cette dernière. L'examen des rémunérations des différents membres du panel, placés à l'origine dans une situation identique à celle de l'appelant, fait apparaître que, s'agissant du salaire mensuel fixe, un seul de ces salariés perçoit en 2015 un salaire inférieur à celui de Monsieur Gaétan Y..., et que le salaire mensuel de ce dernier est, en 2015, inférieur au salaire mensuel moyen des membres du panel. De même l'examen du montant de la rémunération annuelle brute des membres du panel révèle, là encore, que Monsieur Gaétan Y... a perçu en 2015 une rémunération annuelle inférieure de plus de 21 000 euros à la rémunération moyenne annuelle des membres du panel. Ainsi les éléments présentés par Monsieur Gaétan Y... font apparaître que sa situation en terme de rémunération a été, au cours des années 2009 à 2015, en-deçà de celles des salariés ayant une situation comparable à la sienne. Par ailleurs, il est constant que l'employeur n'a pas versé à Monsieur Gaétan Y... la prime sur objectifs qu'elle verse à l'ensemble des consultants seniors à l'occasion des missions internes, au titre des heures de délégation prises par M Y..., alors que l'exercice de mandat représentatif ne peut avoir aucune incidence défavorable sur la rémunération du salarié, de sorte que Monsieur Gaétan Y... aurait dû percevoir, au titre de la prime précitée, une somme fixée en tenant compte de la totalité de ses heures d'activité, qu'elles soient de production ou de délégation. Eu égard aux fonctions syndicales occupées par le salarié, l'ensemble de ces éléments laisse supposer l'existence d'une discrimination prenant sa source dans l'appartenance syndicale et l'exercice de fonctions syndicales de Monsieur Gaétan Y.... Il revient donc à la SA ALTRAN TECHNOLOGIE de prouver que ses décisions quant à la rémunération de Monsieur Gaétan Y... sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La SA ALTRAN TECHNOLOGIE ne démontre pas que le différentiel de rémunération entre la moyenne de celle du panel et le montant de la rémunération de Monsieur Gaétan Y... est objectivement justifié, pas plus qu'elle ne démontre que le défaut de prise en compte des heures de délégation dans le calcul de la prime variable, fait non contesté par l'employeur, est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. En conséquence, la discrimination est établie. Le jugement sera infirmé. En l'absence de toute contestation quant au montant de la prime sur objectifs afférents aux heures de délégation pour la période du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2012, au vu du taux de celle-ci et du nombre d'heures de délégation effectuées par Monsieur Gaétan Y... sur cette période, le montant dû par l'employeur au salarié est de 10 027,05 euros, somme que la SA ALTRAN TECHNOLOGIE sera condamnée à payer en deniers ou quittance. Il y sera ajouté la somme de 1002,70 euros au titre des congés payés afférents. S'agissant de la période postérieure, c'est-à-dire du mois de novembre 2012 au mois de mai 2016, dont le salarié demande la prise en compte, la SA ALTRAN TECHNOLOGIE indique que Monsieur Y... ne justifie pas d'un avenant de rémunération variable. Il est constant que le salarié a perçu de 2009 à 2011 des primes sur objectifs dont le montant a été arrêté par divers avenants à son contrat de travail, dont le dernier en date, à effet du 1er janvier 2011, précise que les modalités de détermination des primes seront examinées et réajustées par la société à la date anniversaire de sa signature. La SA ALTRAN TECHNOLOGIE ne justifie pas que ces modalités ont été examinées depuis lors. En conséquence, c'est sur la base de ce dernier avenant que doit être calculée la prime sur le chiffre d'affaires et il appartient à l'employeur de justifier du versement de la prime due. En conséquence, la SA ALTRAN TECHNOLOGIE sera condamnée à payer à Monsieur Y..., au titre de la prime afférente aux heures de délégation la somme de 14 023,40 euros outre 1402,34 euros au titre des congés payés afférents. Du fait de la discrimination dont il a été l'objet, Monsieur Gaétan Y... n'a pas perçu la rémunération à laquelle elle pouvait prétendre et la SA ALTRAN TECHNOLOGIE doit réparer dans sa totalité le préjudice financier qui en découle. Ce préjudice est constitué d'une part de la différence entre ce qu'il aurait dû percevoir s'il n'avait pas été discriminé et ce qu'il a effectivement perçu, et d'autre part de l'incidence de l'insuffisance de rémunération sur le montant de la retraite et des avantages dérivés du salaire, incidence qui peut être calculée à 30 % de la rémunération de base. Au regard de la rémunération annuelle moyenne des membres du panel, calculée année par année, le différentiel de salaire sur la période de janvier 2009 à mai 2016 est de 131 102 euros. En tenant compte de la majoration de 30%, le préjudice financier subi par Monsieur Gaétan Y... est de 170 432 euros, somme que la SA ALTRAN TECHNOLOGIE sera condamnée à lui payer. La SA ALTRAN TECHNOLOGIE devra, pour rétablir Monsieur Gaétan Y... dans ses droits, le repositionner de telle manière que, pour l'avenir, son salaire soit celui qu'il aurait dû percevoir en l'absence de discrimination. Sur la base du salaire mensuel moyen du panel qui détermine le montant du salaire auquel Monsieur Gaétan Y... devait être rémunéré s'il n'avait pas été discriminé, il sera ordonné à la SA ALTRAN TECHNOLOGIE de le repositionner avec un salaire mensuel fixe de 5277 euros ».

1) ALORS QUE, en affirmant, pour dire qu'il n'y avait lieu d'écarter le panel produit par M. Y... aux débats (pièce n° 9 de M. Y... en appel), que ledit panel regroupait 13 salariés se trouvant dans une situation comparable à la sienne pour avoir été recrutés dans les douze mois ayant précédé ou suivi sa propre embauche le 26 décembre 2000, quand il ressortait dudit panel que parmi les 13 salariés, figurait M. Olivier Z... engagé le 12 juin 1997, et ce faisant, qui n'avait pas été embauché dans les 12 mois précédant ou suivant l'embauche de M. Y..., la cour d'appel, qui a dénaturé cette pièce déterminante, a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble le principe suivant lequel il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

2) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, en affirmant qu'il résultait du panel produit par M. Y... que l'ensemble des 13 salariés y figurant avaient été embauchés dans les douze mois ayant précédé ou ayant suivi l'embauche de M. Y... le 26 décembre 2000 quand il résultait pourtant dudit panel que M. Olivier Z..., avec lequel M. Y... se comparait, avait été embauché le 12 juin 1997, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

3) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE, il résultait du panel de comparaison des rémunérations versé aux débats par M. Y... que M. Olivier Z..., dont la rémunération est la plus élevée du panel, a été engagé le 12 juin 1997 et ce faisant, n'était pas dans une situation comparable à celle de M. Y... ; qu'en entérinant, pour calculer le préjudice subi par M. Y... et fixer son salaire de référence, la rémunération mensuelle moyenne annuelle et mensuelle calculée par M. Y... au regard de l'ensemble des membres du panel, dont M. Z..., qui n'était pourtant pas dans une situation comparable, la cour d'appel a violé l'article L. 1134-5 du code du travail ;

4) ALORS AU SURPLUS QUE, dans ses écritures, la Société ALTRAN TECHNOLOGIES avait encore soutenu et démontré que MM. Z... et A... n'exerçaient plus les fonctions de consultant mais celles de System Architect, ce qui justifiait que leur rémunération ait été, en 2015, plus élevée que les autres membres du panel et ne pouvait être prise en compte pour calculer le préjudice subi par M. Y... et fixer son salaire de référence ; qu'en se bornant à entériner les calculs de M. Y... fondés sur la rémunération de l'ensemble des membres du panel en 2015 sans rechercher si M. Y... aurait effectivement pu obtenir une rémunération comparable à celle de MM. Z... et A... qui exerçaient des fonctions différentes, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 1134-5 du code du travail ;

5) ALORS EN OUTRE QUE, en condamnant la Société ALTRAN TECHNOLOGIES à verser à M. Y... la somme de 10027,05 euros, outre les congés payés afférents, après avoir constaté, et tel que les premiers juges l'ont relevé, que la Société ALTRAN TECHNOLOGIES avait déjà payé par provision la somme de 5189,65 euros, la cour d'appel a violé l'article 1235 du code civil ;

6) ALORS ENFIN QUE, en condamnant encore la Société ALTRAN TECHNOLOGIES à verser à M. Y... la somme de 14023,40 euros au titre de la prime sur les heures de délégation sur la période de novembre 2012 à mai 2016, outre les congés payés afférents, le tout avec intérêt à taux légal à compter du 26 octobre 2011 alors qu'à cette date, la prime sur les heures de délégation pour les années 2012 à 2016 n'était pas encore due, la cour d'appel a violé l'article 1153 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Société ALTRAN TECHNOLOGIES à payer à M. Y... la somme de 150 000 euros en réparation du préjudice moral subi au titre du harcèlement moral et de la discrimination syndicale ;

AUX MOTIFS QUE : « Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. L'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. En l'espèce, Monsieur Gaétan Y... invoque notamment les faits suivants : une absence d'affectation à des missions chez un client alors qu'il est consultant, et un très petit nombre de propositions de mission. Monsieur Gaétan Y... a été recruté pour exercer des fonctions de consultant et il n'est pas contesté que depuis la fin de la mission INNOVATION LAB, en 2011, son employeur ne l'a pas affecté à une mission de consultant chez un client, et qu'il lui a confié, depuis le mois de septembre 2015 une mission interne. Il résulte des pièces versées aux débats que l'employeur n'a, au cours de cette période, proposé à son salarié que deux missions externes, la première au mois de septembre 2014 et la seconde au mois de novembre 2015, missions que l'intéressé a déclinées, ce dont il résulte que son employeur ne l'a pas affecté durant plusieurs années à des tâches qui étaient normalement les siennes et ne lui a proposé, depuis 2011, que deux missions correspondant à son métier de consultant, un délai de plus d'un an s'étant écoulé entre ces propositions. En conséquence, le salarié établit qu'alors qu'il est consultant, son employeur l'a laissé durant plusieurs années sans affectation à des fonctions correspondant à son emploi, et ne lui a fait que de très rares propositions de mission. Monsieur Y... fait valoir ajuste titre que l'absence de missions externes a une incidence sur son CV puisqu'il n'a aucune expérience professionnelle à faire valoir, ce qui peut avoir une incidence sur sa carrière future. L'ensemble de ces éléments ajoutés à la discrimination syndicale dont le salarié a été victime, permettent, de par leur caractère répété dans le temps, de la pluralité des agissements, et de leur incidence sur les conditions de travail du salarié, susceptibles de porter atteinte à ses droits ou de compromettre son avenir professionnel, de présumer l'existence d'un harcèlement moral. La SA ALTRAN TECHNOLOGIE à qui il revient de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, fait valoir que le travail qu'elle a confié à Monsieur Gaétan Y... été conforme à l'accord de groupe sur le dialogue social et le droit syndical aux termes duquel la direction demande à la hiérarchie d'adapter l'organisation du travail des représentants du personnel élus et/ou désignés pour prendre en compte le volume des temps alloués à ces représentants pour leur mandat, que Monsieur Y... était très pris par ses mandats et qu'elle a été dans l'impossibilité de l'affecter, postérieurement à 2011 à des missions compte tenu de son comportement obstructeur, mais ne démontre nullement que la non-affectation du salarié à des missions de consultant sur une période de plusieurs années résulte de l'impossibilité de lui confier des missions externes ou du refus injustifié de l'intéressé d'accepter de telles missions, puisque d'une part deux missions lui ont été offertes, ce qui démontre la compatibilité des tâches qu'elles supposent avec l'exercice de mandats, et d'autre part l'employeur » n'apporte pas de réponse pertinente aux observations du salarié selon lesquelles des deux missions envisagées ne correspondaient pas à son domaine de compétence technique. En conséquence, le harcèlement moral est avéré. Le jugement sera infirmé. Outre le préjudice matériel réparé par ailleurs, Monsieur Gaétan Y... a souffert, du fait du harcèlement moral et de la discrimination syndicale, un préjudice moral résultant notamment de la situation dévalorisante dans laquelle il a été placé, tant au plan de sa rémunération qu'au plan de ses activités, puisqu'il a été privé de celles constituant son coeur de métier. Compte-tenu de l'ensemble des éléments produits aux débats et de la durée des agissements constitutifs de harcèlement moral et de discrimination, la cour est en mesure d'évaluer le préjudice subi par Monsieur Gaétan Y... à la somme de 150 000 euros».

1) ALORS QUE, la cassation à intervenir du chef du premier moyen emportera, par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné la Société ALTRAN TECHNOLOGIES à payer à M. Y... la somme de 150 000 euros en réparation du préjudice moral subi au titre du harcèlement moral et de la discrimination syndicale ;

2) ALORS QUE, dans ses écritures, la Société ALTRAN TECHNOLOGIES avait soutenu et démontré, pièces à l'appui, d'une part, que l'affectation à des missions internes relevait de la fonction de consultant, et que les missions internes qui lui avaient été confiées portaient sur des domaines stratégiques et conformes à ses compétences ; qu'en affirmant de manière péremptoire que M. Y... établissait qu'alors qu'il était consultant, son employeur l'avait laissé durant plusieurs années sans affectation à des fonctions correspondant à son emploi, ce qui avait été préjudiciable pour sa carrière future, sans préciser quelles étaient les fonctions réellement exercées par un consultant et en quoi l'affectation à des missions internes aurait été contraire aux fonctions correspondant à son emploi ou encore auraient eu une incidence défavorable sur sa carrière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3) ALORS EN OUTRE QUE en entérinant les allégations de M. Y... suivant lesquelles l'absence de missions externes avait une incidence sur son CV sans réfuter les motifs des premiers juges lesquels avaient constaté que depuis 2008, M. Y... avait bénéficié de la mise en place d'un programme de formation personnalisé, élaboré en concertation avec lui et en cohérence avec son projet professionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

4) ALORS QUE, à l'appui de sa demande tendant à démontrer qu'il avait été victime de harcèlement moral, M. Y... s'était borné à faire valoir que son employeur ne lui avait plus confié de missions chez des clients, sans jamais pour autant faire valoir à cet égard qu'il avait subi une discrimination salariale ; qu'en retenant, que l'absence de mission chez le client ajoutée à la discrimination laissaient présumer l'existence d'un harcèlement, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

5) ALORS A TOUT LE MOINS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant, d'office, et sans provoquer préalablement les observations des parties à cet égard, que la discrimination salariale constituait un fait de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, après avoir indiqué que les conclusions des parties ont été soutenues oralement à l'audience et que les écritures de M. Y... relatives au harcèlement moral ne comportaient aucun moyen visant à faire valoir que la prétendue discrimination salariale dont il aurait été victime constituait un fait de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement, la cour d'appel, qui a soulevé ce moyen d'office, sans avoir préalablement recueilli les observations des parties à cet égard, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

6) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE la Société ALTRAN TECHNOLOGIES avait démontré, pièces à l'appui, d'une part, qu'elle avait, conformément à l'accord de groupe relatif au dialogue social et au droit syndical, été contrainte d'aménager le temps de travail de M. Y... afin de lui permettre d'exercer pleinement ses mandats, d'autre part, et sans jamais être contestée sur ce point, que les exigences des clients étaient difficilement compatibles avec la disponibilité particulièrement réduite de ce dernier qui réalisait 80 heures de délégation par mois, hors temps de déplacement, enfin, que M. Y... avait, à plusieurs reprises, refusé de faire part de ses disponibilités et refusait le transfert légal de son contrat de travail, autant d'éléments expliquant objectivement la difficulté pour la Société ALTRAN TECHNOLOGIES de proposer des missions externes à M. Y... ; qu'en se bornant à affirmer que la Société ALTRAN TECHNOLOGIES avait proposé deux missions externes à M. Y... et que celui-ci les avait refusées car elles ne correspondaient pas à ses compétences, sans se prononcer sur ces différents éléments précis et circonstanciés et sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les exigences des clients n'étaient pas incompatibles avec la disponibilité réduite de M. Y... et la nécessité d'assurer l'exercice effectif de son mandat et si l'affectation à des missions externes n'aurait pas porté atteinte à l'exercice de son mandat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

7) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, en se déterminant comme elle l'a fait, sans répondre aux écritures de la Société ALTRAN TECHNOLOGIES laquelle avait établi que la difficulté d'affecter M. Y... était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et tenant à la fois à l'incompatibilité entre les exigences des clients et sa disponibilité réduite, la nécessité d'aménager son temps de travail en application de l'accord de groupe relatif au dialogue social et au droit syndical mais encore à son comportement obstructeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

8) ALORS ENFIN QUE, en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que deux missions externes avaient été offertes à M. Y... en septembre 2014 et novembre 2015 ce qui démontrait la compatibilité des tâches avec l'exercice des mandats quand la Société ALTRAN TECHNOLOGIES avait démontré, sans être contestée, que l'affectation à des missions externes était rendue particulièrement difficile par la disponibilité réduite de M. Y... et non qu'elle était impossible, ce qui ressortait précisément de ces deux propositions effectuées à un an d'écart, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Société ALTRAN TECHNOLOGIES à payer au Syndicat CGT FO du personnel des organismes sociaux divers de la [...] euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE : « Ce syndicat fonde sa demande de dommages et intérêts sur les dispositions de l'article L. 2132-3 du code du travail. La SA ALTRAN TECHNOLOGIE répond que ce syndicat, à qui il appartient de démontrer le préjudice qu'il prétend avoir subi, ne développe pas la moindre argumentation au soutien de sa demande et sollicite la confirmation du jugement et le débouté de cette demande. Les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. Les faits de discrimination syndicale dont a été victime au premier chef Monsieur Gaétan Y... ont également causé un préjudice à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat CGT Force Ouvrière du personnel des organismes sociaux divers et divers de la Région Parisienne. La CGT-FO est donc fondée à intervenir à l'instance. La SA ALTRAN TECHNOLOGIE doit réparer le préjudice résultant de ses agissements fautifs, préjudice qui peut être évalué à la somme de 5000 euros.

1) ALORS QUE la cassation à intervenir du chef du premier et/ou du deuxième moyen emportera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il condamné la Société ALTRAN TECHNOLOGIES à payer au Syndicat CGT FO du personnel des organismes sociaux divers de la [...] euros à titre de dommages et intérêts ;

2) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE, en affirmant de manière péremptoire que les faits de discrimination syndicale dont a été victime M. Y... ont causé un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, sans caractériser le préjudice réel subi par le Syndicat CGT FO du personnel des organismes sociaux divers de la région parisienne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-25437
Date de la décision : 17/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 oct. 2018, pourvoi n°16-25437


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.25437
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