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11/10/2018 | FRANCE | N°17-23217

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 11 octobre 2018, 17-23217


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Vu les article L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales et 1315 devenu 1353 du code civil ;

Attendu qu'il appartient à la fondation ou l'association qui prétend bénéficier de l'exonération du versement de transport prévue par le premier des textes susvisés de prouver le caractère social de son activité ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par décision n° 2014-0259 du 22 mai 2014, le syndicat des tra

nsports de l'Ile-de-France (le STIF) a abrogé les trois décisions d'exonération du verseme...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Vu les article L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales et 1315 devenu 1353 du code civil ;

Attendu qu'il appartient à la fondation ou l'association qui prétend bénéficier de l'exonération du versement de transport prévue par le premier des textes susvisés de prouver le caractère social de son activité ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par décision n° 2014-0259 du 22 mai 2014, le syndicat des transports de l'Ile-de-France (le STIF) a abrogé les trois décisions d'exonération du versement de transport du 23 juin 1997 dont bénéficiaient l'association Auxilia (l'association) au motif que le caractère social des activités des établissements concernés n'était pas démontré ; que l'association a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour dire que la décision d'abrogation de l'exonération du versement de transport au bénéficie de l'association était nulle, l'arrêt retient que le syndicat ne précisait pas en quoi les conditions d'exonération du versement de transport n'étaient plus remplies au jour de la décision d'abrogation ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'association qui entendait conserver le bénéfice de l'exonération du versement de transport de rapporter la preuve du caractère social de l'activité de ses établissements, la cour d'appel, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y est lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne l'association Auxilia aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'association Auxilia et la condamne à payer au syndicat des transports d'Ile-de-France la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Y... , avocat aux Conseils, pour le syndicat des transports d'Ile-de-France

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué :

D'AVOIR dit que l'association Auxilia exerçait une activité à caractère social et répondait aux critères d'exonération de l'article L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales et D'AVOIR dit que l'exonération du versement de la taxe transport devait lui bénéficier

AUX MOTIFS QUE Sur l'illégalité de la décision du 22 mai 2014, le STIF relève que la décision litigieuse n'est pas illégale de sorte que ni la jurisprudence ni l'article L 242-1 du code des relations entre le public et l'administration ne sont applicables à la présente espèce ; qu'il ajoute qu'il est de jurisprudence constante que lorsqu'un acte administratif conférant un avantage est soumis à des conditions, il peut être abrogé si l'intéressé ne remplit plus les conditions auxquelles cet avantage est subordonné ou si l'administration modifie l'appréciation qui avait justifié son attribution et qu'en l'espèce, la décision du 22 mai 2014 n'ayant pas d'effet rétroactif, il ne faisait pas disparaître les effets passés de la situation antérieure ; qu'il expose que l'exonération du versement transport est subordonnée à la réalisation de trois conditions cumulatives, son bénéfice étant susceptible d'être remis en cause si une des conditions cesse d'être remplie ; que, selon lui, "l'Association Auxilia ne remplissait plus la condition liée au caractère social de l'activité telle que déterminée par la jurisprudence de la Cour de cassation" (page 9 de ses conclusions et souligné par la cour) et le fait qu'aucun changement ne soit intervenu, dans le fonctionnement de l'association, est sans incidence à cet égard ; qu'il plaide qu'ayant abrogé les trois décisions d'exonération du 23 juin 1997, sa décision unique du 22 mai 2014 n'est pas en contradiction avec la règle du parallélisme des formes et qu'il ne s'agit pas d'une abrogation partielle de l'exonération, contrairement à ce que soutient l'association ; que se référant à plusieurs arrêts de la Cour de cassation, le STIF estime que pour l'appréciation des conditions d'exonération du versement transport, il faut distinguer entre les établissements et les associations gestionnaires puisque seule l'activité de la ou des structures à l'origine de la demande d'exonération doit être examinée, peu important l'absence de personnalité morale des établissements ; que l'association ayant sollicité l'exonération du versement transport pour trois des établissements, il n'a commis aucune erreur de droit et sa décision ne contrevient pas aux dispositions de l'article L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales ; que l'association Auxilia réplique que la décision du STIF du 22 mai 2014 a abrogé l'exonération du versement transport sans qu'aucun changement ne soit intervenu dans son fonctionnement ; que le STIF n'allègue ni n'établit que la décision créatrice de droits du 23 juin 1997 est illégale et sa décision d'abrogation n'a pas été prise dans le délai de quatre mois, de sorte qu'il ne pouvait abroger la décision du 23 juin 1997 ; que l'association relève que selon le STIF, les conditions qui auraient changé ne résident pas dans une modification la concernant mais dans une modification de l'interprétation par le syndicat du caractère social de son activité ; que dans le premier cas, l'abrogation d'un acte individuel créateur de droit serait envisageable, et dans le second cas, la réglementation et la jurisprudence du Conseil d'État l'interdit ; qu'elle observe que la conséquence paradoxale de la confusion entretenue par le STIF serait qu'un acte entaché d'irrégularité ne pourrait être abrogé après quatre mois alors qu'un acte non entaché d'illégalité pourrait, lui, l'être à tout moment en fonction de l'évolution, de l'appréciation de l'administration ; qu'elle conclut donc que la juridiction judiciaire est pleinement compétente pour statuer sur le caractère illégal de l'abrogation d'un acte administratif illégal créateur de droit et souligne que l'abrogation de l'exonération de 1997, acte administratif unilatéral créateur de droit, est illégale et doit être annulée ; que subsidiairement, elle sollicite que la juridiction administrative soit saisie d'une question préjudicielle afin que la cour soit pleinement éclairée sur les conditions de légalité de l'abrogation d'un acte administratif individuel créateur de droits ; que la cour estime vaine la discussion de l'association sur le principe du parallélisme des formes entre les décisions d'octroi et d'abrogation litigieuses pour en tirer la conclusion qu'il s'agit d'une abrogation partielle, dès lors que, comme le STIF le soutient, les trois décisions d'exonération (une par établissement) du 23 juin 1997, ont été toutes trois abrogées expressément, le 22 mai 2014, quand bien même ce ne serait que par une seule et même décision ; que l'article L 2531-2 alinéa 1 du code général des collectivités territoriales, dispose que: "Dans la région d'Ile-de-France, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, è l'exception des fondations et associations reconnues d'utilité publique, à but non lucratif, dont l'activité est de caractère social, sont assujetties à un versement de transport lorsqu'elles emploient plus de neuf salariés ; que ce texte n'a pas été modifié entre 1997 et 2014 ; que le 23 juin 1997, le syndical des transports parisiens, devenu le STIF, a informé l'association Auxilia de ce que, en application des dispositions de l'article L2531-2 du code général des collectivités territoriales, elle était exonérée du versement de transport ; que la demande d'exonération formée par l'association, le 14 avril 1997, pour ses trois établissements, était fondée sur le caractère "absolument social" de son activité ; qu'aucune des parties ne conteste qu'il s'agit d'un acte administratif individuel créateur de droit et le STIF comme l'association Auxilia s'accordent à dire que cet acte n'est pas illégal ; que par conséquent, les conditions d'abrogation énoncées par l'arrêt du Conseil d'Etat du 6 mars 2009, dit arrêt Coulibaly, qui a jugé que ‘‘l'administration ne peut retirer ou abroger une décision expresse individuelle créatrice de droits que dans le délai de quatre mois suivant l'intervention de cette décision et si elle est illégale", ne sont pas applicables à la présente espèce ; qu' étant rappelé que le principe de sécurité juridique interdit à l'administration de remettre en cause discrétionnairement les droits acquis par le bénéficiaire d'un acte, il appartient au STIF de dire en quoi la situation de l'association Auxilia a changé et par conséquent de justifier en quoi les conditions pour l'octroi de l'exonération accordée en 1997 n'étaient plus remplies au jour de son abrogation, le 22 mai 2014 ; que le syndicat expose, à cet égard, que la jurisprudence de la Cour de cassation a défini de façon constante, notamment depuis un arrêt du 30 novembre 1995, que la nature des activités exercées ne suffit pas à accorder le bénéfice de l'exonération du versement transport ; que la cour de céans note que la décision de la Cour de cassation citée par le STIF est bien antérieure à ses trois décisions d'octroi de l'exonération du versement transport au bénéfice de l'association Auxilia du 23 juin 1997 ; que le syndicat développe, ensuite, deux des conditions qui définissent le caractère social des modalités d'exercice de l'activité concernée: le financement desdites activités et le concours de bénévoles ; que la cour estime, en effet, que le caractère social d'une activité n'est pas déterminé en considération du seul objet de l'association ou de la fondation, mais au regard des missions, attributions et activités de celles-ci, lesquels s'apprécient notamment à partir du financement de l'association ou de la participation de bénévoles ; que cependant, force est de constater que le syndicat ne précise en rien en quoi ces deux conditions n'étaient plus remplies par l'association au jour de sa décision d'abrogation de l'exonération litigieuse et donc ne justifie pas du changement de la situation de l'Association, au regard de ces conditions, entre 1997, date de l'octroi du bénéfice de l'exonération du versement transport et 2014, date de l'abrogation de cette exonération ; que par conséquent, la cour dira que la décision d'abrogation du versement transport du 22 mai 2014 est nulle et confirmera, par d'autres motifs, la décision du tribunal qui lui est déférée ; que sur les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, aucune considération d'équité ne justifie qu'il soit fait droit à la demande formée par le STIF à cet égard ; qu'en revanche, il est équitable de faire droit à la demande de l'association Auxilia par l'octroi de la somme de 1 500 euros ;

ALORS D'UNE PART QUE l'autorité organisatrice des transports peut, sans condition de délai, abroger la décision accordant à une association l'exonération du versement de transport prévue à l'article L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales dont le maintien est subordonné à une condition qui n'est plus remplie ; qu'en énonçant que le principe de sécurité juridique interdisait à l'administration de remettre en cause discrétionnairement les droits acquis par le bénéficiaire d'un acte, qu'il appartenait au Syndicat des transports d'Ile de France de justifier en quoi les conditions d'octroi de l'exonération accordée en 1997 n'étaient plus remplies au jour de la décision d'abrogation du 22 mai 2014 et que celui-ci ne justifiait pas du changement de situation de l'association au regard de ces conditions entre 1997 et 2014, la cour d'appel a violé l'article L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales ;

ALORS D'AUTRE PART QUE l'autorité organisatrice des transports peut, sans condition de délai, abroger la décision accordant à une association l'exonération du versement de transport prévue à l'article L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales dont le maintien est subordonné à une condition qui n'est plus remplie et qu'il appartient à l'association qui conteste la décision d'abrogation de l'exonération du versement de transport d'établir qu'elle réunit les conditions de son bénéfice fixées par le texte susvisé ; qu'en énonçant que le principe de sécurité juridique interdisait à l'administration de remettre en cause discrétionnairement les droits acquis par le bénéficiaire d'un acte, qu'il appartenait au Syndicat des transports d'Ile de France de justifier en quoi les conditions d'octroi de l'exonération accordée en 1997 n'étaient plus remplies au jour de la décision d'abrogation du 22 mai 2014 et que celui-ci ne justifiait pas du changement de situation de l'association au regard de ces conditions entre 1997 et 2014, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1353 du code civil ;

ALORS EN OUTRE ET SUBSIDIAIREMENT QUE dans ses conclusions d'appel, le Syndicat des transports d'Ile de France faisait valoir, s'agissant du mode de financement des établissements de l'association Auxilia visés par la décision d'abrogation de l'exonération du versement de transport, qu'il résultait des propres déclarations de l'association que les résidentes du centre d'hébergement et de réinsertion sociale de Bourg la Reine versaient une participation à leur frais d'hébergement et d'entretien en fonction de leurs ressources, que le centre de rééducation professionnelle de Nanterre était financé par un prix de journée fixé par l'agence régionale de santé et versé par la sécurité sociale, que le financement des activités de formation du centre d'enseignement à distance de Boulogne Billancourt étaient assurées principalement par la taxe d'apprentissage et par l'administration pénitentiaire en ce qui concerne la formation des détenus ce dont il s'évinçait que ce financement reposant presque exclusivement sur des fonds publics, il ne revêtait pas un caractère social selon la jurisprudence de la Cour de cassation, et qu'en outre il n'était pas justifié d'une tarification inférieure au coût du service rendu ni que, sans l'intervention des financeurs publics, les personnes concernées auraient accès aux activités proposées dans ces centres ; qu'en énonçant que le caractère social de l'activité s'appréciait notamment à partir du financement de l'association ou de la participation de bénévoles, et que le syndicat exposant ne précisait en rien en quoi ces deux conditions n'étaient plus remplies au jour de sa décision d'abrogation, sans répondre à ses conclusions d'appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT QUE dans ses conclusions d'appel, le Syndicat des transports d'Ile de France faisait valoir, s'agissant du concours de bénévoles, que selon un document produit par l'association, les 1000 bénévoles qu'elle revendiquait intervenaient uniquement pour le centre d'enseignement à distance et pas au sein du centre d'hébergement et de réinsertion sociale ou du centre de rééducation professionnelle, que ces 1000 bénévoles étaient répartis sur l'ensemble du territoire national, que leur activité était évaluée par l'association à 70 000 heures, de sorte qu'il n'était pas établi que de nombreux bénévoles participaient à l'ensemble des activités des trois établissements d'Ile de France en cause assurée par ses 48,31 salariés en équivalent temps plein ; qu'en énonçant que le caractère social de l'activité s'appréciait notamment à partir du financement de l'association ou de la participation de bénévoles, et que le syndicat exposant ne précisait en rien en quoi ces deux conditions n'étaient plus remplies au jour de sa décision d'abrogation, sans répondre à ces conclusions d'appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-23217
Date de la décision : 11/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 15 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 11 oct. 2018, pourvoi n°17-23217


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.23217
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