LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 434-2, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale ;
Attendu, selon ce texte, que le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que victime le 21 février 2011, d'un premier accident du travail et reconnu atteint après consolidation le 21 juillet 2012 d'une incapacité permanente partielle fixée à 23 % sur décision d'un tribunal du contentieux de l'incapacité, M. X... a été victime, le 30 juin 2011, d'un second accident du travail, à la suite duquel il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; que son état ayant été déclaré consolidé le 10 octobre 2012 sans séquelles indemnisables par la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, il a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que, pour rejeter ce dernier, l'arrêt énonce essentiellement que seule la constatation de l'existence d'une incapacité physique établie par l'attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle peut justifier la prise en compte du préjudice ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les aptitudes et la qualification professionnelle de la victime constituent une des composantes de l'incapacité permanente au sens du texte susvisé, la Cour nationale a violé ce dernier ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mai 2017, entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, autrement composée ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré M. Yannick X... consolidé sans séquelle indemnisable, à la date du 10 octobre 2012, de l'accident du travail dont il a été victime le 30 juin 2011 ;
AUX MOTIFS QUE "le Docteur Sébastien A..., médecin consultant, commis conformément aux dispositions de l'article R.143-27 du code de la sécurité sociale (
) expose :
Accident du travail du 30 juin 2011 :
Circonstances de l'accident : "blocage porte arrière suite à un courant d'air. Il a mis sa main pour bloquer en levant le bras par réflexe pour retenir la porte ; douleurs à l'épaule et au cou" ;
Certificat médical initial (date illisible) : "séquelles de NCB droite
"
Consolidation le 10 octobre 2012 : IPP 0 %
Séquelles constatées par le médecin conseil
"Patient présentant plusieurs AT. Concernant l'AT du 21 février 2011 et consolidé le 25 juillet 2012 avec IPP de 14 %, l'examen clinique est superposable à celui de la consolidation. La hernie cervicale C5-C6 a été mise en évidence avant le second AT du 30 juin 2011. La consolidation de ce second AT est à retenir sans séquelle de nature indemnisable, de par l'état antérieur existant avant le 30 juin 2011. Taux d'IPP : 0 %.
Examen du 15 février 2013 sur pièces :
Antécédents : AT du 5 septembre 2003. Taux d'IP ; 12 % (sans rapport avec l'AT de 2011)
AT du 21 février 2011 consolidé le 25 juillet 2012 avec taux d'IPP de 14 %.
Doléances : algie vertébrale diffuse
Examen clinique : toute mobilisation est déclarée douloureuse
Examen cervicoscapulaire identique à celui du 4 juillet 2012.
Nouvelle IRM du 22 juillet 2012 : discopathie C3-C4 et C5-C6 avec petite saillie discale non conflictuelle. Discopathie + marquée en C5-C6 venant au contact de l'émergence radiculaire C6 droite.
Le scanner du rachis cervical du 22 juin 2011 pour "névralgie cervicobrachiale droite "avait mis en évidence une hernie foraminale droite en C5-C6 avec retentissement radiculaire.
Traitement par antalgique de paliers 1 et 2 associé à une rééducation.
T.C.I du 28 janvier 2014 : IPP 0 %
Eléments manuscrits de la fiche de conclusions médicales du Docteur B..., médecin consultant :
"
Professeur C... : pas de chirurgie
traitement : Dicodin 3/jour, Ixprim 3/jours
cure thermale en octobre 2012
douleurs ++ cervicales. Port de collier souple la journée
contracture trapèze
mobilité très réduite par la douleur
même pathologie que le premier accident
IPP = 0 %.
Moyens développés devant la CNITAAT (sur le plan médical)
Fiche médicale d'aptitude du 13 novembre 2012 du Docteur F... "Inaptitude confirmée après avis spécialisé. Reclassement proposé à un poste sans manutention manuelle ni manipulation"
Compte rendu du 15 février 2013 du Docteur Michel D..., médecin rééducateur :
"du fait des douleurs et de la perte d'emploi à venir, le taux d'IPP de 14 % semble insuffisant et l'attribution d'un taux socioprofessionnel me semble justifiée".
Compte rendu du Docteur Pierre-François E..., médecin généraliste, du 13 mars 2014 :
"Ce second accident a eu pour conséquence un licenciement par son entreprise pour inaptitude à son poste de travail. Il est aujourd'hui demandeur d'emploi avec reconnaissance MDPH".
Mémoire du 18 juin 2014 pour M. Yannick X... :
"
un taux d'IPP de 14 % est manifestement insuffisant en l'espèce et un coefficient professionnel devrait également être adjoint en complément.
la nécessité d'attribuer un coefficient professionnel de M. X... de 10 % au moins en raison de ses lésions, de l'impossibilité pour lui de reprendre son ancienne activité et des difficultés extrêmes qu'il aura à retrouver un emploi".
Discussion
L'accident du travail du 30 juin 2011 a occasionné un traumatisme a priori indirect du rachis cervical et de l'épaule droite chez un salarié de 41 ans en date de consolidation, exerçant la profession de chauffeur de taxi
Selon les éléments disponibles, les suites ont été marquées par des douleurs à type de névralgie cervicobrachiale droite
L'IRM du 22 juillet 2011 a mis en évidence une discopathie C5-C6 droite conflictuelle avec la racine C6 droite.
M. X... avait précédemment été victime d'un autre accident du travail en date du 21 février 2011 consolidé le 21 juillet 2012 avec un taux d'IPP de 14 %. Le médecin conseil précise que la symptomatologie clinique séquellaire de l'accident du 30 juin 2011 est superposable à celle de l'accident du 21 février 2011. Par ailleurs, il rappelle les données d'un scanner réalisé le 22 juin 2011 (antérieurement à l'accident qui nous intéresse) objectivant déjà une hernie discale C5-C6 conflictuelle dans le cadre d'une névralgie cervicobrachiale droite.
Sur un plan strictement médical, compte tenu des éléments disponibles au dossier attestant d'un état antérieur, il apparaît que l'accident du travail du 30 juin 2011 n'a pas donné lieu à un état séquellaire susceptible de justifier un taux d'IPP supérieur à 0 % en date de consolidation du 10 octobre 2012.
Les informations portées au dossier font état d'une inaptitude reconnue le 13 novembre 2012 suivie d'un licenciement. L'appelant estime que le taux d'IPP de 14 % relatif à l'accident du travail du 21 février 2011 est insuffisant et devrait être majoré d'un coefficient professionnel, introduisant a priori une confusion entre les deux accidents du travail.
Ces éléments de réflexion sont soumis à la cour afin de l'éclairer dans sa décision" ;
QU'aux termes de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, "le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité" ;
QU'à la date du 10 octobre 2012, M. Yannick X... présentait la même pathologie à type de névralgie cervicobrachiale que l'accident du travail du 21 février 2011 déjà indemnisé par un taux de 23 % ;
QUE M. Yannick X... s'est vu reconnaître le statut de travailleur handicapé et qu'il a été licencié pour inaptitude ;
QUE cependant seule la constatation de l'existence d'une incapacité physique établie par l'attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle peut justifier la prise en compte du préjudice professionnel ;
QU'ainsi, au vu des éléments soumis à son appréciation, contradictoirement débattus et avec le médecin consultant dont elle adopte les conclusions, [la cour estime] que l'accident du travail n'a pas laissé subsister de séquelles indemnisables au regard du barème règlementaire, à la date de consolidation du 10 octobre 2012 ;
QU'en conséquence que le premier juge a fait une exacte appréciation des faits et circonstances de la cause et qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, sans nécessité d'ordonner une expertise (
)" (arrêt §.4° p. 7) ;
ET AUX MOTIFS supposés adoptés QUE "le médecin conseil auprès du tribunal, après avoir examiné le requérant et pris connaissance du dossier médical, indique qu'il s'agit de la même pathologie que l'accident du travail du 21/02/2011 ;
QU'il conclut que le taux d'incapacité permanente de 0 % est conforme au barème en vigueur ;
QUE le tribunal fait siennes les conclusions du médecin expert, lequel s'est appuyé sur le guide barème pour apprécier le taux d'incapacité de M. X..." ;
ALORS QUE la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que lorsqu'un accident du travail entraîne l'aggravation d'un état pathologique préexistant ayant lui-même occasionné une invalidité, l'aggravation indemnisable doit être évaluée en fonction des seules conséquences du second accident ; que ces conséquences peuvent être exclusivement professionnelles ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'à la suite de l'accident du travail consolidé le 10 octobre 2012, M. Yannick X..., qui "présentait la même pathologie à type de névralgie cervicobrachiale que l'accident du travail du 21 février 2011 déjà indemnisé par un taux de 23 %
a été licencié pour inaptitude" ; qu'en retenant cependant, pour considérer que cette aggravation de l'incidence professionnelle de l'accident du 21 février 2011 provoquée par l'accident du 30 juin 2011 n'était pas indemnisable, "que seule la constatation de l'existence d'une incapacité physique établie par l'attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle peut justifier la prise en compte du préjudice professionnel" la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L.434-2 et R. 434-32 du code de la sécurité sociale.