LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 18 mai 2017), qu'à la suite d'un accident de la circulation dont il a été victime, M. X... a confié la défense de ses intérêts à Mme E... (l'avocat) à l'occasion d'une instance en réparation de son préjudice corporel au cours de laquelle a été ordonnée une expertise médicale ; que le médecin expert a joint à son rapport l'avis d'un médecin psychiatre, sans le communiquer préalablement aux parties ; que M. X... s'est pourvu en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel ayant rejeté sa demande d'annulation de l'expertise judiciaire pour non-respect du principe de la contradiction et liquidé son préjudice corporel ; que son pourvoi a été rejeté, au motif qu'il n'avait pas invoqué que la violation de son obligation par l'expert lui avait causé un grief ; que M. X... a assigné l'avocat en responsabilité et indemnisation, lui reprochant de lui avoir fait perdre une chance d'obtenir l'annulation du rapport d'expertise et une meilleure indemnisation ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, que toute perte de chance, qui correspond à la disparition d'une éventualité favorable, ouvre droit à réparation ; qu'en déboutant M. X... de sa demande de réparation au motif que, dès lors qu'il ne démontre pas avoir perdu une chance réelle et sérieuse d'obtenir, d'une part, un nouvel avis d'un expert judiciaire contraire à celui de M. Y..., docteur, et, d'autre part, une indemnisation de son préjudice plus importante consécutive à ce nouvel avis, la responsabilité contractuelle de l'avocat ne peut être engagée, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que, pour être indemnisée, une perte de chance doit présenter un caractère réel et certain, la cour d'appel, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a estimé que M. X... ne démontrait pas qu'il aurait pu obtenir un nouvel avis d'un expert judiciaire contraire à celui du premier expert judiciaire désigné, ni une indemnisation de son préjudice plus importante consécutive à ce nouvel avis, faisant ainsi ressortir l'absence de préjudice causé par la perte de chance alléguée ; qu'elle en a justement déduit que la responsabilité contractuelle de l'avocat ne pouvait être engagée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les deuxième et troisième branches du moyen, ci-après annexé :
Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. X....
IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE d'avoir débouté Monsieur X... de la demande de dommages-intérêts pour perte d'une chance formée à l'encontre de Maître E... ,
AUX MOTIFS QUE :
« (
) l'objectif de Noël X... devant le tribunal de grande instance de CHAMBERY ayant été d'obtenir la désignation d'un nouvel expert judiciaire, Maître Sophie E... n'a pas fait tout son possible pour atteindre ce résultat en s'abstenant de soulever l'exception de nullité du rapport d'expertise dès lors que l'absence de transmission aux parties par le docteur Y..., préalablement au dépôt de son rapport, de l'avis du docteur Z..., était de nature à causer un grief à Noël X..., propre à justifier le prononcé de cette nullité en vertu des articles 175 et 114 du code de procédure civile ; Qu'elle a donc manqué à son obligation de moyen de tout mettre en oeuvre pour assurer la défense de son client ;
Attendu cependant que, pour être indemnisée, une perte de chance doit présenter un caractère réel et certain ; Qu'en l'espèce, les éléments du dossier ne permettent pas de constater que la perte de chance alléguée par Noël X... d'obtenir une meilleure indemnisation présentait un tel caractère ; Qu'en effet, le docteur A... énonce, dans son rapport du 16 novembre 2004, après avoir constaté que l'intimé présente une riche symptomatologie subjective, avec notamment une paresthésie du membre inférieur gauche et une douleur avec raideur de la hanche gauche, que l'ensemble de cette symptomatologie et les bilans radiographiques font penser à un syndrome névrotique conversif invalidant, et que l'absence d'antécédents psychologiques, ainsi que l'apparition dans les jours qui ont suivi l'accident de cette symptomatologie, plaident pour l'imputabilité de ces séquelles à cet accident ; Qu'il suggère aussi dans son rapport, en cas de contestation de cette imputabilité, de solliciter l'instauration d'une expertise psychiatrique ; Qu'il ne résulte pas de cet avis l'existence d'un lien certain entre le syndrome de conversion dont Noël X... aurait été atteint et l'accident ;
Attendu au contraire que le docteur Z..., en réponse aux questions que lui a posées le docteur Y..., énonce que Noël X... « a dans les suites de l'accident présenté une multitude de symptômes qui n'ont pu être rapportés à aucun substratum anatomique et qui, sur le plan psychiatrique, s'apparentent à des états conversifs » et ajoute que « ceux-ci ont pu être reliés à la personnalité dont il est porteur qui, en l'occasion, a surinvesti sa position de victime » ; Qu'il n'a retenu en conséquence sur le plan psychiatrique aucune incapacité temporaire totale, ni de date de consolidation, ni d'incapacité permanente partielle ;
Attendu que Noël X... produit un certificat en date du 7 août 2010 de son médecin traitant, le docteur B..., qui critique le rapport du docteur Y... sur la manière dont celui-ci décrit les troubles qu'il a subis au niveau de la jambe et hanche gauche, affirme que « les séances de kinésithérapie de la hanche gauche et l'orthèse plantaire peuvent être considérées comme en rapport avec l'accident » et souligne l'opposition entre les avis des docteurs C... et D... et celui du docteur Z... sur l'origine des séquelles « de hanche et du membre inférieur gauche » ; Que cependant ce médecin, qui n'est pas psychiatre, n'affirme pas formellement que le syndrome de conversion est imputable à l'accident ;
Attendu dans ces conditions qu'eu égard à ces éléments, et faute pour Noël X... de démontrer avoir perdu une chance réelle et sérieuse d'obtenir, d'une part un nouvel avis d'un expert judiciaire contraire à celui du docteur Y..., et d'autre part une indemnisation de son préjudice plus importante consécutive à ce nouvel avis, la responsabilité contractuelle de Maître Sophie E... ne peut être engagée ; Qu'il y a lieu en conséquence de le débouter de sa demande de dommages-intérêts qu'il forme à son encontre. » ;
1- ALORS QUE toute perte de chance, qui correspond à la disparition d'une éventualité favorable, ouvre droit à réparation ; Qu'en déboutant Monsieur X... de sa demande de réparation au motif que, dès lors qu'il ne démontre pas avoir perdu une chance réelle et sérieuse d'obtenir, d'une part un nouvel avis d'un expert judiciaire contraire à celui du docteur Y..., et d'autre part une indemnisation de son préjudice plus importante consécutive à ce nouvel avis, la responsabilité contractuelle de Maître E... ne peut être engagée, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2- ALORS QUE le jugement doit être motivé à peine de nullité ; Que le défaut de réponse aux conclusions équivaut au défaut de motifs ; Que Monsieur X... se prévalait en pages 8 et 17 de ses conclusions d'appel de décisions de la Cour de Cassation aux termes desquelles le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est issue n'a été révélée que par le fait dommageable ; Qu'en s'abstenant totalement de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions dont elle était saisie, si cette jurisprudence de la Cour de Cassation n'était pas de nature à influer sur le caractère réel et certain de la perte de chance d'obtenir un nouvel avis d'un expert judiciaire et/ou une indemnisation du préjudice de Monsieur X... plus importante consécutivement à ce nouvel avis, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3- ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; Qu'en énonçant que, faute pour Monsieur X... de démontrer avoir perdu une chance réelle et sérieuse d'obtenir, d'une part un nouvel avis d'un expert judiciaire contraire à celui du docteur Y..., et d'autre part une indemnisation de son préjudice plus importante consécutive à ce nouvel avis, la responsabilité contractuelle de Maître E... ne peut être engagée après avoir précédemment constaté qu'en s'abstenant de soulever l'exception de nullité du rapport d'expertise dès lors que l'absence de transmission aux parties par le docteur Y..., préalablement au dépôt de son rapport, de l'avis du docteur Z..., était de nature à causer un grief à Monsieur X... propre à justifier le prononcé de cette nullité en vertu des articles 175 et 114 du code de procédure civile, Maître E... a manqué à son obligation de moyens de toute mettre en oeuvre pour assurer la défense de son client, la cour d'appel s'est manifestement contredite ; Que, ce faisant, elle a violé l'article 455 du code de procédure civile.