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03/10/2018 | FRANCE | N°17-19754

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 octobre 2018, 17-19754


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a été engagée par la société Auvergne architecture revalorisation du patrimoine architectural (AARPA) le 14 octobre 2013 en qualité d'architecte ; que l'employeur a mis fin à la relation de travail le 2 décembre 2013 ; que Mme Y... a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes indemnitaires, notamment au titre de la rupture irrégulière de son contrat de travail et d'un harcèlement ; que la société AARPA a été placée en liquidation judiciaire le 12 d

écembre 2014 ;

Sur les premier et quatrième moyens réunis :

Attendu qu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a été engagée par la société Auvergne architecture revalorisation du patrimoine architectural (AARPA) le 14 octobre 2013 en qualité d'architecte ; que l'employeur a mis fin à la relation de travail le 2 décembre 2013 ; que Mme Y... a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes indemnitaires, notamment au titre de la rupture irrégulière de son contrat de travail et d'un harcèlement ; que la société AARPA a été placée en liquidation judiciaire le 12 décembre 2014 ;

Sur les premier et quatrième moyens réunis :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens, ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en reclassification, la cour d'appel énonce que la salariée n'avance aucun élément à l'appui de ses prétentions ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la salariée versait au dossier des documents décrivant les tâches accomplies, ses bulletins de salaire mentionnant son statut d'architecte et son diplôme et qu'il lui appartenait de déterminer au regard de ces éléments la classification conventionnelle qui lui était applicable, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Sur le troisième moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande au titre de la modification de son contrat de travail s'agissant du temps de travail, la cour d'appel énonce que la salariée, qui développe sur trois pages de conclusions qu'elle n'a en définitive jamais signé de contrat de travail, ne peut sérieusement soutenir que celui-ci aurait été modifié ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la salariée faisait état dans ses conclusions de la signature, le 26 octobre 2013, d'un contrat de travail modifiant selon elle les heures de travail qu'elle effectuait précédemment, la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions, a violé le texte susvisé ;

Et sur le cinquième moyen :

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Attendu qu'il résulte des textes susvisés que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes au titre d'un harcèlement moral, la cour d'appel retient que la salariée n'établit pas la matérialité de faits précis et concordants de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement, la seule altercation survenue le 14 novembre 2013, s'agissant d'un fait isolé, ne suffit pas à caractériser l'existence d'un harcèlement, et qu'elle se borne à produire des attestations d'autres salariés en litige avec le même employeur dont les déclarations au demeurant imprécises « manquent de partialité » ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que la salariée versait au dossier plusieurs certificats médicaux, ainsi qu'une attestation d'une collègue faisant état de plusieurs altercations entre la salariée et l'employeur, et qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, ces éléments laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de ses demandes au titre de la reclassification, de la modification de son contrat de travail, et du harcèlement moral, l'arrêt rendu le 11 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne M. Z..., représentant de la selarl Mandatum, ès qualités de mandataire liquidateur aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z..., représentant de la selarl Mandatum, ès qualités de mandataire liquidateur à payer à Mme Y... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Y... de sa demande de dommages et intérêts pour défaut d'information et de formation sur la sécurité à l'embauche.

AUX MOTIFS QUE l'intimée ne justifie d'aucun préjudice à ce titre au regard de ses fonctions et attributions, cette dernière sera déboutée de ses prétentions ;

ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que dans ses conclusions (p. 9 § 1 à 7) Mme Y... faisait valoir d'une part qu'en sa qualité d'architecte elle n'avait reçu aucune formation relative à la sécurité sur les chantiers ni reçu d'équipements de sécurité spécifiques, d'autre part qu'elle n'avait pas été informée des risques psychosociaux sur le lieu de travail, notamment ceux résultant du harcèlement moral ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen quand la salariée était exposée à ces risques, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR débouté Mme Y... de sa demande de requalification au niveau V, coefficient 500 de la convention collective nationale des entreprises d'architecture et de sa demande de rappel de salaire en résultant.

AUX MOTIFS QUE Mme Y... indique que ses bulletins de salaire mentionnent son statut d'architecte de associé au coefficient 220, qu'elle effectuait des tâches complexes à partir des orientations de l'entreprise, et ce en autonomie complète, alors que le coefficient 220 s'applique aux salariés qui effectuent, sans contrôle régulier, des travaux simples à partir de directives précises ; que la salariée n'avance aucun élément à l'appui de ses prétentions, elle sera déboutée de ce chef ;

ALORS QUE le juge doit se prononcer sur les documents soumis à son appréciation ; qu'à l'appui de sa demande, Mme Y... produisait son diplôme d'état d'architecte DE (pièce 42), une liste non exhaustive des missions accomplies (pièce 14) et l'attestation de Mme A... selon laquelle Mme Y... n'avait pas le droit de s'adresser aux deux autres salariées de l'agence (pièce 40) ; qu'en retenant que Mme Y... n'avançait aucun élément à l'appui de ses prétentions sans analyser ni même viser ces documents, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Y... de sa demande de dommages et intérêts pour modification du contrat de travail.

AUX MOTIFS QUE Mme Y... qui développe sur trois pages de conclusions, qu'elle n'a en définitive jamais signé de contrat de travail, ne peut sérieusement soutenir que celui-ci aurait été modifié. La pièce n° 13 qu'elle verse aux débats est totalement inexploitable et ne peut être assimilée à contrat de travail ;

ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que dans ses conclusions Mme Y... soutenait qu'elle avait signé un contrat à durée indéterminée le 26 octobre 2013 mentionnant que depuis l'embauche elle travaillait 39 heures par semaine et que l'employeur avait réduit cette durée à 35 heures sans entretien préalable ni délai de réflexion (cf. conclusions p. 18) ; qu'en retenant dès lors que Mme Y... soutenait qu'elle n'avait jamais signé de contrat de travail, la cour d'appel a dénaturé ces conclusions et violé l'article 4 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Y... de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier de la formation au conservatoire de la Chanterie.

AUX MOTIFS QU'il n'est justifié d'aucun engagement de la part de l'employeur tendant à lui faire bénéficier d'une telle formation hors le cadre d'un contrat de professionnalisation qui n'a pu aboutir ;

1°) ALORS QUE le juge doit examiner les documents de la cause ; qu'à l'appui de sa demande, Mme Y... produisait d'une part un échange de courriels des 7 et 8 septembre 2013 dans lesquels l'AARPA s'engageait à l'embaucher dans le cadre d'un contrat de professionnalisation (pièce 2), d'autre part une attestation de l'employeur certifiant sur l'honneur embaucher Mme Y... à compter du 14 octobre 2013 pour une durée de formation de 16 mois (pièce 3) ; qu'en retenant qu'il n'était justifié d'aucun engagement, sans analyser ces documents la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE dans ses conclusions, Mme Y... soutenait qu'après avoir signé avec le conservatoire de la Chanterie une convention de formation professionnelle pour Mme Y..., la société AARPA n'avait jamais envoyé la demande de financement ni respecté sa promesse d'embauche (cf. conclusions p. 18) ; qu'en se bornant à énoncer que le contrat de professionnalisation n'avait pu aboutir, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Y... de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

AUX MOTIFS QUE Mme Y... n'établit pas la matérialité de faits précis et concordants de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement, la seule altercation survenue le 14 novembre 2013, s'agissant d'un fait isolé, ne suffit pas à caractériser l'existence d'un harcèlement ; qu'en effet Mme Y... se borne à produire des attestations d'autres salariés en litige avec le même employeur dont les déclarations au demeurant imprécises manquent de partialité ;

1°) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié en prenant en compte les documents médicaux produits ; qu'en se bornant à énoncer que la seule altercation survenue le 14 novembre 2013 ne suffisait pas à caractériser l'existence d'un harcèlement, sans prendre en considération les avis d'inaptitude délivrés par le médecin du travail, ni l'attestation du médecin traitant faisant état d'un « trouble anxieux réactionnel » causé par un « harcèlement moral et agression verbale sur le lieux de travail de la part de son employeur en particulier le 20 novembre 2013, latent depuis son embauche », la cour d'appel a violé l'article L. 1154-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE le seul fait que des attestations émanent d'une personne en litige avec l'employeur n'est pas, à lui seul, de nature à entacher leur crédibilité ; qu'en écartant dès lors les attestations produites par Mme Y... motif pris de ce qu'elles émanaient d'autres salariés en litige avec l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 1154-1 du code du travail, ensemble l'article 1353 du code civil dans sa version applicable.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-19754
Date de la décision : 03/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 11 avril 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 oct. 2018, pourvoi n°17-19754


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.19754
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