LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte du 9 juin 2009, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Champagne Bourgogne (la Caisse) a consenti à la société TDS Global services LTD (la société) un prêt remboursable en quarante-huit mensualités à compter du 20 juin 2009, garanti par le cautionnement de M. X... ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire, la Caisse a assigné la caution en paiement ;
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article L. 341-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X... de déchéance du droit aux intérêts de la Caisse, l'arrêt retient que l'examen de la déclaration de créance de la Caisse révèle que seule l'échéance du prêt échue le 20 novembre 2010 était restée impayée au moment où la liquidation judiciaire a été prononcée, et que le capital restant dû au 23 novembre 2010 s'élevait à la somme de 36 360,39 euros, qu'il n'est donc pas démontré que la banque ait manqué à ses obligations en n'avertissant pas la caution du premier incident de paiement survenu trois jours avant le prononcé de la liquidation judiciaire de la débitrice principale et que ce défaut d'information lui ait causé un préjudice ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la déchéance du droit aux intérêts prévue en cas de manquement par la banque à son obligation d'information envers la caution dès le premier incident de paiement n'est pas subordonnée à la preuve d'un préjudice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche :
Vu les articles L. 313-22 du code monétaire et financier et L. 341-6 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;
Attendu que pour condamner M. X... à payer à la Caisse diverses sommes, l'arrêt retient que cette dernière justifie en annexe avoir adressé à M. X... les informations annuelles dues à la caution le 31 décembre 2009, le 31 décembre 2010, le 31 décembre 2011 et le 31 décembre 2012, qu'il est donc établi qu'elle a satisfait aux obligations qui lui étaient imposées par l'article L. 341-6 du code de la consommation et par l'article L. 313-22 du code monétaire et financier et que M. X... a notamment été informé de l'évolution de sa créance, et qu'il n'est donc pas fondé à soutenir qu'il doit être libéré du paiement des intérêts conventionnels et des accessoires de la dette qu'il a également cautionnés ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Champagne-Bourgogne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la SCP Claire Leduc et Solange Vigand la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné Monsieur Alain X... à payer à la Société Coopérative Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne les sommes de 37.676,11 euros, augmentée des intérêts au taux de 5,45% l'an à compter du 7 janvier 2011 date de la mise en demeure de payer et de 2.637,33 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2011, date de la mise en demeure de payer ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le droit aux intérêts ; que M. X... soutient que la CRCAM CB n'a pas respecté ses obligations et ne l'a pas informé de la défaillance de la société TDS Global Services LTD dès le premier incident de paiement de sorte qu'il ne peut être tenu au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date du premier incident et la date où il a été informé ; que l'examen de la déclaration de créance de la CRCAM CB relève toutefois que seule l'échéance du prêt échue le 20 novembre 2010 était restée impayée au moment où la liquidation judiciaire a été prononcée, et que le capital restant dû au 23 novembre 2010 s'élevait à la somme de 36.360,39 euros ; qu'il n'est donc pas démontré que la banque a manqué à ses obligations en n'avertissant pas la caution du premier incident de paiement survenu trois jours avant le prononcé de la liquidation judiciaire de la débitrice principale et ne lui a causé aucun préjudice ; que la CRCAM justifie en annexe avoir adressé à M. X... les informations annuelles dues à la caution le 31/12/2009, le 31/12/2010, le 31/12/2011 et le 31/12/2012 ; qu'il est donc établi qu'elle a satisfait aux obligations qui lui étaient imposées par l'article L.341-6 du code de la consommation et par l'article L.313-22 du code monétaire et financier et que M. X... a notamment été informé de l'évolution de sa créance ; qu'il n'est donc pas fondé à soutenir qu'il doit être libéré du paiement des intérêts conventionnels et des accessoires à la dette qu'il a également cautionnés ; que la CRCAM CB réclame à M. X... le paiement d'une indemnité conventionnelle de 7% s'élevant à la somme de 2.637,33 euros ; que M. X... soutient que ce montant ne peut être réclamé dans la mesure où c'est en raison d'un cas de force majeure que la dette n'a pas pu être réglée ; que la cour constate que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ne constitue nullement un cas de force majeure pour la débitrice principale, un tel évènement n'étant pas imprévisible pour une société commerciale ; que les difficultés financières auxquelles se trouve confronté M. X..., qui a suite à la liquidation judiciaire de sa société perdu son emploi, ne constituent pas plus un cas de force majeure permettant d'exclure le paiement de l'indemnité conventionnelle de 7% due en cas de déchéance du terme ou de défaillance de l'emprunteur ; que cette pénalité convenue n'est pas manifestement excessive, il n'ya donc pas lieu de faire application de l'article 1152 du code civil et de la réduire » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « vu l'article 1134 du code civil ; que la créance de la Société Coopérative CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE n'est pas contestée dans son quantum à savoir 40.313,44 euros, qu'elle a été produite à liquidation judiciaire de la Sarl TDS GLOBAL SERVICE LTD pour cette somme ; que cette somme inclut l'indemnité contractuelle de recouvrement de 7% pour la somme de 2.637,33 euros ; que vu les articles 2288 et suivants du code civil ; vu les articles L.341-2, L.341-3, L.341-4 du code de la consommation ; que Monsieur Alain X... ne conteste pas être caution de la Sarl TDS GLOBAL SERVICE LTD au profit de la société Coopérative CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE pour la somme de 72.694,70 euros ; que l'acte de cautionnement comporte les mentions obligatoires prescrites par les articles susvisés, qu'il n'est entaché d'aucune erreur, la durée du cautionnement étant fixée à 72 mois, que Monsieur Alain X... ne conteste pas l'avoir rempli de sa main et de l'avoir signé ; que la somme mise en recouvrement est inférieure à l'engagement maximum ; que Monsieur Alain X... s'est acquitté d'un acompte de 1.300 euros suite à la mise en demeure de payer du 7 janvier 2011, qu'aucune contestation n'accompagnait ce règlement ; qu'au regard du contenu de la fiche de renseignements remplie par Monsieur Alain X... lors de la souscription du cautionnement, les revenus mensuels indiqués sur la fiche sont 10.500 euros, alors qu'au cours de cette procédure Monsieur Alain X... établit que ses revenus en France en 2009 sont limités au salaire annuel de 12.998,00 €, que nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes ; que toujours au regard du contenu de la fiche de renseignements remplie par Monsieur Alain X..., lequel a attesté sur l'honneur que les renseignements étaient exacts, le patrimoine net est d'une part pour la maison de Saint Mards en Othe, 100.000 euros (évaluation 400K€ moins une charge hypothécaire de 300 K€), d'autre part pour le bâtiment sis à [...] K€ (Evaluation 150K€ moins la charge hypothécaire de 126 K€) outre l'épargne à l'étranger pour 190 K€ et chez Axa pour 20K€ ; que la disproportion au moment de la souscription du cautionnement n'est pas établie ; que l'article L.341-4 dispose « qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de la conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation », que la disproportion n'existant pas lors de la souscription, il n'y a pas lieu d'apprécier le patrimoine au moment où la caution est appelée ; que Monsieur Alain X... oppose la force majeure pour expliquer son exécution partielle de ses obligations, que seul un évènement présentant un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution est constitutif d'un cas de force majeure, que Monsieur Alain X... était le gérant de la Sarl TDS GLOBAL SERVICES LTD, qu'il était le mieux placé pour apprécier les risques de son engagement ; que le Tribunal condamnera Monsieur Alain X... à payer à la Société Coopérative CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE les sommes de : - 37.676,11 euros, augmentée des intérêts au taux de 5,45% l'an à compter du 7 janvier 2011 date de la mise en demeure de payer ; - 2.637,33 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2011, date de la mise en demeure de payer » ;
1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en affirmant, pour débouter Monsieur Alain X... de sa demande de déchéance du droit aux pénalités et intérêts de retard fondée sur l'article L.341-1 du code de la consommation, applicable en la cause, qu'il n'était pas démontré que « la banque a manqué à ses obligations en n'avertissant pas la caution du premier incident de paiement survenu trois jours avant le prononcé de la liquidation judiciaire de la débitrice principale » (arrêt, p.4, § 7), sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle a relevé d'office, la Cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en relevant également d'office, pour débouter Monsieur Alain X... de sa demande de déchéance du droit aux intérêts, le moyen selon lequel la Banque, en n'avertissant pas Monsieur Alain X... de la défaillance de la société TDS Global Service LTD dès le premier incident de paiement, « ne lui avait causé aucun préjudice » (arrêt, p.4, § 7), la Cour d'appel a de nouveau violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'existence d'une liquidation judiciaire prononcée à l'encontre du débiteur principal n'exonère pas l'établissement de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition d'un cautionnement, d'informer la caution de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement ; qu'en affirmant, pour débouter Monsieur Alain X... de sa demande de déchéance du droit aux intérêts, que la Banque n'avait pas manqué à « ses obligations en n'avertissant pas la caution du premier incident de paiement survenu trois jours avant le prononcé de la liquidation judiciaire » (arrêt, p.4, pénultième §), quand l'existence d'une liquidation judiciaire prononcée à l'encontre du débiteur principal ne faisait pas disparaitre l'obligation d'information de la banque, la Cour d'appel a violé l'article L.341-1 du code de la consommation, applicable à la cause ;
4°) ALORS QU'en toute hypothèse, la déchéance du droit aux intérêts prévue en cas de manquement par la banque à son obligation d'information envers la caution dès le premier incident de paiement n'est pas subordonnée à la preuve d'un préjudice lié au défaut d'information ; qu'en jugeant, pour débouter M. X... de sa demande de déchéance du droit aux intérêts, que la Banque, en n'avertissant pas Monsieur Alain X... de la défaillance de la société TDS Global Service LTD dès le premier incident de paiement, « ne lui a[vait] causé aucun préjudice » (arrêt, p.4, § 7), la Cour d'appel a violé l'article L.341-1 du code de la consommation, applicable à la cause ;
5°) ALORS QUE la seule production de la copie d'une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi ; qu'en affirmant, pour débouter M. X... de sa demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels, que la CRCAM CB avait satisfait à ses obligations imposées par l'article L.341-6 du code de la consommation et par l'article L.313-22 du code monétaire et financier aux motifs qu'elle justifiait « en annexe avoir adressé à M. X... les informations annuelles dues à la caution le 31/12/2009, le 31/12/2010, le 31/12/2011 et le 31/12/2012 » (arrêt, p.4, pénultième §), la Cour d'appel, qui n'a pas constaté la preuve de l'envoi de ces lettres, s'est prononcée par des motifs impropres à justifier de l'accomplissement des formalités prévues par les textes susvisés et, partant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.341-6 du code de la consommation, applicable à la cause, et l'article L.313-22 du code monétaire et financier.