LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Bobigny, 3 mai 2017), prise en la forme des référés, que, à la suite d'une première expertise décidée au titre de l'article L. 4614-12, 2°, du code du travail, alors applicable, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (le CHSCT) de l'établissement personnel navigant commercial de la société Air France a rendu, lors des réunions des 19 et 20 février 2015, un avis favorable au projet dit "Smart etamp; Beyond" consistant, notamment par une rénovation des cabines et un accroissement du nombre de sièges, à réduire les coûts opérationnels de la flotte exploitée par cette société ; que, entre les mois de novembre 2016 et de mars 2017, il a été procédé au réaménagement des cabines de 11 avions A321 ; que, le 16 février 2017, ladite société a saisi le président du tribunal de grande instance d'une demande d'annulation de la délibération du 1er février 2017 du CHSCT décidant, de nouveau, de recourir à l'expertise prévue à l'article L. 4614-12, 2°, du code du travail afin de procéder à un bilan du réaménagement des cabines des avions A319 et A320 ainsi que d'analyser le projet de réaménagement des cabines des avions A321 ;
Attendu que la société fait grief à l'ordonnance de rejeter sa demande d'annulation de la délibération du CHSCT de recourir à une expertise et de la condamner à verser au CHSCT la somme de 3 240 euros au titre des frais afférents à la procédure judiciaire alors, selon le moyen :
1°/ que le CHSCT ne peut valablement délibérer que sur une question inscrite à l'ordre du jour ou en lien avec cette question ; qu'un expert agréé peut être désigné par le CHSCT en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des salariés ; que le juge a relevé que le "Rétrofit" de l'A321, consistant à procéder à l'aménagement des cabines et du services à bord sur 11 avions A321 avait fait seulement l'objet d'une inscription aux réunions du CHSCT des 20 octobre 2016, 8 et 23 novembre 2016 et du 1er février 2017 au titre d'une information et non pas au titre d'une consultation de l'instance ; que le juge aurait dû déduire de ses propres constatations que la question de recourir à un expert sur le "Rétrofit" A321 n'étant pas à l'ordre du jour et ne présentant pas un lien suffisant avec les questions inscrites, le CHSCT étant simplement informé et non pas consulté sur le "Rétrofit" A321, cette instance ne pouvait pas valablement délibérer sur cette question ; qu'en décidant le contraire, le tribunal de grande instance a violé les articles L. 4614-8 et L. 4614-12 du code du travail ;
2°/ que le CHSCT peut faire appel à un expert agréé en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, notamment avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail ; que la mesure permettant au CHSCT de recourir à un expert doit avoir la nature d'un projet important modifiant les conditions de travail, ce qui suppose une décision en cours d'élaboration non encore mise en oeuvre par l'employeur et a fortiori non encore achevée ; que le juge a relevé que le "Rétrofit" A321 a été mis en oeuvre en novembre 2016 pour s'achever en mars 2017 ; que le tribunal de grande instance aurait dû déduire de ses propres énonciations que le CHSCT ne pouvait plus en l'état de la mise en oeuvre et de l'achèvement du "Rétrofit" A321 recourir à un expert agréé ; que le tribunal de grande instance qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 4614-12 du code du travail ;
3°/ que le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause ; que pour justifier le recours à une expertise, le juge a affirmé que l'expertise réalisée par le cabinet Technologia sur le projet " Smart etamp; Beyond ", s'était focalisée sur les aménagements intérieurs des cabines A319 et A320 et sur le service à bord et n'a pas traité des conséquences du projet en matière de dimensionnement des cabines de l'A321 ; qu'en statuant ainsi, alors que le rapport d'expertise soulignait en page 34 "la classe Business sera dimensionnée sur demande. La taille maximale de la cabine avant sera réduite comparativement au modèle C+S actuel : 318/319 : jusqu'à 20 Cvs ; 320/321 : jusqu'à 40 Cvs", en sorte que le projet "Smart etamp; Beyond" concernait également les avions A321, le tribunal de grande instance a violé le principe suivant lequel le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause ;
4°/ que ne constitue pas un projet important modifiant les conditions de travail ou les conditions de santé et de sécurité des salariés, la déclinaison ou la mise en oeuvre d'un projet qui a déjà fait l'objet d'une procédure d'information-consultation et d'une expertise en application des dispositions de l'article L. 4614-12 2° du code du travail; que le juge a relevé que le projet "Smart etamp; Beyond" qui avait fait l'objet d'une expertise et d'un avis favorable du CHSCT avait pour objectif de densifier une partie de la flotte Air France et prévoyait un aménagement des cabines consistant notamment à modifier le ratio sièges/PNC des avions A319/A320 ; que le juge a également constaté que le "Rétrofit" A321 avait aussi pour objet de réaménager les cabines et de modifier le ratio sièges/PNC sur 11 avions A321 ; que le juge a enfin relevé que certaines modifications de l'A321 étaient les mêmes que celles effectuées pour les A319 et A320 analysées dans le rapport d'expertise effectué par le cabinet Technologia et que dans le cadre de la demande d'une nouvelle expertise, le CHSCT PNC demandait à ce que l'expert procède à un bilan du "Rétrofit" A319/A320 en matière des conditions de travail, de santé et de sécurité des PNC ; que le tribunal de grande instance aurait dû déduire de ses propres énonciations que le "Rétrofit" A321 ne constituait que la déclinaison du projet plus global "Smart etamp; Beyond", qui avait fait l'objet d'une expertise, en sorte que le CHSCT PNC ne pouvait pas recourir à une nouvelle expertise; qu'en décidant le contraire, le tribunal de grande instance a violé l'article L. 4614-12 du code du travail ;
5°/ que seul un projet important ayant de réelles répercussions sur les conditions de sécurité et de santé ou sur les conditions de travail des salariés qu'il appartient aux juges de caractériser permet au CHSCT de recourir à une expertise ; que pour considérer que le CHSCT PNC pouvait se faire assister par un expert, le juge a relevé que le " Rétrofit" A321 aurait un impact sur les conditions de travail des salariés dans la mesure où il prévoyait une augmentation du nombre de sièges (12 sièges supplémentaires) sans augmentation du personnel et des coffres à bagages, une modification de l'emplacement des sièges PNC et un rétrécissement de la largeur de l'allée ainsi que des toilettes ; qu'en statuant par ces motifs insuffisants à caractériser en quoi le "Rétrofit" A321 était un projet important entraînant de fortes répercussions sur les conditions de santé, de sécurité ou de travail des salariés justifiant le recours à un expert, le tribunal de grande instance a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 4614-12 et L. 4612-8-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que, en constatant qu'était inscrite, à l'ordre du jour de la réunion du CHSCT du 1er février 2017, la question de l'"Information sur le rétrofit A321", le président du tribunal a fait ressortir qu'était en lien avec cet ordre du jour la désignation d'un expert afin d'analyser les conséquences du réaménagement des cabines des avions A321 sur les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail du personnel ;
Attendu, ensuite, que les dispositions de l'article L. 4614-12, 2°, du code du travail permettent au CHSCT de recourir à un expert pour l'éclairer sur la nouvelle organisation du travail et lui permettre d'avancer des propositions concrètes de prévention ;
Attendu, enfin, que le président du tribunal a constaté, sans dénaturation, que la première expertise était centrée sur les aménagements intérieurs des cabines des avions A319 et A320 ainsi que sur le service à bord et n'a pas traité des conséquences du projet "Smart etamp; Beyond" sur le dimensionnement des cabines des avions A321 dans la mesure où le rapport déposé le 30 janvier 2015 indique qu'au stade considéré de ce projet il n'était pas prévu de modifier les cabines de la flotte de ces derniers avions, que le projet de réaménagement des avions A321 a consisté à augmenter la capacité des cabines en faisant passer de 200 à 212 le nombre de passagers par l'ajout de 12 sièges supplémentaires sans augmentation du personnel navigant commercial, à réduire la largeur de l'allée, à modifier l'emplacement des sièges du personnel navigant commercial, à réduire la superficie des toilettes, à déplacer le matériel de sécurité et à ne pas augmenter le nombre de coffres à bagages, qu'ainsi ce projet a abouti à une augmentation de 6 % du ratio nombre de sièges/personnel naviguant commercial, que la réduction de l'allée, qui n'a pas été étudiée pour les avions A319 et A320, a pu avoir une conséquence sur la fluidité du service, que l'augmentation du nombre de sièges sans augmentation des coffres à bagages a pu avoir une conséquence sur le travail du personnel afférent à la manipulation des bagages, qu'ainsi le réaménagement des avions A321 affecte la charge de travail de ce personnel non seulement par l'augmentation du nombre de sièges mais également par la modification de l'espace de travail et des tâches ; qu'en l'état de ces constatations, le tribunal a pu en déduire qu'il s'agissait d'un projet important, au sens de l'article L. 4616-12, 2°, du code du travail, justifiant le recours à l'expertise ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Air France aux dépens ;
Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la société Air France à payer au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail Air France de PNC la somme de 3 600 euros TTC ;
Rejette toute autre demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me A... , avocat aux Conseils, pour la société Air France.
Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée ;
D'AVOIR rejeté la demande de la société Air France d'annulation de la délibération du CHSCT PNC de recourir à une expertise et condamné la société Air Franc à verser au CHSCT la somme de 3 240 euros au titre des frais afférents à la procédure judiciaire ;
AUX MOTIFS QUE « l'article L. 4612-8-1 du code du travail prévoit que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail. L'article L.4614-8 prévoit que l'ordre du jour de chaque réunion est établi par le président et le secrétaire. Les consultations rendues obligatoires par une disposition législative ou réglementaire ou par un accord collectif de travail sont inscrites de plein droit à l'ordre du jour par le président ou le secrétaire. La société Air France estime que le projet Retrofit A321 qui n'est que le prolongement du projet "Smart etamp; Beyond" qui a déjà fait l'objet d'une expertise, n'est pas un aménagement important devant faire l'objet d'une consultation du CHSCT alors que les membres du CHSCT considèrent qu'il s'agit d'un nouveau projet pour lequel le CHSCT doit être consulté et non simplement informé. La société Air France pour les réunions des 20 octobre, 8 novembre 2016 et lors d'une réunion extraordinaire du CHSCT PNC du 23 novembre 2016 a mis à l'ordre du jour "Information sur le Retrofit A321". Pour la réunion extraordinaire du 1er février 2017 elle a mis à l'ordre du jour "Retrofit A321"et n'a pas fait droit à la demande des membres du CHSCT de mettre à l'ordre du jour la consultation sur le projet Retrofit A321. Le projet Retrofit A321 a été mis en oeuvre en novembre 2016 pour s'achever en mars 2017. La société Air France ne peut valablement soutenir que le CHSCT lors de la réunion du 1er février 2017 ne pouvait voter un recours à l'expertise dans la mesure où le Rétrofit de l'A321 ne faisait pas l'objet d'une consultation mais d'une simple information alors même qu'elle n'a pas fait droit à la demande des membres du CHSCT depuis octobre 2016 de mettre à l'ordre du jour la consultation sur projet Rétrofit A321. De même la société Air France ne saurait valablement prétendre que le projet Rétrofit étant d'ores et déjà mis en oeuvre, le CHSCT ne pouvait recourir à une expertise alors même que ce dernier avant le début du projet a sollicité une consultation sur ce projet à la direction d'Air France qui lui a été refusée. Ainsi le refus de la société Air France de procéder à la consultation du CHSCT sur le projet Rétrofit réclamée par celui-ci ne prive pas le CHSCT de la possibilité de décider d'une expertise. En vertu de l'article L. 4614-12 du code du travail, le CHSCT peut faire appel à un expert agréé: 1° Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement; 2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 4612-8-1 du code du travail. La contestation de l'employeur de la nécessité de l'expertise, telle qu'elle est prévue au paragraphe IV du même texte, ne peut concerner que le point de savoir si le projet litigieux est un projet important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail. Le projet "Smart etamp; Beyond"qui a fait l'objet d'une expertise et d'un avis favorable du CHSCT a pour objet de densifier une partie de la flotte Air France pour réduire les coûts opérationnels et améliorer son positionnement concurrentiel. Le projet prévoit un aménagement intérieur des cabines et une évolution du service à bord. Ce projet mis en place en septembre 2015 pour l'A319 et en septembre 2016 pour l'A320 a consisté notamment à augmenter la capacité de places passant de 138 sièges à 143 sièges pour l'A319 et de 165 à 174 sièges pour l'A320. Il est indiqué dans l'information donnée aux membres du CHSCT le 20 novembre 2014 et le 19 février 2015 que les A318 et A321 ne font pas partie du projet et que les A321 feront l'objet d'évaluations ultérieures. Le rapport d'expertise du cabinet Technologia du 30 janvier 2015 indique qu'à ce stade du projet il n'est pas prévu de modifier les cabines de la flotte A318 et A321 précisant que les différents concepteurs du projet ont indiqué que cette flotte "est en attrition" ce qui signifie de ne pas y engager d'investissement lourd. Ainsi l'expertise réalisée sur ce projet "Smart etamp; Beyond" s'est focalisée sur les aménagements intérieurs des cabines A319 et A320 et sur le service à bord et n'a pas traité des conséquences du projet en matière de dimensionnement des cabines de l'A321. Lors de la réunion extraordinaire du 1er février 2017, dont l'ordre du jour était "Retrofit A321", les membres du CHSCT ont décidé de recourir à une expertise, confiée au cabinet Progexa avec pour mission notamment de procéder à un bilan du Retrofit A319/320 en matière des conditions de travail, de santé et de sécurité, de comprendre les raisons et les finalités effectives qui motivent le retrofit de l'A321, d'éclairer le CHSCT sur les enjeux du projet et de lui permettre de donner un avis. Le projet Retrofit de l'A321 consiste notamment à densifier la capacité de la cabine de 200 à 212 passagers par l'ajout de 12 sièges sans augmentation du nombre de PNC, à réduire la largeur de l'allée par l'augmentation de la largeur d'assises des sièges, à modifier l'emplacement des sièges PNC, à réduire la superficie des toilettes, à déplacer le matériel de sécurité et à ne pas augmenter le nombre de coffres à bagages. Actuellement les A321 comportent 200 sièges et 5 PNC. Le projet prévoit une augmentation de 12 sièges sans augmenter le nombre de PNC. A comparer avec le projet "Smart etamp; Beyond, le redimensionnement des cabines pour l'A319 et pour l'A320 a entraîné une augmentation du nombre de sièges de 5 et de 9. Le ratio nombre de sièges/PNC sera de 42,4 passagers pour l'A321 soit un ratio un peu plus faible que ceux des A319 (47,6) et A320 (43,5). Ce nouveau ratio pour les A321 constitue une augmentation de 6% alors qu'il n'a été que de 4% et 5% pour les A319 et A320. Il est également prévu une réduction de la largeur de l'allée de l'A321, qui peut avoir une conséquence sur la fluidité du service du PNC. Cette réduction n'a pas été étudiée pour les A319 et A320 dans le cadre du rapport d'expertise lié au projet "Smart etamp; Beyond". L'augmentation du nombre de sièges sans augmentation de coffres à bagages peut avoir une conséquence sur le travail du PNC quant à la manipulation des bagages. La modification des sièges PNC va entraîner leur positionnement sous les coffres à bagages, entre une des portes et un siège passager alors qu'auparavant les sièges PNC étaient placés pour deux des portes à la place d'un siège passager. Le déplacement du matériel de sécurité est différent de celui analysé dans le rapport d'expertise Technologia. Au vu de ces éléments force est de constater que si certaines modifications de l'A321 sont les mêmes que celles effectuées pour les A319 et 320 analysées dans le rapport d'expertise, d'autres modifications telles que le nouveau ratio nombres de sièges/PNC, la réduction de la largeur de l'allée de l'A321, l'augmentation du nombre de sièges sans augmentation de coffres à bagages et la modification des sièges PNC n'ont pas été analysées par le cabinet Technologia sur l'A321. Le projet Rétrofit de l'A321 va avoir un impact non seulement sur la charge de travail des PNC par l'augmentation du nombre de siège sans augmentation du personnel mais également sur leur espace de travail et leur tache modifiant ainsi leurs conditions de travail. Il va impacter 11 avions A321 et tous les PNC du court et moyen courrier amenés à effectuer des rotations sur ces avions. Ce projet ne peut être considéré comme le prolongement du projet "Smart etamp; Beyond" qui a déjà fait l'objet d'une expertise. Il constitue un aménagement important portant sur les conditions de travail des PNC amenés à effectuer des rotations sur l'A321 justifiant que le CHSCT soit éclairé sur les incidences de ce projet et sa mise en oeuvre et, le cas échéant, sur ses conséquences. Ainsi, s'agissant d'un projet important, la demande d'annulation de la délibération du CHSCT de recourir à une expertise n'est pas fondée. Il convient de rejeter sa demande. Il appartiendra à la société Air France de fournir au cabinet d'expertise désigné les moyens de mener sa mission sans qu'il soit nécessaire de l'y enjoindre sous astreinte. II convient de condamner la société Air France à payer au CHSCT de l'établissement Air France PNC la somme de 3.240 euros au titre des frais et honoraires de son conseil. Les dépens de l'instance seront laissés à la charge de la société Air France ».
ALORS QUE le CHSCT ne peut valablement délibérer que sur une question inscrite à l'ordre du jour ou en lien avec cette question; qu'un expert agréé peut être désigné par le CHSCT en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des salariés ; que le juge a relevé que le « Rétrofit » de l'A321, consistant à procéder à l'aménagement des cabines et du services à bord sur 11 avions A321 avait fait seulement l'objet d'une inscription aux réunions du CHSCT des 20 octobre 2016, 8 et 23 novembre 2016 et du 1er février 2017 au titre d'une information et non pas au titre d'une consultation de l'instance ; que le juge aurait dû déduire de ses propres constatations que la question de recourir à un expert sur le « Rétrofit » A321 n'étant pas à l'ordre du jour et ne présentant pas un lien suffisant avec les questions inscrites, le CHSCT étant simplement informé et non pas consulté sur le « Rétrofit » A321, cette instance ne pouvait pas valablement délibérer sur cette question; qu'en décidant le contraire, le tribunal de grande instance a violé les articles L.4614-8 et L.4614-12 du code du travail.
ET ALORS, en toute hypothèse, QUE le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) peut faire appel à un expert agréé en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, notamment avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail ; que la mesure permettant au CHSCT de recourir à un expert doit avoir la nature d'un projet important modifiant les conditions de travail, ce qui suppose une décision en cours d'élaboration non encore mise en oeuvre par l'employeur et a fortiori non encore achevée; que le juge a relevé que le « Rétrofit » A321 a été mis en oeuvre en novembre 2016 pour s'achever en mars 2017 ; que le tribunal de grande instance aurait dû déduire de ses propres énonciations que le CHSCT ne pouvait plus en l'état de la mise en oeuvre et de l'achèvement du « Rétrofit » A321 recourir à un expert agréé ; que le tribunal de grande instance qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L.4614-12 du code du travail.
ALORS, par ailleurs, QUE le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause; que pour justifier le recours à une expertise, le juge a affirmé que l'expertise réalisée par le cabinet Technologia sur le projet « Smart etamp; Beyond », s'était focalisée sur les aménagements intérieurs des cabines A319 et A320 et sur le service à bord et n'a pas traité des conséquences du projet en matière de dimensionnement des cabines de l'A321; qu'en statuant ainsi, alors que le rapport d'expertise soulignait en page 34 « la classe Business sera dimensionnée sur demande. La taille maximale de la cabine avant sera réduite comparativement au modèle C+S actuel : 318/319 : jusqu'à 20 Cvs ; 320/321 : jusqu'à 40 Cvs, en sorte que le projet « Smart etamp; Beyond » concernait également les avions A321, le tribunal de grande instance a violé le principe suivant lequel le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause.
ALORS, en tout état de cause, QUE ne constitue pas un projet important modifiant les conditions de travail ou les conditions de santé et de sécurité des salariés, la déclinaison ou la mise en oeuvre d'un projet qui a déjà fait l'objet d'une procédure d'information-consultation et d'une expertise en application des dispositions de l'article L4.614-12 2° du code du travail; que le juge a relevé que le projet «Smart etamp; Beyond » qui avait fait l'objet d'une expertise et d'un avis favorable du CHSCT avait pour objectif de densifier une partie de la flotte Air France et prévoyait un aménagement des cabines consistant notamment à modifier le ratio sièges/PNC des avions A319/A320; que le juge a également constaté que le « Rétrofit » A321 avait aussi pour objet de réaménager les cabines et de modifier le ratio sièges/PNC sur 11 avions A321 ; que le juge a enfin relevé que certaines modifications de l'A321étaient les mêmes que celles effectuées pour les A319 et A320 analysées dans le rapport d'expertise effectué par le cabinet Technologia et que dans le cadre de la demande d'une nouvelle expertise, le CHSCT PNC demandait à ce que l'expert procède à un bilan du « Rétrofit » A319/A320 en matière des conditions de travail, de santé et de sécurité des PNC ; que le tribunal de grande instance aurait dû déduire de ses propres énonciations que le « Rétrofit » A321 ne constituait que la déclinaison du projet plus global «Smart etamp; Beyond », qui avait fait l'objet d'une expertise, en sorte que le CHSCT PNC ne pouvait pas recourir à une nouvelle expertise; qu'en décidant le contraire, le tribunal de grande instance a violé l'article L.4614-12 du code du travail.
ALORS, enfin et en toute hypothèse, QUE seul un projet important ayant de réelles répercussions sur les conditions de sécurité et de santé ou sur les conditions de travail des salariés qu'il appartient aux juges de caractériser permet au CHSCT de recourir à une expertise ; que pour considérer que le CHSCT PNC pouvait se faire assister par un expert, le juge a relevé que le « Rétrofit » A321 aurait un impact sur les conditions de travail des salariés dans la mesure où il prévoyait une augmentation du nombre de sièges (12 sièges supplémentaires) sans augmentation du personnel et des coffres à bagages, une modification de l'emplacement des sièges PNC et un rétrécissement de la largeur de l'allée ainsi que des toilettes ; qu'en statuant par ces motifs insuffisants à caractériser en quoi le « Rétrofit » A321 était un projet important entraînant de fortes répercussions sur les conditions de santé, de sécurité ou de travail des salariés justifiant le recours à un expert, le tribunal de grande instance a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L.4614-12 et L.4612-8-1 du code du travail.