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03/10/2018 | FRANCE | N°17-15936

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 octobre 2018, 17-15936


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1132-1 et L. 1133-2 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y..., engagée le 1er février 1991 par la société Le Crédit lyonnais, avec reprise de l'ancienneté antérieurement acquise auprès de son précédent employeur à compter du 29 octobre 1973, a obtenu, au mois de mai de l'année 2011, la médaille d'honneur du travail, échelon vermeil, correspondant à 30 années de service ; que, s'estimant victime d'une discrimination fondée su

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1132-1 et L. 1133-2 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y..., engagée le 1er février 1991 par la société Le Crédit lyonnais, avec reprise de l'ancienneté antérieurement acquise auprès de son précédent employeur à compter du 29 octobre 1973, a obtenu, au mois de mai de l'année 2011, la médaille d'honneur du travail, échelon vermeil, correspondant à 30 années de service ; que, s'estimant victime d'une discrimination fondée sur l'âge découlant des dispositions transitoires d'un accord collectif signé le 24 janvier 2011 prévoyant de nouvelles modalités d'attribution des gratifications liées à l'obtention des médailles d'honneur du travail, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Attendu que, pour débouter la salariée de ses demandes en paiement d'une somme correspondant à la gratification liée à l'obtention de la médaille d'honneur du travail, échelon vermeil, de dommages-intérêts pour résistance abusive et de remise d'un bulletin de paie conforme, l'arrêt retient que, en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au sens des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail n'est pas démontrée ; qu'en effet, s'il est établi que du fait de l'entrée en vigueur du nouvel accord d'entreprise, Mme Y... n'a pu obtenir la gratification résultant de l'obtention de la médaille "vermeil", cette dernière ne conteste pas avoir perçu la gratification "or" en octobre 2014, ni qu'elle pourra percevoir la gratification "grand or" en 2019, au lieu de 2028, date à laquelle, eu égard à son âge, elle n'aurait pu en obtenir paiement ; qu'il est, dès lors, établi qu'elle obtiendra, sur l'ensemble de sa carrière et comme tous les salariés ayant son ancienneté, un nombre total de gratifications équivalent à celui de l'ancien système, si bien qu'elle ne peut valablement se prévaloir du caractère discriminatoire de l'accord d'entreprise considéré en ce que celui-ci la priverait abusivement d'une catégorie de gratification ; que les demandes relatives à la discrimination doivent, par conséquent, être rejetées ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les dispositions transitoires de l'accord collectif du 24 janvier 2011 ne laissaient pas supposer l'existence d'une discrimination indirecte en raison de l'âge en privant les salariés ayant entre trente et une et trente quatre années de service et relevant d'une même classe d'âge, de la gratification liée à la médaille de vermeil du travail et, dans l'affirmative, si cette différence de traitement était objectivement et raisonnablement justifiée par un but légitime et si les moyens de réaliser ce but étaient nécessaires et appropriés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Le Crédit lyonnais aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Le Crédit lyonnais à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Z... de sa demande tendant à ce qu'il soit constaté que la Société Le Crédit Lyonnais avait violé l'ensemble des dispositions des articles L.1132-1, L.1133-1, L.3221-2 et L.3221-3 du code du travail, en conséquence, de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à obtenir la somme de 2014,69 euros correspondant à la gratification liée à l'obtention de la médaille d'honneur du travail, échelon vermeil, de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et de remise d'un bulletin de paie conforme;

AUX MOTIFS QUE : « Une médaille du travail a été instituée par un décret du 15 mai 1948 pour récompenser les salariés pour l'ancienneté de leurs services. Ont alors été institués quatre échelons, « argent », « vermeil », « or » et « grand or ». Depuis le décret du 17 octobre 2000, le nombre d'années de service pour obtenir la médaille d'honneur du travail est fixé à 20 ans pour la médaille « argent », à 30 ans pour la médaille « vermeil », à 35 ans pour la médaille « or » et à 40 ans pour la médaille « grand or ». Au sein de la société Crédit Lyonnais, l'obtention d'une médaille d'honneur du travail est assortie d'une gratification. Avant l'accord collectif du 24 janvier 2011, la gratification était attribuée au salarié après 25, 35, 43 et 48 années de service. L'accord collectif du 24 janvier 2011 a instauré un nouveau dispositif. L'article 6.1 de cet accord prévoit en effet que « les dispositions du présent article se substituent de plein droit à compter de leur date d'entrée en vigueur, soit le 1er mai 2011 à toutes les dispositions résultant d'accords collectifs ou tous autres types d'accords, de décisions unilatérales, de pratiques ou d'usages applicables aux collaborateurs de LCL, en matière de gratification liée à l'obtention de la médaille du travail. » L'employeur considère que l'accord collectif du 24 janvier 2011 se substitue aux règles précédemment applicables, que les notes de service, qui jusqu'alors, précisaient les modalités du versement de la gratification liée à l'obtention pour le salarié de la médaille d'honneur du travail, sont devenues caduques et revendique l'application des nouvelles règles d'obtention de la gratification liée à la médaille d'honneur. Il renvoie plus spécialement aux mesures transitoires prévues par l'accord lesquelles subordonnent le versement de la gratification à la réalisation de deux conditions cumulatives. En effet, selon l'article 6.2 de cet accord, « sous réserve de la transmission du diplôme de la médaille d'honneur du travail d'Etat correspondant, les salariés qui en application du nouveau dispositif et à la date d'entrée en vigueur de ce dernier auraient dû percevoir une gratification au cours des cinq années précédentes et ne percevront aucune gratification au cours des cinq prochaines années, bénéficieront du versement d'une gratification liée à la médaille d'honneur du travail sur la base du montant prévu conformément au présent accord, sous réserve qu'ils ne perçoivent pas une gratification en application du nouveau dispositif au titre de la même médaille d'honneur du travail d'État. » II relève que seuls les salariés qui atteignent les 20, 30, 35 ou 40 années de service à compter du 1er janvier 2011 bénéficient de la gratification dans le cadre du nouveau dispositif, que tel n'est pas le cas de la salariée qui avait atteint 30 ans de service en septembre 2008, qu'elle ne remplissait donc pas la deuxième condition du régime transitoire pour pouvoir en bénéficier. Il fait observer en revanche que Madame Y... était éligible au dispositif transitoire pour l'ancienneté de 35 années et qu'elle a d'ailleurs obtenu dès le mois d'octobre 2014 la gratification pour la médaille « or » alors que selon l'ancien dispositif elle aurait dû attendre 2021. Il conteste toute discrimination liée à l'âge et rappelle que les différences de traitement opérées par voie de conventions ou accords collectifs négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démonter qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. Madame Y... soutient que le dispositif transitoire serait discriminatoire pour les salariés les plus anciens et les plus âgés puisque son application conduit à la priver de sa prime de gratification afférente à la médaille du travail « vermeil », obtenue après 30 années de service. Elle explique qu'elle n'a pu, de part l'application de l'article 6.2, obtenir la gratification résultant de l'obtention de la médaille « vermeil » (en septembre 2008), puisqu'elle ne remplissait pas la seconde condition des dispositions ci-dessus énoncées, devant obtenir une gratification en 2013. A tout le moins, elle considère qu'il existe une inégalité de traitement en raison de son ancienneté et que l'employeur n'apporte aucun élément permettant de démonter qu'un contrôle de proportionnalité de la disparité au regard des raisons avancées pour le justifier a été effectué en respectant un exigence de pertinence. Aux termes de l'article L.1132-1 du Code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap. L'article L.1134-1 du Code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au sens des textes ci-dessus n'est pas démontrée. En effet, s'il est établi que du fait de l'entrée en vigueur de ce nouvel accord d'entreprise Madame Y... n'a pu obtenir la gratification résultant de l'obtention de la médaille « vermeil », cette dernière ne conteste pas avoir perçu la gratification « or » en octobre 2014 ni qu'elle pourra percevoir celle « grand or » en 2019 (au lieu de 2028 ce qui n'aurait pas été possible compte tenu de son âge : 72 ans). Dès lors il est établi qu'elle obtiendra sur l'ensemble de sa carrière et comme tous les salariés ayant son ancienneté, un nombre total de gratifications équivalent à celui de l'ancien système, si bien qu'elle ne peut valablement se prévaloir du caractère discriminatoire de l'accord d'entreprise considéré en ce qu'il la priverait abusivement d'une catégorie de gratification. Les demandes relatives à la discrimination doivent par conséquent être rejetées. La cour rappelle par ailleurs que les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. Dès lors, le principe d'égalité de traitement reste donc applicables aux conventions et accords collectifs de travail, mais les différences de traitement entre salariés, sont présumées justifiées. C'est par conséquent à celui qui conteste le bien-fondé des différences de traitement de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. Au regard de ces éléments, il y a lieu de constater que la différence de traitement invoquée par Madame Y... résulte de cet accord collectif, négocié et signé par les organisations syndicales représentatives et est par conséquent présumée justifiée. Madame Y... ne démontrant pas que cette différence est étrangère à toute considération de nature professionnelle, il convient de la débouter de sa demande de rappel de gratification. Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive La cour relève d'abord que la résistance de la société Crédit Lyonnais est directement liée au différend résultant de l'interprétation de l'accord collectif du 24 janvier 2011, au regard de la situation particulière de Madame Y... . La demande de rappel de gratification formée par la salariée étant rejetée, elle ne peut prétendre au versement de dommages et intérêts pour résistance abusive de l'employeur. Sa demande sera par conséquent rejetée. Sur la demande d'un bulletin de paie pour le mois de mai 2011. Eu égard aux précédents développements, cette demande est sans objet et sera donc rejetée ».

1) ALORS QUE, en déboutant Mme Z... de ses demandes alors que les règles issues de l'accord d'entreprise du 24 janvier 2011 prévoyant de nouvelles modalités d'attribution des gratifications liées à l'obtention des médailles d'honneur du travail affectaient plus particulièrement les carrières longues et donc les personnes les plus âgées de l'entreprise dès lors que celles-ci seraient nécessairement privés de l'une des gratifications cependant que les salariés les plus jeunes les percevraient toutes, ce dont il résultait une discrimination selon l'âge des salariés, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles L.1132-1, L.1133-1, L.3221-2 et L.3221-3 du code du travail ;

2) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, en s'abstenant de rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si les règles issues de l'accord d'entreprise du 24 janvier 2011 prévoyant de nouvelles modalités d'attribution des gratifications liées à l'obtention des médailles d'honneur du travail affectaient plus particulièrement les carrières longues et donc les personnes les plus âgées de l'entreprise dès lors que celles-ci seraient nécessairement privés de l'une des gratifications cependant que les salariés les plus jeunes les percevraient toutes, ce dont il résultait une discrimination selon l'âge des salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-1, L.1133-1, L.3221-2 et L.3221-3 du code du travail ;

3) ALORS QUE, en affirmant, pour dire que l'accord ne créait pas de discrimination à raison de l'âge que Mme Z... percevrait le même nombre de gratifications que sous l'empire de l'ancien système, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a derechef violé les articles L.1132-1, L.1133-1, L.3221-2 et L.3221-3 du code du travail ;

4) ALORS ENFIN QUE, en retenant encore, pour se déterminer comme elle l'a fait, que les différences de traitement instituées par voie d'accord collectif étaient présumées justifiées, cependant qu'était en cause une discrimination à raison de l'âge, la cour d'appel a derechef violé l'article L.1132-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-15936
Date de la décision : 03/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 01 février 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 oct. 2018, pourvoi n°17-15936


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.15936
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