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26/09/2018 | FRANCE | N°17-24166

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 26 septembre 2018, 17-24166


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 juin 2017), que, suivant acte établi le 14 juin 2006 par M. X... (l'avocat), associé au sein de la société civile professionnelle C...-X...-D... (la SCP), la SCI de l'Évêché (la SCI) a apporté en compte courant à la société Mymo (la société) la somme de 200 000 euros, remboursable le 31 décembre 2008 ; que, pour en garantir le remboursement, la société s'est engagée à hypothéquer à première demande de la SCI tous les biens immobiliers lui appart

enant ; que Mme A... et M. B..., associés au sein de la société, se sont porté...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 juin 2017), que, suivant acte établi le 14 juin 2006 par M. X... (l'avocat), associé au sein de la société civile professionnelle C...-X...-D... (la SCP), la SCI de l'Évêché (la SCI) a apporté en compte courant à la société Mymo (la société) la somme de 200 000 euros, remboursable le 31 décembre 2008 ; que, pour en garantir le remboursement, la société s'est engagée à hypothéquer à première demande de la SCI tous les biens immobiliers lui appartenant ; que Mme A... et M. B..., associés au sein de la société, se sont portés chacun caution solidaire du remboursement du prêt, s'engageant à affecter en garantie à titre de nantissement les parts sociales par eux détenues dans ladite société ; qu'à défaut de remboursement à échéance, un arrêt du 28 octobre 2013 a condamné solidairement la société et Mme A... à payer à la SCI la somme principale de 226 571,30 euros, prononcé la nullité du cautionnement de M. B... et ordonné à la SCI de lui rembourser la somme de 22 295,55 euros précédemment recouvrée contre lui ; que la SCI a assigné l'avocat et la SCP en responsabilité civile et indemnisation ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de limiter à 40 000 euros l'indemnisation à elle allouée ;

Attendu que l'arrêt retient que le préjudice résultant des fautes commises par l'avocat résulte pour la SCI de la perte de chance, en l'absence de garantie hypothécaire efficace sur le bien immobilier de la société, de ne pas s'engager dans l'opération litigieuse et, dans l'hypothèse où elle aurait néanmoins consenti l'apport en compte courant, de percevoir, d'une part, la somme de 45 000 euros au titre du solde du prix d'adjudication de l'immeuble, d'autre part, la somme de 22 295 euros du chef du cautionnement de M. B... ; qu'il ajoute que la SCI, agissant en qualité de professionnel, a commis des fautes en n'ayant pas fait inscrire le nantissement des parts sociales dont elle bénéficiait et en ne s'étant pas préoccupée de la réalisation de l'inscription d'hypothèque conventionnelle ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a souverainement estimé que la réparation de la perte de chance devait être fixée à 40 000 euros ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCI de l'Évêché aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la SCI de l'Évêché

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné solidairement Me Louis X... et la SCP C... – X... – D... à payer à la SCI de l'Evêché la seule somme de 40 000 euros à titre de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Aux motifs propres que « sur le troisième grief, la SCI de l'Evêché reproche à Me Louis X... de ne pas avoir réalisé les formalités de nantissement des 28 parts sociales appartenant aux associés de la SCI Mymo ; que le tribunal a écarté ce grief, considérant que cette formalité incombait à l'apporteur la SCI de l'Evêché, dès lors que la convention d'apport en compte courant prévoyait expressément que ce nantissement sera publié à la diligence de rapporteur ; que la cour suivra cette analyse par adoption de motifs, sauf à ajouter que c'est à tort que la SCI de l'Evêché prétend avoir demandé à Me Louis X... de procéder à cette démarche dont il était dispensé, ses pièces 9 et 11 étant des lettres à Me Louis X... des 2 avril et 7 mai 2009, postérieures à l'échéance de la convention et à la défaillance de la SCI Mymo » ;

Et aux motifs adoptés que « contrairement à la promesse d'affectation hypothécaire, la convention d'apport en compte courant avait expressément dispensé Me X... des formalités relatives au nantissement des parts sociales : "le présent nantissement sera régulièrement publié à la diligence de l'apporteur, au greffe du tribunal de commerce de Dax, en annexe du registre de commerce et des sociétés de la SCI Mymo" ; que la SCI de l'Evêché ne peut donc s'en prendre qu'à elle-même si elle n'a pas accompli les diligences qui lui incombaient à ce sujet » ;

Alors que l'avocat, rédacteur d'acte, est tenu de veiller à l'utilité et à l'efficacité dudit acte au regard de la volonté des parties ; que, pour écarter la faute de l'avocat relativement à l'absence d'accomplissement des formalités de nantissement des parts sociales de la SCI emprunteuse, la cour d'appel a énoncé que la convention d'apport en compte courant prévoyait expressément que ce nantissement sera publié à la diligence de l'apporteur ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il incombait à l'avocat rédacteur de l'acte, qui devait veiller à son efficacité, de vérifier l'accomplissement de cette diligence, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné solidairement Me Louis X... et la SCP C... – X... - D... à payer à la SCI de l'Evêché la seule somme de 40000 euros à titre de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Aux motifs que « sur le préjudice de la SCI de l'Evêché, en application de l'article 1231-1 du code civil, ancien article 1147, Me Louis X... doit réparer les conséquences dommageables de ses manquements, mais uniquement ces conséquences dommageables ; qu'il n'est pas contesté que la Z... est solidairement responsable avec lui des conséquences dommageables de ses actes en application de l'article 16 de la loi du 29 novembre 1996, et elle sera condamnée solidairement avec lui ; qu'il est constant que le préjudice de la SCI de l'Evêché s'élève à la somme de 226 571,30 euros, montant de la créance de la SCI de l'Evêché sur la SCI Mymo, telle que fixée par le jugement du tribunal de grande instance de Dax confirmé de ce chef par la cour d'appel de Pau ; que, dans les rapports de la SCI de l'Evêché avec Me Louis X..., l'indemnisation de ce préjudice s'apprécie par référence à la notion de perte de chance ; que cette perte de chance résulte des possibilités d'une part de ne pas s'engager dans cette opération en l'absence de caution hypothécaire efficace sur le bien immobilier de la SCI Mymo , d'autre part, dans l'hypothèse où la SCI de l'Evêché aurait néanmoins contracté cet apport en compte courant, de l'absence d'inscription de garantie hypothécaire conventionnelle, ce qui aurait pu lui permettre de percevoir le solde du prix d'adjudication du bien immobilier après désintéressement du prêteur de deniers, soit environ 45 000 euros, et enfin de recouvrer partie de sa créance sur les cautions personnes physiques en la personne de M. Rémy B..., sur les comptes duquel avait été saisie une somme de 22 295 euros, mais dont le statut d'intermittent du spectacle offrait des garanties limitées ; qu'il demeure que la SCI de l'Evêché agissait en qualité de professionnel, n'a pas fait inscrire le nantissement des parts sociales des associés de la SCI Mymo, et ne s'est pas préoccupée de la réalisation de l'inscription d'hypothèque conventionnelle ; qu'au vu de ces éléments, la cour décide de réduire à la somme de 40 000 euros le quantum de l'indemnité mise à la charge de Me Louis X... ; que le jugement sera réformé de ce chef » ;

Alors 1°) que l'avocat qui a manqué à son obligation de garantir l'efficacité juridique de l'acte qu'il a établi doit réparer l'intégralité du préjudice dont sa faute constitue la cause directe ; que pour limiter l'indemnisation de la SCI de l'Evêché à une perte de chance évaluée à la somme de 40 000 euros, la cour d'appel a énoncé que cette perte de chance résulte notamment de l'absence d'inscription de garantie hypothécaire conventionnelle, ce qui aurait pu permettre à la SCI de l'Evêché de percevoir le solde du prix d'adjudication du bien immobilier après désintéressement du prêteur de deniers, soit environ 45 000 euros, et de l'impossibilité de recouvrer une partie de sa créance sur les cautions personnes physiques en la personne de M. B..., sur les comptes duquel avait été saisie une somme de 22 295 euros, laquelle avait dû ensuite lui être restituée en raison de l'annulation du cautionnement ; qu'en ayant indemnisé la seule perte de chance causée par les fautes professionnelles de Me X..., cependant qu'il résultait de ses propres constatations que la perte des sommes de 45 000 euros et 22 295 euros n'était affectée d'aucun aléa, de sorte qu'il revenait à l'avocat fautif et la SCP dont il était l'associé d'en assumer l'entière réparation de ce préjudice avéré, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

Alors 2°) que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motivation ; que pour limiter l'indemnisation de la SCI de l'Evêché à la somme de 40 000 euros, la cour d'appel a retenu que celle-ci ne s'était pas préoccupée de la réalisation de l'inscription d'hypothèque conventionnelle (arrêt p. 10) ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant constaté que la SCI de l'Evêché avait demandé à Me X..., par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 septembre 2006, de régulariser l'hypothèque conventionnelle, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 3°) et en toute hypothèse que l'avocat ayant engagé sa responsabilité professionnelle doit répondre des conséquences dommageables de chacune de ses fautes, dès lors qu'elles sont à l'origine de préjudices distincts ; que la cour d'appel a imputé à l'avocat une première faute, tirée de ce qu'il n'avait pas vérifié si l'immeuble du débiteur était déjà grevé d'une hypothèque du prêteur de deniers, et n'avait pas déconseillé à la SCI de l'Evêché l'opération dépourvue de garantie efficace ; qu'elle a ensuite imputé à l'avocat une deuxième faute, tirée de ce qu'il n'avait pas veillé à l'inscription de l'hypothèque conventionnelle dont étaient convenues les parties ; qu'elle lui a encore imputé une troisième faute, en ce qu'il était responsable de la nullité du cautionnement souscrit par M. B..., du fait du non-respect du formalisme prévu par le code de la consommation ; que pour limiter l'indemnisation de la SCI de l'Evêché à la somme de 40 000 euros, la cour d'appel a estimé qu'elle avait subi une perte de chance, résultant des possibilités de ne pas s'engager dans l'opération et, dans l'hypothèse où elle aurait néanmoins contracté, de l'absence d'inscription de garantie hypothécaire conventionnelle, ce qui aurait pu lui permettre de percevoir le solde du prix d'adjudication du bien immobilier, soit environ 45 000 euros, et enfin de l'impossibilité de recouvrer partie de sa créance auprès de M. B..., caution, sur les comptes duquel avait été saisie une somme de 22 295 euros, laquelle avait dû ensuite lui être restituée en raison de l'annulation du cautionnement ; qu'en statuant ainsi, sans examiner, relativement à chacune des fautes qu'elle avait imputé à l'avocat, les conséquences dommageables en résultant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, devenu l'article 1231-1 du même code, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-24166
Date de la décision : 26/09/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 27 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 26 sep. 2018, pourvoi n°17-24166


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.24166
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