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27/06/2017 | FRANCE | N°16/02044

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 27 juin 2017, 16/02044


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 27 JUIN 2017



(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, président,)





N° de rôle : 16/02044









[M] [D]

SCP [O] - [D] - [Q]



c/



SCI DE L'EVÊCHÉ

























Nature de la décision : AU FOND

























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 février 2016 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 1°, RG : 13/04890) suivant déclaration d'appel du 24 mars 2016





APPELANTS :



Maître [M] [D]

demeurant [Adresse 1]



SCP [O] - [D] - [Q], agissant po...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 27 JUIN 2017

(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, président,)

N° de rôle : 16/02044

[M] [D]

SCP [O] - [D] - [Q]

c/

SCI DE L'EVÊCHÉ

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 février 2016 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 1°, RG : 13/04890) suivant déclaration d'appel du 24 mars 2016

APPELANTS :

Maître [M] [D]

demeurant [Adresse 1]

SCP [O] - [D] - [Q], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

représentés par Maître Fabrice DELAVOYE de la SCP DGD, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SCI DE L'EVÊCHÉ, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

représentée par Maître Fanny BESSON substituant Maître Dominique LAPLAGNE, avocats au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 mai 2017 en audience publique, devant la cour composée de :

Elisabeth LARSABAL, président,

Jean-Pierre FRANCO, conseiller,

Catherine BRISSET, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant une convention établie le 14 juin 2006 par maître [D], avocat à Dax, membre de la société [O] - [D] - [Q], la SCI de l'Evêché a accepté d'apporter en compte courant à la société Mymo la somme de 200.000 € aux conditions suivantes :

- le versement d'un intérêt annuel de 5 % payable le 31 décembre de chaque année ;

- le remboursement intégral du compte courant le 31 décembre 2008 ;

- la promesse de la société Mymo d'hypothéquer à première demande de l'apporteur tous les biens immobiliers lui appartenant ;

- le cautionnement solidaire de [H] [F] et Madame [G] [E], associés de la société Mymo ;

- l'affectation en nantissement, en garantie de leur engagement de caution, des parts sociales détenues par M. [F] et Mme [E] dans la société Mymo.

La SCI de l'Evêché est entrée le même jour dans le capital de cette société à hauteur de deux parts sur trente parts.

La société Mymo n'a pas honoré sa dette à la date d'échéance fixée au 31 décembre 2008.

Par lettres recommandées en date du 21 janvier 2009, la SCI de l'Evêché a vainement mis en demeure cette société et les cautions.

La SCI de l'Evêché a alors saisi le tribunal de grande instance de Dax par assignation des 23 et 25 septembre 2009.

Par jugement du 21 avril 2010, cette juridiction a condamné solidairement la société Mymo, M. [F] et Mme [E] à payer à la SCI de l'Evêché, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la somme principale de 226.571,30 € avec intérêts au taux contractuel de 5 % l'an sur la somme de 200.000€ à compter du 1er janvier 2009 et capitalisation des intérêts par année entière.

Cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Pau du 28 octobre 2013 en ce qui concerne la société Mymo et Mme [E] et infirmée en ce qui concerne M. [F] en raison de la nullité de son engagement de caution.

La SCI de l'Evêché a donc été condamnée à rembourser les sommes déjà réglées par M. [F] (22.295,55 €) par l'effet d'une saisie attribution pratiquée en vertu de l'exécution provisoire.

Parallèlement, la SCI de l'Evêché a reproché divers manquements à maître [D] par lettres recommandées des 2 avril et 7 mai 2009.

Faute d'obtenir satisfaction malgré la saisine du bâtonnier de Dax, la SCI de l'Evêché a, par acte d'huissier du 12 avril 2013, assigné en responsabilité maître [D] et la société [O] - [D] - [Q] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Par jugement du 2 février 2016, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- dit que maître [D] a engagé sa responsabilité civile professionnelle à l'égard de la société de l'Evêché,

- condamné solidairement maître [D] et la société [O]-[D] - [Q] à payer à la société de l'Evêché la somme de 113.285,65 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné solidairement maître [D] et la société [O]-[D] - [Q] aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause pour ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision,

- condamné solidairement maître [D] et la société [O]-[D] - [Q] à payer à la société de l'Evêché la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes.

Le tribunal a considéré que :

- maître [D] intervenait pour les deux parties et ne peut se décharger de ses obligations, et notamment de son devoir de conseil, en invoquant les connaissances personnelles des parties ou l'intervention d'autres professionnels censés les conseiller,

- il ne peut être reproché à maître [D] d'avoir omis de rechercher si la société Mymo et les cautions étaient solvables,

- maître [D] aurait dû vérifier avant la signature de la convention que le patrimoine de la société Mymo n'était grevé d'aucune inscription hypothécaire,

- en l'absence de dispense dans la convention, maître [D] avait l'obligation d'assurer l'efficacité de la clause relative à la promesse d'affectation hypothécaire,

- s'agissant du cautionnement de M. [F], c'est à tort que maître [D] soutient que ce cautionnement n'avait aucune utilité au motif que M. [F] reste tenu de rembourser la dette de la société Mymo en sa qualité d'associé, et que la souscription d'un cautionnement garantissant le remboursement intégral de la dette contractée par la société Mymo constituait donc bien une garantie supplémentaire pour le créancier.

La SCP[O]-[D] - [Q] et maître [D] ont relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe de leur avocat en date du 24 mars 2016.

Par conclusions signifiées par RPVA le 5 septembre 2016, la SCP [O]-[D] - [Q] et maître [D] demandent à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau :

- dire et juger que maître [D] est intervenu es-qualité de conseil uniquement de la société Mymo,

- constater l'absence de manquement commis par maître [D],

- statuer en tant que de besoin sur la tierce opposition incidente formée par les concluants à l'encontre de la décision rendue par la cour d'appel de Pau le 28 octobre 2013,

- réformer en conséquence l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 28 octobre 2013, en ce qu'il a dit que la société de l'Evêché avait la qualité de créancier professionnel et que l'engagement de caution de M. [F] est nul et de nul effet,

- débouter en toute hypothèse la SCI de l'Evêché de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- la condamner reconventionnellement à leur payer la somme de 5.000€ à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

A titre subsidiaire:

- constater la défaillance de la SCI de l'Evêché dans la démonstration d'un préjudice direct, certain et donc réparable,

- débouter en conséquence la SCI de l'Evêché de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- la condamner reconventionnellement à leur payer la somme de 5.000€ à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens ;

A titre très subsidiaire:

- dire et juger que la société de l'Evêché a commis divers manquements causes exclusives du dommage allégué,

- débouter en conséquence la SCI de l'Evêché de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- la condamner reconventionnellement à leur payer la somme de 5.000€ à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens ;

A titre infiniment subsidiaire:

- dire et juger que seul pourraient être pris en considération, dans l'estimation des préjudices allégués par la société de l'Evêché, le dommage éventuel résultant d'une perte de chance directe, réelle et sérieuse,

- dire et juger que les griefs 1 à 3 précités pages 17 à 19 des présentes écritures ne sont causals

d'aucun préjudice,

- dire et juger que le grief n°4, concernant l'inscription d'une hypothèque conventionnelle, ne serait causal a maxima que d'un préjudice de 55.683,65 €, comme l'a relevé le Tribunal en première instance,

- constater néanmoins que ce préjudice, si tant est qu'il existe, n'est la conséquence d'aucun manquement imputable à maître [D],

- dire et juger en conséquence que ce préjudice ne saurait être pris en considération dans l'évaluation du préjudice de la société de l'Evêché,

- que le 5ème grief relatif à la rédaction de la clause du cautionnement de M. [F] ne pourrait correspondre qu'à un préjudice de 22.295,55 €,

- constater néanmoins qu'aucun manquement imputable à maître [D] et causal d'un tel préjudice n'est démontré en l'espèce,

- dire et juger en toute hypothèse qu'il conviendrait d'appliquer un pourcentage de chance qui ne saurait être supérieur à 50 %, comme l'a d'ailleurs tranché le Tribunal en première instance,

- dire et juger que ce pourcentage de chance ne pourra être appliqué qu'aux préjudices découlant

d'une perte de chance directe, réelle et sérieuse pour la SCI de l'Evêché,

- dire et juger en conséquence que leur condamnation solidaire ne saurait excéder la somme totale de 11.147,78 € (22.295,55 / 2),

- débouter par ailleurs la sci de l'Evêché de ses plus amples demandes.

Par conclusions signifiées par RPVA le 4 novembre 2016, la sci de l'Evêché demande à la cour de :

- déclarer l'appel formé par maître [D] et la société [O]-[D] - [Q] recevable, mais mal fondé,

- débouter maître [D] et la société [O]-[D] - [Q] de leur demande de tierce opposition, irrecevable et mal fondée, outre de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions,

- dire et juger que maître [D] a commis divers manquements dans sa mission de rédacteur de la convention d'apport en compte courant signée entre la société de l'Evêché, la société Mymo, M. [F] et Mme [E], notamment en manquement à son obligation d'information, de conseil et en n'assurant pas l'efficacité de l'acte,

- voir dire et juger que les fautes commises par maître [D] ont causé à la SCI de l'Evêché un préjudice équivalent au montant de son apport et aux intérêts dus selon la convention d'apport en compte courant signée le 14 juin 2006,

- voir dire et juger que la condamnation doit intervenir solidairement entre maître [D] et la société [O]-[D] - [Q],

- condamner en conséquence la société [O]-[D] - [Q] solidairement avec maître [D] à payer à la sci de l'Evêché la somme de 226.571,30€ en principal et intérêts arrêtés au 31 décembre 2008, outre les intérêts au taux contractuel de 5% l'an à compter du 1er janvier 2009 et ce jusqu'à parfait paiement,

- condamner également la société [O]-[D] - [Q], solidairement avec maître [D] à payer à la société de l'Evêché la somme de 5.000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner enfin la société [O]-[D] - [Q], solidairement avec maître [D], aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Laplagne, avocat à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 9 mai 2017.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de l'intervention de maître [M] [D]

Le périmètre de la responsabilité de maître [D] en sa qualité de rédacteur d'acte est déterminé par le fait de savoir s'il intervenait pour une seules des parties, l'autre étant assistée d'un professionnel, ce qui est susceptible de générer une responsabilité délictuelle, ou pour les deux, ce qui relève le cas échéant de la responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1231- 1 du code civil (ancien article 1147).

Il doit être considéré que maître [D] intervenait au nom des deux parties, la SCI Mymo et la SCI de l'Evêché, quand bien même il était auparavant le conseil de la SCI Mymo, dès lors que la SCI de l'Evêché n'était pas assistée par maître [U], notaire, dont l'intervention a été très ponctuelle et s'est limitée à fournir un modèle de promesse d'affectation hypothécaire transmis sans signature par télécopie par son secrétariat (pièce 26 de l'intimée), l'acte lui- même étant rédigé par maître [D], signé par lui seul et en son cabinet, et où il était mandaté pour toutes les formalités de nature à donner pleine efficacité à l'acte ; maître [D] ne fait valoir aucun échange de courriers avec maître [U] ni ne justifie lui avoir adressé le projet d'acte ; il est notable que maître [D] ne se soit pas assuré, comme l'exige l'article 9 du décret du 12 juillet 2005 que la SCI de l'Evêché était conseillée par un professionnel du droit, notamment au regard de la complexité du montage, même si la SCI de l'Evêché est rattachée à un groupe immobilier et financier d'importance lié au[Établissement 1] à [Localité 1].

Il en résulte que la responsabilité de maître [D] peut être recherchée sur le terrain contractuel.

Sur les manquements imputés à maître [M] [D]

Il incombait à maître [D], en sa qualité de rédacteur d'acte, d'informer et d'éclairer les parties et d'assurer l'efficacité de l'acte signé. L'article 7.2 du règlement intérieur des barreaux dispose que l'avocat rédacteur d'un acte juridique assure la validité et la pleine efficacité de l'acte selon les prévisions des parties, et que lorsqu'il a été saisi par une seule des parties, il informe l'autre partie de la possibilité qu'elle a d'être conseillée ou de se faire assister par un autre avocat.

Il appartient à la SCI de l'Evêché d'apporter la preuve d'une faute de maître [D], d'un préjudice et d'un lien de causalité certain, direct et exclusif avec le fait générateur.

La SCI de l'Evêché invoque à l'encontre de maître [D] cinq griefs, qui ne sont pas présentés de la même façon que devant le tribunal de grande instance.

Premier grief

La SCI de l'Evêché reproche à maître [D] de ne pas l'avoir informée, préalablement à la signature de la convention d'apport en compte courant, que l'immeuble de la SCI Mymo était grevé par une inscription d'hypothèque d'un montant de 152 449 € en principal datant de 2003, résultant du privilège de prêteur de deniers du Crédit lyonnais.

Il est constant que l'acte rédigé par maître [D] prévoyait une inscription hypothécaire sur le bien immobilier appartenant à la SCI Mymo sis à[Localité 2] dans les Landes, que ce bien immobilier faisait l'objet d'une inscription d'hypothèque de premier rang inscrite par le prêteur de deniers, et que l'hypothèque de la SCI de l'Evêché n'a jamais été inscrite, ce qui a permis lors de la réalisation du bien immobilier pour 231 000 € que le reliquat du prix de vente après paiement du Crédit lyonnais pour 186 197 € soit revenu à un second créancier inscrit en 2007 postérieurement à l'acte du 14 juin 2006, de sorte que la SCI de l'Evêché n'a rien perçu.

C'est par des motifs complets et pertinents qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte que le premier juge a considéré que le manquement de maître [D] à ce titre était établi ; la circonstance que l'information sur l'existence de cette hypothèque du Crédit lyonnais fût accessible à la SCI de l'Evêché n'est pas de nature à exonérer le professionnel qu'est maître [D] de son obligation de procéder à cette vérification aisée et incontournable, sauf à vider l'obligation de conseil du professionnel de son sens. En effet l'inscription antérieure était de nature à priver la SCI de l'Evêché de l'efficacité de sa garantie et à porter atteinte à l'équilibre des intérêts des parties, et en conséquence de la dissuader de procéder à l'apport envisagé, le nantissement des parts sociales de la SCI Mymo et la caution personnelle des associés étant des garanties moins sérieuses.

L'allégation selon laquelle la SCI de l'Evêché savait parfaitement que le bien immobilier de la SCI Mymo était hypothéqué ne résulte que de l'attestation tardive établie en 2016 par M. [W] [F], père de l'associé et caution [H] [F] et compagnon de Madame [E], gérante de la société Mymo et caution, qui n'est pas suffisamment probante ; en tout état de cause, à supposer que la SCI de l'Evêché ait été informée de l'inscription d'hypothèque pesant sur le bien immobilier de la société Mymo, il eût été dans l'ordre des choses que maître [D] lui déconseillât l'opération dépourvue de garantie efficace.

Ce grief sera retenu.

Second grief

La SCI de l'Evêché reproche à maître [D] de ne pas avoir entrepris de démarches pour régulariser une hypothèque conventionnelle lorsque cela lui a été demandé par lettre recommandée avec accusé de réception par la SCI de l'Evêché.

L'acte rédigé par maître [D] contenait une stipulation intitulée « promesse d'affectation hypothécaire » aux termes de laquelle la SCI Mymo promettait d'hypothéquer au profit de l'apporteur la SCI de l'Evêché tous les biens immobiliers lui appartenant, l'apporteur étant en droit d'exiger l'inscription de cette hypothèque à première demande.

La SCI a procédé à une demande en ce sens auprès de maître [D] par lettre recommandée avec accusé de réception dès le 12 septembre 2006, et maître [D] s'est borné à transmettre cette demande à Madame [G] [E] la gérante de la SCI Mymo ; il est exact que cette formalité ne pouvait être réalisée par lui seul, s'agissant à ce stade d'une hypothèque conventionnelle et non judiciaire, et ne pouvait se faire que par acte notarié, donc d'un commun accord entre la SCI Mymo et la SCI de l'Evêché, de sorte que maître [D] ne pouvait y procéder seul ; pour autant, il devait, ayant été saisi de cette demande légitime de nature à assurer l'efficacité de l'acte par lui rédigé, se préoccuper de la suite donnée par Madame [G] [E] à cette transmission et oeuvrer ainsi à l'inscription légitimement sollicitée ; il a été à cet égard négligent, alors que l'inscription d'hypothèque à cette période aurait été antérieure à celle de second rang réalisée le13 novembre 2007 par M. [A]. Dans le cadre de son obligation d'assurer l'efficacité de son acte, l'avocat rédacteur a commis un manquement.

Troisième grief

La SCI de l'Evêché reproche à maître [M] [D] de ne pas avoir réalisé les formalités de nantissement des 28 parts sociales appartenant aux associés de la SCI Mymo.

Le tribunal a écarté ce grief, considérant que cette formalité incombait à l'apporteur la SCI de l'Evêché, dès lors que la convention d'apport en compte courant prévoyait expressément que ce nantissement sera publié à la diligence de l'apporteur ; la cour suivra cette analyse par adoption de motifs, sauf à ajouter que c'est à tort que la SCI de l'Evêché prétend avoir demandé à maître [M] [D] de procéder à cette démarche dont il était dispensé, ses pièces 9 et 11 étant des lettres à maître [M] [D] des 2 avril et 7 mai 2009, postérieures à l'échéance de la convention et à la défaillance de la SCI Mymo.

Quatrième grief

La SCI de l'Evêché aux termes de ses conclusions page 25 « tient à mettre en exergue la réponse de maître [M] [D] en date du 27 avril 2009 selon laquelle il aurait fortement déconseillé cette opération d'apport en compte courant à la SCI Mymo', ce qui selon elle signifiait que l'opération d'apport en compte courant conduirait à un échec et qu'il aurait dû l'en alerter, manquant ainsi à son devoir de conseil.

Ce grief était présenté comme le premier devant le tribunal de grande instance et a été justement écarté, dès lors qu'il n'appartenait pas à maître [M] [D] de se renseigner sur la solvabilité des emprunteurs.

Si maître [M] [D] ne peut se réfugier derrière le fait que la SCI de l'Evêché n'aurait pas été sa cliente, il n'est pas établi qu'il disposât d'informations qu'il aurait dû communiquer à la SCI de l'Evêché, dont il est rappelé que l'actionnaire est un groupe financier, et qui était à même d'apprécier les éléments du montage envisagé, étant observé que la connaissance de l'hypothèque du prêteur de deniers aurait pu la dissuader de l'opération et que la mise en place de l'hypothèque évoquée ci dessus lui aurait apporté des garanties.

Cinquième grief

Ce grief est relatif à la nullité de l'acte de cautionnement souscrit par M. [H] [F], qui a été déclaré nul par l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 28 octobre 2013, auquel maître [M] [D] n'était pas partie et à l'encontre duquel il forme tierce opposition incidente.

Il est constant que sur le fondement du jugement du 21 avril 2010 du tribunal de grande instance de Dax, la SCI de l'Evêché a fait procéder sur le compte bancaire de M. [H] [F] à une saisie attribution qui lui a permis de percevoir une somme de 22 295.55 €, et qu'elle a dû rembourser cette somme après que la cour d'appel de Pau a réformé le jugement en disant que l'engagement de caution de M. [H] [F] était nul, de sorte qu'elle a perdu ainsi la chance de récupérer environ un dixième de sa créance.

La nullité de l'acte de cautionnement telle que retenue résulte de ce que le formalisme prévu par l'article L341-2 du code de la consommation n'avait pas été respecté.

La tierce opposition formée par maître [M] [D] et la SCP à cet arrêt doit être déclarée recevable, quoique formée pour le première fois en appel, dès lors d'une part que la décision frappée de tierce opposition émanant d'une cour d'appel, elle ne pouvait en application de l'article 588 du code de procédure civile être jugée par une juridiction de rang inférieur ; d'autre part, la tierce opposition incidente, dès lors qu'elle ne tend en l'espèce qu'à faire écarter les prétentions de la SCI de l'Evêché, ne peut être considérée comme nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

Pour autant, la cour ne considère pas cette tierce opposition incidente fondée, dès lors que l'argumentation retenue par la cour d'appel de Pau apparaît complète et pertinente et est adoptée par la cour d'appel de céans ; en effet, c'est dans le cadre de son objet social que la SCI de l'Evêché, à qui il était loisible de former un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Pau, a procédé à cet apport en compte courant au profit de la SCI Mymo, qui certes peut s'analyser en un prêt, mais qui était licite dès lors qu'elle a concomitamment acquis deux parts sociales de la SCI Mymo, étant ainsi actionnaire à plus de 5 % comme l'exige l'article L 312-2 du code monétaire et financier, les SCI n'étant pas des personnes physiques profanes, mais étant en elles-mêmes par nature des professionnels, et la SCI de l'Evêché est en l'espèce intervenue comme prêteur dans la perspective de l'acquisition par la SCI Mymo de terrains qui devaient être revendus avec une plus value. Or, M. [H] [F] est quant à lui une personne physique caution non avertie exerçant la profession de musicien intermittent du spectacle et de fait n'était qu'associé comme fils de M. [W] [F], impliqué dans les montages financiers relatifs au [Établissement 1] à [Localité 1]. Il devait donc bénéficier des dispositions protectrices prescrites à peine de nullité par l'article L341-2 du code de la consommation relatives au libellé de son engagement de caution, alors que cette engagement était ainsi libellé : 'Bon pour caution solidaire de la somme de 200 000 € plus intérêts et frais.', ce qui est drastiquement insuffisant.

Dès lors que la mention de l'acte de cautionnement a été élaborée par maître [M] [D], étant précisé que la SCI de l'Evêché avait dans sa lettre du 13 juin 2006 transmettant le modèle de promesse d'affectation hypothécaire attiré l'attention de maître [M] [D] sur la demande du notaire maître [U] de veiller aux mentions manuscrites portées par les cautions en bas des actes, maître [M] [D] engage sa responsabilité du fait de ce manquement, dont la sanction par la cour d'appel de au résulte non d'une évolution de jurisprudence mais de la méconnaissance d'une obligation légale.

Ce grief sera retenu.

Sur le préjudice de la SCI de l'Evêché

En application de l'article 1231.1 du code civil, ancien article 1147, maître [M] [D] doit réparer les conséquence dommageables de ses manquements, mais uniquement ces conséquences dommageables.

Il n'est pas contesté que la SCP [O]-[D] - [Q] est solidairement responsable avec lui des conséquences dommageables de ses actes en application de l'article 16 de la loi du 29 novembre 1996, et elle sera condamnée solidairement avec lui.

Il est constant que le préjudice de la SCI de l'Evêché s'élève à la somme de 226 571.30 €, montant de la créance de la SCI de l'Evêché sur la SCI Mymo, telle que fixée par le jugement du tribunal de grande instance de Dax confirmé de ce chef par la cour d'appel de Pau ; dans les rapports de la SCI de l'Evêché avec maître [M] [D], l'indemnisation de ce préjudice s'apprécie par référence à la notion de perte de chance ; cette perte de chance résulte des possibilités d'une part de ne pas s'engager dans cette opération en l'absence de caution hypothécaire efficace sur le bien immobilier de la SCI Mymo , d'autre part, dans l'hypothèse où la SCI de l'Evêché aurait néanmoins contracté cet apport en compte courant, de l'absence d'inscription de garantie hypothécaire conventionnelle, ce qui aurait pu lui permettre de percevoir le solde du prix d'adjudication du bien immobilier après désintéressement du prêteur de deniers, soit environ 45000 €, et enfin de recouvrer partie de sa créance sur les cautions personnes physiques en la personne de M. [H] [F], sur les comptes duquel avait été saisie une somme de 22 295 €, mais dont le statut d'intermittent du spectacle offrait des garanties limitées.

Il demeure que la SCI de l'Evêché agissait en qualité de professionnel, n'a pas fait inscrire le nantissement des parts sociales des associés de la SCI Mymo, et ne s'est pas préoccupée de la réalisation de l'inscription d'hypothèque conventionnelle.

Au vu de ces éléments, la cour décide de réduire à la somme de 40 000 € le quantum de l'indemnité mise à la charge de maître [M] [D]; le jugement sera réformé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens seront partagés par moitié entre les parties qui voient rejetées chacune certaines de leurs demandes.

L'équité ne commande en conséquence pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement est confirmé s'agissant des dépens et des frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Déclare recevable mais non fondée la tierce opposition incident de maître [M] [D] et de la SCP [O]-[D] - [Q] à l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 28 octobre 2013 en ce qu'il dit que la SCI de l'Evêché avait la qualité de créancier professionnel et que l'engagement de caution de M. [H] [F] est nul et de nul effet ;

Réforme partiellement le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement maître [M] [D] et la SCP [O]-[D] - [Q] à payer à la SCI de l'Evêché la somme de 113 285.65 € à titre de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Statuant à nouveau de ce chef, condamne solidairement maître [M] [D] et la SCP [O]-[D] - [Q] à payer à la SCI de l'Evêché la somme de 40 000 € à titre de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Confirme pour le surplus le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Elisabeth LARSABAL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 16/02044
Date de la décision : 27/06/2017

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1A, arrêt n°16/02044 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-27;16.02044 ?
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