LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la première branche du moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Et attendu que c'est par une interprétation souveraine de la clause insérée dans le contrat de travail que la cour d'appel a retenu qu'elle n'interdisait pas de rechercher un emploi chez un concurrent ; que le moyen pris en sa seconde branche n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Tradition Securities And Futures aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Tradition Securities And Futures et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Tradition Securities And Futures
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société TSAF de ses demandes indemnitaires et en remboursement contre Monsieur X... et en ce qu'il l'a condamnée à verser à Monsieur X... 28.636 € de contrepartie financière de la clause de non-concurrence et 2.863 € au titre des congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QU'« il est constant que le contrat de travail de Monsieur Nicolas X... contient une clause de non-concurrence stipulée comme suit : « Au-delà de la période d'essai, compte tenu des fonctions exercées par Monsieur X... au sein de la société TSAF notamment de ses relations commerciales entretenues avec la clientèle, son accès à des informations confidentielles et sensibles ainsi que sa connaissance des moyens technique et financiers mis en oeuvre au sein de la société, celui-ci s'interdit à la cessation de son contrat de travail, pour quelque motif que ce soit : - d'exercer en sa qualité d'opérateur, toute fonction commerciale similaire pour le compte d'un intermédiaire concurrent sur les marchés financiers, quelque soit la forme de cette entreprise (entreprise d'investissement ou non) ayant une activité identique, connexe ou complémentaire se rapportant sous une forme quelconque à l'activité de la société TSAF; - de créer directement ou par personne interposée une entreprise susceptible de concurrence la société TSAF. Cette clause, destinée à prévenir le préjudice moral et financier que subira la Société, est limitée à une durée de 6 mois à compter de la date de fin effective de sa collaboration c'est à dire à l'issue du préavis si celui-ci est exécuté ou à la date à laquelle Monsieur X... cessera ses fonctions lorsque le préavis n'est pas exécuté. Elle sera circonscrite géographiquement à Paris, à l'espace économique européen ainsi qu'à la Suisse. Sont expressément exclues du champ d'application de la présente clause les fonction d'opérateur, vendeur, trader, « sales », cambiste ou toute autre fonction au sein des salles de marchés des établissement bancaires » ; que le contrat de travail de Monsieur X... contient, en outre, une clause intitulée « PROPRIETE COMMERCIALE DE TSAF » rédigée en ces termes : « Pendant une durée de 6 mois à compter de la date de fin effective de sa collaboration Monsieur X... s'interdit formellement de démarcher pour quelle que cause que ce soit, toute personne physique ou morale ayant été ou étant client de la société ». Le contrat de travail de Monsieur X... lui faisait enfin interdiction « pendant la durée du présent contrat de s'intéresser directement ou indirectement à toute autre entreprise concurrente », cette clause fonde l'obligation de loyauté ; qu'en ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'obligation de non-concurrence, à l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour retenir que Monsieur Nicolas X... a violé l'obligation de non-concurrence mise à sa charge en exerçant en qualité d'opérateur/vendeur, une fonction commerciale similaire à celle qu'il exerçait au sein de la société TSAF pour le compte de la société KCM et la société TSAF est donc mal fondée dans son moyen ; et que c'est en vain que la société TSAF soutient que Monsieur Nicolas X... a manqué à ces obligations en intégrant la société concurrente KCM dès la fin août 2011 et en y travaillant dans une salle de marché et qu'il a ainsi a exercé des « fonctions commerciales similaires » en violation de son engagement de non concurrence ; en effet la cour retient que la société TSAF ne prouve pas, alors qu'elle supporte la charge de la preuve, que Monsieur Nicolas X... continuait de faire au sein de la société KCM les opérations qu'il faisait au sein de la société TSAF ; que c'est encore en vain que la société TSAF soutient que l'obstruction faite aux demandes de l'huissier, la non communication de divers éléments de preuve formellement demandés, et le fait que les seules informations communiquées donnent une apparence trompeuse de la réalité, permettent de retenir que Monsieur Nicolas X... continuait de faire au sein de la société KCM les opérations qu'il faisait au sein de la société TSAF ; en effet la cour retient que les éléments de preuve produits établissent au contraire que Monsieur Nicolas X... était employé comme stratégiste en produits dérivés et qu'au contraire, aucune trace d'activité de trading n'a été retrouvée ni par l'huissier requis par la société TSAF, ni par l'expert requis par l'huissier ; que c'est en outre en vain que la société TSAF soutient que Monsieur Nicolas X... travaillait dans une salle de marché, qu'il travaillait sur une platine autonome, qu'il est présenté comme courtier dans un document de la société KCM, que son contrat de travail contient des clauses qui ne peuvent correspondre qu'à des fonctions commerciales même si son poste est faussement appelé « stratégiste en produits dérivés », qu'il est mentionné dans l'annuaire des traders au sein de la société KCM et dans l'annuaire professionnel Bloomberg comme ayant occupé des fonctions commerciales au sein de la société KCM au motif que les éléments de preuve produits par ailleurs et qui constituent des documents contractuels - et non des documents de communication comme les deux annuaires qu'invoquent la société TSAF -, établissent au contraire que Monsieur Nicolas X... était employé comme stratégiste en produits dérivés et qu'aucune trace d'activité de trading n'a été retrouvée ; que c'est enfin en vain que la société TSAF stigmatise la « duplicité de Monsieur Nicolas X... et de la société KCM », les « fausses informations » communiquées à l'huissier et que la désignation du poste de Monsieur Nicolas X... a été faite de « façon purement malicieuse » au motif que la fraude ne se présume pas et que c'est à la partie qui l'invoque d'en rapporter la preuve; en l'espèce la cour retient que ces allégations de fraude, lato sensu, ne sont aucunement étayées : qu'en ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'obligation de non-démarchage, à l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour retenir que Monsieur Nicolas X... a violé l'obligation de non-démarchage mise à sa charge en réalisant des opérations de courtage avec des sociétés clientes de la société TSAF et la société TSAF est donc mal fondée dans son moyen ; et que c'est en vain que la société TSAF soutient que Monsieur Nicolas X... a réalisé avec Monsieur Z... (ex-salarié de la société TSAF) des opérations de courtage avec des sociétés clientes de la société TSAF ; en effet la cour retient que les éléments de preuve produits établissent au contraire qu'aucune trace de relations avec des clients de la société TSAF n'a été retrouvée et qu'aucun élément de preuve n'est donc produit par la société TSAF qui procède par allégation ; ainsi le fait que 3 clients de la société TSAF aient cessé d'utiliser les services de TSAF après le départ de Monsieur Nicolas X... ne permet notamment pas de retenir ipso facto que ces clients ont été démarchés par ce dernier pour le suivre chez KCM ; qu'en ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'obligation de loyauté, à l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour retenir que Monsieur Nicolas X... a violé l'obligation de loyauté mise à sa charge et la société TSAF est donc mal fondée dans son moyen ; et que c'est en vain que la société TSAF soutient que Monsieur Nicolas X... a conclu un contrat de travail le 6 juillet 2011 avec la société KCM en violation de son obligation de loyauté ; en effet la cour retient que Monsieur Nicolas X... pouvait sans violer la clause lui faisant interdiction « pendant la durée du présent contrat de s'intéresser directement ou indirectement à toute autre entreprise concurrente » rechercher un emploi chez un concurrent avant de démissionner comme il l'a fait, une fois signé son nouveau contrat de travail » ;
1°) ALORS QUE la violation d'une clause de non-concurrence s'apprécie au regard de l'activité réellement exercée par le travailleur et non pas au vu de ses documents contractuels ; qu'en l'espèce, pour considérer qu'il n'était pas prouvé que Monsieur X... ait exercé une activité commerciale, la cour d'appel a écarté sans plus de motivation, les constats faits par l'huissier et l'ensemble des éléments de preuve produits par l'exposante et émanant pourtant de Monsieur X... en se fondant uniquement sur l'apparence « des documents contractuels » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, les contrats ne démontrant pas la réalité de l'activité et le trading ne résumant pas toute activité commerciale concrète susceptible d'être contractuellement interdite à Monsieur X..., dont l'exposante démontrait qu'il se livrait bien à des activités commerciales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1103 du Code civil (anciennement, C. civ., art. 1134) ;
2°) ALORS QUE les juges du fond sont liés par la commune volonté des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat de travail liant la société TSAF à Monsieur X... interdisait à ce dernier, « pendant la durée du présent contrat, de s'intéresser directement ou indirectement à toute autre entreprise concurrente » ; qu'en jugeant que celui-ci n'avait pas manqué à cette obligation en signant un contrat avec la société KCM, concurrente de l'exposante, le 6 juillet 2011, soit avant de démissionner de son emploi au sein de la société TSAF, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il ressortait que Monsieur X... avait manifestement manqué à son obligation contractuelle de loyauté, et a violé l'article 1103 du Code civil (anciennement, C. civ., art. 1134).