LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Amiens, 25 octobre 2016 et 4 avril 2017), que, par acte notarié du 4 janvier 2008, M. X... et Mme Y... (les emprunteurs) ont conclu avec la société Faustine (le vendeur) un contrat de vente en l'état futur d'achèvement portant sur un immeuble dont la livraison était prévue, au plus tard, au troisième trimestre 2008 ; que, suivant acte du 23 mai 2007, ils avaient souscrit, en vue de financer cette acquisition, un prêt de 159 000 euros remboursable en vingt-sept ans au taux de 4,25 %, auprès de la banque BNP Paribas Personal Finance (la banque) qui a fait inscrire sur le bien un privilège de prêteur de deniers et une hypothèque ; que l'acte de vente mentionnait que les emprunteurs versaient comptant la somme de 31 800 euros et prévoyait que le surplus serait payé au fur et à mesure de l'avancement des travaux, le vendeur devant notifier les divers stades d'avancement de ces derniers sur les justificatifs desquels la banque lui verserait directement les fonds ; qu'à la suite de retards dans l'achèvement du bien, et des défaillances financières des emprunteurs en l'absence de la perception des loyers escomptés, ceux-ci ont assigné le vendeur et la banque en résolution des contrats de vente et de prêt ; que le vendeur a été placé en liquidation judiciaire, la société Z... étant désignée en qualité de mandataire liquidateur ;
Sur la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 4 avril 2017 :
Vu l'article 978, alinéa 1er, du code de procédure civile ;
Attendu que les emprunteurs n'ont pas remis à la Cour de cassation un mémoire au soutien de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 4 avril 2017 ;
Que la déchéance partielle du pourvoi est encourue ;
Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche, ci-après annexé :
Attendu que ce grief n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur les quatre premières branches du moyen, ci-après annexé :
Attendu que les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande fondée sur la faute commise par la banque dans le déblocage du prêt et de les condamner à lui restituer une certaine somme ;
Attendu que l'arrêt relève que la banque a agi au vu des appels de fonds adressés par le vendeur, accompagnés d'une attestation d'avancement des travaux et d'une procuration des emprunteurs conférant à celui-ci tout pouvoir pour demander les déblocages de fonds au fur et à mesure des stades d'achèvement ; qu'il ajoute qu'il n'est pas contesté que les mêmes documents ont été parallèlement adressés aux emprunteurs et que ces derniers n'ont pas formulé de contestation ; qu'ayant ainsi fait ressortir que ceux-ci n'avaient pas démenti les éléments de preuve résultant des états qu'ils avaient donné au vendeur mandat d'établir, la cour d'appel a pu retenir, sans inverser la charge de la preuve, qu'en dépit du retard important pris par les travaux, il n'appartenait pas à la banque d'effectuer de plus amples recherches sur la réalité de l'avancement des travaux ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 4 avril 2017 ;
Le REJETTE en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 25 octobre 2016 ;
Condamne M. X... et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour M. X... et Mme Y...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable mais non fondée la demande de M. X... et de Mme Y... tendant à voir constater la faute commise par la SA BNP dans le déblocage du prêt et de les avoir condamnés à restituer à la SA BNP la somme de 147.870 € avec intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2011 ;
Aux motifs propres que: « (
) La Cour observe qu'il ne peut être contesté que le contrat de vente de l'immeuble en l'état futur d'achèvement et le contrat de prêt destiné à assurer le financement du prix de vente de l'immeuble sont intimement liés. C'est justement la raison pour laquelle la résolution du contrat de vente a entraîné la résolution de plein droit du contrat de prêt, chefs du jugement entrepris qui ne sont pas contestés. Néanmoins il convient de retenir que si le contrat de vente implique l'existence d'obligations réciproques entre le vendeur la SCCV Faustine et les acquéreurs les consorts X... Y... et donc des restitutions réciproques du fait de sa résolution, le contrat de prêt n'implique que l'existence d'obligations réciproques entre la SA BNP Paribas personal Finance obligée au financement du prix de l'immeuble acquis par les consorts X... Y... et ses cocontractants emprunteurs solidaires les consorts X... Y... obligés au remboursement du prêt et en conséquence sa résolution ne peut impliquer que des restitutions réciproques entre le prêteur et les emprunteurs, quand bien même les sommes finançant le prix de vente ont été versées directement au vendeur. Cependant en l'espèce les acquéreurs et emprunteurs mettent en cause la responsabilité de la banque en soutenant que le prêteur a commis une faute dans la remise des fonds en ne s'assurant pas de l'avancement des travaux et en déduisent qu'ils doivent être dispensés du remboursement des sommes prêtées qui devra être demandé directement au vendeur par le prêteur. Cette demande accessoire à l'annulation du contrat de prêt ne saurait être considérée comme une demande nouvelle. Toutefois en l'espèce il convient de relever que la banque a procédé au déblocage des fonds sur des appels de fonds adressés par la SCCV Faustine accompagnés d'une attestation d'avancement des travaux et surtout d'un pouvoir des emprunteurs conférant tout pouvoir à la SCCV Faustine pour demander les déblocages de fonds au fur et à mesure des stades d'achèvement. En outre il n'est pas contesté que les mêmes documents étaient parallèlement adressés aux emprunteurs. Dès lors en dépit du retard important pris par les travaux et en l'absence de toute contestation des emprunteurs, il n'appartenait pas à la banque d'effectuer de plus amples recherches sur la réalité de l'avancement des travaux. Ainsi aucune faute ne peut être imputée à la SA BNP Paribas Personal Finance dans le déblocage des fonds et il convient de débouter les consorts X... Y... de leur demande tendant à se voir dispenser de la restitution des sommes prêtées. Il convient de relever que l'obligation de restituer inhérente au contrat de prêt annulé demeure tant que les parties n'ont pas été remises en l'état antérieur à la conclusion de la convention annulée et donc le privilège de prêteur de deniers ou l'hypothèque conventionnelle, garanties en considération desquelles le prêt a été consenti subsistent jusqu'à l'extinction de cette obligation. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de faire droit à la demande de maintien des garanties formée par la SA BNP Paribas Personal Finance » ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges qu' : « Il résulte des dispositions de l'article 1134 du Code civil que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. L'article 1184 du Code civil prévoit que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où d'une des parties ne satisfera point son engagement. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté peut demander la résolution avec dommages et intérêts. En l'espèce il est indiqué dans le contrat préliminaire conclu le 4 janvier 2008 entre la SCCV Faustine d'une part et M. Daniel X... et Mme Marie Y... d'autre part que « le vendeur s'oblige à mener des travaux de telle manière que les ouvrages et les éléments d'équipement nécessaires à l'utilisation des biens vendus soient achevés et livrés au plus tard le troisième trimestre 2008 ». En l'espèce il est constant que la SCCV Faustine n'a pas respecté le délai de livraison initialement prévu. Il est indiqué à la page 15 du contrat de vente conclu entre les parties que « s'il survenait un cas de force majeure ou une cause légitime de suspension du délai, l'époque prévue pour l'achèvement des travaux serait différée d'un temps égal à celui pendant lequel l'événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux ». La SCCV Faustine, qui soutient que le retard de livraison du chantier est lié à la défaillance des entreprises intervenantes et à des conditions climatiques défavorables, ne justifie aucunement ses allégations. De surcroît il convient de relever que ces causes ne peuvent en aucun cas justifier un retard de livraison de plus de 4 ans. En outre la SCCV Faustine ne démontre pas le caractère imminent de la livraison, le compte rendu de chantier étant insuffisant pour établir la réalité de cette affirmation. Le retard dans l'exécution du contrat étant suffisamment important, il convient de prononcer la résolution de la vente en l'état futur d'achèvement. Il- Sur l'acte de prêt
A- Sur la résolution du contrat de prêt Par application des dispositions de l'article L312-12 du Code de la consommation et de l'article 1184 du Code civil, la résolution judiciaire de la vente d'immeuble entraîne, en raison de son effet rétroactif, la résolution du contrat de prêt. Il convient donc de prononcer la résolution du contrat de prêt conclu entre M. Daniel X... et Mme Marie Y... d'une part et la BNP Paribas Invest Immo d'autre part. B- Sur les conséquences liées à la résolution du contrat de prêt : Lorsqu'un contrat synallagmatique est résolu, les choses doivent être remises au même état que si les obligations nées du contrat n'avaient jamais existé.
Les sommes débloquées en exécution du prêt par la BNP Paribas Invest Immo s'élèvent à 147.870 euros. Compte tenu de la résolution du prêt, M. Daniel X... et Mme Marie Y... seront condamnés à lui restituer cette somme. La SCCV Faustine ne peut être condamnée à restituer les fonds à la banque dans la mesure où elle n'est pas partie au contrat de prêt. En application de l'article 1153 du code civil, en raison de la résolution du crédit consécutive à l'annulation de la vente, les parties devant être placées dans l'état où elles auraient été si le prêt n'avait pas été souscrit, la banque peut prétendre à des intérêts au taux légal sur la somme avancée, mais seulement depuis la mise en demeure et non depuis la mise des fonds à disposition de l'emprunteur. A défaut de mise en demeure envoyée par la banque, cette dernière peut prétendre à des intérêts au taux légal à compter de sa première demande, soit le 7 octobre 2011 » ;
1°) alors, premièrement, que l'indivisibilité conventionnelle entre le contrat de vente d'un bien immobilier en l'état futur d'achèvement et le contrat de crédit affecté et utilisable par fractions au vu de l'avancement des travaux est une règle d'ordre public destinée à la protection de l'emprunteur ; qu'ainsi le prêteur ne peut délivrer les fonds au vendeur sans s'être assuré de la réalité de l'avancement des travaux, sauf à commettre une faute qui le prive de la possibilité de se prévaloir des effets de la résolution du contrat de prêt, conséquence de la résolution du contrat principal de vente, et de demander à l'emprunter le remboursement des sommes prêtées ; qu'en l'espèce, la résolution du contrat de vente en l'état futur d'achèvement ayant entraîné la résolution de plein droit du contrat de crédit affecté, la Cour d'appel ne pouvait considérer que la résolution du contrat de prêt n'impliquait l'existence d'obligations réciproques qu'entre la banque et les emprunteurs, alors seuls tenus à restitutions réciproques, sans rechercher si le fait pour le prêteur d'avoir versé directement les fonds au vendeur sans avoir vérifié la réalité de l'état d'avancement des travaux, n'avait pas privé l'emprunteur du droit à remboursement des fonds ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1147 et 1184 du Code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble celles des articles L. 311-20 et L. 311-21 et suivants du Code de la consommation dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 ;
2°) alors, deuxièmement, que commet une faute engageant sa responsabilité le banquier qui verse les fonds affectés à une vente en l'état futur d'achèvement sans s'être assuré de la réalité de l'avancement des travaux ; qu'il ressortait des propres constatations de la Cour d'appel que la SCCV Faustine n'avait pas respecté le délai de livraison et qu'en dépit du retard important pris par les travaux de construction de l'immeuble litigieux lequel ne sera finalement jamais achevé, la banque avait continué à débloquer les fonds (arrêt attaqué p. 5, § antépénultième et jugement confirmé p. 3, dernier §) ; que la Cour d'appel a cependant dégagé la banque de toute responsabilité au titre du déblocage des fonds lesquels devaient, aux termes du contrat du 4 janvier 2008, être, « vers(és) par le prêteur au fur et à mesure de l'avancement des travaux
», au motif qu'« il n'appartenait pas à la banque d'effectuer de plus amples recherches sur la réalité de l'avancement des travaux » (arrêt attaqué p. 5, § antépénultième), qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°) alors, troisièmement, que commet une faute engageant sa responsabilité le banquier qui verse les fonds affectés à une vente en l'état futur d'achèvement sans s'être assuré de la réalité de l'avancement des travaux ; que le défaut d'opposition des emprunteurs au versement desdits fonds n'est pas de nature à décharger le banquier de sa responsabilité ; que pour dégager la banque de toute responsabilité au titre du déblocage des fonds affectés, la Cour d'appel a cependant retenu « l'absence de toute contestation des emprunteurs » (arrêt attaqué p. 5, § antépénultième) ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a derechef violé les dispositions de l'article 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°) alors, quatrièmement, qu' il incombe au prêteur, tenu de ne délivrer les fonds au vendeur qu'au reçu d'un document attestant l'exécution des travaux financés, de démontrer cette exécution ; que pour condamner les emprunteurs à restituer à l'organisme prêteur les sommes qu'il avait directement versées au vendeur, la Cour d'appel a retenu qu'il « n'appartenait pas à la banque d'effectuer de plus amples recherches sur la réalité de l'avancement des travaux » (arrêt attaqué p. 5, § antépénultième) ; qu'en statuant ainsi quand il incombait à la BNP, tenue de verser à la SCCV Faustine les fonds affectés au financement de la vente en l'état futur d'achèvement au vu d'un état d'avancement des travaux, d'établir l'exécution de ceux-ci, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les dispositions de l'article 1315 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
5°) alors, enfin et en tout état de cause, que le créancier ne peut obtenir deux fois le paiement d'une même créance ; qu'il ne peut cumuler à la fois le remboursement de la somme totale par lui versée au titre du financement d'un bien immobilier et une indemnité équivalente à celle-ci sur la vente dudit bien ; que la Cour d'appel a cependant condamné M. X... et Mme Y... à restituer à la banque la totalité des sommes par elle versées au vendeur et a fait parallèlement droit à demande de la banque tendant au maintien du bénéfice du privilège de prêteur de derniers et de l'hypothèque conventionnelle sur l'immeuble financé, permettant à la banque de faire valoir en plus ses droits sur la réalisation de l'immeuble dans le cadre de la procédure collective du vendeur ; que ce faisant, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles 1235 et 1376 dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.