La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/09/2018 | FRANCE | N°17-22204

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 20 septembre 2018, 17-22204


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale et 80 duodecies du code général des impôts, dans leur rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

Attendu que les indemnités compensatrices de préavis et de congés payés et l'indemnité pour violation du statut protecteur, versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail et qui ne so

nt pas au nombre des indemnités non imposables au titre de l'impôt sur le revenu des...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale et 80 duodecies du code général des impôts, dans leur rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

Attendu que les indemnités compensatrices de préavis et de congés payés et l'indemnité pour violation du statut protecteur, versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail et qui ne sont pas au nombre des indemnités non imposables au titre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques limitativement énumérées par le second de ces textes, sont soumises aux cotisations sociales en application du premier ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le recours en révision d'un arrêt, fixant les indemnités dues par son employeur à la suite de la rupture de son contrat de travail, ayant été rejeté pour avoir été formé tardivement par M. X..., son avocat, assuré auprès de la société Zurich Insurance PLC (l'assureur), M. Y... les a assignés en réparation de son préjudice ;

Attendu que pour condamner M. X... et l'assureur à payer une certaine somme à M. Y... au titre de la perte de chance, l'arrêt retient que celle-ci sera évaluée sur la base des sommes qui lui ont été allouées à la suite de la rupture de son contrat de travail, notamment pour compensation du préavis et des congés payés et violation du statut protecteur, desquelles il n'y a pas lieu de déduire les prélèvements sociaux eu égard à leur caractère indemnitaire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les indemnités litigieuses étaient assujetties aux cotisations sociales en application des textes susvisés, la cour d'appel a violé ces derniers et le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et le condamne à verser à M. X... et la société Zurich Insurance PLC la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. X... et la société Zurich Insurance PLC.

Me X... et la société ZURICH ASSURANCE font grief à l'arrêt confirmatif attaqué de les avoir condamnés solidairement à payer à M. Y... la somme de 104 754,28 € ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE c'est à juste titre que le tribunal a retenu que le recours en révision introduit tardivement par le conseil de M. Y... , puisque le délai pour agir à cette fin expirait le 18 novembre 2013, était voué à l'échec en application de l'article 596 du code de procédure civile et que l'avocat avait commis une faute et manqué à son obligation de diligence en n'introduisant pas le recours en révision dans le délai de deux mois, étant précisé que : - il a eu connaissance au plus tard le 18 septembre 2013 de la teneur du jugement du 6 août 2013 organisant la cession du fonds lorsqu'il a sollicité auprès des administrateurs judiciaires par la lettre du même jour le règlement de la créance de son client « en application des dispositions du plan de cession qui a été entérinée par le tribunal de commerce de Nantes en date du 6 août 2013 », - en vertu de l'article L. 1224-2 du code du travail le cessionnaire est tenu de supporter les obligations incombant à l'ancien employeur et de régler les indemnités allouées un salarié dans le cadre de la rupture du contrat de travail à compter de la date d'effet de la session, soit en l'espèce à compter du 1er août 2013 ; que le tribunal a évalué la perte de chance pour M. Y... d'obtenir la somme de 174 590,48 € dans le cadre du recours en révision à 60 %, étant précisé que celui-ci a perçu de la société DECA FRANCE IDF 1 la somme de 60 998,11 € sur les 246 280,57 € alloués ; que l'avocat et l'assureur contestent l'assiette du préjudice retenue à hauteur de la somme de 174 590,48 € en faisant valoir que les indemnités étaient soumises à prélèvement, mais c'est à juste titre que M. Y... réplique que le caractère indemnitaire des sommes allouées pour violation du statut protecteur, pour licenciement et licenciement nul, pour compensation du préavis et des congés payés et au titre du droit individuel à la formation exclut de tels prélèvements sur ce montant ; ils contestent également le taux de perte de chance de 60 % en invoquant la mauvaise santé financière du cessionnaire et son incapacité à verser les sommes allouées ; mais outre que la perte de chance doit s'apprécier la date à laquelle le recours en révision était susceptible d'aboutir et non deux ans plus tard, les éléments comptables versés aux débats ne permettent pas de retenir qu'en 2014 le cessionnaire, dont la cessation des paiements a été fixée le 1er novembre 2015, était dans l'impossibilité de remplir ses obligations vis-à-vis des salariés licenciés et en particulier de M. Y... dont le contrat de travail lui a bien été transféré au 1er août 2013 par l'effet de la session résultant du jugement du 6 août 2013 et consentie moyennant le prix de 627 000 € et c'est donc à juste titre que le tribunal a évalué la perte de chance pour M. Y... d'obtenir le règlement de ces sommes par le cessionnaire dans le cadre de son recours en révision à la somme de 104 754,28 € en raison de l'existence d'une chance raisonnable d'obtenir un tel paiement de la société ASILYS PROPRETÉ et qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'indemnité complémentaire présentée par M. Y... , étant rappelé que le préjudice qu'il subit ne peut que s'analyser en une perte de chance d'obtenir lesdites sommes si son recours en révision n'avait pas été déclaré irrecevable ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en droit, la fonction de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ; soumis à une obligation générale de loyauté, de prudence et de diligence, l'avocat est tenu à une obligation absolue de conseil, comprenant l'obligation d'informer et d'éclairer son client, dans la limite de la mission qui lui est confiée, et, à défaut de rapporter la preuve qu'il a rempli son devoir de conseil, il doit réparer le préjudice direct, certains et actuelles en relation de causalité avec le manquement commis ; qu'il ressort de l'examen des faits de l'espèce que Me X... à qui M. Y... avait confié la défense de ses intérêts dans un conflit l'opposant à son employeur la société DECA FRANCE IDF 1, a intenté un recours en révision de l'arrêt du 18 septembre 2013 susdit, le 11 décembre 2013, alors que le délai imparti pour ce faire expirait le 18 novembre 2013 ; dès lors, ledit recours était voué à l'échec en application des dispositions de l'article 596 du code de procédure civile et ce faisant, Me X... a manqué à ses obligations ; qu'il convient d'évaluer les chances de succès de ce recours à l'aune des motivations de l'arrêt qui l'a rejeté et des dispositions légales qui avaient vocation à s'appliquer ; ainsi, en examinant ce recours par voie extraordinaire, la cour d'appel a considéré que le jugement du tribunal de commerce de Nantes intervenu le 6 août 2013 était une « pièce effectivement décisive puisqu'elle a entraîné en cours de délibéré le transfert du contrat de travail de la société DECA FRANCE IDF 1 à la société ASILYS PROPRETÉ » ; la cour a considéré que ce jugement était par conséquent susceptible de fonder un recours en révision de sa décision, s'agissant du deuxième cas d'ouverture prévue par l'article 595 du code de procédure civile, lorsque « depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d'une autre partie » ; qu'en effet, ledit jugement de 6 août 2013 prévoit expressément le transfert au cessionnaire, la société ASILYS PROPRETÉ, de l'intégralité des salariés présents de DECA FRANCE IDF 1, à l'exception des personnes actuellement visées par la procédure de licenciement menée par les administrateurs judiciaires et dont le licenciement a été signifié ainsi que la reprise par le cessionnaire de l'ensemble des congés payés acquis, ainsi que le droit individuel à la formation, prime de 13e mois (page 8 et 9) ; qu'il en découle que le contrat de travail de M. Y... a bien été transféré au cessionnaire ; que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 septembre 2013 a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. Y... , comme celui-ci l'avait demandé, en l'absence de licenciement intervenu, à effet du jour du prononcé de sa décision ; qu'en application des dispositions de l'article L. 1224-2 du code du travail, le cessionnaire, tenu de supporter les obligations incombant à l'ancien employeur, doit le paiement des indemnités allouées à un salarié dans le cadre de la rupture du contrat de travail, à compter de la date d'effet de la session, en l'espèce au 1er août 2013, comme le prévoit le dispositif du jugement du tribunal de commerce susdit ; qu'en l'espèce, les indemnités de 109 065,05 € pour violation du statut protecteur, de 27 453,98 € pour licenciement, de 23 853,84 € pour licenciement nul, de 11 926,92 € pour compensation du préavis, 2192,69 € pour compensation de congés payés est de 1 098 € au titre du droit individuel à la formation, soit en tous 174 590,48 €, lesquelles ont été allouées au titre de la rupture, aurait pu être mises à la charge du nouvel employeur de M. Y... , la société ASILYS PROPRETÉ ; qu'il résulte de ce qui précède que la chance perdue d'obtenir gain de cause dans le cadre du recours en révision par M. Y... pouvant être estimée à 60 %, le tribunal évalue le montant du préjudice réparable consécutif à la faute du conseil à la somme de 104 754,28 € ;

ALORS QUE seules les indemnités limitativement énumérées par l'article 80 duodecies du code général des impôts comme n'étant pas imposables sur le revenu des personnes physiques sont exonérées de cotisations sociales et de prélèvements alignés, en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ; que dès lors, en retenant, pour fixer l'assiette du préjudice subi par M. Y... à la somme de 174 590,48 €, que le caractère indemnitaire des sommes allouées pour violation du statut protecteur, compensation du préavis et des congés payés et au titre du droit individuel à la formation, qui ne sont pourtant pas visées par l'article 80 duodecies du code général des impôts, excluait que ces indemnités soient soumises à prélèvements fiscaux et sociaux, la cour d'appel a violé les textes précités, dans leur rédaction applicable à l'espèce, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-22204
Date de la décision : 20/09/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 20 sep. 2018, pourvoi n°17-22204


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.22204
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award