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20/09/2018 | FRANCE | N°17-16434

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 septembre 2018, 17-16434


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Strasbourg, 21 mars 2017), que lors de la réunion ordinaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail-Est (le CHSCT-Est) de la société Distribution matériaux bois panneaux (la société) du 30 juin 2016, a été votée la mise en oeuvre d'une expertise pour "risques graves" confiée au cabinet "Partenaire CE" ; que, le 7 janvier 2017, la société a saisi le président du tribunal d

e grande instance, statuant en la forme des référés, en annulation de cette dél...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Strasbourg, 21 mars 2017), que lors de la réunion ordinaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail-Est (le CHSCT-Est) de la société Distribution matériaux bois panneaux (la société) du 30 juin 2016, a été votée la mise en oeuvre d'une expertise pour "risques graves" confiée au cabinet "Partenaire CE" ; que, le 7 janvier 2017, la société a saisi le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, en annulation de cette délibération ;

Attendu que la société fait grief à l'ordonnance de déclarer irrecevable sa contestation à l'encontre de la délibération du CHSCT-Est du 30 juin 2016 alors, selon le moyen :

1°/ qu'antérieurement à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, dite loi « Travail », aucun délai n'était imparti à l'employeur pour saisir le juge judiciaire d'une demande en contestation d'une expertise diligentée par le CHSCT ; que la loi du 8 août 2016 modifiant l'article L. 4614-13, alinéa 2, du code du travail a fixé à 15 jours à compter de la délibération du comité d'hygiène le délai accordé à l'employeur pour saisir le juge d'une telle contestation ; qu'en retenant qu'était irrecevable la contestation de la société DMBP à l'encontre de la délibération du CHSCT-Est ayant décidé de diligenter une expertise pour risques graves, au motif inopérant que l'action de l'employeur en contestation de l'expertise décidée par le CHSCT était nécessairement soumise au délai de prescription de droit commun, dès lors qu'il admettait qu'aucun délai de forclusion n'était antérieurement spécifié, le tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les articles L. 4614-13 et R. 4614-19 du code du travail, ensemble l'article 2222 du code civil ;

2°/ que la loi du 8 août 2016 prévoit que le délai de 15 jours pour contester judiciairement la décision prise par le CHSCT court à compter de la délibération emportant décision de recourir à une expertise pour « risques graves » ; qu'en l'espèce, la délibération contestée a été adoptée le 30 juin 2016, soit antérieurement à la loi du 8 août 2016 ; que, dès lors, le tribunal, qui a omis d'indiquer, expressément, quel était le point de départ retenu pour faire courir le délai de 15 jours fixé par les nouvelles dispositions législatives pour saisir le juge d'une contestation d'expertise décidée par le CHSCT, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4614-13 et R. 4614-19 du code du travail ;

3°/ qu'en retenant successivement qu'aucune disposition de la loi n'indique de distinction à faire au regard des délibérations pouvant être contestées conformément aux nouvelles dispositions, qu'il ressort de l'étude d'impact que les objectifs poursuivis par la loi étaient, notamment, d'encadrer le délai de contestation de l'expertise par l'employeur et les délais juridictionnels et que la non application immédiate d'une loi de procédure serait nécessairement génératrice d'insécurité juridique, le tribunal a statué par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4614-13 et R. 4614-19 du code du travail ;

4°/ qu'en écartant tout d'abord l'étude d'impact sous prétexte qu'elle n'avait ni force de loi ni de jurisprudence, avant de s'en prévaloir pour justifier l'irrecevabilité prononcée, motif pris de ce qu'il en ressortait que les objectifs poursuivis par la loi étaient, notamment, d'encadrer le délai de contestation de l'expertise par l'employeur et les délais juridictionnels, le tribunal a statué par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4614-13 et R. 4614-19 du code du travail ;
en vigueur de la loi du 8 août 2016, l'action de l'employeur était bien soumise à un délai, celui de droit commun, délai qui était donc en cours au moment de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle réduisant ce délai ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 2222 du code civil, en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;

Et attendu qu'ayant relevé que l'action de l'employeur en contestation de l'expertise décidée par le CHSCT était soumise au délai de prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil et que l'article L. 4614-13 dans sa rédaction issue de loi n° 2016-1088 du 28 août 2016 réduisant à quinze jours ce délai était, en l'absence de dispositions particulières, entré en vigueur le 10 août 2016, l'ordonnance retient à bon droit que la contestation formée le 7 janvier 2017 de la délibération du CHSCT par la société est irrecevable ;

D'où il suit que le moyen, abstraction faite des motifs critiqués par les troisième et quatrième branches mais surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Distribution matériaux bois panneaux aux dépens ;

Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la société Distribution matériaux bois panneaux à payer la somme de 3 000 euros TTC au CHSCT de la société Distribution matériaux bois panneaux ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour la société Distribution matériaux bois panneaux et M. Y..., ès qualités,

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir déclaré irrecevable la contestation de la société Distribution Matériaux Bois Panneaux à l'encontre de la délibération du CHSCT-Est de la société DMBP du 30 juin 2016 ayant décidé de diligenter une expertise pour risques graves et de nommer un expert et d'avoir condamné la société Distribution Matériaux Bois Panneaux à payer au CHSCT de la société DMBP et à la société Partenaire CE la somme de 1 500 € chacun en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE, sur la recevabilité de la demande, les défendeurs font valoir que l'article L 4614-13 institué par la loi du 8 août 2016 a explicitement prévu que l'employeur disposait du droit de contester l'expertise du CHSCT dans un certain délai, que la saisine du juge suspendait l'exécution de la décision du CHSCT, que l'annulation éventuelle de la mission de l'expert entraînait remboursement des frais éventuellement engagés par l'expert, lesdits frais restant alors à sa charge ou à celle du comité d'entreprise ; que selon l'article L. 4614-13 alinéa 2, l'employeur qui entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût prévisionnel de l'expertise tel qu'il ressort, le cas échéant, du devis, l'étendue ou le délai de l'expertise, saisit le juge judiciaire dans un délai de 15 jours à compter de la délibération du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l'instance de coordination ; que les défendeurs rappellent que la délibération contestée a été adoptée le 30 juin 2016 et que le procès- verbal du CHSCT en sa version adoptée a été transmis le 3 octobre 2016 à la direction de la SAS Distribution Matériaux Bois Panneaux ; que l'assignation a été délivrée le 17 janvier 2017 soit plusieurs mois après la délibération querellée ; qu'ils allèguent que la SAS Distribution Matériaux Bois Panneaux avait au maximum jusqu'au 9 août 2016 plus 15 jours soit, jusqu'au 24 août 2016 minuit, pour contester la délibération ; à l'opposé que les demandeurs estiment que la nouvelle procédure de contestation telle que prévue par la loi du 8 août 2016 ne saurait s'appliquer qu'à la contestation des délibérations adoptées par le CHSCT postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi ; qu'ils se réfèrent en cela à l'étude d'impact du ministère du travail préalable aux débats parlementaires ; qu'ils ajoutent que les dispositions de l'article 2222 du Code civil n'ont pas vocation à s'appliquer lorsqu'aucun délai de forclusion n'existait antérieurement au nouveau texte ainsi que cela est le cas en l'espèce ; qu'ils en concluent que l'action est parfaitement recevable ; néanmoins qu'il doit être rappelé que l'étude d'impact, même réalisée par le ministère du travail, préalablement aux débats parlementaires, n'a pas force de loi ni de jurisprudence ; par ailleurs qu'en application de l'article 2222 du Code civil, en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; s'agissant de la présente action qu'effectivement, si aucun délai de forclusion n'était spécifié antérieurement, il n'en reste pas moins que l'action de l'employeur en contestation de l'expertise décidée par le CHSCT était nécessairement soumise au délai de prescription de droit commun de l'article 2224 du Code civil ; que les demandeurs ne peuvent utilement soutenir que l'article 2222 du Code civil n'a pas vocation à s'appliquer au cas d'espèce ; qu'il doit être constaté que la loi du 9 août 2016 n'a nullement prescrit de dispositions spécifiques notamment, en prévoyant une entrée en vigueur en fonction de la date de vote des délibérations à contester ; que plus précisément, aucune disposition de la loi n'indique de distinction à faire au regard des délibérations pouvant être contestée conformément aux nouvelles dispositions ; qu'il n'est pas contesté que la loi 8 août 2016 est entrée en vigueur le 10 août 2016 ; qu'au-delà des commentaires de doctrine, il convient de rappeler qu'il ressort de l'étude d'impact invoquée que les objectifs poursuivis par la loi étaient, notamment, d'encadrer le délai de contestation de l'expertise par l'employeur et les délais juridictionnels dans le respect des délais de consultation du CHSCT ; qu'il convient d'observer que non-application immédiate d'une loi de procédure serait nécessairement génératrice d'insécurité juridique puisqu'elle permettrait la contestation de délibérations anciennes de plusieurs années avant l'entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016 ; que dans ces conditions en application de l'article L. 4614-13 alinéa 2 du code du travail, la contestation élevée par la SAS Distribution Matériaux Bois Panneaux à l'encontre de la délibération du CHSCT du 30 juin 2016 au terme de laquelle il a été décidé de confier une expertise à la SAS Partenaire Ce doit être déclaré recevable ; qu'il est donc sans objet de statuer sur les demandes subsidiaires des parties ;

ALORS QU'antérieurement à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, dite loi « Travail », aucun délai n'était imparti à l'employeur pour saisir le juge judiciaire d'une demande en contestation d'une expertise diligentée par le CHSCT ; que la loi du 8 août 2016 modifiant l'article L. 4614-13 alinéa 2 du code du travail a fixé à 15 jours à compter de la délibération du comité d'hygiène le délai accordé à l'employeur pour saisir le juge d'une telle contestation ; qu'en retenant qu'était irrecevable la contestation de la société DMBP à l'encontre de la délibération du CHSCT-Est ayant décidé de diligenter une expertise pour risques graves, au motif inopérant que l'action de l'employeur en contestation de l'expertise décidée par le CHSCT était nécessairement soumise au délai de prescription de droit commun, dès lors qu'il admettait qu'aucun délai de forclusion n'était antérieurement spécifié, le Tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les articles L. 4614-13 et R. 4614-19 du code du travail, ensemble l'article 2222 du code civil ;

ET ALORS, AU SURPLUS, QUE la loi du 8 août 2016 prévoit que le délai de 15 jours pour contester judiciairement la décision prise par le CHSCT court à compter de la délibération emportant décision de recourir à une expertise pour « risques graves » ; qu'en l'espèce, la délibération contestée a été adoptée le 30 juin 2016, soit antérieurement à la loi du 8 août 2016 ; que, dès lors, le Tribunal, qui a omis d'indiquer, expressément, quel était le point de départ retenu pour faire courir le délai de 15 jours fixé par les nouvelles dispositions législatives pour saisir le juge d'une contestation d'expertise décidée par le CHSCT, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4614-13 et R. 4614-19 du code du travail ;

ALORS QU'en retenant successivement qu'aucune disposition de la loi n'indique de distinction à faire au regard des délibérations pouvant être contestées conformément aux nouvelles dispositions, qu'il ressort de l'étude d'impact que les objectifs poursuivis par la loi étaient, notamment, d'encadrer le délai de contestation de l'expertise par l'employeur et les délais juridictionnels et que la non application immédiate d'une loi de procédure serait nécessairement génératrice d'insécurité juridique, le Tribunal a statué par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4614-13 et R. 4614-19 du code du travail ;

ALORS QU'en écartant tout d'abord l'étude d'impact sous prétexte qu'elle n'avait ni force de loi, ni de jurisprudence, avant de s'en prévaloir pour justifier l'irrecevabilité prononcée, motif pris de ce qu'il en ressortait que les objectifs poursuivis par la loi étaient, notamment, d'encadrer le délai de contestation de l'expertise par l'employeur et les délais juridictionnels, le Tribunal a statué par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4614-13 et R. 4614-19 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-16434
Date de la décision : 20/09/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 21 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 sep. 2018, pourvoi n°17-16434


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.16434
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