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19/09/2018 | FRANCE | N°17-27230

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 septembre 2018, 17-27230


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 3 octobre 2017), et les pièces de la procédure, que M. X..., de nationalité nigériane, en situation irrégulière en France, a été contrôlé et interpellé, le 28 septembre 2017 à 10 heures 05, dans la gare du RER d'Ivry-sur-Seine ; que les fonctionnaires de police l'ont placé en retenue à 10 heures 05, ont requis un interprète en langue anglaise à 11 heures 10 et lui ont notifié ses droits à 12 heure

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 3 octobre 2017), et les pièces de la procédure, que M. X..., de nationalité nigériane, en situation irrégulière en France, a été contrôlé et interpellé, le 28 septembre 2017 à 10 heures 05, dans la gare du RER d'Ivry-sur-Seine ; que les fonctionnaires de police l'ont placé en retenue à 10 heures 05, ont requis un interprète en langue anglaise à 11 heures 10 et lui ont notifié ses droits à 12 heures 50 ; que le préfet a pris, le même jour, un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français et une décision de placement en rétention administrative ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance de prolonger cette mesure, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il appartient au juge, saisi de la régularité d'un contrôle d'identité opéré sur réquisitions du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions, de vérifier le lien temporel entre le contrôle d'identité et la recherche des infractions visées dans les réquisitions ; qu'en se bornant à relever, pour écarter le moyen tiré de l'irrégularité du contrôle d'identité opéré le 28 septembre 2017, que les réquisitions écrites du procureur de la République de Créteil visaient à rechercher et poursuivre des infractions enregistrées au cours de la période du 1er juillet 2017 au 15 août 2017, sans toutefois vérifier, comme il lui était pourtant demandé, le lien entre la période de contrôle et la recherche des infractions visées par les réquisitions du procureur de la République, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 78-2, alinéa 7, du code de procédure pénale ;

2°/ qu'en s'abstenant de répondre au moyen opérant soulevé par M. X..., tiré de l'absence de lien temporel entre la période de contrôle, de 9 heures 30 à 11 heures 30, et la recherche des infractions visées par les réquisitions du procureur de la République, le premier président de la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que le contrôle d'identité de M. X... est intervenu sur le fondement de réquisitions du procureur de la République du 22 septembre 2017, en application de l'article 78-2 du code de procédure pénale, visant la recherche et la prévention d'infractions de vols, vols aggravés, extorsions, destructions et dégradations, violences, infraction à la législation sur les stupéfiants, infractions à la législation sur les étrangers, détentions d'engins incendiaires ou explosifs, compte tenu de l'enregistrement, entre le 1er juillet et le 15 août 2017, par le commissariat, d'un vol avec arme, de quatre vols de véhicules, trois vols avec violence et une infraction à la législation sur les stupéfiants, l'ordonnance retient que ce contrôle a été effectué, pendant la période délimitée, dans une gare RER, lieu public situé dans une zone urbaine particulièrement fréquentée en banlieue parisienne, où les infractions susvisées étaient susceptibles d'être commises ; que par ces constatations et appréciations, dont il a déduit qu'aucun élément n'était de nature à remettre en cause le lien entre les infractions visées et les lieux et la période de contrôle, le premier président a répondu comme il le devait aux conclusions qui lui étaient soumises ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait le même grief à l'ordonnance, alors, selon le moyen :

1°/ que la nécessité de recourir à un interprète, aux fins de notification de ses droits à l'étranger placé en retenue pour vérification de son droit au séjour, ne constitue pas une circonstance insurmontable justifiant un retard dans la mise en oeuvre de cette notification ; qu'en jugeant, pour écarter le moyen tiré du retard injustifié dans la notification de ses droits à M. X..., que le retard de notification, différée à 12 heures 50, était justifié par la nécessité de recourir à un interprète en langue anglaise, requis à 11 heures 10, quand le placement en retenue était intervenu à 10 heures 05, le premier président de la cour d'appel a statué pas des motifs impropres à caractériser les circonstances insurmontables justifiant qu'il ait été impossible de faire immédiatement appel à un interprète en langue anglaise, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

2°/ que tout retard injustifié dans la notification immédiate des droits en retenue porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ; qu'en jugeant, par motifs propres, que le retard de notification des droits n'avait eu pour objet que de préserver les intérêts de l'intéressé afin qu'il comprenne la portée de ses droits et puisse les exercer, et, par motifs adoptés du premier juge, que M. X... n'établissait pas que le délai de retenue ait porté atteinte à ses droits, quand le seul retard dans la mise en oeuvre de cette notification portait pourtant nécessairement atteinte à ses intérêts, le premier président de la cour d'appel a violé le même texte par fausse interprétation ;

3°/ qu'en jugeant, par motifs adoptés du premier juge, que la retenue n'exigeait pas que les diligences nécessaires soient effectuées par les services de police de façon continue, dans la mesure où le délai maximal de seize heures était respecté, quand ce motif concernait seulement la durée totale de la retenue et était donc impropre à écarter le moyen tiré du retard injustifié dans la mise en oeuvre de la notification des droits de la retenue, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du même texte ;

Mais attendu que le début de la retenue, au sens de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ses dispositions relatives à la notification des droits, s'entend de la présentation de l'intéressé à l'officier de police judiciaire ; qu'ayant relevé que le retard de la notification de ses droits à M. X... était justifié par la nécessité de recourir à un interprète en langue anglaise, requis à 11 heures 10, soit sans délai au regard de l'heure de la présentation à l'officier de police judiciaire, le premier président, qui n'a pas adopté les motifs critiqués par la troisième branche, a pu retenir que ce délai n'avait d'autre finalité que de préserver les intérêts de la personne retenue afin qu'elle comprenne la portée de ses droits et puisse les exercer, de sorte que la notification des droits n'était pas tardive ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré la requête du préfet du Val-de-Marne recevable et la procédure régulière, et ordonné la prolongation de la rétention de M. X... au centre de rétention administrativen° 3 du [...] , ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de vingt-huit jours à compter du 30 septembre 2017à 18h30 ;

Aux motifs propres que « La cour considère que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qu'il convient d'adopter que le premier juge a statué tant sur les moyens de nullité que sur les moyens de fond soutenus devant lui tant dans le cadre de la contestation de l'arrêté de placement que dans celui afférent à la demande de prolongation de la mesure de rétention administrative de M. Jude Z... X... , sauf à y ajouter les motifs qui suivent.

La cour considère que c'est à bon droit que le premier juge a écarté le moyen de nullité tiré de l'irrégularité du contrôle d'identité dans la mesure où il résulte de la procédure que l'intéressé a été contrôlé le 28 septembre 2017 à 10H05 dans l'enceinte de la gare SNCF de la ligne du RER C station "Ivry sur Seine", sur la base de réquisitions écrites du procureur de la République de Créteil du 22/09/17, rappelant que sur la période du 1er juillet 2017 au 15 août 2017 le commissariat d'Ivry sur Seine a enregistré un vol à main armée, 4 vols de véhicules, 3 vols avec violence et 1 infraction à la législation sur les stupéfiants, ces réquisitions visant notamment les infractions suivantes : vols, vols aggravés, extorsions, destructions et dégradations, violences, infraction à la législation aux stupéfiants, infractions à la législation sur les étrangers, détentions d'engins incendiaires ou explosifs, soit des infractions en lien avec celles visées liminairement ; qu'outre la limitation du contrôle dans le temps et dans l'espace le 28 septembre 2017 de 09H30 à 11H, à l'intérieur d'un périmètre délimité sur la commune d'Ivry sur Seine visant notamment la gare RER C d'Ivry sur Seine et la régularité du contrôle de ce chef pour être intervenu le 28 septembre 2017 à 10H05 à la dite station de la gare RER C d'Ivry sur Seine, il y a lieu de considérer que s'agissant d'un lieu public situé dans une zone urbaine particulièrement fréquentée en banlieue parisienne, d'une gare RER où les infractions susvisées sont largement susceptibles de se produire, aucun élément tiré de ces considérations ne peut justifier à lui seul une remise en cause du lien entre les infractions visées et les lieux et la période du contrôle ; ce moyen sera donc rejeté » (ordonnance d'appel, p. 2, § 2) ;

Et aux motifs adoptés du premier juge que « SUR LA REGULARITE DE LA PROCEDURE ANTERIEURE AU PLACEMENT EN RETENTION :

Attendu en premier lieu, qu'il ne ressort de la procédure et des débats aucun élément qui permettrait d'affirmer que les lieux et les périodes mentionnés dans la réquisition seraient sans lien avec la recherche des infractions visées, ni que les enquêteurs se seraient livrés à un détournement de procédure, que le contrôle querellé qui s'est déroulé le 28 septembre 2017 à 9h35 dans l'enceinte de la gare SNCF de la ligne RER C a été opéré dans les circonstances de temps et de lieu conforme aux réquisitions du procureur de la République, étant rappelé, en outre, qu'il appartient à celui qui invoque ces moyens d'en démontrer le bien-fondé, s'agissant d'un contentieux soumis aux règles du code de la procédure civile » (ordonnance, p. 2, in limine) ;

1°) Alors que, d'une part, il appartient au juge, saisi de la régularité d'un contrôle d'identité opéré sur réquisitions du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions, de vérifier le lien temporel entre le contrôle d'identité et la recherche des infractions visées dans les réquisitions ; qu'en se bornant à relever, pour écarter le moyen tiré de l'irrégularité du contrôle d'identité opéré le 28 septembre 2017, que les réquisitions écrites du procureur de la République de Créteil visaient à rechercher et poursuivre des infractions enregistrées au cours de la période du 1er juillet 2017 au 15 août 2017, sans toutefois vérifier, comme il lui était pourtant demandé (conclusions d'appelant, p. 3), le lien entre la période de contrôle et la recherche des infractions visées par les réquisitions du procureur de la République, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 78-2, alinéa 7 du code de procédure pénale ;

2°) Alors que, d'autre part et en toute hypothèse, en s'abstenant de répondre au moyen opérant soulevé par M. X..., tiré de l'absence de lien temporel entre la période de contrôle, de 09h30 à 11h30, et la recherche des infractions visées par les réquisitions du procureur de la République (conclusions d'appelant, p. 3), le premier président de la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré la requête du préfet du Val-de-Marne recevable et la procédure régulière, et ordonné la prolongation de la rétention de M. X... au centre de rétention administrativen° 3 du [...] , ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de vingt-huit jours à compter du 30 septembre 2017à 18h30 ;

Aux motifs propres que « La cour considère que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qu'il convient d'adopter que le premier juge a statué tant sur les moyens de nullité que sur les moyens de fond soutenus devant lui tant dans le cadre de la contestation de l'arrêté de placement que dans celui afférent à la demande de prolongation de la mesure de rétention administrative de M. Jude Z... X... , sauf à y ajouter les motifs qui suivent.

[
]

Sur le moyen tiré du retard à la notification des droits lors de la retenue, différée à 12H50, il est totalement justifié par la nécessité de recourir à un interprète en langue anglaise requis dès 11H10 le 28 septembre 2017, de sorte que ce retard n'a eu que pour objet de préserver les intérêts de l'intéressé afin qu'il comprenne la portée de ses droits et puisse les exercer. Ce moyen sera également rejeté.

[
]

Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance querellée » (ordonnance d'appel, p. 2) ;

Et aux motifs adoptés du premier juge que « SUR LA REGULARITE DE LA PROCEDURE ANTERIEURE AU PLACEMENT EN RETENTION :

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]

Attendu en deuxième lieu, que si les droits concernant la procédure de retenue n'ont été notifiés au requérant qu'à 12h50 alors que le placement en retenue est intervenu à 10h05, il ressort toutefois des pièces du dossier que la notification des droits a dû être différée afin de lui permettre de trouver un interprète qui a été requis à 11 heures ; que la retenue n'exige pas que les diligences nécessaires soient effectuées par les services de police de façon continue, dans la mesure où le délai maximal de 16 heures est respecté ; que M. X... n'établit pas que ce délai ait porté atteinte à ses droits ; que le moyen sera rejeté » (ordonnance du juge des libertés et de la détention, p. 2) ;

1°) Alors que, d'une part, la nécessité de recourir à un interprète, aux fins de notification de ses droits à l'étranger placé en retenue pour vérification de son droit au séjour, ne constitue pas une circonstance insurmontable justifiant un retard dans la mise en oeuvre de cette notification ; qu'en jugeant, pour écarter le moyen tiré du retard injustifié dans la notification de ses droits à M. X..., que le retard de notification, différée à 12h50, était justifié par la nécessité de recourir à un interprète en langue anglaise, requis à 11h10, quand le placement en retenue était intervenu à 10h05, le premier président de la cour d'appel a statué pas des motifs impropres à caractériser les circonstances insurmontables justifiant qu'il ait été impossible de faire immédiatement appel à un interprète en langue anglaise, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

2°) Alors que, d'autre part, tout retard injustifié dans la notification immédiate des droits en retenue porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ; qu'en jugeant, par motifs propres, que le retard de notification des droits n'avait eu pour objet que de préserver les intérêts de l'intéressé afin qu'il comprenne la portée de ses droits et puisse les exercer, et, par motifs adoptés du premier juge, que M. X... n'établissait pas que le délai de retenue ait porté atteinte à ses droits, quand le seul retard dans la mise en oeuvre de cette notification portait pourtant nécessairement atteinte à ses intérêts, le premier président de la cour d'appel a violé le même texte par fausse interprétation ;

3°) Alors qu'enfin, en jugeant, par motifs adoptés du premier juge, que la retenue n'exigeait pas que les diligences nécessaires soient effectuées par les services de police de façon continue, dans la mesure où le délai maximal de 16 heures était respecté, quand ce motif concernait seulement la durée totale de la retenue et était donc impropre à écarter le moyen tiré du retard injustifié dans la mise en oeuvre de la notification des droits de la retenue, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du même texte.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-27230
Date de la décision : 19/09/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 sep. 2018, pourvoi n°17-27230


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.27230
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