LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que M. et Mme Y... ont souscrit auprès de la société Generali un contrat multirisques habitation ; qu'à la suite d'un sinistre causé par des intempéries le 8 février 2015, ils ont sollicité le bénéfice de la garantie ; que le rapport d'expertise amiable a conclu qu'ils devaient bénéficier d'une indemnité immédiate de 8 141,98 euros et d'une indemnité différée de 2 530,22 euros ; que le 6 mars 2015, M. X..., agent général de la société Generali, leur a adressé un chèque d'un montant de 10 442,20 euros ; que M. et Mme Y... n'ayant pas fait parvenir les factures des travaux ouvrant droit à l'indemnité différée, M. X... a fait l'objet d'un redressement comptable de la part de la société Generali pour un montant de 2 530 euros ; que le 22 juillet 2016, M. X... a assigné M. et Mme Y... en remboursement de la somme de 2 530 euros sur le fondement de l'article 1376 du code civil et en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que pour rejeter les demandes de M. X..., le jugement énonce que celui-ci n'apporte aucun justificatif quant au prétendu engagement que M. et Mme Y... n'auraient pas respecté ; que ces derniers ont apposé leur signature sur les dispositions particulières du contrat d'assurance mais n'ont pas signé les dispositions générales du contrat, de sorte qu'en qualité de personnes ou de consommateurs non professionnels, ils pouvaient en toute bonne foi faire confiance à l'assureur en sa qualité de professionnel et ignorer l'exigence des factures à produire telle qu'énoncée en dispositions générales du contrat d'assurance ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les conditions particulières signées par M. et Mme Y... énonçaient que « le contrat se compose des présentes dispositions particulières et des documents référencés ci-dessous, dont vous reconnaissez avoir reçu un exemplaire. Dispositions générales n° GA5X21D ci-joint », la juridiction de proximité, qui a dénaturé les termes clairs et précis du contrat, a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 14 juin 2017, entre les parties, par la juridiction de proximité de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Nîmes ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me A..., avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est reproché au jugement attaqué d'avoir débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes dirigées contre M. et Mme Y... ;
AUX MOTIFS QUE l'article 9 du code civil dispose qu'« il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de ses prétentions » ; que l'article 1352 du code civil dispose que « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier la paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation » ; que l'agent général verse au soutien de sa demande le contrat concernant les dispositions générales « domicile, assurance habitation » sur lequel est portée en page 37 la mention suivante : « L'indemnisation en valeur à neuf est toujours réglée en deux temps : dans un premier temps, nous versons l'indemnité correspondant à la valeur d'usage (valeur à neuf moins vétusté) du bien sinistré dans la limite de sa valeur économique. Puis, le complément d'indemnité "valeur à neuf" est réglé sur présentation et dans la limite des factures acquittées justifiant de la réparation ou du remplacement du bien sinistré » ; qu'il ressort toutefois de l'ensemble des pièces du dossier que les factures contractuellement visées n'ont pas été remises à M. X..., les époux Y... ayant déclaré de surcroît à l'audience ne pas les avoir conservées ; que sur le fondement de la bonne foi et de l'article 1134 (devenu 1104) du code civil, selon lequel « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi » et ne parvenant pas à se faire remettre les factures litigieuses, M. X..., qui a fait l'objet d'un redressement par Generali, demande par le biais de son avocat, soit les factures prévues au contrat, soit le remboursement de la somme indument versée sur le compte de la confiance ; que faute de factures, les époux Y... remettent des devis ainsi que des clichés photographiques attestant ainsi de la réalité des réparations effectuées suite à la remise par M. X... d'un chèque en règlement du sinistre de 10.442,20 € incluant l'indemnité différée dont ils ne contestent pas la réalité ; que plusieurs éléments en l'espèce sont de nature à accréditer les arguments en défense des époux Y... ; que l'indemnité leur a été allouée à l'initiative de l'agent général qui a agi, selon ses propres déclarations, eu égard à la confiance qu'il vouait à ses assurés ; qu'il a donc pris un risque certain en sa qualité de professionnel et peut aujourd'hui difficilement en demander réparation au visa de l'adage selon lequel « nul ne peut se prévaloir de sa propres turpitude » ; qu'il ne peut qu'accepter sa propre faute générée par son imprudence sans tenter de s'en exonérer en invoquant la faute des assurés et demander restitution de l'indemnité versée à tort par voie judiciaire ; que ce dernier motive sa requête sur l'engagement des assurés à lui faire parvenir dans les meilleurs délais les factures, engagement qu'ils n'ont pas tenu ; qu'il n'apporte cependant aucun justificatif quant au prétendu engagement que les époux Y... n'auraient pas respecté ; que M. X... déroge en ce sens aux dispositions des articles 9 du code de procédure civile et 1352 du code civil précitées ; que les défendeurs ont apposé leur signature sur les dispositions particulières du contrat d'assurance mais ils n'ont pas signé les dispositions générales du contrat, de sorte qu'en qualité de personnes ou de consommateurs non professionnels, ils pouvaient en toute bonne foi faire confiance à l'assureur en sa qualité de professionnel et ignorer l'exigence des factures à produire telle qu'énoncée en dispositions générales du contrat d'assurance ; qu'il convient en ce sens de rappeler les dispositions de l'article L.211-1 du code de la consommation, favorables en l'espèce aux défendeurs, selon lesquelles : « Les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible. Elles s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur » ; qu'ils ont apporté la preuve de travaux réalisés en utilisant l'indemnité à laquelle ils avaient droit suite au rapport d'expertise sans démonstration de mauvaise foi apparente ; et que quand bien même les devis ne remplacent pas les factures, il existe quelques arrêts de la Cour de cassation ayant reconnu, dans certains cas, la validité des devis ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer le sens clair et précis des pièces régulièrement versées aux débats par les parties ; qu'en affirmant que les époux Y... ne pouvaient se voir opposer les dispositions générales du contrat d'assurance, et notamment celle selon laquelle le versement du complément d'indemnité devait être justifié par la production de factures de travaux, dès lors qu'ils n'avaient signé que les conditions particulières et non les conditions générales de la police (jugement attaqué, p. 5 in fine), cependant que, dans les conditions particulières, il était expressément indiqué que M. et Mme Y... reconnaissaient avoir reçu un exemplaire des conditions générales de la police, annexée aux conditions particulières, le tout formant un ensemble contractuel, la juridictions de proximité a dénaturé le sens du contrat en cause et a violé l'article 1192 (nouveau) du code civil, ensemble le principe susvisé ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; que les conditions particulières de la police d'assurance (p. 39) disposent que « le complément d'indemnité "valeur à neuf" est réglé sur présentation et dans la limite des factures acquittées justifiant de la réparation ou du remplacement du bien sinistré » ; qu'en jugeant que la production aux débats de simples devis pouvaient suppléer l'absence de production de factures acquittées, au motif que « quand bien même les devis ne remplacent pas les factures, il existe quelques arrêts de la Cour de cassation ayant reconnu, dans certains cas, la validité des devis »
(jugement attaqué, p. 6, alinéa 4), la juridiction de proximité a méconnu les obligations contractuelles mises à la charge des assurés et a violé l'article 1103 (nouveau) du code civil ;
ALORS, ENFIN, QU' en opposant à M. X..., agent général, l'adage selon lequel « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude », au seul motif que celui-ci aurait commis une imprudence en accordant sa confiance aux époux Y... et en leur versant le complément d'indemnité dans l'attente des justificatifs que ceux-ci avaient promis d'apporter (jugement attaqué, p. 5, alinéa 10), cependant que le fait d'accorder sa confiance à son cocontractant ne saurait être analysé comme constituant une turpitude, la juridiction de proximité s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1103 (nouveau) du code civil.