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13/09/2018 | FRANCE | N°17-15056

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 13 septembre 2018, 17-15056


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'alors qu'il conduisait, le 29 septembre 2002, son véhicule, assuré auprès d'une société d'assurance espagnole, sur une autoroute, C... X... en a perdu le contrôle avant de s'immobiliser sur la voie de gauche ; qu'étant sorti de l'habitacle, il a été percuté quelques minutes plus tard par le véhicule que conduisait Mme Z..., assuré auprès de la société GMF assurances (l'assureur), pour décéder des suites de ses blessures ; que son épouse, Mme D... X... , agis

sant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'alors qu'il conduisait, le 29 septembre 2002, son véhicule, assuré auprès d'une société d'assurance espagnole, sur une autoroute, C... X... en a perdu le contrôle avant de s'immobiliser sur la voie de gauche ; qu'étant sorti de l'habitacle, il a été percuté quelques minutes plus tard par le véhicule que conduisait Mme Z..., assuré auprès de la société GMF assurances (l'assureur), pour décéder des suites de ses blessures ; que son épouse, Mme D... X... , agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants alors mineurs, Yassin et Mariam X..., sa mère, Mme Fatima Y..., son père, M. G... X..., ses soeurs, Mmes Latifa, Mina, Fouzia X... et ses frères, MM. Said, Mustapha, H... et Omar X... ont assigné, en indemnisation de leurs préjudices, l'assureur, Mme Z..., l'association Bureau central français et un organisme social espagnol, la société Institudo nacional de seguridad social 6 tresodreria general de la seguridad social ;

Sur les premiers moyens de chaque pourvoi, qui sont identiques :

Attendu que l'assureur et Mme Z... font grief à l'arrêt de dire que C... X... n'a pas commis une faute inexcusable cause exclusive de l'accident et de les condamner in solidum à verser aux consorts X... diverses sommes en réparation de leurs préjudices, alors, selon le moyen, que la faute inexcusable de la victime, cause exclusive de l'accident, entraîne l'exclusion du droit à indemnisation des proches en conséquence de l'accident ; que constitue une faute inexcusable, cause exclusive de l'accident, le fait de conduire un véhicule de nuit sur une autoroute, sous l'empire d'un état alcoolique important, et de décider, après avoir subi un accident, de sortir par la portière passager se trouvant sur la voie de circulation de l'autoroute, au lieu de sortir par la portière conducteur se trouvant à proximité immédiate du terre-plein central de l'autoroute ; qu'en l'espèce, en refusant de considérer que le comportement de C... X... constituait une faute inexcusable cause exclusive de l'accident, après avoir pourtant constaté, d'une part, qu'il conduisait de nuit sous l'empire d'un état alcoolique de 1,07 g, d'autre part, que son véhicule était immobilisé sans feu de signalisation en biais sur les voies de gauche et de milieu de l'autoroute qui n'étaient pas éclairées et enfin qu'il avait décidé, au lieu de se mettre en sécurité sur le terre-plein central, de se rendre sur la bande d'arrêt d'urgence le forçant ainsi à traverser l'autoroute, ce dont il résultait qu'il avait commis une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité l'exposant sans raison valable à un danger dont il aurait dû avoir conscience, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'après avoir percuté les glissières de sécurité de l'autoroute et perdu le contrôle de son véhicule, qui s'était immobilisé sans feu de signalisation, de nuit et de biais sur la troisième voie, la plus à gauche dans le sens de circulation, à côté du terre-plein central, l'avant droit empiétant sur la voie médiane, C... X... l'avait quitté pour tenter de rejoindre la bande d'arrêt d'urgence, appeler les secours et se mettre en sécurité et que c'était au moment où il s'était trouvé à côté de la portière avant droit que Mme Z..., qui circulait sur la voie médiane, l'avait percuté et retenu que le comportement de la victime, risqué mais rendu nécessaire par les circonstances, n'avait pas été constitutif d'une mise en danger volontaire, la cour d'appel a pu décider que C... X... , dont la qualité de piéton lors du choc ayant entraîné sa mort n'était pas contestée, n'avait pas commis une faute inexcusable cause exclusive de l'accident ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur les deuxièmes moyens de chaque pourvoi, qui sont identiques :

Attendu que l'assureur et Mme Z... font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à verser, au titre du préjudice économique, à Mme D... X... ainsi qu'à M. Yassin X... et à Mme Mariam X... diverses sommes, alors, selon le moyen, que l'objet de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu, sans qu'il résulte pour elle perte ou profit ; qu'il en résulte que les prestations à caractère indemnitaire versées par les organismes sociaux aux victimes par ricochet se déduisent du montant des dommages-intérêts dus par le tiers responsable ou son assureur, et ceci, dans le respect du principe de la réparation intégrale du préjudice qui prohibe tout enrichissement de la personne lésée, quand bien même ces prestations n'ouvriraient pas droit à un recours subrogatoire ; qu'en refusant néanmoins de déduire les pensions versées par l'Institudo nacional de seguridad social des dommages dus par l'assureur à l'épouse et aux enfants de la victime au titre du préjudice économique, au motif inopérant que les pensions versées par un organisme social espagnol n'ouvrent pas droit à un recours subrogatoire de l'organisme social et ne peuvent être déduites de l'indemnisation des victimes par ricochet, la cour d'appel a violé l'article 6 de la loi du 5 juillet 1985 et le principe de réparation intégrale du préjudice ;

Mais attendu qu'ayant à bon droit retenu que, conformément aux dispositions de l'article 93 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971, la subrogation et l'étendue du droit de recours d'une institution de sécurité sociale à l'encontre de l'auteur d'un dommage survenu sur le territoire d'un autre État membre sont déterminées par le droit de l'État membre dont relève cette institution et rappelé qu'il résulte tant de l'article 127.3 de la loi générale sur la sécurité sociale espagnole qui dispose "qu'indépendamment des actions exercées par les travailleurs ou par leur ayant cause, l'Institut National de la Santé et le cas échéant, les mutuelles des accidents du travail et maladie professionnelle de la sécurité sociale auront le droit de réclamer au tiers responsable, ou le cas échéant au subrogé légalement ou contractuellement dans leurs obligations, le montant des prestations de santé qu'ils ont versées" que de la jurisprudence du Tribunal suprême espagnol du 30 avril 2008 relative à cet article que le recours de l'organisme de sécurité sociale contre le responsable est limité aux prestations de santé, soit les soins médicaux et hospitaliers, à l'exclusion de toute autre prestation sociale, notamment à cause de mort, la cour d'appel, qui a ainsi estimé que les pensions versées par l'Institudo nacional de seguridad social en raison du décès de C... X... ne lui ouvraient pas droit à un recours subrogatoire, en a exactement déduit, sans méconnaître le principe de la réparation intégrale, qu'elles ne pouvaient, en conséquence, être imputées sur l'indemnité allouée aux victimes par ricochet au titre de leur préjudice économique ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur les troisièmes moyens, pris en leur seconde branche, de chaque pourvoi, qui sont identiques :

Vu l'article 562 du code de procédure civile, en sa version antérieure au décret n° 2017-691 du 6 mai 2017 ;

Attendu que la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs ;

Attendu que, pour dire que la cour d'appel n'a pas le pouvoir de statuer sur la demande formée par l'assureur en réparation du préjudice matériel subi par Mme Z..., l'arrêt énonce que, dans son jugement frappé d'appel du 19 octobre 2010, le tribunal a ordonné la réouverture des débats sur cette demande, qu'il ne s'est donc pas prononcé sur celle-ci, que la cour d'appel ne peut statuer que sur la chose jugée en première instance ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, par l'effet dévolutif de l'appel, elle était saisie de l'entier litige, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du troisième moyen des pourvois :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la cour n'a pas le pouvoir de statuer sur la demande formée par la société GMF assurances en réparation du préjudice matériel subi par Mme Z..., l'arrêt rendu le 5 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société GMF assurances et Mme Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société GMF assurances, demanderesse au pourvoi principal, et pour Mme Z..., demanderesse au pourvoi provoqué

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. X... n'avait pas commis une faute inexcusable, cause exclusive de l'accident survenu le 29 septembre 2002 et d'avoir condamné la société GMF Assurances et Mme Valérie Z... in solidum à verser à Mme F... X..., les sommes de 4 427,44 euros au titre des frais d'obsèques, 170 515,84 euros au titre du préjudice économique, 25 000 euros au titre du préjudice d'affection, à M. Yassin X..., les sommes de 12 290,88 euros au titre du préjudice économique, 20 000 euros au titre du préjudice d'affection, à Mlle Mariam X..., les sommes de 13 097,28 euros au titre du préjudice économique, 20 000 euros au titre du préjudice d'affection, à Mme Fatima Y... épouse X..., les sommes de 10000 euros, à M. G... X..., la somme de 10 000 euros, à Mme Mina X... la somme de 5 000 euros, à M. Mustafa X... la somme de 5 000 euros, à Mme Latifa X... la somme de 5 000 euros, à Mme Fousia X... la somme de 5 000 euros, à M. Omar X... la somme de 5 000 euros à M. H... X... 5 000 euros, à M. Said X... la somme de 5 000 euros ;

Aux motifs que sur le droit à indemnisation des consorts X..., les consorts X... et le BCF critiquent le jugement en ce qu'il a retenu que M. C... X... , piéton au moment de l'accident, avait commis une faute inexcusable, cause exclusive de l'accident ; que les appelants exposent qu'en versant une provision, la GMF a admis leur droit à indemnisation et était irrecevable en son argumentation fondée sur la faute inexcusable ; que la société GMF, sur laquelle pesait la charge de la preuve, ne rapportait pas la preuve de ce que le décès de M. X... procédait d'une faute inexcusable et exclusive de celui-ci ; que l'origine exacte du premier accident, imputée à une perte de contrôle, était inconnue ; que même si M. X... avait commis une faute lors du premier accident, cette faute était sans aucun lien avec la survenance du second accident, causé par Mme Z... ; que les conditions dans lesquelles M. X... a été heurté sont établies par la déposition de Mme Z... devant la police, il en résultait que la victime, qui avait pénétré régulièrement sur l'autoroute, tentait de se mettre à l'abri et d'appeler les secours en se rendant sur la bande d'arrêt d'urgence ; qu'il ne pouvait être retenu que M. X... aurait dû se mettre à l'abri sur le terre-plein central ; que l'état d'alcoolémie d'un piéton ne saurait constituer une faute inexcusable ; que surabondamment, les consorts X... et le BCF soutiennent que même si l'existence d'une faute inexcusable de M. X... était retenue, cette faute n'est pas la cause exclusive de l'accident, puisque Mme Z... circulait à une vitesse excessive et avait eu un comportement manifestement inadapté, puisqu'elle n'avait pas tenté de se déporter sur la voie de droite, ce qui aurait évité l'accident ; que la société GMF et Mme Z... répondaient que les fautes commises par M. X..., tant en qualité de conducteur que de piéton, étaient la cause exclusive de l'accident ; que la victime avait perdu le contrôle de son véhicule, probablement en raison de son taux d'alcoolémie plus de deux fois supérieur au taux autorisé pour la conduite d'un véhicule ; qu'en sortant de son véhicule du côté passager, alors que son véhicule se trouvait à proximité directe du terre-plein central de l'autoroute, M. X... avait eu un comportement anormal qui l'exposait à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; que le comportement de M. X..., qui avait entamé la traversée des voies puis s'était ravisé, ne permettait pas à Mme Z... de manoeuvrer autrement qu'en freinant ; que les traces de 40 mètres de freinage laissées par le véhicule de Mme Z... ne correspondaient pas à une vitesse excessive, s'agissant d'une autoroute ; que le tribunal avait considéré à juste titre que la victime avait commis une faute inexcusable, alors que Mme Z... avait tout fait pour éviter l'accident et avait eu un comportement adapté aux circonstances ; que les intimés exposaient qu'en procédant au règlement d'une provision dans un cadre amiable, la société GMF n'avait pas admis le droit à indemnisation des appelants ; que la faute inexcusable de M. X..., cause exclusive de son accident, était parfaitement établie au sens des dispositions de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, de sorte que ses ayants-droit ne pouvaient prétendre à l'indemnisation de leurs préjudices ; qu'il n'était pas contesté que M. X..., qui était sorti de son véhicule accidenté, avait la qualité de piéton au moment de l'accident ; qu'aux termes de l'alinéa 1er de l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 « Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident » ; qu'il résulte du procès-verbal d'enquête, que lorsque Mme Z... avait vu M. X..., celui-ci se trouvait à côté de la portière passager de son véhicule, sur la voie du milieu de l'autoroute, mais empiétait sur la voie de droite ; que Mme Z... avait déclaré aux policiers "il semble avoir fait un mouvement pour se rendre sur la droite de la chaussée, mais à la vue de ma voiture il s'est ravisé et a voulu se mettre à l'abri en passant de l'autre côté, vers l'avant de sa voiture. J'ai donné un coup de volant et j'ai freiné pour l'éviter. C'est à ce moment que je l'ai percuté" ; qu'il apparaît que M. X..., dont le véhicule était immobilisé sans feu de signalisation, de nuit, en biais sur les voies de gauche et du milieu de l'autoroute, laquelle n'était pas éclairée, avait quitté son véhicule pour gagner la partie droite de la chaussée, où se trouvaient la bande d'arrêt d'urgence et le poste d'appel d'urgence ; que le comportement, bien que présentant un risque, n'était pas constitutif d'une mise en danger volontaire, mais a été rendu nécessaire par les circonstances et avait pour finalité de permettre à M. X... de quitter les voies de circulation pour rejoindre la bande d'arrêt d'urgence, d'où il pouvait appeler les secours ; qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir choisi de se rendre sur le terre-plein central, car cet endroit, d'où il ne pouvait sortir, ne lui permettait ni d'être en sécurité, ni d'alerter les secours ; que le jugement doit être infirmé en ses dispositions ayant retenu que M. X... avait commis une faute inexcusable, cause exclusive de l'accident ;

Alors que la faute inexcusable de la victime, cause exclusive de l'accident, entraîne l'exclusion du droit à indemnisation des proches en conséquence de l'accident ; que constitue une faute inexcusable, cause exclusive de l'accident, le fait de conduire un véhicule de nuit sur une autoroute, sous l'empire d'un état alcoolique important, et de décider, après avoir subi un accident, de sortir par la portière passager se trouvant sur la voie de circulation de l'autoroute, au lieu de sortir par la portière conducteur se trouvant à proximité immédiate du terre-plein central de l'autoroute ; qu'en l'espèce, en refusant de considérer que le comportement de M. X... constituait une faute inexcusable cause exclusive de l'accident, après avoir pourtant constaté, d'une part, qu'il conduisait de nuit sous l'empire d'un état alcoolique de 1,07g, d'autre part, que son véhicule était immobilisé sans feu de signalisation en biais sur les voies de gauche et de milieu de l'autoroute qui n'étaient pas éclairées et enfin qu'il avait décidé, au lieu de se mettre en sécurité sur le terre-plein central, de se rendre sur la bande d'arrêt d'urgence le forçant ainsi à traverser l'autoroute, ce dont il résultait qu'il avait commis une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité l'exposant sans raison valable à un danger dont il aurait dû avoir conscience, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société GMF et Mme Z... in solidum à verser les sommes suivantes au titre du préjudice économique, provisions versées non déduites : à Mme F... X..., les sommes de 170 515,84 euros, à M. Yassin X..., les sommes de 12 290,88 euros, et à Mlle Mariam X..., les sommes de 13 097,28 euros ;

Aux motifs qu' il résulte des avis d'imposition versés aux débats que M. X... avait perçu en 2001, soit sur 7 mois et demi, un revenu de 6 611,14 euros et en 2002, soit sur 8 mois et demi, un revenu de 6 785,36 euros ; que le relevé de carrière produit montrait que la victime enchaînait, depuis 1992, des contrats de travail de courtes durées et des périodes de chômage ; que toutefois M. X... avait été engagé en qualité de chauffeur livreur par le même employeur du 15 mai 2001 au 16 septembre 2002 ; qu'eu égard à ces éléments il y avait lieu de retenir un revenu net annuel de 7 000 euros en 2002, actualisé à la somme de 8 000 euros en décembre 2009, cette somme n'excédant pas l'évolution du montant des salaires en Espagne durant la période considérée de 7 ans ; que les avis d'imposition produits montraient que Mme X..., âgée de 27 ans lors du décès de son époux, comme étant née le [...] , ne percevait pas de salaire ; qu'il y avait lieu de retenir un revenu net annuel du foyer de 8 000 euros ; que la part de revenu que le défunt consommait peut être fixée à 20 %, soit 1 600 euros ; que la perte annuelle du foyer s'élevait à la somme de 6 400 euros ; que le préjudice viager du foyer est de 6 400 euros x 30,610 (prix d'euro de rente viagère d'un homme de 39 ans, barème gazette du palais 2013) soit 195 904 euros ; que le préjudice temporaire des enfants, en leur attribuant chacun 15 % de la perte annuelle du foyer (6 400 euros x 15 % = 960 euros), jusqu'à l'âge de 20 ans à défaut d'information sur leur situation, peut être évalué comme suit : M. Yassin X..., né le [...] , âgé de 6 ans lors du décès de son père : 960 euros x 12,803 (euro de rente limitée à 20 ans pour un garçon âgé de 6 ans) = 12 290,88 euros ; Mlle Mariam X..., née le [...] , âgée de 5 ans lors du décès de son père : 960 euros x 13,643 (euro de rente limitée à 20 ans pour une fille de 5 ans) soit 13 097,28 euros, que le préjudice économique de Mme X... est de : 195 904 euros - (12.290,88 euros + 13.097,28 euros) = 170 515,84 euros ; que conformément aux dispositions de l'article 93 du Règlement n° 1408/71 du Conseil, la subrogation et l'étendue du droit de recours d'une institution de sécurité sociale à l'encontre de l'auteur d'un dommage survenu sur le territoire d'un autre État membre sont déterminées par le droit de l'État membre dont relève cette institution ; qu'il résulte de l'article 127.3 de la loi générale sur la sécurité sociale espagnole et de la jurisprudence du Tribunal suprême espagnol du 30 avril 2008 relative à cet article que le recours de l'organisme de sécurité sociale contre le responsable est limité aux prestations de santé, soit les soins médicaux et hospitaliers, à l'exclusion de toute autre prestation sociale, notamment à cause de mort ; qu'en conséquence, les pensions versées par l'Institudo Nacional De Seguridad Social n'ouvrent pas droit à un recours subrogatoire de l'organisme social et ne pouvaient être déduites de l'indemnisation des victimes par ricochet ;

Alors que l'objet de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu, sans qu'il résulte pour elle perte ou profit ; qu'il en résulte que les prestations à caractère indemnitaire versées par les organismes sociaux aux victimes par ricochet se déduisent du montant des dommages et intérêts dus par le tiers responsable ou son assureur, et ceci, dans le respect du principe de la réparation intégrale du préjudice qui prohibe tout enrichissement de la personne lésée, quand bien même ces prestations n'ouvriraient pas droit à un recours subrogatoire ; qu'en refusant néanmoins de déduire les pensions versées par l'Institudo Nacional de Seguridad Social des dommages dus par la GMF à l'épouse et aux enfants de la victime au titre du préjudice économiques, au motif inopérant que les pensions versées par un organisme social espagnol n'ouvrent pas droit à un recours subrogatoire de l'organisme social et ne peuvent être déduites de l'indemnisation des victimes par ricochet, la cour d'appel a violé l'article 6 de la loi du 5 juillet 1985 et le principe de réparation intégrale du préjudice.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la cour n'avait pas le pouvoir de statuer sur la demande formée par la société GMF Assurances en réparation du préjudice matériel subi par Mme Z... ;

Aux motifs que sur la demande de la société GMF en réparation du préjudice matériel subi par Mme Z..., que la société GMF demandait la condamnation des consorts X... et du BCF à lui rembourser une somme de 5 004,80 euros versée à son assurée en réparation du préjudice matériel résultant de l'accident du 29 septembre 2002 ; que les intimés contestaient la recevabilité du recours dirigé par la société GMF contre le BCF et subsidiairement soutenaient que ce recours était mal fondé au motif que le décès de M. X... procédait strictement de la faute de Mme Z... ; que cependant dans son jugement du 19 octobre 2010, le tribunal avait ordonné la réouverture des débats sur la demande de la société GMF au titre du préjudice matériel de son assurée ; qu'en conséquence, le jugement dont appel ne s'étant pas prononcé sur la demande de la société GMF, la Cour, qui ne pouvait statuer que sur la chose jugée en première instance, ne peut connaître de cette demande ;

Alors 1°) que le juge, doit en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut à ce titre, relever un moyen d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; que les consorts X... et le BCF n'invoquaient en aucune manière dans leurs conclusions que la cour ne pouvait pas connaître de la demande de la GMF du fait que le tribunal avait ordonné la réouverture des débats sur la demande au titre du préjudice matériel de son assuré ; qu'en relevant d'office le moyen selon lequel dans son jugement du 19 octobre 2010, le tribunal avait ordonné la réouverture des débats sur la demande de la société GMF au titre du préjudice matériel de son assurée, pour en déduire qu'elle ne pouvait statuer dessus, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé le principe du contradictoire et l'article 16 du code de procédure civile ;

Alors 2°) que conformément aux articles 562 et 568 du code de procédure civile la dévolution de l'appel s'opère pour le tout lorsque l'appel est général et que la cour d'appel peut exercer la faculté d'évocation sur l'entier litige ; que la cour d'appel peut donc statuer sur la demande présentée au tribunal même lorsque ce dernier avait ordonné la réouverture des débats sur cette demande ; qu'en refusant d'examiner la demande de la GMF sur le préjudice matériel de Mme Z..., au motif inopérant que le jugement dont appel ne s'était pas prononcé sur cette demande et qu'elle ne pouvait statuer que sur la chose jugée en première instance, la cour d'appel a violé les articles 562 et 568 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-15056
Date de la décision : 13/09/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 05 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 13 sep. 2018, pourvoi n°17-15056


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.15056
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