LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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M. Léon X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BASSE-TERRE, chambre correctionnelle, en date du 7 mars 2017, qui, sur renvoi après cassation (Crim. 12 juillet 2016, n°15-80.477), pour corruption passive et atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement, 80 000 euros d'amende et trois ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13 juin 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Steinmann, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller STEINMANN, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général VALAT ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles pris de la violation des articles 121-1, 132-1, 132-19, 132-24 du code pénal, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, violation du principe de proportionnalité et de personnalité de la peine, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. Léon X... à la peine de trois ans d'emprisonnement et au paiement d'une amende de 80 000 euros, ainsi qu'à titre de peine complémentaire à la privation des droits civils, civiques et de famille pour une durée de trois ans ;
"aux motifs que la déclaration de culpabilité de M. X... est acquise pour les faits qualifiés de favoritisme et de corruption passive du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 ; que le bulletin n°1 du contrôle judiciaire de M. X... ne porte aucune mention ; qu'il a été rappelé qu'en dépit des difficultés d'exercice de la commande publique inhérentes aux spécificités locales, géographiques, économiques et culturelles particulières de la Guyane, les élus et les chargés de mission de service public se doivent de respecter les trois grands principes à valeur constitutionnelle : liberté d'accès à la commande publique — égalité de traitement — transparence des procédures ; que M. X... avec le concours étroit de M. Augustin A... a failli à son devoir de probité liée à ses fonctions ; que compte tenu de la gravité des faits commis par le prévenu qui a successivement exercé des fonctions électives et ministérielles auxquelles doit répondre la confiance des administrés, il est justifié de prononcer à son encontre une peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée de trois ans, toute mesure d'aménagement étant exclue eu égard au quantum de la peine ; que toute autre peine que l'emprisonnement étant manifestement inadéquate ; que le nombre réduit d'entreprises en mesure de réaliser les marchés de la CCOG les plaçaient en situation de vulnérabilité à l'égard des exigences des décideurs publics ; que M. X... est aussi condamné au paiement d'une amende de 80 000 euros qui n'est pas disproportionnée au regard de ses revenus mensuels estimés à 15 000 euros, à la consistance de son patrimoine et à l'importance de son train de vie ; qu'enfin, c'est à juste titre que les premiers juges ont prononcé une peine complémentaire de privation des droits civils, civiques et de famille à l'encontre de M. X... pour une durée de trois ans au regard de la gravité des faits, de leur constance et de l'imminence des fonctions successives de parlementaires et de ministre remplies par le prévenu ; qu'afin de garantir l'effectivité de la peine prononcée, il convient de prononcer mandat de dépôt à l'encontre de M. X... ;
"1°) alors qu'en matière correctionnelle une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en prononçant une peine d'emprisonnement de trois ans ferme à l'encontre de M. X... sans en justifier la nécessité et dire en quoi toute autre sanction serait inadéquate et sans s'expliquer sur les éléments de la personnalité du prévenu qu'elle a pris en considération pour fonder sa décision, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
"2°) alors que lorsqu'une peine d'emprisonnement sans sursis est prononcée en matière correctionnelle, cette peine doit être spécialement motivée au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de l'auteur, ainsi que par rapport à sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en prononçant à l'encontre de M. X... une peine non aménageable de trois ans d'emprisonnement ferme sans réellement justifier sa décision au regard de la situation matérielle, familiale et sociale actuelle de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale,
"3°) alors qu'en matière correctionnelle toute peine, principale comme complémentaire doit désormais être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'en condamnant en outre M. X... au paiement d'une amende de 80 000 euros compte tenu de son patrimoine et de son train de vie et à une peine complémentaire de trois ans de privation des droits civils, civiques et de famille en se fondant sur la gravité des faits et les fonctions passées occupées par M. X..., la cour d'appel qui n'a procédé à aucun examen de la situation personnelle du prévenu au moment où elle a statué, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 132-1 du code pénal" ;
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu que, pour condamner M. X... à trois ans d'emprisonnement, les juges énoncent que le bulletin n° 1 de son casier judiciaire ne porte pas de mention mais que les élus et les personnes chargées d'une mission de service public doivent respecter les grands principes constitutionnels dans l'exercice des commandes publiques, que les entreprises concernées se sont trouvées en situation de vulnérabilité à l'égard des exigences des décideurs, que le prévenu a failli à son devoir de probité, que la gravité des faits commis, alors qu'il a exercé des fonctions électives et ministérielles inspirant la confiance des administrés, justifie le prononcé d'un emprisonnement sans sursis d'une durée de trois ans, toute autre peine étant manifestement inadéquate ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 132-19, alinéa 2, du code pénal ;
Que le grief n'est pas fondé ;
Sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Attendu que, pour condamner M. X... à une amende de 80 000 euros et une privation des droits civiques, civils et de famille pour une durée de trois ans, les juges énoncent que l'amende n'est pas disproportionnée au regard de ses revenus mensuels estimés à 15 000 euros, à la consistance de son patrimoine et à l'importance de son train de vie et que la peine complémentaire de privation des droits est justifiée au regard de la gravité des faits, de leur constance et de l'importance des fonctions successives de parlementaire et de ministre remplies par le prévenu ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze septembre deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.