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12/09/2018 | FRANCE | N°17-15414

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 septembre 2018, 17-15414


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, 16 mars 2017), rendue en la forme des référés, que, le 6 décembre 2016, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (le CHSCT) du centre hospitalier de Quintin, devenu le centre hospitalier du Penthièvre et du Poudouvre, a décidé du recours à une expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12 du code du travail ; que le centre hospitalier a saisi le président du tribunal d'une demande d'ann

ulation de cette délibération ;

Sur le premier moyen :

Attendu que ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, 16 mars 2017), rendue en la forme des référés, que, le 6 décembre 2016, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (le CHSCT) du centre hospitalier de Quintin, devenu le centre hospitalier du Penthièvre et du Poudouvre, a décidé du recours à une expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12 du code du travail ; que le centre hospitalier a saisi le président du tribunal d'une demande d'annulation de cette délibération ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le centre hospitalier fait grief à l'ordonnance de rejeter cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ que sont considérés comme des pouvoirs adjudicateurs les personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial et dont l'activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ; qu'il était soutenu que le CHSCT du centre hospitalier de Quintin avait été créé pour satisfaire un besoin d'intérêt général, à savoir la préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs, qu'il avait la personnalité morale et qu'il était exclusivement financé par cet établissement public de santé ; qu'en affirmant que le CHSCT du centre hospitalier de Quintin n'avait pas la qualité de pouvoir adjudicateur, au motif inopérant que sa mission était limitée, géographiquement, à la protection des intérêts des agents de l'établissement dont il relève, la présidente du tribunal a violé les articles 9 et 10 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, ensemble les articles L. 4612-1 et L. 4614-12 du code du travail ;

2°/ que la notion d'organisme créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial doit être interprétée conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ; que celle-ci retient que la notion de besoin d'intérêt général doit faire l'objet d'une interprétation autonome et renvoie à des besoins que, pour des raisons liées à l'intérêt général, l'État ou une collectivité territoriale choisissent de satisfaire eux-mêmes ou à l'égard desquels ils entendent conserver une influence déterminante, et que, pour déterminer si les besoins en cause ont un caractère autre qu'industriel ou commercial, il convient de prendre en compte l'ensemble des éléments juridiques et factuels pertinents, tels que les circonstances ayant présidé à la création de l'organisme concerné et les conditions dans lesquelles il exerce son activité, en ce compris, notamment, l'absence de concurrence sur le marché, l'absence de poursuite d'un but lucratif à titre principal, l'absence de prise en charge des risques liés à cette activité ainsi que le financement public éventuel de l'activité en cause (CJCE, 27 février 2003, C-373/00, [...] GmbH, § 45, 50 et 66 ; 16 octobre 2003, C-283/00, Commission c. Royaume d'Espagne, § 79, 80 et 81 ; 10 avril 2008, C-393/06, Ing. Aigner et aut., § 40 et 41) ; qu'en s'abstenant de rechercher, au vu de ces critères, si les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail des établissements publics de santé qui ont, en vertu des articles L. 4612-1 et suivants du code du travail, une mission de protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs, et assurent la prévention et l'analyse des risques professionnels, des maladies professionnelles et des accidents du travail, en lien avec l'inspection du travail et les caisses d'assurance maladie, n'ont pas pour objet de répondre à des besoins d'intérêt général autres qu'industriel ou commercial, la présidente du tribunal n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 10 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, tel qu'interprété au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ;

Mais attendu que le président du tribunal a exactement retenu que, eu égard à la mission du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, définie à l'article L. 4612-1 du code du travail, alors applicable, de contribuer à la prévention et à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l'établissement et de ceux mis à la disposition par une entreprise extérieure, ce comité ne relève pas des personnes morales de droit privé créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général au sens de l'article 10 de l'ordonnance n° 2015-899, quand bien même il exerce sa mission au sein d'une personne morale visée à cet article ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que le centre hospitalier fait le même grief à l'ordonnance, alors, selon le moyen :

1°/ que le CHSCT ne peut valablement délibérer que sur un sujet en lien avec une question inscrite à l'ordre du jour ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'ordre du jour de la réunion du 6 décembre 2016 ne faisait aucune référence expresse à la désignation d'un expert ou aux difficultés ayant conduit le CHSCT à recourir à une expertise, à savoir des « agents en souffrance », une « perte de sens du travail effectué », un « manque de matériel » ou encore une augmentation des absences ; que si le point II de l'ordre du jour faisait référence aux « Courriers des 17 et 23 novembre : prévention des RPS », il n'en précisait ni l'objet ni le contenu ; qu'en affirmant néanmoins que la délibération portant désignation d'un expert avait été régulièrement adoptée, la présidente du tribunal a violé les articles L. 4614-2, L. 4614-8, L. 4614-12 et R. 4614-3 du code du travail ;

2°/ que le CHSCT ne peut valablement délibérer que si les éléments nécessaires à l'examen des questions inscrites à l'ordre du jour ont été préalablement communiqués aux membres ; que pour dire que la délibération du CHSCT du 6 décembre 2016 désignant un expert était en lien avec une question inscrite à l'ordre du jour, le tribunal retient que celui-ci mentionnait au point II les « Courriers des 17 et 23 novembre : prévention des RPS », et que ces courriers demandaient la tenue d'une expertise en raison d'un risque grave et faisait état des difficultés relevées par le CHSCT dans sa résolution ; qu'en statuant ainsi, sans constater que ces courriers avaient eux-mêmes été communiqués aux membres du CHSCT avec l'ordre du jour de la réunion du 6 décembre 2016, la présidente du tribunal n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 4614-2, L. 4614-8, L. 4614-12 et R. 4614-3 du code du travail ;

3°/ que le CHSCT ne peut recourir à un expert que lorsqu'un risque grave, actuel et identifié est constaté dans l'établissement ; qu'il résulte des constatations du président du tribunal que le CHSCT du Centre hospitalier de Quintin a décidé de désigner un expert pour analyser « le risque grave constaté dans l'établissement », sans précision sur la nature de ce risque, et pour l'aider à « préciser et comprendre les origines organisationnelles et les mécanismes mis en oeuvre dans les situations de travail dans lesquels ce risque s'illustre » ; que pour justifier cette décision, le CHSCT a seulement relevé, d'une part, que les agents se plaignaient d'une dégradation des conditions de travail liée à un manque de matériel, à un personnel insuffisamment formé et très souvent absent, et à de mauvaises relations managériales pour certains salariés, d'autre part, que le médecin du travail et le registre de santé et de sécurité au travail faisaient défaut, et enfin, que les délais d'affichage des plannings avaient un impact sur la vie personnelle et que la salle de pause déjeuner du personnel était inadaptée ; qu'il n'en résultait aucun élément objectif susceptible de caractériser un risque avéré, actuel et identifié d'atteinte à la santé ou à la sécurité des agents ; qu'en retenant néanmoins que ces considérations justifiaient l'organisation d'une expertise, la présidente du tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 4614-12, 1° du code du travail ;

4°/ que le centre hospitalier faisait valoir que les agents de l'hôpital du Quintin avaient été incités à effectuer une déclaration d'accident du travail même dans cas d'événements minimes ne faisant précédemment l'objet d'aucune déclaration, de sorte que l'augmentation du nombre d'accidents du travail déclarés ne révélait aucune détérioration réelle des conditions de travail ; qu'en retenant que les statistiques du bilan social 2015, faisant apparaître une augmentation de 165 % de l'absentéisme pour accident du travail et accidents étaient de nature à caractériser le risque grave dont faisait état le CHSCT, sans répondre à ces conclusions, la présidente du tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant retenu que l'ordre du jour de la réunion du CHSCT portait la mention « courriers des 17 et 23 novembre : prévention des RPS » et que ces courriers, adressés au président du centre hospitalier, sollicitaient la tenue d'un CHSCT extraordinaire « pour une expertise risque grave ainsi que la désignation d'un expert », listaient des « éléments de dysfonctionnement susceptibles d'exposer la santé, l'hygiène et la sécurité des personnels » et dénonçaient un risque grave, le président du tribunal a retenu à bon droit que la désignation d'un expert pour risque grave était en lien avec les questions à l'ordre du jour ;

Attendu, ensuite, que le moyen nouveau, mélangé de fait et de droit, est irrecevable en sa deuxième branche ;

Attendu, enfin, que le président du tribunal, qui n'était pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ayant constaté une augmentation, au sein de l'établissement hospitalier, de 165 % du nombre d'accidents du travail et de 50 % de l'absentéisme entre les années 2010 et 2015, l'épuisement et la détresse de certains agents s'estimant ne plus être à même, du fait de leur surcharge de travail consécutive, notamment, aux arrêts maladies, de faire correctement leur travail, un défaut de formation du personnel, ainsi que l'obsolescence ou le caractère inadapté du matériel, a pu en déduire l'existence d'un risque grave identifié et actuel au sens de l'article L. 4614.12, 1° du code du travail, alors applicable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le centre hospitalier du Penthièvre et du Poudouvre aux dépens ;

Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, le condamne à payer à la SCP Lyon-Caen et Thiriez la somme de 3 600 euros TTC ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour le centre hospitalier du Penthièvre et du Poudouvre

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir débouté le Centre Hospitalier du Penthièvre et du Poudouvre de sa demande tendant à l'annulation de la délibération du CHSCT du Centre Hospitalier du Quintin en date du 6 décembre 2016 désignant le cabinet Technolia pour procéder à une expertise,

AUX MOTIFS QUE sur la validité des conditions de la désignation de l'expert, les ordonnances n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et n°2016-65 du 29 janvier 2016 relatives aux marchés publics régissent les conditions de passation des contrats de concession ; qu'aux termes des articles 9 et 10 de l'ordonnance du 23 juillet 2015, sont soumises aux dispositions de publicité et de mise en concurrence, les personnes morales de droit privé créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel et commercial dont, soit l'activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur, soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur, soit l'organe d'administration de direction ou de surveillance est composée de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur ; que le CHSCT institué par la loi dans les entreprises mentionnées à l'article L 4611-1 du code du travail a notamment pour mission, selon les dispositions de l'article L46 12-l dudit code, de contribuer à la prévention et à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l'établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure ; que dès lors, il est créé pour la satisfaction spécifique des intérêts des travailleurs en matière de sécurité et de santé dans un établissement déterminé ; que le CHSCT n'est pas investi d'une mission d'intérêt général et n'a pas été créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général au sens de l'article 10-2 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 ; que le CHSCT du centre hospitalier de Quintin n'a d'autre mission que celle de défendre les intérêts des salariés dudit centre hospitalier ; qu'il ne peut donc avoir la qualité de pouvoir adjudicateur puisque sa mission se limite à la protection des intérêts des salariés relevant de son périmètre géographique ; qu'en conséquence, il n'est pas tenu de respecter les prescriptions du code des marchés publics ; que le centre hospitalier du Penthievre et du Poudouvre ne pourra qu'être débouté de sa demande d'annulation de la résolution du CHSCT du centre hospitalier de Quintin en ce qu'il a désigné le cabinet Technologia en qualité d'expert ;

1° ALORS QUE sont considérés comme des pouvoirs adjudicateurs les personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial et dont l'activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ; qu'il était soutenu que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du centre hospitalier de Quintin avait été créé pour satisfaire un besoin d'intérêt général, à savoir la préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs, qu'il avait la personnalité morale et qu'il était exclusivement financé par cet établissement public de santé ; qu'en affirmant que le CHSCT du CH de Quintin n'avait pas la qualité de pouvoir adjudicateur, au motif inopérant que sa mission était limitée, géographiquement, à la protection des intérêts des agents de l'établissement dont il relève, la présidente du tribunal a violé les articles 9 et 10 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, ensemble les articles L. 4612-1 et L. 4614-12 du code du travail ;

2° ALORS QUE la notion d'organisme créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial doit être interprétée conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne ; que celle-ci retient que la notion de besoin d'intérêt général doit faire l'objet d'une interprétation autonome et renvoie à des besoins que, pour des raisons liées à l'intérêt général, l'État ou une collectivité territoriale choisissent de satisfaire eux-mêmes ou à l'égard desquels ils entendent conserver une influence déterminante, et que, pour déterminer si les besoins en cause ont un caractère autre qu'industriel ou commercial, il convient de prendre en compte l'ensemble des éléments juridiques et factuels pertinents, tels que les circonstances ayant présidé à la création de l'organisme concerné et les conditions dans lesquelles il exerce son activité, en ce compris, notamment, l'absence de concurrence sur le marché, l'absence de poursuite d'un but lucratif à titre principal, l'absence de prise en charge des risques liés à cette activité ainsi que le financement public éventuel de l'activité en cause (CJCE, 27 février 2003, C-373/00, [...] GmbH, § 45, 50 et 66 ; 16 octobre 2003, C-283/00, Commission c. Royaume d'Espagne, § 79, 80 et 81 ; 10 avril 2008, C-393/06, Ing. Aigner et aut., § 40 et 41) ; qu'en s'abstenant de rechercher, au vu de ces critères, si les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail des établissements publics de santé qui ont, en vertu des articles L. 4612-1 et suivants du code du travail, une mission de protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs, et assurent la prévention et l'analyse des risques professionnels, des maladies professionnelles et des accidents du travail, en lien avec l'inspection du travail et les caisses d'assurance maladie, n'ont pas pour objet de répondre à des besoins d'intérêt général autres qu'industriel ou commercial, la présidente du tribunal n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 10 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, tel qu'interprété au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
:

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir débouté le Centre Hospitalier du Penthièvre et du Poudouvre de sa demande tendant à l'annulation de la délibération du CHSCT du Centre Hospitalier du Quintin en date du 6 décembre 2016 désignant le cabinet Technolia pour procéder à une expertise,

AUX MOTIFS QUE sur la régularité de la délibération, le CHSCT peut valablement décider de faire appel à un expert si la question de la mise en oeuvre de l'article L. 4614-12 du code du travail présente un lien suffisant avec une question inscrite à l'ordre du jour même si ce point n'a pas été inscrit en tant que tel à l'ordre du jour ; qu'en l'espèce, l'ordre du jour de la réunion du comité du 6 décembre 2016 était le suivant : "-validation des procès-verbaux ; -courrier des 17 et 23 novembre. prévention des RFS ; -service hôtellerie et cuisine :fiche d'activité, organisation ; - service de soins: organisation ; -formation incendie ; -Divers : eau sur le sol dans les couloirs, entretien réfrigérateur dans les offices ; -pause déjeuner: salle à manger du personnel, tisaneries -synthèse accidents du travail, protocole accident de service de nuit -retour sur les points abordés en 2016 et non finalisés : CLACLT, médecine du travail." ; qu'ainsi le deuxième point de l'ordre du jour évoque la prévention des risques psychosociaux ; qu'il fait référence expressément à des courriers des 17 et 23 novembre ; que le courrier du 17 novembre 2016 émanant de Mme Laetitia Y... et de M. Marc Z..., membres titulaires du CHSCT, adressé au président du centre hospitalier de Quintin sollicite la tenue d'un CHSCT extraordinaire sans délai ayant pour ordre du jour : "-la consultation et le vote du CHSCT pour une expertise risque grave ainsi que la désignation d'un expert -le mandatement d'un représentant du CHSCT pour éventuellement agir devant toute juridiction." ; qu'en réponse à ce courrier, le directeur du centre hospitalier, par une lettre du 18 novembre 2016, a souligné l'insuffisance de précision du motif invoqué et sollicité l'exposé des faits amenant une qualification de risque grave ; que le courrier du 23 novembre 2016 émanant des mêmes membres titulaires du CHSCT susvisés, a précisé "quelques éléments de dysfonctionnement susceptible d‘exposer la santé, l‘hygiène et la sécurité des personnels : -des personnels en souffrance, pleurant, en état d‘épuisement, -un manque de matériel entraînant une perte de temps, un épuisement, -une perte de sens du travail effectué, -une augmentation importante des maladies ordinaires, -la non présentation du projet de fusion avec le GGPF et les impacts que cela peut engendrer —une salle à manger du personnel qui n‘en est même pas une." ; que les rédacteurs ont poursuivi en rappelant les dispositions de l'article L.4121-1 à 5 qui stipulent que l'employeur prend des mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu'ils ont ajouté que toutes ces raisons permettent de dire qu'il y a un risque grave voir même un risque imminent.., que c'est dans une recherche de mesures préventives, et avant que ce risque grave devienne trouble, qu'ils demandent la réunion dans les plus brefs délais du CHSCT extraordinaire ; que la référence faite dans l'ordre du jour à ces courriers qui ont trait de manière explicite à l'existence de troubles psychosociaux au sein de l'établissement hospitalier, présente un lien suffisant avec la désignation d'un expert pour risque grave au sens de l'article L 4614-12 du code du travail ; que la critique du centre hospitalier du Penthievre et du Poudouvre sur ce point sera écartée ; que sur la notion de risque grave, l'article L. 4614-12 du code du travail énonce que le CHSCT peut faire appel à un expert agréé : "1° Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; 2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 46 14-8." ; que le risque grave doit avoir été constaté à la date de la délibération, il doit concerner, sinon tous les salariés, du moins une partie de ceux-ci, et il s'entend d'un risque identifié et actuel qui doit être caractérisé par des éléments objectifs ; qu'en l'espèce, la délibération du CHSCT en date du 6décembre 2016 sur le principe de l'expertise expose "Les membres du CHSCT ont, au cours de leurs différentes visites menées dans le cadre des prérogatives de l'article L.4612-2 du code du travail, constaté un certain nombre de dysfonctionnements susceptibles d‘exposer la santé, l'hygiène et la sécurité des salariés. Des témoignages spontanés de salariés en souffrance, l‘analyse des indicateurs, des conditions de travail qui globalement se dégradent démontrent l'existence d‘un risque grave : -des agents en souffrance : épuisement, pleurant et menaçant de passer à l'acte suicidaire -un nombre important de salariés en contrat aidé et faisant fonction d'aides soignants insuffisamment formés avec pour conséquence une diminution de la qualité des soins apportés et un report de la charge sur les agents titulaires -une perte de sens du travail effectué dans de mauvaises conditions, ne permettant pas d'être fier du travail bienfait entraînant résignation et épuisement physique et psychologique -un manque de matériels en quantité et en qualité qui entraîne une perte de temps, un épuisement -des IDE n‘ayant pas le temps de pauser, de manger ou qui mangent sur le pouce -des relations managériales dégradées pour certains personnels —une augmentation importante des maladies ordinaires : notamment la moyenne absence par agent en arrêt est passée de 32 jours à 39 jours entre 2014 2015, la moyenne de jours d'absence par agent (ETF) est passée de 17 à jours -une augmentation des accidents du travail concerne 24,28% des ETF contre 19,07% en 2014 -un doublement des jours d'absence non motivés (de 36 à 72 jours entre 2014 et 2015) entraînant au dernier moment un rappel des agents en congé ou en repos hebdomadaire -des rappels téléphoniques incessants -aucun médecin du travail depuis deux ans, ce qui ne permet pas de faire un bon suivi des salariés en termes de prévention et de venir en aide aux salariés en difficulté -la non mise en place du registre de santé de sécurité au travail -le non-respect dans les délais d'affichage des plannings entraînant un impact sur la vie personnelle -une salle à manger non adaptée pour déjeuner... Tous ces dysfonctionnements s‘inscrivent dans un contexte de changements importants amplifiant l'inquiétude des agents pour l'avenir : mise en place des GHT, un déménagement ayant et nécessitant de trouver de nouveaux repères et l‘annonce d'une fusion entre le site de Quintin et de Lamballe, rapprochement n‘ayant fait l'objet d‘aucune information consultation des instances représentatives du personnel alors que la mise en place est censée prendre effet en janvier 2017." ; que référence était faite aux dispositions de l'article L4612-1 du code du travail ; que la délibération critiquée fait référence de manière explicite et précise, en ce qu'elle se fonde sur des données chiffrées issues du dernier bilan social pour l'année 2015, à deux indicateurs objectifs des risques psychosociaux au sein d'une entreprise ; qu'ainsi, elle démontre une augmentation des accidents du travail et du taux d'absentéisme significative entre les années 2010 et 2015 : plus 50% du pourcentage absentéisme toutes causes confondues, plus 39 % pour maladies ordinaires, plus de 165 % d'absentéisme pour accidents du travail et accidents de trajet ; que le CHSCT justifie en outre avoir averti l'employeur précédemment sur une dégradation des conditions de travail, démarche confortée par la lecture des procès-verbaux des CHSCT antérieurs et de courriers adressés à la direction par un syndicat ; qu'il en résulte une alerte sur le défaut de formation qualifiante, l'affectation de personnel non qualifié au service de soins caractérisant un glissement de tâches (courrier du 26 juin 2015-pièce 3), une alerte sur une insuffisance de l'effectif infirmier en service médecine par rapport à la charge de travail plaçant le personnel en souffrance (courrier du 17 septembre 2015 - pièce 4), une alerte sur l'obsolescence des matériels (chariot de transport des médicaments, lève-personnes) ; que le procès-verbal du CHSCT en date du 6 octobre 2016, soit peu ou prou concomitant de la délibération contestée, souligne l'épuisement du personnel au regard de la prise en charge des résidents, la lourdeur des horaires, 1'inadéquation des temps de pause, le constat d'agents en pleurs et le défaut de médecin de prévention (pièce 12) ; qu'enfin, des attestations émanant de membres du CHSCT exerçant des activités au sein de l'établissement, d'infirmière, d'animatrice, d'aide soignante, de cuisinier, d'adjoint administratif confortent les dysfonctionnements mentionnés dans la délibération critiquée (Pièce 23 à 26) ; qu'il est ainsi fait état -d'agents en pleurs ayant le sentiment de ne plus pouvoir faire correctement leur travail et assimilant celui-ci à un travail à la chaîne, -de surcharge de travail lié à des arrêts de longue durée non remplacés -un défaut de formation des personnels -des rappels téléphoniques intempestifs -d'un défaut de matériel adapté (rails) ; qu'ainsi, ces indicateurs concernant les services de l'hôpital et particulièrement le service médecine, les alertes réitérées et anciennes faites à l'employeur, les conséquences sur la santé physique et mentale des salariés attestées par les bilans chiffrés et les témoignages, caractérisent un risque grave justifiant l'organisation d'une expertise ; que sur la mission de l'expert, la délibération du CHSCT en date du 6 décembre 2016 a fixé comme suit la mission de l'expert : « - analyse du risque grave constaté dans l'établissement, soit à 1‘ensemble des personnes travaillant au centre hospitalier (250 agents), -aider le CHSCT à préciser et comprendre les origines organisationnelles et les mécanismes mis en oeuvre dans les situations de travail dans lesquelles ce risque s‘illustre, -aider le CHSCT à formuler des propositions pour enrichir un plan d'action et suivre des indicateurs précis" ; qu'il convient de constater que la mission de l'expert est cantonnée à l'analyse et à la prévention du risque constaté et ne souffre pas la critique ;

1° ALORS QUE le CHSCT ne peut valablement délibérer que sur un sujet en lien avec une question inscrite à l'ordre du jour ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'ordre du jour de la réunion du 6 décembre 2016 ne faisait aucune référence expresse à la désignation d'un expert ou aux difficultés ayant conduit le CHSCT à recourir à une expertise, à savoir des « agents en souffrance », une « perte de sens du travail effectué », un « manque de matériel » ou encore une augmentation des absences ; que si le point II de l'ordre du jour faisait référence aux « Courriers des 17 et 23 novembre : prévention des RPS », il n'en précisait ni l'objet ni le contenu ; qu'en affirmant néanmoins que la délibération portant désignation d'un expert avait été régulièrement adoptée, la présidente du tribunal a violé les articles L. 4614-2, L. 4614-8, L. 4614-12 et R. 4614-3 du code du travail ;

2° ALORS, en toute hypothèse QUE le CHSCT ne peut valablement délibérer que si les éléments nécessaires à l'examen des questions inscrites à l'ordre du jour ont été préalablement communiqués aux membres ; que pour dire que la délibération du CHSCT du 6 décembre 2016 désignant un expert était en lien avec une question inscrite à l'ordre du jour, le tribunal retient que celui-ci mentionnait au point II les « Courriers des 17 et 23 novembre : prévention des RPS », et que ces courriers demandaient la tenue d'une expertise en raison d'un risque grave et faisait état des difficultés relevées par le CHSCT dans sa résolution ; qu'en statuant ainsi, sans constater que ces courriers avaient eux-mêmes été communiqués aux membres du CHSCT avec l'ordre du jour de la réunion du 6 décembre 2016, la présidente du tribunal n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 4614-2, L. 4614-8, L. 4614-12 et R. 4614-3 du code du travail ;

3° ALORS QUE le CHSCT ne peut recourir à un expert que lorsqu'un risque grave, actuel et identifié est constaté dans l'établissement ; qu'il résulte des constatations du président du tribunal que le CHSCT du Centre hospitalier de Quintin a décidé de désigner un expert pour analyser « le risque grave constaté dans l'établissement », sans précision sur la nature de ce riset pour l'aider à « préciser et comprendre les origines organisationnelles et les mécanismes mis en oeuvre dans les situations de travail dans lesquels ce risque s'illustre » ; que pour justifier cette décision, le CHSCT a seulement relevé, d'une part, que les agents se plaignaient d'une dégradation des conditions de travail liée à un manque de matériel, à un personnel insuffisamment formé et très souvent absent, et à de mauvaises relations managériales pour certains salariés, d'autre part, que le médecin du travail et le registre de santé et de sécurité au travail faisaient défaut, et enfin, que les délais d'affichage des plannings avaient un impact sur la vie personnelle et que la salle de pause déjeuner du personnel était inadaptée ; qu'il n'en résultait aucun élément objectif susceptible de caractériser un risque avéré, actuel et identifié d'atteinte à la santé ou à la sécurité des agents ; qu'en retenant néanmoins que ces considérations justifiaient l'organisation d'une expertise, la présidente du tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 4614-12, 1° du code du travail ;

4° ALORS QUE le Centre hospitalier faisait valoir que les agents de l'hôpital du Quintin avaient été incités à effectuer une déclaration d'accident du travail même dans cas d'événements minimes ne faisant précédemment l'objet d'aucune déclaration, de sorte que l'augmentation du nombre d'accidents du travail déclarés ne révélait aucune détérioration réelle des conditions de travail (conclusions, page 14) ; qu'en retenant que les statistiques du bilan social 2015, faisant apparaître une augmentation de 165% de l'absentéisme pour accident du travail et accidents étaient de nature à caractériser le risque grave dont faisait état le CHSCT, sans répondre à ces conclusions, la présidente du tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-15414
Date de la décision : 12/09/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, 16 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 sep. 2018, pourvoi n°17-15414


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gaschignard, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.15414
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