LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 20 mars 2017), que, par acte sous seing privé du 1er février 2012, M. X... et Mme Y... ont conclu avec la société civile de construction vente Les Carrés de la Montorière (la SCCV) un contrat de réservation portant sur un appartement moyennant un prix de vente de 219 600 euros et des frais de notaire de 5 000 euros à la charge du vendeur ; que l'acte authentique a été signé le 5 juin 2012 ; que, le 7 juillet 2012, la SCCV et M. X... et Mme Y... ont conclu un avenant ramenant le prix de vente à 214 600 euros en raison de la déduction du montant des frais de notaire ; que, par acte du 13 avril 2015, la SCCV a assigné M. X... et Mme Y... en paiement du solde du prix de vente ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que la SCCV fait grief à l'arrêt de déclarer forclose et irrecevable l'action en paiement ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la SCCV avait remboursé à M. X... et Mme Y..., le 7 juillet 2012, une somme qui normalement devait être retenue lors de la signature de l'acte authentique, qu'entre la date du contrat de réservation et celle de l'avenant, elle disposait de tout le temps nécessaire pour étudier et comprendre l'étendue des engagements réciproques des parties et qu'elle aurait dû avoir connaissance de son erreur dès le 7 juillet 2012, la cour d'appel a pu en déduire que le point de départ du délai de prescription devait être fixé à cette date et que l'action engagée plus de deux années après était prescrite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que la SCCV fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des dommages-intérêts ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la SCCV avait indiqué dans un procès-verbal de constatation du 27 juin 2013 que l'acquéreur avait satisfait à son obligation de paiement du prix d'achat et lui en avait donné quittance entière et définitive et qu'elle avait poursuivi jusque devant la cour d'appel le règlement d'une somme qui manifestement n'était pas due en raison d'une prescription acquise et d'une quittance définitive, la cour d'appel a pu, sans contradiction, en déduire que la SCCV avait commis une faute constitutive d'un abus et qu'elle devait être condamnée à payer des dommages-intérêts dont elle a souverainement fixé le montant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile de construction vente Les Carrés de la Montorière aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société civile de construction vente Les Carrés de la Montorière et la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. X... et Mme Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six septembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Les Carrés de la Montorière.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré l'action en paiement de la société les Carrés de la Montorière atteinte par la forclusion de l'article L.137-2 du code de la consommation et d'avoir, en conséquence, déclaré irrecevable la demande en paiement formée par la société les Carrés de la Montorière à l'encontre de M. X... et Mme Y... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « suivant « contrat de réservation » en date du 1er février 2012, la SCCV les Carrés de la Montorière, nommée dans cet acte « le réservant », s'est engagée à proposer à M. Sébastien X... et Mme Sonia Y..., nommés dans cet acte « le réservataire », d'acquérir un bien immobilier à construire, pour le prix total de 219 600 EUR ; qu'il est indiqué en page 7 de cet acte, que le prix de vente « ne comprend pas » les frais qui seront supportés « par le réservataire » lors de la signature de l'acte définitif, notamment les droits et honoraires d'acte notarié et de publicité foncière ; que cependant, sous le prix figure la mention manuscrite « comprenant frais de notaire – cuisine équipée », la page étant paraphée par chaque partie ; qu'il en résulte que les plaideurs ont effectivement convenu de faire supporter à la SCCV les Carrés de la Montorière les frais de l'acte de vente ; que plus tard, dans un « avenant numéro 1 » du 7 juillet 2012, signé par les deux parties, la SCCV les Carrés de la Montorière a entendu soustraire du prix initial de 219 600 EUR la somme de 5 000 EUR, sans aucune explication, ramenant ainsi le prix de vente à 214 600 EUR ; qu'il faut se reporter à un autre document également intitulé « avenant numéro 1 », daté du 27 juin 2012 mais uniquement paraphé « SB », pour comprendre qu'il s'agit du « remboursement des frais de notaire comme convenu lors de la réservation » ; qu'or, entre le 1er février 2012, date du contrat de réservation, et le 7 juillet 2012, date de l'avenant, la SCCV les Carrés de la Montorière disposait de tout le temps nécessaire pour étudier et comprendre l'étendue des engagements réciproques des parties, en particulier les siens, et notamment le sens et la portée juridique de l'avenant du 7 juillet 2012 ; que ceci est d'autant plus vrai que l'acte authentique avait été passé entre-temps le 5 juin 2012 ; qu'il s'en déduit que c'est par le seul effet de sa propre erreur que la SCCV les Carrés de la Montorière a entendu rembourser aux consorts Y... et X... le 7 juillet 2012 une somme qui normalement devait être retenue lors de la signature de l'acte authentique ; que c'est donc à bon droit, au vu de ce qui précède, que le premier juge a estimé que la SCCV les Carrés de la Montorière aurait dû avoir connaissance de son erreur dès le 7 juillet 2012 ; qu'or, selon l'article L.137-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 14 mars 2016 : « l'action des professionnels, pour les biens et les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans » ; qu'il est constant que la formulation générale de ce texte institué dans l'intérêt du consommateur le rend applicable au cas d'espèce (1ère Civ., 28 novembre 2012, n°11-26.508 et avis du 4 juillet 2016, n°16-70.004) ; qu'à juste titre par conséquent le premier juge a déclaré prescrite l'action de la SCCV les Carrés de la Montorière introduite plus de deux années après le 7 juillet 2012 ; que surabondamment la cour observe que dans un document intitulé « procès-verbal de constatation de l'achèvement et de mise à disposition d'un logement individuel » en date du 27 juin 2013, signé par la SCCV les Carrés de la Montorière et les consorts Y... et X..., il est indiqué page 3 : « l'acquéreur a versé ce jour à la société venderesse qui le reconnaît la somme de 10 730 EUR, représentant le solde du prix d'achat de l'ouvrage mis à sa disposition. La société venderesse déclare en conséquence que l'acquéreur a satisfait à son obligation de paiement du prix d'achat et lui en donne quittance entière et définitive » ; que dans ces conditions, au regard tant de la prescription acquise, qu'en toute hypothèse du quitus parfaitement clair donné par la venderesse aux consorts Y... et X..., la demande de la SCCV les Carrés de la Montorière ne saurait d'aucune manière prospérer ; que le jugement doit donc être confirmé » (arrêt pages 5 et 6) ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « l'article L.137-2 du code de la consommation dispose que l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans ;
qu'en l'absence de dispositions spéciales relatives à la prescription de l'action des professionnels en matière de crédit immobilier, cet article, qui revêt une portée générale, a donc vocation à s'appliquer ; que le point de départ du délai de prescription biennale se situe au jour où le titulaire du contrat a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent d'exercer l'action concernée ; qu'or, en l'espèce, il ressort des pièces produites aux débats que : - M. Sébastien X... et Mme Sonia Y... se sont engagés à acquérir auprès de la SCCV les Carrés de la Montorière, suivant contrat de réservation en date du 1er février 2012, un duplex jardin moyennant le prix échelonné de 219 600 € TTC ledit contrat prévoyant que la vente est consentie et acceptée « contrat en mains », les frais de notaire étant à la charge du vendeur ; - l'acte authentique de vente du 5 juin 2012 stipule bien que la vente est consentie et acceptée contrat en mains, moyennant le prix ferme et définitif et non révisable TVA incluse de 219 600 € TTC ; - par avenant du 7 juillet 2012, la SCCV les Carrés de la Montorière a établi au profit de M. Sébastien X... et Mme Sonia Y... un avenant de moins-value intitulé « remboursement des frais de notaire de 5 000 € », - le dernier appel de fonds du 27 juin 2013 récapitule bien le montant de la vente et les versements faits ; qu'ainsi, force est de constater, au regard de la chronologie des faits, que la SCCV les Carrés de la Montorière aurait dû avoir connaissance de son erreur dès le 7 juillet 2012, date de l'avenant de moins-value, les pièces postérieures, et notamment le dernier appel de fonds du 27 juin 2013 invoqué par la demanderesse, n'apportant aucun élément complémentaire nouveau sur ce point ; qu'admettre comme le soutient la SCCV les Carrés de la Montorière que le point de départ de son action est la date où elle a demandé les fonds à l'acquéreur (dernier appel de fonds du 27 juin 2013) reviendrait à laisser au créancier la totale maîtrise du point de départ du délai de forclusion, cette facture étant établie par elle unilatéralement à la date que celle-ci souhaite ; qu'aussi, le point de départ du délai de prescription biennale édicté par l'article L.137-2 du code de la consommation se situe à la date du 7 juillet 2012, date où la SCCV les Carrés de la Montorière a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer son action en paiement à l'encontre de son client, de sorte que, en l'absence d'acte interruptif de prescription, ce délai a expiré le 7 juillet 2014 ; qu'or, la SCCV a assigné en paiement devant le juge des référés M. Sébastien X... et Mme Sonia Y... par acte d'huissier en date du 13 avril 2015, soit après l'expiration du délai de prescription biennale ; que son action en paiement engagée à l'encontre de M. Sébastien X... et Mme Sonia Y... est donc forclose et sa demande en paiement doit être déclarée irrecevable » (jugement pages 3 et 4) ;
1°) ALORS QUE à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance ; qu'en jugeant que l'action en paiement du solde du prix était prescrite, pour avoir commencé à courir le 7 juillet 2012, date de l'avenant mentionnant un remboursement des frais de notaire par le vendeur, quand le paiement du prix était échelonné, s'agissant d'une vente en l'état futur d'achèvement, en sorte que le solde du prix n'était exigible qu'à la date du dernier appel de fonds, le 26 juin 2013, la cour d'appel a violé l'article L.137-2, devenu L.218-2, du code de la consommation, ensemble l'article 1601-3 du code civil ;
2°) ALORS QUE le point de départ du délai de prescription biennale prévu par l'article L.137-2, devenu L.218-2, du code de la consommation se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée ; qu'en prenant pour point de départ de la prescription biennale la date du 7 juillet 2012 pour cela qu'entre le 1er février 2012, date du contrat de réservation, et le 7 juillet 2012, date de l'avenant, la SCCV les Carrés de la Montorière disposait de tout le temps nécessaire pour comprendre le sens et la portée juridique de cet avenant et que c'était par l'effet de sa propre erreur qu'elle avait entendu rembourser à M. X... et Mme Y... le 7 juillet 2012 une somme qui normalement devait être retenue lors de la signature de l'acte authentique, quand les faits que devait connaître la société les Carrés de la Montorière pour lui permettre d'agir incluaient le refus opposé par les acquéreurs de régler le solde du prix de vente prévu à l'acte notarié, à l'occasion de l'émission de la facture du 26 juin 2013, la cour d'appel a violé les articles L.137-2, devenu L.218-2, du code de la consommation et 2224 du code civil ;
3°) ALORS QUE l'action des professionnels, pour les biens ou le services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; qu'en déclarant l'action en paiement de la société les Carrés de la Montorière atteinte par la forclusion de l'article L.137-2 du code de la consommation et en déclarant en conséquence irrecevable la demande en paiement formée par cette société à l'encontre de M. X... et Mme Y..., pour cela qu'au regard du quitus parfaitement clair donné par la venderesse à M. X... et Mme Y... sur la facture du 26 juin 2013, sa demande ne pouvait prospérer, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l'article L.137-2, devenu L.218-2, du code de la consommation ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la société les Carrés de la Montorière à payer aux consorts Y... et X... la somme unique de 2 000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « pour avoir poursuivi jusque devant la cour d'appel le règlement d'une somme qui manifestement n'était pas due en raison d'une prescription acquise et en tout cas d'une quittance définitive, la société les Carrés de la Montorière a commis une faute constitutive d'un abus de procédure, dont elle devra réparation aux consorts Y... et X... à hauteur de 2 000 € » (arrêt page 6 § 6) ;
1°) ALORS QUE la contradiction entre chefs de dispositif ouvre la voie de la cassation ; qu'en confirmant le jugement qui avait notamment débouté M. X... et Mme Y... de leur demande en dommages et intérêts pour procédure abusive, tout en ajoutant au jugement confirmé un chef de dispositif portant condamnation de la société les Carrés de la Montorière au paiement, au profit des consorts Y... et X..., de la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la cour d'appel a statué par des chefs de dispositif contradictoires et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le droit d'agir en justice et d'exercer les voies de recours ne dégénère en abus que dans des circonstances particulières sur lesquelles le juge doit spécialement s'expliquer ; qu'en condamnant la société les Carrés de la Montorière au paiement de la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour abus de procédure, pour cela qu'elle avait poursuivi jusque devant la cour d'appel le règlement d'une somme qui manifestement n'était pas due en raison d'une prescription acquise et en tout cas d'une quittance définitive, la cour d'appel n'a pas caractérisé les circonstances de nature à établir un abus du droit d'agir en justice et a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;