LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de Mme Y... et de M. X... ;
Sur le premier moyen, pris en ses troisième à sixième branches, et le second moyen, ci-après annexés :
Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 270 et 271 du code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande de prestation compensatoire de Mme Y..., l'arrêt relève, parmi ses revenus et charges, qu'elle perçoit des prestations familiales d'un montant mensuel de 561,77 euros ;
Qu'en statuant ainsi, alors que ces prestations, destinées à l'entretien des enfants, ne constituent pas des revenus bénéficiant à un époux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de prestation compensatoire de Mme Y..., l'arrêt rendu le 17 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame Y... de sa demande de prestation compensatoire,
AUX MOTIFS QUE :
« Madame B... Y... et Monsieur Z... X... sont tous les deux âgés de 43 ans. Ils se sont mariés le [...]. Ils sont donc mariés depuis plus de 16 ans, étant ici rappelé que l'ordonnance de non-conciliation est intervenue le 22 juillet 2010.
De leur union sont nés trois enfants, respectivement âgés de 16, 14 et 12 ans.
Le couple a fait l'acquisition en 2002 d'un bien immobilier à [...], au prix de 200.000 €, constitué d'un atelier qui a été transformé en gîte, avec une maison d'habitation qui est devenue le domicile familial. Il a également acquis en 2009 un studio à [...] au prix de 70.000 €.
Madame B... Y... exerce des vacations en qualité de professeur. Elle perçoit un salaire mensuel de 1.575,64 €, des prestations sociales pour un montant de 561,77 €, une aide au logement pour un montant de 165,31 € et une aide au retour à l'emploi pour un montant de 257,90 €, soit un revenu mensuel global de 2.560,62 € ;
Outre ses charges courantes, elle assume les dépenses suivantes :
- charges studio : 358,04 €
- prêt studio : 593,29 €
- prêt voiture : 235,31 €
- frais d'orthodontie : 206,50 €
- mutuelle : 122,35 €
outre les dépenses liées aux activités extra scolaires des enfants. À noter que si Madame B... Y... précise l'importance des charges du studio, elle ne donne pas d'indication sur les produits éventuels. Il est en effet permis d'imaginer que le studio de [...] doit être loué puisqu'il n'est occupé par aucun des époux.
Elle occupe le gîte qui lui a été attribué à titre gratuit au titre du devoir de secours.
Madame B... Y... est porteuse de la maladie de sarcoïdose qui est une maladie inflammatoire systémique qui atteint préférentiellement les poumons mais peut atteindre n'importe quel organe.
Madame B... Y... voulait exercer la profession d'avocat. Elle expose n'avoir pu concrétiser son projet, ayant dû suivre son mari qui était muté à [...] en qualité d'enseignant. Par la suite, elle s'est trouvée dans l'incapacité de préparer l'examen d'admission à la profession d'avocat compte tenu des naissances successives de ses trois filles. Après la séparation des époux, Madame B... Y... a repris ses études au [...] mais a dû les interrompre, son mari lui ayant fait savoir qu'il n'entendait plus assurer la garde des enfants.
Monsieur Z... X... était professeur certifié jusqu'à la fin de l'année 2014. Il a demandé sa mise en disponibilité de l'éducation nationale pour créer sa propre activité de photographie avec drones.
Alors que son avis d'imposition 2015 sur les revenus 2014 mentionnait un revenu annuel de 19.659 €, soit 1.638 € par mois, il justifie pour l'année 2015 d'un chiffre d'affaires d'un montant de 14.000 € et d'un montant de 10.500 € de revenu net, soit un revenu mensuel de 875 €.
Madame B... Y... accuse Monsieur Z... X... d'organiser son insolvabilité et fait valoir qu'il aurait pu bénéficier d'une indemnité de départ volontaire d'un montant de 37.680 €. Par ailleurs, tenant compte à la fois des tarifs pratiqués par son mari et de ses clients institutionnels, elle met en doute la modicité du chiffre d'affaires réalisé par son mari.
La cour considère qu'en versant aux débats ses déclarations trimestrielles de chiffre d'affaires pour l'année 2015, Monsieur Z... X... justifie suffisamment de sa situation financière professionnelle et qu'il n'y a pas lieu de lui enjoindre de produite les extraits de l'ensemble des comptes détenus par le couple, comme Madame B... Y... le sollicite.
Monsieur Z... X... admet que son activité doit se développer et un chiffre d'affaires limité à l'issue d'une première année d'exercice n'est pas une chose surprenante.
S'agissant de l'indemnité de départ volontaire de l'éducation nationale, Monsieur Z... X... déclare ne pas l'avoir perçue, expliquant que le décret relatif aux dispositifs indemnitaires d'accompagnement dans la fonction publique a abrogé le versement de cette indemnité pour projet personnel.
Outre ses charges courantes, il règle un loyer mensuel de 200 €.
Madame B... Y... soutient que Monsieur Z... X... vivrait en concubinage, ce qui est contesté par l'intéressé.
En l'absence d'élément de preuve de la réalité de cette situation, il ne saurait être question d'enjointe à Monsieur Z... X... de produire les revenus de sa supposée compagne.
Monsieur Z... X... est suivi médicalement pour une hépatite chronique virale C. Selon ses médecins, il reste exposé à l'évolution de sa maladie et à ses complications.
Au regard de l'ensemble des éléments ci-dessus examinés, la cour considère que la rupture du mariage ne crée pas de disparité dans la situation respective des parties.
C'est à bon droit que le premier juge a débouté Madame B... Y... de sa demande de prestation compensatoire. Cette décision sera confirmée. » ;
1- ALORS QUE les prestations familiales destinées aux enfants ne constituent pas des revenus bénéficiant à un époux ; Qu'en prenant en considération, pour la détermination des ressources de Madame Y..., les prestations sociales qu'elle perçoit à hauteur de 561,77 € par mois, la cour d'appel a violé l'article 271 du code civil ;
2- ALORS QUE le jugement doit être motivé à peine de nullité ; Que des motifs hypothétiques ou dubitatifs ne satisfont pas aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; Qu'en retenant, dans la détermination des ressources de Madame Y..., qu'il est permis d'imaginer que le studio de [...] doit être loué puisqu'il n'est occupé par aucun des époux, la cour d'appel a émis une simple hypothèse ; Que, ce faisant, elle a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3- ALORS QUE Madame Y... soulignait en pages 11 et 13 de ses conclusions d'appel (prod. 2) d'une part qu'elle n'assurait qu'une vacation en qualité de professeur auprès du rectoral et que son contrat devait se terminer en février 2016, et d'autre part qu'à la cessation, après le divorce, du devoir de secours au titre duquel le gîte lui a été attribué à titre gratuit elle sera contrainte d'exposer une dépense supplémentaire, soit par le coût d'un loyer, soit par le remboursement de l'emprunt de la maison constituant le domicile conjugal si elle lui est attribuée ; Qu'en s'abstenant totalement de prendre en considération, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions dont elle était saisie, la cessation du contrat de travail de Madame Y... en février 2016 et la dépense de logement supplémentaire qu'entraînera, après le divorce, la fin de l'attribution du gîte à titre gratuit au titre du devoir de secours, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 271 du code civil ;
3- ALORS QUE, pour déterminer le droit à une prestation compensatoire, les juges du fond doivent notamment prendre en considération les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer, ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, d'une part, et la situation respective des époux en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier, par les circonstances ci-dessus visées, d'autre part ; Qu'en se contentant de relever, sans en tirer la moindre conséquence légale et sans se pencher sur les conséquences de cet état de fait en matière de pensions de retraite, que Madame Y... voulait exercer la profession d'avocat mais n'a pu concrétiser son projet, ayant dû suivre son mari qui était muté à [...] en qualité d'enseignant, puis n'ayant pu préparer l'examen d'admission à la profession d'avocat compte tenu des naissances successives de ses trois enfants, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 271 du code civil ;
4- ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; Que Madame Y... faisait valoir en pages 15 et 16 de ses conclusions d'appel, pièces à l'appui, qu'il appartenait à Monsieur X... de justifier de la faiblesse de ses revenus et surtout de son nouveau choix professionnel puisque, conformément aux règles régissant la fonction publique, il avait la possibilité de cumuler son poste d'enseignant avec une activité accessoire, ou bien de changer de fonction conformément à la loi sur la mobilité des fonctionnaires ; Qu'en énonçant, sans s'expliquer sur les éléments de preuve régulièrement versés aux débats par Madame Y... au soutien de ses prétentions, qu'en versant aux débats ses déclarations trimestrielles de chiffre d'affaires pour l'année 2015, Monsieur X... justifie suffisamment de sa situation financière professionnelle, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5- ALORS QUE la simple affirmation équivaut au défaut de motifs ; Qu'en énonçant, sans viser le moindre élément de preuve, que Monsieur Z... est suivi médicalement pour une hépatite chronique virale C et que, selon ses médecins, il reste exposé à l'évolution de sa maladie et à ses complications, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation et violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE d'avoir, par infirmation du jugement entrepris, fixé la contribution mensuelle de Monsieur X... à l'entretien et l'éducation des trois enfants communs à la somme mensuelle indexée de 75 € par enfant,
AUX MOTIFS QUE :
« Compte tenu de la situation respective des parties telle qu'elle a été examinée et de la modicité des revenus de Monsieur Z... X..., son offre de verser 75 € par mois et par enfant apparaît satisfactoire. Elle sera entérinée. » ;
1- ALORS QUE, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation ne pourra qu'entraîner la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif de l'arrêt attaqué déclarant satisfactoire l'offre de Monsieur X... de verser une contribution mensuelle de 75 € par enfant à l'entretien et l'éducation de ses filles « compte tenu de la situation respective des parties telle qu'elle a été examinée et de la modicité des revenus de Monsieur Z... X... » ;
2- ALORS QUE chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants non seulement à proportion de ses ressources et de celles de l'autre parent, mais également en tenant compte des besoins de l'enfant ; Qu'en ramenant à la somme mensuelle de 75 € par enfant la contribution de Monsieur X... à leur entretien et leur éducation au seul motif que, compte tenu de la situation respective des parties telle qu'elle a été examinée et de la modicité des revenus de Monsieur X..., son offre de verser cette somme apparaît satisfactoire et sera entérinée, sans jamais s'interroger sur les besoins spécifiques des enfants ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions de Madame Y... (prod. 2 p. 13 et 14 notamment), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 371-2 du code civil.